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La Chronique de Koud'pied o'Kick

Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

La KronikKroniK de novembre

Scoobites, je vous hais !

La Kronik vue par Sato

Lundi matin, 8h45.

J'ai rendez-vous avec un type qui doit m'expliquer comment un machin qu'il a inventé va révolutionner je ne sais plus trop quel pan de l'économie. Je démarre Virgule et m'équipe.

Je stationne d'habitude sur le trottoir, à quelques mètres en aval d'un feu rouge. Pour m'engager, j'attends évidemment que le feu soit rouge ou qu'il n'y ait personne. Là, le feu est rouge, donc pas de souc... Vraaaap ! Un Majesty 125 me passe au ras des moustaches : il a grillé le feu, pourtant bien mûr. Au bout de la rue, un autre feu rouge. Le scoobite devant moi passe au ralenti entre les voitures à l'arrêt et celles stationnées sur le côté gauche de la rue (là où c'est interdit). On arrive au pied du feu. A 3 à l'heure, il continue d'avancer, jette un oeil dans la rue à droite, et passe. Bon... Voyons la suite... La rue fait un coude, aussi je le perds de vue. 300 mètres plus loin, un autre feu. Comme d'hab', un camion de livraison occupe une des files. Ça bouchonne un poil mais rien de grave. Malgré son avance, le scoobite de tout à l'heure est planté derrière une caisse. Apparemment très pressé, il décide de prendre l'option trottoir. Petit précision : on longe une résidence assez grande à 300 mètres d'une école. Moi je ne dépasserais pas le 5 à l'heure dans ces conditions, mais lui met gaz. Pourtant le trottoir n'est pas bien large. Pendant qu'il manoeuvrait pour monter sur le trottoir, ça s'est débloqué devant. Je continue normalement le long de la rue. Nouveau feu rouge. Rebelote. Le scoobite jette un oeil... et passe. Il tourne à droite. Le feu passe au vert, et moi aussi je tourne à droite pour rejoindre le Périphe. Le dédale de rue que l'on emprunte ensuite est assez piégeur : revêtement pas top, voitures stationnées en double file, visibilité pas terrible. 50 maxi. On débouche sur une contre-allée parallèle au Périphe, au pavage défoncé. S'il y a de la place pour deux files, les voitures circulent généralement sur une seule, toujours à cause des caisses stationnées à gauche. En passant sous le pont des voies de chemin de fer, non seulement on n'y voit rien, mais en plus les bas-côtés sont pleins de débris divers. Je continue à pédaler entre le trottoir et les voitures. Décidément, mon guidon est trop large, mais heureusement il passe au-dessus des rétros. On arrive au double feu avant l'entrée sur le Périphe. Evidemment, il grille le premier. Les risques ne sont pas énormes : il commande l'alternance entre ceux qui sortent du Périphe à Porte d'Asnières et ce qui vont y entrer. Devant, c'est la pagaille habituelle, notamment à cause des bus qui coupent le carrefour pour prendre le boulevard du Fort de Vaux. Le feu est rouge pour nous, et ça n'avance pas des masses. Le Majesty néglige royalement le 2e feu, et fait une boucle à droite pour s'engager sur la rampe. C'est là que je l'ai perdu définitivement de vue.

Mardi soir.

20H30. Je démarre Virgule. Objectif : le vidéo club avant de filer chez ma chère et tendre à Belleville.

Au lieu de prendre à droite pour filer vers le Périphe, je prends à gauche. Inconscient comme je suis, je démarre au feu vert. Comme il fallait s'y attendre, le scoobite (un Leonardo) qui patientait au feu rouge à ma gauche, à cheval sur le passage piéton, n'attendait que mon passage pour brûler le feu. Je décide de l'emmerder un peu en prenant un virage assez rond, en terminant au milieu de la rue, presque sur les traitillés. Devant moi, une Clio blanche se traîne. Coup d'oeil dans les rétros, le Leonardo est dans mes 7 heures. Clicos. Je double. Heureusement, je ne me suis pas trop décalé, parce que le scoobite décide lui aussi de doubler en même temps que moi. Ca va être chaud, parce qu'un camion se pointe en sens inverse. Moi ça passe sans problème, mais lui est obligé de freiner pour se rabattre. Feu rouge. Je me dis que ce coup-ci, je vais lui en toucher deux mots. Peine perdue. Coup d'oeil à droite (c'est une rue à sens unique qui coupe la rue sur laquelle on est), et il grille le feu. Grrr... Je l'aurai rue Jean Jaurès. C'est une trois voies, il ne pourra pas passer. C'était sans compter la mauvaise synchro des feux. Lui passera à l'orange bien mûr, et moi je resterai bloqué. Je l'ai suivi un moment des yeux, et à mon avis ce ne sont pas les feux de la rue Martre qui ont dû l'arrêter.

Mardi soir, 21h15.

DVD en poche, je descends la rue de Belleville. Je la trouve dangereuse, avec ses brusques rétrécissements à cause des voitures stationnées n'importe où et son revêtement marqué de longues balafres longitudinales, assez large et profondes, qu'il faut éviter à tout prix. Croisement Belleville - Bolivar. Feu vert. Je démarre. Vraaapp ! Ce coup-ci c'est un Gilera VR arrivant de la rue des Pyrénées qui me passe devant à un bon 50 à l'heure et enquille le bas de la rue de Belleville. Décidément, c'est la soirée ! Sans gants, avec un jet posé délicatement sur la nuque, il tire des bords sur la largeur de la rue. A vouloir le suivre, je me retrouve vite à 60. Je coupe. On se retrouvera au feu rouge en bas. Comme ils font des travaux au croisement Belleville - Villette, c'est encore plus le bazar que d'habitude. Et avec un peu de bol, yaura les flics. Je pourrai alors lui demander pourquoi il ne le grille pas, ce feu-là. Manque de bol, ya pas les flics. Bloqué par une camionnette, je le vois enquiller le Faubourg du Temple.

