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On va rouler ?

Bon plan : une balade entre vieux-motards-que-jamais à l’ombre des radars

Coincé avec le trio de l'enfer : le bout-en-train lourdingue, l'orang-outan boulet de canon et le Yorkshire sous LSD

On va rouler ?Dans quoi est-ce que je me suis encore embarqué ? Au début, on était partis pour aller faire un tour à Zboïng en passant par la route des crêtes. Trois bécanes, avec dessus trois vieux-motards-que-jamais qui roulent pépère à l'ombre des radars. Et puis son beauf' a tapé l'incruste. Et il n'est pas venu tout seul.

Il est pas méchant, son beauf'. C'est cet inévitable bout-en-train bruyant qui te raconte ses histoires de plomberie ou sa dernière murge avec ses potes du rugby quand on s'arrête pour profiter d'un panorama grandiose au coucher de soleil. Quand il arrive, il fait de grands gestes, parle très fort et ressort les même vannes éculées. Moi j'ai droit systématiquement à "ben alors ? Ils avaient que ça à te prêter comme véhicule de courtoisie pendant la réviz' de ta vraie moto ?". Et après il rit en faisant des petits "hè hè hè" qui vont crescendo en me donnant des coups de poing dans l'épaule. Pas méchant. Le coeur sur la main, même. Mais lourdingue. Il roule propre, c'est toujours ça.

Ça aurait pu être supportable si son beauf' était venu seul. Mais non. Il a ramené du renfort. Il est venu avec son pote Nounours. Une espèce d'orang-outan qui fait de l'haltérophilie - mais pas intellectuelle. Il roule sur un XJR Kenny Roberts à pot Devil. Nounours, c'est l'inverse de son beauf'. Pas jovial. Pas bavard. Pas d'humour. Il suit et c'est tout. Je me demande ce qu'il vient faire avec nous, vu qu'il a l'air de s'ennuyer. A moto, c'est un Rossi de la ligne droite. Dès qu'il y en a une qui se profile, il se met à gauche clignotant allumé, ouvre en grand en troisième et dépasse tout le monde. Il freine à l'approche du virage suivant, se range, allume son clignotant droit, remonte ses rapports et fait signe à tout le monde de le dépasser pour pouvoir recommencer un kilomètre plus loin. Quand il est derrière moi, je passe mon temps à vérifier dans les rétros s'il est pas en train de nous faire son énième run de la journée, après avoir dépassé un arbre de noël(1) qui n'existe que dans sa tête.

Lui encore, ça irait vu qu'on ne l'entend pas trop : faut juste faire gaffe quand il roule. Mais son beauf' est venu aussi avec son neveu. Le gamin a des produits chimiques dans les cheveux pour qu'ils tiennent tout droit -malgré le casque- et des tatouages de héros de dessins animés japonais sur les bras. Son père lui a payé une Hornet et le môme a ajouté sur cette malheureuse bécane tout un tas de trucs de mauvais goût. Des autocollants de marques de boissons et de godasses. Des merdouilles en alu de couleur style embouts de guidon ou repose-pieds. Heureusement, son père a refusé tout net quand le gamin a parlé de pot d'échappement : président du syndic de son immeuble, il ne veut pas d'ennuis avec les voisins.

Ce gamin, c'est le pire des deux mondes : non seulement il parle tout le temps, mais en plus il roule comme une brêle. C'est une espèce de chien fou qui n'arrête pas de nous gambader dans les pattes. Il a essayé de suivre Nounours dans ses tentatives de mise sur orbite, mais la Hornet est à la ramasse face à la XJR, donc il a laissé tomber ; je le soupçonne de s'être fait peur en arrivant trop vite dans le virage après la ligne droite. Le beauf' essaye de le calmer -et de manière intelligente, je dois l'admettre- en pointant du doigt ses erreurs de conduite. En vain, le plus souvent.

Me voilà donc coincé avec le trio de l'enfer : le bout-en-train lourdingue, l'orang-outan boulet de canon et le Yorkshire sous LSD.

