english

La Chronique de Koud'pied o'Kick

Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

La KronikKroniK d'octobre

Extension du domaine de la vidange
ou les Aventure de Fiermécano au Pays du Doute

Forcément. Ca devait arriver. Feignant comme je suis, je refile Virgule, ma motokitracte à un petit bouclard pas loin de chez moi pour qu'il me fasse une vidange et vérifie le jeu aux soupapes. Dans un coin du hangar, la vue d'un autre gromono en cours de remontage m'avait rassuré.

Monumentale erreur. Non seulement ça ma coûté la peau du hulk, mais en plus, le lendemain en voulant démarrer ma machine, j'ai eu tout les peines du monde à lui faire tenir un régime correct même starter tiré à fond. Pour les mauvaises langues, rassurez-vous, j'arrive encore à faire la différence même quand je ne suis pas réveillé entre la tirette de starter et le levier d'embrayage, merci.

Deux tours de vis de ralenti, la situation se stabilise plutôt mal que bien à froid. Pendant les 3-4 premiers kilomètres elle menace de caler à tous les feux rouges. Je suis obligé de maintenir un filet de gaz, opération évidemment facile à réaliser quand tu manipules le frein avant entre les caisses (je constate au passage que les ennuis mécaniques développent la polyvalence et l'agilité manuelle du Motardus Simplex, capable de serrer un levier de frein à deux doigts tandis que les deux autres maintiennent la poignée de gaz légèrement ouverte). A chaud, en revanche, mon moteur hurle à au moins 2500 tours. Ya comme un os, moi j'dis.

Gratt gratt gratt. Il m'aurait pas bidouillé la carburation, le monsieur ? RMT, blabla, carburation... synchro. Eh ouais, fallait s'y attendre, la vis de richesse est placée en position verticale sous le carburateur, lui-même dissimulé derrière le robinet d'essence et à moitié masqué par le démarreur, tout à côté du reniflard. Facile. Si vous connaissez un ingénieur Mikuni dans votre entourage, filez-moi son adresse que j'aille lui expliquer ma manière de voir les choses. Promis, il ne souffrira pas trop longtemps.

Evidemment, impossible de dégotter rapidement un tournevis coudé dans mon bled. On attaque donc la vis de richesse avec les moyens du bord, c'est à dire un embout de tournevis et deux doigts glissés péniblement au milieu de cette forêt de caoutchouc et de ferraille. Pratique. Comme un âne, je me met dans la tête qu'il faut fermer la vis. Huitième de tour par huitième de tour, je tâtonne. En sautant épisodiquement sur la poignée de gaz pour éviter que le moteur ne cale. Bien sûr, je fais ça à froid (rigolez pas, zut, quoi !), et forcément ça a tendance à s'améliorer au fur et à mesure que le moteur monte en température. Donc je m'estime satisfait, jusqu'au lendemain matin où là, malgré mes tentatives, le moteur refuse même de tousser. Redévissage de la vis de richesse. Tousse, tousse, démarre. Même motif, même sanction : c'est l'horreur.

Gratt gratt gratt. Le jeu aux soupapes y serait-il pour quelque chose ? Un complice poste quelques questions sur plusieurs forums... pas de réponses. Donc je me fends d'un jeu de cales, d'une douille de 27 sous-taïwanaise et de sa clef à cliquet en métal à ferrer les chevaux (cette précision aura son importance le moment venu, bien sûr).

Difficile de bricoler en plein Paris, d'autant que les perdreaux du coin m'ont déjà repéré les fois où j'ai bricolé sur la SV puis sur Tondeuze (la 2eme fois, il a fallu que je leur explique que l'on ne pouvait pas voler une moto quand on est simplement équipé d'un chiffon sale et d'une bombe de WD40). Donc je pars squatter la propriété familiale un week-end, à 250 bornes de Paris. Règle de base de Fiermécano : toujours amasser un maximum de bornes quand on sait que sa machine tourne mal. Et quand on arrive sur place, s'apercevoir qu'on a laissé traîner la clef Allen de 10 nécessaire au démontage du cache embout de vilebrequin sur la table de la cuisine à Paris, de préférence quand les magasins de bricolage vont fermer dans le quart d'heure qui suit. Aller-retour gratos.

700 bornes plus loin et sept jours plus tard, me voici donc à pied d'oeuvre, avec tout le matériel nécessaire. Fiermécano, pour ne pas déroger, commence à s'inquiéter du démontage vers 18 heures. Bien évidemment, il pleut, donc retraite sous le hangar, mal éclairé et au sol de terre battue. Bref, les conditions idéales pour bricoler sur des pièces de précision allergique aux réglages approximatifs et au sable.