Coups de latte

C'est bien le genre de comportement qui a l'art de me mettre hors de moi. Et le code de la route n'a rien à voir là dedans. Ces gugusses, par leur attitude, bafouent un certain nombre de règles de base de la vie en société. Si tout le monde faisait comme eux, j'ose à peine imaginer le borde... sur les routes. C'est sans doute mal tombé, mais comme par hasard, c'était trois scoobites 125, donc théoriquement conduits par des types qui ont passé un permis un jour. Et les deux premiers n'étaient pas conduits par des djeunz de 18 balais, loin de là. Ça sentait la vingtaine bien entamée. Les roues de 13 pouces donnent des droits particuliers ? Le tout-plastique donne des ailes ? La transmission automatique, ça rend invulnérable ? Ce n'est pas possible, ces mecs n'ont jamais tâté du bitume pour conduire comme ça ! Ce genre de trucs, ça me donne des envies de coup de latte pour vérifier en live si la stabilité des scoobites a progressé comme on le dit.

Et en même temps, ya suffisamment du Justiciers de la Route™ pour ne pas en rajouter. Après tout, ces types roulent comme ils le sentent. Pas la peine de tenter le diable pour une infraction finalement bénigne en cherchant à les rattraper. Et comme je suis taillé dans un demi coton-tige, à part lui jeter sauvagement des noms d'oiseau à la tête, je ne vois pas bien ce que je pourrais faire. Même en gueulant ma race, je vais me heurter à un mur de bonne grosse mauvaise foi à l'épreuve du nucléaire, à base de « yavait personne » et de « chfèsskeujveu ». Donc inutile de se mettre la rate au court-bouillon. Vivre et laisser mourir, finalement, ça le fait. Et on s'évite des ulcères.

Je me demandais si la maniabilité et le poids limité (tout est relatif) des scoobites n'est pas un facteur aggravant. Leurs systèmes de freinage couplés, sans doute très efficace, les sécurisent. Et le fait de ne plus avoir de plaque d'immatriculation à l'avant les enhardit. Leur capacité à se faufiler leur fait sens doute penser qu'ils arriveront à s'en tirer si par hasard un flicard traîne dans le secteur. J'imagine aussi qu'ils ont préparé un petit laïus auto-justificateur si quelqu'un leur fait une remarque. La dernière fois que j'ai grillé un feu, j'avais une excellent « raison » : mettre le plus de distance entre moi et une Golf remplie de zyva qui m'avaient branché au feu. Le salut est dans la fuite. Première et gaz. On se justifie comme on peut.

Côté caisses

Mercredi matin 8h30.

Je me pointe au taf'. Sorti Porte d'Asnières, je m'engage dans Levallois-Perret. Je prends la petite rue en sens unique qui passe sous mes fenêtres. Longue de 150 mètres, elle se termine par un feu rouge. Arrivé au milieu de la rue, je vois une voiture type Matiz s'engager en face de moi. Je me dis qu'il cherche à se garer au tout début de la rue. Mais non, il continue pépère dans le sens unique. Pourtant, il n'y a pas de confusion possible : les voitures sont toutes garées dans le même sens, et j'arrive face à lui. Va-t-il s'arrêter, reculer ? Ben non, il continue. Va-t-il se serrer à gauche ou à droite pour me laisser de la place ? Non plus. Je passe donc entre lui et les voitures en stationnement. Coup d'oeil au type : pas l'air affolé. Le feu passe au rouge. Je me retourne. Eh oui, il a pris à droite, à nouveau en sens unique. Gonflé.

Il y a quelques années, quand j'avais ma mob, j'étais tombé sur le même cas de figure. Ce jour-là, je m'étais arrêté au milieu de la rue. Le type avait klaxonné, fait des appels de phare, avant de s'arrêter à 50 cm de ma roue avant. Il avait descendu sa vitre et avait commencé à gueuler. Pas plus gêné que ça. J'aurais eu une machine plus grosse, je crois que j'aurais béquillé et attendu. Mais si j'étais tombé face à un balèze motivé équipé d'un démonte-pneu ?

Le ouikène dernier, je trimballais pour une fois ma chère et tendre. Comme elle n'a rien d'autre à faire, elle regarde le paysage. En descendant de la bécane, elle a commencé à râler après ces « connard de caisseux qui roulent comme des pieds ». Outre le fait qu'elle n'ait pas son permis (ce qui rend son avis parfaitement valable, tu en conviendras), je lui ai fait remarquer que finalement le trajet s'était passé comme d'habitude, avec son cortège de déboîtement sans clicos et de téléphones portables. Au bout du 50e, on y fait même plus gaffe, ça fait partie du paysage, de ces informations qu'on intègre sans y penser, comme on évite les bandes blanches et les bouches d'égouts. Ça devient un réflexe. Je suppose que c'est aussi ça l'expérience : ne plus se formaliser du comportement des autres, pour se concentrer sur le seul véritable objectif quand on roule à moto : arriver en un seul morceau.

Koud'pied o'Kick, - le 1er novembre 2003

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