Le lourdingue va nous lâcher la grappe pendant quelques kilomètres : avec un casque sur la tête et passé 40 km/h, on ne l'entend plus. Ouf. L'orang-outang fait son cinoche en ligne droite. Et le Yorkshire devant moi essaye de faire des wheelings. Quand il a l'impression d'avoir décollé, il vient à côté de moi et fait de grands gestes de victoire sans trop regarder où il va, tout entier à sa démonstration. A la pause, il en fait des tonnes avec ses "eh, t'as vu ? t'as vu ?" comme il piaillait "Papa ! Regarde ! Mais regarde-heuh !" il y a quinze ans à peine quand il apprenait à jouer au foot. Il essaye de nous impressionner avec ses bobards improbables de rencontre entre le Hornet Club de France et un chapitre Harley qui finit en baston générale. Ou alors il va me choper par le bras et me lancer : "t'as vu comment je t'ai passé dans le virage après Schmurtz ? Hein ?". J'ai renoncé à lui expliquer que moi = mono 400 de 33 chevaux, lui = 4 pattes 600 de 100 chevaux et que donc, forcément, il me flanque un boulevard. A la place, je réponds maintenant par des trucs incohérents du genre "c'était la faute au mouton. T'as pas vu le mouton qui faisait du stop ?" ou "faut voir ça comme un hommage à Mondrian, en fait" qui parfois lui clouent le bec pendant 5 ou 6 délicieuses secondes. Je le soupçonne de me croire complètement idiot.

Arrivé à Zboïng, je joue la carte maîtresse pour me débarrasser des Pieds nickelés : l'autoroute, en prétextant une belle-mère à dîner. Les trois pénibles froncent le nez, font beurk et décident de rentrer en prenant le même chemin qu'à l'aller. Ce qui me convient parfaitement, parce que je compte passer de l'autre côté de la vallée et rentrer par l'ouest, pas du tout par l'autoroute. Mes deux acolytes profitent de mon mensonge pour prendre la tangente eux aussi vu que leurs Chéries-Chéries sont chez la mienne à papoter.

On en était où, déjà ? Ah, oui, une balade entre vieux-motards-que-jamais à l’ombre des radars.

(1) Cette série de lampes de couleur qui donnent le départ sur une piste de dragster.

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Commentaires

Le Modérateur

Après le crobard du lundi, on initie la kronik du mardi !

08-09-2015 17:58 
tom4

tellement vrai
de là à y voir un lien avec les différents sujets récents de la rubrique "moto et motards" :)

bon, je me moque pas trop, j'ai été dans le role du "chien fou" sur une de mes 1ères balade. sauf qu'on m'a vite fait comprendre que si je voulais rerouler en groupe, y'allait falloir que
1) je me calme
2) j'apprenne à rouler

tom4, ce que j'ai fait :)

08-09-2015 18:07 
Nounours48

Mais euuuuuh !

Moi qui essaie de me cacher quand je fais des vraoummm en ligne droite (bon ok des lignes droites chez moi il y en a 2 ... le pire c'est que c'est vrai j'aime).

Très belle kronik et bien vrai.

L’haltérophilie pas intelectuelle je la garde celle là, elle me correspond -> "moi pas intelligent, moi surveillant !" hum

08-09-2015 22:50 
KPOK

Oui, quand j'ai vu ton pseudo il y deux semaines, je me suis dit : "oups...".

09-09-2015 14:16 
Nounours48

Ça va, moi je suis un gentil Nounours (même si au réveil je tiens plus du grizzli bla bla rageur)

09-09-2015 21:37 
tonine

super Kronik cool

merci
V

11-09-2015 09:16 
Ptit Loup1300

Rhhhaaa, c'est vraiment le style typique de sorties qui me fait renoncer à convoquer qui que ce soit la fois suivante. Rouler solo, ça a du bon !!! Bon, on a tous connu ça, et ça continue.

Moi, je suis plus confronté au(x) motard(s) dont la moyenne d'âge a augmenté et le rythme diminué de manière diamétralement inverse. Alors je ronge mon frein (!) en restant bon dernier afin de réfréner mes pulsions accélératrices et de faire le bon samaritain en cas de pépin ou d'étirement excessif du groupe.

Au fait, celui qui roule comme l'orang-outang avec une XJR n'a rien compris à son mode d'emploi ! Mais bon, celui qui roule comme ça est un bourrin incapable de tourner....

30-09-2015 10:52 
tom4

c'est marrant, moi c'est l'inverse. je roule avec les mêmes personnes depuis une quinzaine d'année, ils sont quasi tous en gros trail, et nom de d###, plus ça va, plus ça roule propre et rapide

tom4

30-09-2015 10:55 
froggyfr99

Je roule seul: ça m'évite de me retrouver dernier ... ou premier.

30-09-2015 17:49 
 

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