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Comment piloter un basset

Un side-car sportif sur circuit de 120 chevaux, 190 kilos, 80 cm de haut !

L'avis de Rémi et Fred, double Champions de France et 3 participations au TT

Le basset fait juste figure d'ovni dans la planète moto. Par ses dimensions (il ne peut excéder 1575 mm de large et seulement 800 mm de haut), par ses lignes et son aérodynamisme soigné, l'engin respire la vitesse pure et se situe à l'antithèse de toute notion de convivialité. On compatit pour le singe, posé sur un bout de tôle d'un demi-mètre carré, devant faire usage de son corps pour maintenir l'engin sur la piste et à des vitesses démentes. On frémit pour le pilote, coincé dans la coque, posé sur les genoux et surtout sur le moteur dans une position de conduite qui paraît tellement inconfortable, accroché à des guidons qui braquent encore moins qu'une Ducati 1098.

Statique d'un basset F2
Statique d'un basset F2

Emplacement du singe sur un basset F2
Emplacement du singe sur un basset F2

C'est lors d'une journée de roulage libre organisée sur le circuit de Vaison Piste par la structure Central Team et qui nous a par ailleurs permis de comprendre comment fonctionne un side-car sportif sur base de Suzuki Hayabusa, que nous nous sommes approchés de ce qui constitue le paroxysme de la vitesse sur trois roues : le basset.

Pour cela, nous nous sommes approchés de Remi Guignard et Fred Poux, Champions de France F2 en 2014 et 2015 et comptant trois participations au Tourist Trophy de l'Île de Man à leur actif (où ils entrent à chaque fois dans le top 15). Précisons qu'au TT, seuls les F2 (châssis court et moteur 4 cylindres de 600 sont autorisés), car les organisateurs considèrent que les F1, leur châssis long et le moteur de 1000 sont trop dangereux sur cette épreuve.

Remi Guignard, Fred Poux et leur basset
Remi Guignard, Fred Poux et leur basset

Modeste et Ponpon

Et pourtant, quand on commence la conversation, on s'attend à tomber sur des super héros, sur des têtes brulées et on découvre un couple qui ne déparerait pas dans un championnat de bridge. Non pas que nous n'ayons pas la plus haute considération pour le bridge, cette noble discipline, mais le calme, la simplicité et l'humilité de nos champions est proprement sidérante.

Morceaux choisis. Rémi : "franchement, il est confortable". Et là, tu regardes le truc, l'étroitesse des emplacements où il doit insérer ses jambes, l'absence de rembourrage (même pas un petit pain de mousse) où il pose ses genoux, la fine coque de plastique qui sépare sa poitrine du moteur, le faible angle de braquage des guidons... et tu te dis que c'est quand même un truc de malade.

Poste de pilotage d'un basset F2
Poste de pilotage d'un basset F2

Et là, Fred en rajoute. Regard bleu pétillant et morphologie qui n'a rien de celle d'une déménageuse, Fred t'explique alors que le basset, non, ce n'est pas tellement physique pour les bras et qu'au TT, c'est pas difficile non plus car il y a de grandes enfilades et tu passes beaucoup de temps à attendre que ça se passe... à plus de 240 km/h....

Fred et Remi à l'attaque sur leur basset avec la roue levée
Fred et Remi à l'attaque sur leur basset avec la roue levée

Là, en tant que journaliste, tu te dis que tu t'es juste trompé de clients. Sympas, forcément un peu fous, mais décidément trop normaux. Et avant de renoncer, il faut poser le carnet, le crayon et sortir l'arme ultime. Le flair.

Fred Poux et sa combine râpée
Fred Poux et sa combine râpée

Tu remarques le cuir tout râpé de Fred et tu lui demandes combien de tonneaux elle a déjà fait avec. Pour toute réponse, tu apprends qu'avec ce cuir, elle s'est fait éjecter une fois ou deux, mais que s'il a l'air tout pourri, c'est principalement à cause des marques d'usure que le basset t'inflige.

Ah ouais, le basset, ça tabasse sérieux quand même ! Tiens, une vidéo de nos deux amis au TT, pour illustrer nos dires.

Envie de se faire "charioter" ?

N'écoutant que son courage, le Repaire est donc monté derrière Rémi. Moi qui déteste être passager, me voici donc derrière un mec qui fait le TT. Courage ou inconscience ?

Le Repaire se fait expliquer le rôle du passager
Le Repaire se fait expliquer le rôle du passager

Ce qui frappe, c'est l'espace à bord : du genre exigu. Une petite plaque en alu et la fameuse "barre de survie" que l'on avait déjà découvert sur les side-car sportifs sur base d'Hayabusa. Pas à dire, c'est spartiate. Pour se caler les pieds, on trouve 4 petits plots en plastique dur disposés en bas et deux encoches dans le carénage (ou plutôt le fuselage) permettent de s'accrocher. Le singe, normalement, reçoit un coupe-circuit accroché à son poignet. On ne me le propose pas. A moi, peut-être, les joies intenses du siège éjectable ?

