La moto que nous attendons tous

La moto parfaite devrait être en vente depuis des années. Pourtant, nous l'attendons toujours. Pourquoi ?

La moto parfaite devrait être en vente depuis des années. Pourtant, nous l'attendons toujours. Pourquoi ? Einstein a la réponse.

Serait-il possible de disposer enfin de la moto parfaite ? Celle qui aurait été pensée dans ses moindres détails par un constructeur confiant dans ses capacités à concevoir la machine qui éclipsera toutes les autres ? Celle dont les essais presse pourront se résumer à un mot : "accomplie" ?

Je vais doucher immédiatement tes espoirs : ce jour n'arrivera jamais. A cause d'une histoire de planche avec des clous. Selon Internet, Einstein a dit un jour :

"Sur une planche où on a planté des clous, c'est celui qui dépasse le plus qui prend le premier coup de marteau".

D'abord, on peut faire dire n'importe quoi à Einstein, c'est très pratique. Ensuite, en bon visionnaire, il avait prévu l'arrivée conjointe de la Pagéniale et de la CB 300 avec 60 ans d'avance.

Si tu tiens absolument à dégainer ton doctorat en sociologie, tu peux remplacer Einstein par Durkheim, mais au troquet du coin tu vas faire un bide, je te préviens : mieux vaut t'en tenir à Einstein.

Où je veux en venir avec mon histoire de planche ? Que la quête du bonheur ou de la perfection est vaine. Que quand tu as collé un bon coup de massette sur le premier clou, un autre pointe plus que les autres. Et ainsi de suite. C'est automatique. Tu colles des coups de marteau partout et il y a toujours un clou qui dépasse. Même quand les têtes sont à fleur de planche. Il y en a toujours une qui ressort un poil. Blam ! Blam ! Blam ! Nos ingénieurs aux têtes bien faites tapent sans relâche sur des clous pour un salaire parfois mérité.

Ah, un truc quand même : ne fais pas cette expérience avec la planche posée sur tes genoux. La sociologie pratique, le marteau à la main : oui ; le clou de 14 planté dans la diaphyse fémorale : non.

Le coup de la planche à clous s'applique aussi à la moto. Entre une Suzuki GT 750 et une Pagéniale, il y a juste quelques clous enfoncés un peu plus côté tenue de route, consommation, freinage, etc. Une Pagéniale, c'est une GT 750 redressée à coup de darracq.

La V-Max première du nom a une tenue de route misérable et des freins de mob ? Blam ! Blam ! Blam ! Diavel. La XT 500 a des amortisseurs pitoyables et une procédure de démarrage façon fusée Saturn 5 ? Blam ! Blam ! Blam ! Duke 790. La Pagéniale est une horreur en ville et chiante sur route ? Blam ! Blam ! Blam ! CBR 125.

Et ainsi de suite.

Mais cela nous pose, à nous motards, un énorme problème. Parce que les ingénieurs en gardent sous la poignée au cas où. S'ils décidaient demain de nous pondre LA moto parfaite, avec tout ce qu'il faut là où il faut, fiable, confortable, pêchue-mais-pas-pousse-au-crime, agile, rigolote en montagne et pas fade en plaine, bonne en solo comme en duo, jolie même sans accessoires… ça serait une catastrophe. Pour eux. Parce qu'ils se retrouveraient dès le lendemain à monter des projets de reconversion dans les camions à pizza ou le gardiennage de résidences secondaires. D'où l'absence dans les vitrines de nos concessionnaires de la moto ultime, le fin du fin en matière de deux roues, notre Claudia Cardinale double arbre, notre Kim Novak crossplane.

Les ingénieurs continuent, année après année, à martyriser cette malheureuse planche à clous qui n'en peut plus de prendre des coups de masse. Tant et si bien que les clous sont passés depuis belle lurette de l'autre côté. Ils auraient dû arrêter de taper pour se mettre à réfléchir avec le cerveau de leur tête après avoir lâché ce pauvre marteau.

Thomas Jefferson, co-auteur d'un manifeste plus vraiment d'actualité, est là pour nous éclairer :

"Quand un bureau d'études est prêt à abandonner son marteau au service marketing, il n'aura ni camion à pizza ni société de gardiennage."

Merci, Thomas. Ça continue de nous faire une belle jambe à nous motards, mais c'est sympa d'être venu.

Ce qui me donne l'occasion de poser cette question : à partir de quelle année, à partir de quelle moto les ingénieurs se sont-ils mis à taper pour rien ? Depuis la VFR RC 36 ? La DR 650 SP46 ? La Gex type M ? La PC 32 ? La 4LO ? La ZX type D ? La RD08 ?

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