La dépose de la selle et du réservoir ne pose pas plus de soucis que ça. Les choses se compliquent lors du démontage des bouchons de culasse. Sans doute motivé, le précédent mécano a tout serré avec énergie. Les trois premiers bouchons tombent après avoir opposé une forte résistance (bilan : une phalange écrasée contre le moteur). Le 4e, situé au-dessus de la soupape d'échappement droite, refuse de céder aux arguments. La douille ripe une ou deux fois, et marque évidemment l'alu de l'empreinte. Toujours maître de lui malgré les circonstances, Fiermécano décide de faire entendre raison au récalcitrant à coups de latte. Là, c'est son groupe de pression, en la personne de la clef à cliquet sous-taïwanaise, qui décide de démissionner. Dans un claquement, elle cède à la pression panardesque, et vient se rabattre contre le cadre, où Fiermécano avait laissé traîner bêtement un ou deux doigts. Un grand hurlement déchire le silence du soir qui tombe (de plus en plus).

En suçotant ses doigts endoloris, Fiermécano fait le point. Par acquis de conscience, il inspecte son groupe de pression et laisse de côté sa rancune quand il s'aperçoit que dans une certaine orientation, le blocage à l'air de toujours opérer. Reprenant son courage à deux mains, Fiermécano retente l'expérience, non sans avoir cette fois-ci pris la précaution d'emmitoufler le reste de ses doigts valides dans un chiffon. Clac ! fait cette fois-ci le bouchon de culasse. Un grand cri de victoire déchire le silence de la vallée pour signaler la capitulation de Koupleudeu Sèraj', mortel ennemi de Fiermécano. 19 heures sonnent au clocher.

Moralité : bossez avec de bons outils, vous ferez des économies de phalange.

Comme Fiermécano n'a pas oublié sa RMT, il consulte la rubrique « Réglage du jeu aux soupapes ». Il y est dit qu'après avoir déposé les bouchons sur le carter d'allumage, il est nécessaire de faire coïncider le repère « T » du volant avec l'encoche sur le carter. Soit. Un tour, deux tours, trois tours... où sont passés ces foutus repères ? Impossible de les distinguer. Et puis, à un moment, Fiermécano se penche un peu plus, et découvre les fameux repères : comme il travaille avec la moto sur la latérale, il faut bien se pencher pour les voir étant donné qu'ils sont frappés à la périphérie du volant.

Une fois les repères trouvés, un grand doute l'assaille. De repère « T », point. Un premier repère, un autre repère double, un troisième avec un signe mystérieux, rien de plus. Fiermécano, après avoir mis en route le lobe frontal gauche de ce qui lui sert de cervelle, avise que le signe mystérieux n'est autre qu'un « T » basculé sur le flanc. Il s'empresse d'attribuer un mauvais point à la RMT qui lui a fait perdre 10 minutes de jour.

C'est là que la Quête du PMH Fin de Compression commence. Pour les pas doués, le PMH FdC c'est le moment où le truc qui bouge il est bien positionné pour faire le jeu aux soupapes que quand c'est fait comme il faut, c'est là, en fait... A ce moment précis, dixit la Sainte RMT, « les axes de culbuteurs peuvent remuer librement sur leurs axes » (in RMT n°71, p.77). Or, le PMH FdC n'est atteint qu'un tour sur deux (logique sur un quatre temps). Il est donc vital de le repérer. Fiermécano atteint le repère T. Pas de bougeance de culbuteurs. Un tour de plus. Culbuteur rester fixe. Encore un tour. Culbuteur bouge pu non pu. Quatrième tour. Culbuteur y'en a pas bouger. Cinquième tour... devinez quoi ? Culbuteur y'en a rien avoir à battre de ces histoire de remuage libre. Diantre. Fiermécano refait tours et tours et tours, cherche et feuillette RMT en quête du Mystère.

Gratt gratt gratt (longtemps). Muni de cales d'épaisseur, Fiermécano teste successivement toutes les soupapes, tour après tour, cherche avant ou après le repère T. 0,10 mm ne passe pas. 0,05 non plus. 0,04 se tord à force d'essayer. Gratt gratt gratt -encore. Fiermécano va-t-il prendre des risques ? 19 heures 30. Fiermécano sèche. C'est d'autant plus bête qu'il pleut.

Tout le problème est là : pour régler les soupapes, il faut absolument repérer le PMH FdC, sinon on fait n'importe quoi. Comme rien ne bouge, impossible de savoir où en est le cycle moteur, donc impossible de régler. C'est à cet instant que Fiermécano a touché le fond de l'abîme de l'incertitude du doute profond du mécano pas totalement novice qui sait qu'il y a baleine sous gravier. Ou bien Fiermécano a régressé de plusieurs crans dans l'échelle de l'évolution des espèces au point d'afficher le QI d'une amibe, ou bien... ou bien le précédent mécano a tout serré comme une brute. Sinistre prédiction de la Sainte RMT : « un jeu inférieur peut empêcher la soupape de se refermer totalement ». Images de soupapes fondues, de culasse fêlées, de tulipes de soupape consciencieusement martelées, forcément à haut régime, par un piston plein d'entrain enthousiasmé par son nouveau rôle de marteau à soupapes sur l'enclume de la culasse. Gloups.

