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A la casse

Quelques motos rafistolées sont à vendre : je voudrais adopter celle-ci.

J’aime bien les casses. Elles mélangent le pathétique et le potentiel. Quelques motos rafistolées sont à vendre : je voudrais adopter celle-ci.

A la casse (c) photo : Pamela Marie
A la casse (c) photo : Pamela Marie

Du bout du pied, je déterre un bout de plastique pris dans la boue huileuse de la cour. Neuf, peut-être que ça vaut des sous ? Maintenant ça ne vaut rien. Pire encore : c’est un déchet polluant dont personne ne sait quoi faire ni comment éliminer. Tu imagines la tête des Parisiens si on déversait tous les jours leurs rebuts de plastique Place de la Concorde ?

J’apprécie le coin où sont rangés les flancs de carénage, classés approximativement par constructeur. Aucun gris, aucun rouge, aucun bleu ne se ressemble. Les noms des motos sont tracés au stylo à peinture blanc ou jaune. Quand quelqu’un y trifouille, j’entends le claquement du plastique et le raclement des plots de fixation, un peu comme chez le disquaire quand on cherche un titre dans un bac de 33 tours.

Les moteurs sont posés ou sanglés sur des palettes crasseuses vaguement protégées par des bouts de carton. Ici, tout est gris, noir et sale. L’odeur d’essence flotte dans l’air -l’huile ne sent presque rien. Certains blocs sont ouverts, avec la culasse posée à côté. Juste à côté, les lignes d’échappement sont pendues au mur. Les silencieux sont rangés dans des caisses en bois, comme des feux d’artifice. Le patron râle d’ailleurs à propos des nouveaux échappements, difficiles à ranger -dans une casse, tout est question de rangement ; une pièce mal rangée est une pièce perdue.

Je n’aime pas la remise où sont entreposés les faisceaux électriques. Ils sont pendus par des pinces à des barres métalliques qui courent près du plafond. On dirait des cadavres de serpents desséchés.

Les pièces précieuses ou qui se volent facilement sont plus près de la caisse : compteurs, injecteurs, étriers et maîtres-cylindres de frein, leviers, badges de marques. Dans des boîtes plus petites s’alignent des amortisseurs.

C’est là aussi que sont rangées les fourches -enfin celles qui ont survécu. Les fourches, les phares et les têtes de carénage. J’essaye de me souvenir de quel modèle les éclairages proviennent : certains sont faciles, d’autres moins. Sans tricher : les noms sont écrits à même l’optique.

Dans la cour d’entrée, de part et d’autre de la large allée centrale –il faut laisser de la place pour le camion-benne– sont alignées les motos à vendre. Bandit 600 et 1200, VFR, SV, Fazer, Hornet, ER-6, Z750 et 800, Deauville, XJ : les suspects habituels. La Guzzi Stelvio ? C’est celle du patron.

Puis il y a le coin qui fait mal au coeur : les motos qui viennent de rentrer et qui attendent d’être démontées. Certaines sont salement broyées, d’autres étrangement intactes. Comme cette ZR7 à la jolie peinture « perso » bleu et blanc. À première vue, elle est nickel. Pas de mare d’huile sous le moteur, pas de trace de chute, les pneus sont encore gonflés, le kit-chaîne d'apparence correcte. Que faudrait-il pour sauver celle-là ?

Parfois, il s’agit juste d’une pièce ou d’un composant -un CDI avec un condensateur fatigué, un injecteur qui a pris l’eau ou la poussière, un réservoir mal verni qui rouille… il ne faut pas grand-chose pour les faire repartir pour un tour.

Quelle étrange société, où jeter du pas-si-vieux pour acheter du neuf est valorisé à grands coups de pub. Un capteur cramé ? Poubelle. Une distribution qui claque un peu ? Poubelle. Des roulements de partie-cycle grippés ? Broyeuse. Un court-jus dans le tableau de bord ? Pareil. Je ne t'apprends rien, là.

Je me dis que sauver une moto de la casse serait une bonne action. Au bouclard, j'ai tout pour travailler dessus : des gens qui se débrouillent en mécanique et des outils comme des arrache-volants ou des extracteurs de roulements pour les opérations un peu spéciales.

Certains tondent leur pelouse. D'autres se mettent à l'aquarelle. Moi, je pourrais remonter une moto provenant d'une casse.

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Commentaires

XM

eh oui, il y a ceux qui aiment rouler et ceux qui aiment tripatouiller. vu que c'est rarement les mêmes, le vrai progrès c'est de les mettre en contact.
j'avoue que quand j'ai largement passé les 100000km avec un brêlon, déjà changé pas mal de roulements, disques de freins, etc et que tu vois que le moteur chauffe de plus en plus, que la selle se décolle, que les optiques de phare se ternissent, ... la tentation de passer à autre chose est de plus en plus forte

17-11-2020 07:47 
tom4

quand je passais mes samedis à bricoler le 400 au garage asso, on passait souvent dans les casses environnantes pour trouver de la pièce.
y'avait des casses mieux rangées que d'autre quand même :)


tom4

17-11-2020 08:05 
Picabia

Il faudrait pour cela des garages associatifs, hélas trop peu nombreux.
Le seul problème vient du cadre qui doit parfois repasser au marbre.
Mais combien de motards aiment encore mettre les mains dans le cambouis?
C'est aussi parfois une longue aventure et certains jettent l'éponge avant.

17-11-2020 11:18 
Bee Loo

J'aime bien la photo, ses couleurs.
En revanche "Aucun gris, aucun rouge, aucun bleu ne se ressemble" c'est une faute de français !

17-11-2020 13:43 
KPOK

oui, mais j'aime bien comme elle fait sursauter

17-11-2020 13:52 
big fish

j'ai monté ma casse moto, dans les années 90. avant le blocage des cartes grises par les experts. je sais plus comment ils disent..srv....suv...bref. a l'époque on pouvait remonter un cube a la "césar" sans repasser par la case expert. on recyclait beaucoup, motos et piéces, pas d'injection, peu d'électronique, donc plus facile a réparer. je passais les bécanes au marbre ( que j'avais acheté a "pic puces motos " (orthographe incertaine). ça marchait très bien, surtout les scooters, booster et peugeot, trés peu chères en piéces carrosseries, kits grossiste...j'ai même monté une affaire de loc de 2 roues avec mes "épaves" ! le stockage des pièces est trés difficile, stock dormant, valeur de la ferraille pour minimiser les impôts ! j'ai vendu en moins d'un mois, j'en garde un très bon souvenir. par contre aujourd'hui je ne recommencerai pas, trop compliqué !

17-11-2020 15:29 
Bee Loo

Kpok je ne pense pas que ça fasse sursauter grand monde ...

18-11-2020 11:25 
KPOK

pourtant, j'étais super fier de ma phrase au bord des larmes

18-11-2020 16:50 
ganymède

Et tu peux l'être de tout ton texte aussi, comme d'habitude!

19-11-2020 08:35 
 

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