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Allez viens, on parle de moi

L'une des grandes impostures de la presse moto, c'est qu'elle ne parle jamais de motos

L'une des grandes impostures de la presse moto, c'est qu'elle ne parle jamais de motos. Ce qui pose d'énormes problèmes aux journalistes, puisque c'est leur gagne-pain.

Allez viens, on parle de moi (c) photo : Sahin Sezer Dinçer
Allez viens, on parle de moi (c) photo : Sahin Sezer Dinçer

Brice de Nice ne m'a pas fait rire : peu ont vu son côté tragique. Sans le savoir, en une phrase, Dujardin y résume la profession de journaliste de presse moto : "viens, on parle de moi". Collectivement, dans nos essais et comparatifs, nous ne faisons que parler de nous et pas du tout des motos sur lesquelles nous roulons. En tapant au marteau sur le petit orteil du BHL nain qui sommeille en moi pour le faire braire, je dirais même qu'il est impossible d'écrire sur les motos. Nous parlons seulement de nous.

La démonstration est triviale : imagine l'essai de la CBR 1000 Rrrr(etc) par KPOK et non plus par Zeff. Moi qui regarde d'un air de résignation consternée la fiche technique des trois quarts de la production actuelle. Tu vois la gueule de cette vidéo commentée par un gars qui rêve de routes vides pour pouvoir apprécier comme il se doit les 9 chevaux d'un Honda Cub, c'est à dire à un petit 70 compteur, à mi-régime sur le 4e et dernier rapport ? Direct, Honda envoie Vladimir et Boris à la rédac' du Repaire pour nous faire part de leur avis sur notre humour à l'aide d'objets pointus et très chauds.

Ce que tu lis dans la presse ne sont pas des essais : c'est David, Zeff, Alan, Damien et les autres qui… parlent d'eux. Seulement d'eux. Tout le temps. Moi c'est encore pire puisque depuis 18 mois j'arrive à te refiler l'essai de la même moto, semaine après semaine -genre de performance.

Heureusement que toi, lecteur, es très doué pour entretenir tes illusions : à la lecture, on s'y croirait presque, hein ? Et quand tu ne t'y crois pas, l'essai est "mauvais", non ? Toi, pas plus que nous, n'a envie de se rappeler que nous vivons tous enfermés à vie derrière un centimètre infranchissable de calcium. Alors on se fabrique des vaisseaux spatiaux avec le carton d'emballage de l'aspirateur et des motos sur papier ou sur écran en faisant "vroum-vroum" dans la tête.

Et heureusement pour nous, journalistes : sans ton imagination, nous aurions bien du mal à justifier notre utilité au sein de la société et l'insensé privilège de payer la CSG. Tiens ! Ça n'a rien à faire là, mais puisqu'on parle de CSG ça m'a fait rigoler : les panneaux lumineux sur autoroute affichent ces jours-ci le merveilleux message : "Covid 19 : faites attention à vos proches" ; je me disais : "enlève le "r" pour t'approcher de la réalité". Hu hu. Plom-plom…

On parlait de quoi, déjà ? Ah, oui ! De condition humaine et du volet philosophique de Brice de Nice.

Tout ça pour dire qu'en ce moment, j'aimerais bien me retrouver vers 11 heures du soir sur la terrasse d'un chalet de montagne où il ferait assez frais pour justifier un feu de camp. On aurait mis les chaises en rond -on en aurait laissé deux vides pour Fred Tran Duc et Bertrand Sébileau, à tout hasard. On serait une douzaine de vieux schnoques de la presse moto. Comme toujours dans ces veillées, il y en aurait eu un pour pousser un soupir à un moment, quand on serait fatigués de rigoler comme des baleines en se rappelant tel épisode drolatique.

Il y en aurait un pour pousser un soupir, donc : grogner et faire "ouais… quand même, à quoi ça tient, tout ça". Et vlan ! On prendrait tous un grand coup de nostalgie à la base du crâne en repensant à tous ces kilomètres à parler de nous, sur des bécanes, à l'autre bout du monde ou au coin de la rue. Toutes ces motos pour essayer de faire rêver le lecteur, de lui dire cet enchaînement de virages proprement sublimes, cette immonde galère de nuit sous la flotte, ce moment à part où sur le cuir du mec de devant, il y a marqué Spencer, ou Doohan, ou plus modestement Toniutti.