C'est à ce moment-là que Fiermécano s'est révélé dans tout sa grandeur d'âme et son courage légendaire. Ni une ni deux, il se jette sur le linguet de soupape d'admission gauche, en dévisse le contre-écrou, et libère soeur soupape de la contrainte. Clic clic fait le linguet. Dans les brumeux souvenirs de Fiermécano, le bruit lui rappelle celui qu'il a déjà entendu sur la culasse de sa première moto, Petit Tonnerre, entretenue à l'époque par un vrai mécano. Fiermécano décide donc de partir de là, et de faire son jeu sur cette base. Cale de 0,10 sélectionnée, il tâtonne à la main pour sentir le moment précis où, selon la RMT, « la cale passe avec un très léger serrage ». Un libellé propre à déclencher bien des interprétations, et susciter bien des controverses sauce point d'interrogation. Le resserrage du contre-écrou fausse bien évidemment le jeu, et Fiermécano doit se mettre en quête d'un vrai tournevis en place de l'embryon d'embout bien trop court censé en jouer le rôle. Enfin ! tout semble bien réglé.

Touché par la Grâce Mécanique, Fiermécano prend alors une judicieuse décision : faire faire au vilebrequin un ou deux tours de plus pour voir, des fois que... Comme il a bien fait ! Au 1er tour, le culbuteur « réglé » a pris nettement plus de jeu. Le PMH FdC est donc là ! Nouveau réglage. On passe à la soupape d'échappement gauche. Puis à l'admission droite. Evidemment, le serrage du contre-écrou fausse toujours un peu la mesure, malgré l'emploi du tournevis adéquat. Cette saleté de RMT se borne à indiquer « rebloquer correctement mais sans exagération le contre-écrou ». Ca veut dire quoi, « sans exagération » ? Ch'te jure...

Arrive alors la 4e soupape, au bouchon récalcitrant. Elle a droit à un traitement spécial, étant affublée à la fois du système de décompression automatique et du système anti-retour. Pour pouvoir la régler il est nécessaire de dépasser « légèrement » le repère « T ». Ouais, avec ça, Fiermécano est pas très avancé. C'est quoi « légèrement » ? Fiermécano donne donc un léger coup de clef au vilebrequin, au pif. Comme de toute façon il fait presque nuit et qu'il n'a pas de lampe de poche, il est incapable de vérifier la position du repère. Le réglage de la soupape sus-mentionnée se fera en jouant avec les reflets du ciel encore clair sur le film d'huile déposé sur les pièces mécaniques pour distinguer l'écrou de blocage de la vis de réglage. Fiermécano en profite au passage pour ajouter une ligne à son CV déjà fourni : « nyctalope » fera donc partie de ses qualités additionnelles (et si vous savez pas seuksa veut dire, allez jeter un oeil dans le dico, tas de feignasses !).

Quand on l'appelle pour dîner, Fiermécano est en train de reposer le réservoir d'essence à l'aveuglette, en essayant malgré son poids (le plein est fait, évidemment) de ne pas faire passer n'importe où le câble de starter sans pour autant arracher le robinet d'essence. Durit d'essence rebranchée. Contact. Starter. Vroum ! Le moteur part du premier coup, sans hoqueter, prend beaucoup de tours, et je saute donc sur le starter pour ramener tout ça à un niveau acceptable. Ca tourne rond. Ca ne cliquette pas... Victoire !

De son expérience, Fiermécano retient plusieurs leçons :

  • Bouge ton hulk, on est jamais aussi bien servi que par soi-même
  • Pour des opérations simples, se fendre d'une (bonne) douille de 27 et d'un jeu de cales évite bien des désagréments, et le paiement d'une facture imméritée.
  • Avant de faire des bêtises avec tes doigts, réfléchis avec ta tête
  • Avant de faire des bêtises avec ta tête, demande à ceux qui savent -vraiment.
  • Une fois la période de garantie échue, faire l'entretien courant soi-même permet de faire des économies, outre la mâle fierté qu'on ressent à la suite d'un réglage aux petits oignons, même foireux.

Moralité, le prochain meccano qu'elle verra quand elle commencera à bouffer de l'huile (segmentation, soupapes, distrib ?) sera dûment estampillé Honda, et je passerai derrière lui pour vérifier. Toc.

Koud'pied o'Kick, - le 28 septembre 2003

Réagissez à la kronik sur le forum motobrev'

Attention Kronik ! 100% mauvaise foi ! Ceci n'est pas un article ni une brève (voir historique si nécessaire). L'abus de kronik peut être dangereux pour la santé de certains. Ne pas abuser.