Premier problème : comment caser mes 188 cm dans ce truc ? Rémi me cale comme il peut. Je reçois un conseil simple : tu peux bouger dans les virages à droite, pour les gauche, je m'en occupe", car je suis trop grand pour pouvoir bouger facilement et surtout rapidement, puisque la promiscuité des lieux font que mes genoux touchent la jambe gauche de Rémi, ce qui l'empêche de freiner. Surtout, ne pas bouger, surtout, ne pas être désarçonné. "Si je suis en perdition, je te mets des claques dans le dos", dis-je à Rémi, juste avant le départ. "T'inquiètes, je suis facilement accessible !", me répond-il. Me voilà rassuré.

en action sur le basset
en action sur le basset

Bonne nouvelle : le circuit de Vaison Piste tourne principalement à droite, du coup, il n'y a pas beaucoup de travail à faire. Et c'est parti pour quelques tours. Malgré les 120 chevaux du moteur de Honda 600 CBR, l'accélération est soutenue, d'autant que je ne suis calé que par deux petits blocs en plastique et accroché comme un damné à ma barre de survie. Le premier pif-paf passe en un clin d'oeil et le basset attaque déjà une succession de virages à droite : je pousse sur les jambes, peine à trouver l'échancrure et la gravité commence à faire son effet dans le premier gauche en montée.

Virage à droite en basset F2
Virage à droite en basset F2

Le problème, c'est qu'à gauche, je n'y suis pas. Je sens alors la roue extérieure se lever et Rémi contrôle tout cela et surtout la trajectoire en mettant le basset en glisse. Je m'accroche à ma barre de survie en ouvrant toutes mes pores pour m'imprégner de cet instant à jamais : en dérive latérale et horizontale, avec le F2 qui grimpe la côte en une seconde.

La suite, dans la grande succession de virages à droite, confirme l'extrême rigidité de l'engin et la vitesse de passage n'a rien à voir avec celle de l'Hayabusa attelée, déjà impressionnante. Rémi ne soulage pas les gaz et reste en accélération permanente dans cette section, alors qu'il faut lâcher un peu avec l'Hayabusa. Et là, je découvre qu'en plus des forces latérales, tu en subis des longitudinales sur le basset : il faut lutter, s'accrocher à l'engin pour ne pas se faire éjecter à l'accélération et forcer aussi pour ne pas basculer au freinage. Et ceci, d'autant que Rémi augmente le rythme après quelques virages.

Side-car : des bassets à la poursuite d'une Hayabusa
Side-car : des bassets à la poursuite d'une Hayabusa

L'Hayabusa ne peut suivre un basset
L'Hayabusa ne peut suivre un basset

De retour aux stands, Fred explique en fait qu'il faut anticiper au maximum, utiliser le momentum de l'engin à son escient et aussi, se servir de ses jambes plus que de ses bras pour changer de position. Tout cela fait sens, mais suscite un respect énorme pour l'exercice que cela représente, d'autant qu'en creusant un peu, on apprend qu'il n'est pas rare qu'un singe se fasse "charioter", ce qui signifie dans leur langage qu'il s'est fait éjecter ou un peu malmener sur l'engin. Et c'est arrivé à Fred lors du dernier TT, quand ils ont tapé un trottoir qu'ils n'avaient pas vu, alors qu'ils étaient en pleine bagarre derrière un autre basset.

Fred concentrée avant le départ
Fred concentrée avant le départ

Le plus dur, maintenir les dérives

Pour Rémi, qui courait à moto (championnat de France d'Endurance, French Cup, 3ème à la Coupe Ducati) et qui est d'abord venu au basset comme singe pour aider un pilote dans le besoin) et qui a sérieusement commencé la compétition en basset en 2010 après avoir acheté un engin en 2007, le plus dur est de maintenir les dérives.

"Car de toute façon, il va finir par lever, parce que si tu augmentes la vitesse et que s'il est bien réglé (sur les bassets, on peut régler le train avant ainsi que le carrossage et le pincement des trains roulants), ça va t'arriver dans les virages à gauche. Après, ça reste du pilotage, il y a une petite part de technique et une grosse de feeling".

Le Basset : des sensations pures !
Le Basset : des sensations pures !

Plus d'infos sur le pilotage des bassets

Commentaires

thom

P'tain tout le virage avec la roue du panier en l'air, dans le gauche à l'entrée du Gooseneck (vers 0:27 sur la vidéo) !!

J'avais lu les commentaires d'un singe au TT, qui disait que dans la compression au bas de Bray Hill (la grande descente après le départ, suivie d'une montée), il avait le souffle coupé pendant quelques secondes.

Et j'ose pas imaginer comment ca se passe quand ils décollent des 3 roues à Ballaugh Bridge...

16-09-2016 13:52 
 

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dafy