Tiens ! Là encore, je te parle de moi. Et une fois de plus, tu t'es fait avoir. Mouarf !

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Attention Kronik ! 100% mauvaise foi ! Ceci n'est pas un article ni une brève (voir historique si nécessaire). L'abus de kronik peut être dangereux pour la santé de certains. Ne pas abuser.

Commentaires

XM

pas grave, ça permet de se sentir moins seul.

16-06-2020 07:28 
tom4

faut reconnaitre que les soirées assis en rond sur une terrasse dans un coin paumé à re-re-re-re-raconter les anecdotes du passé motocycliste sont quand même les meilleurs


tom4, tiens, tu te rappelles, quand on a sorti ta moto qui étais à l'envers dans le fossé, on avait bien rigolé quand même

16-06-2020 08:33 
fift

C'est marrant comme on rigole toujours plus quand on le raconte que sur le moment ange.

16-06-2020 08:48 
tom4

ouaip :)


tom4, je dois avoir une photo qui traine

16-06-2020 09:19 
KPOK

il doit y avoir une leçon de vie là derrière, ptète même avec un bouquin à écrire, un truc à vendre à ces magazines qui disent du bien du jus de carotte en bouteille

16-06-2020 09:45 
Petit d'homme !

C'est pas faux.
C'est aussi l'intérêt des comparo où les journalistes donnent un avis avec les explications de cet avis sur les points positifs et négatifs (qui sont souvent subjectifs).
Jolie chronique

16-06-2020 10:52 
Picabia

Parler d'une moto c'est aussi parler de soi, de son ressenti sinon on lit la fiche technique, ce que je fais aussi. La puissance, le couple, la vitesse sont des données concrètes mais ne remplacent pas le vécu. Il y a des jours où je me connecte directement avec les éléments, d'autres pas du tout. Flûte, voila que je parle de moi, c'est grave docteur?

16-06-2020 11:15 
Godzilla

Citation
fift
C'est marrant comme on rigole toujours plus quand on le raconte que sur le moment ange.



Y'a quand même des fois ou tu te dis "on ne va jamais me croire si je raconte comment ça s'est vraiment passé".

16-06-2020 11:20 
Godzilla

Mais quand même, je lis sereinement une Kronik comme la plupart des autres, mais voilà, il réussit à ma scotcher, paf, sans prévenir : Une chaise vide pour Tran Duc et une autre pour Sebileau, "à tout hasard".

Joli.

16-06-2020 11:22 
Nounours48

"Tout ça pour dire qu'en ce moment, j'aimerais bien me retrouver vers 11 heures du soir sur la terrasse d'un chalet de montagne où il ferait assez frais pour justifier un feu de camp. On aurait mis les chaises en rond -on en aurait laissé deux vides pour Fred Tran Duc et Bertrand Sébileau, à tout hasard. On serait une douzaine de vieux schnoques"

Il se pourrait qu'un groupe de motards rencontrés sur ce forum se soit mis à faire ça chaque année ... Et putain que c'est bon !

16-06-2020 12:34 
tom4

Citation
Godzilla




Y'a quand même des fois ou tu te dis "on ne va jamais me croire si je raconte comment ça s'est vraiment passé".

perso, même mon pote qui me suivait n'en a pas cru ses yeux.

tom4

16-06-2020 12:46 
phil.fcpt

Quand même, évoquer Fred et Bertrand, ça file un gros coup de bambou derrière la tête ...
ça me remet en mémoire les Tortues, les Marmottes, les Sangliers, bref, de l'ancien temps.

Et oui, on vieillit triste

16-06-2020 14:44 
big fish

quand j'étais en métro, avec mon frère et mon cousin, on sortait a bécane, c'était a qui aller se foutre de l'autre ! on s'éclatait ! évidement le meilleur c'était moi ! ça me manque !
durant le confinement j'ai retrouvé un vieux pote qui vit en Martinique, pas loin de la Guyane, mais pas a coté non plus ( tous retraité !)
on a échangé un tas de souvenirs par mail, un vrai recueil de connerie et de rires. de super moments qui ont donné la banane !
plus de 50 ans de souvenirs, a moto, en bateau, en famille, de tout un peu !

16-06-2020 19:02 
 

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dafy