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Essai Benelli Leoncino 800

Le Lionceau sort ses griffes

Moteur bicylindre en ligne, 754 cm3, 76 ch, 68 Nm, 222 kg, 8 699 euros

Benelli commercialise dès maintenant l’évolution de la Leoncino 800, selon deux versions, basées sur la même plate-forme moteur qu’auparavant. Les Leoncino 800 et Leoncino 800 Trail sont en effet motorisées par le bicylindre vertical de 754 cm3, nom de code QJ288MW (à bien y regarder, c’est assez poétique). Focus aujourd’hui sur la version roadster, sans le T du trail ; que personne ne se perde en chemin. Autorisons-nous tout de même un petit détour.

Essai Benelli Leoncino 800
Essai Benelli Leoncino 800

Car en parlant de chemin, celui suivi par l’histoire (assez méconnue) de Benelli a lui de quoi perdre son tarmo. Peu de marques ont eu une histoire si torturée. Fondée en 1911 par une maman soucieuse de l’avenir de son fils, la marque démarre sur les fonds propres de Teresa Benelli, qui y précipite toutes ses économies après le décès de son mari. Les fils Benelli y feront honneur, leur marque connaît un grand succès… mais manque de disparaître lors de la Seconde Guerre mondiale. Après avoir été l'un des grands constructeurs italiens des années 1930, une fois la guerre terminée, Benelli ne dispose plus de matières première suffisantes. Les Benelli se consacrent alors à racheter de vieilles motos et à les reconstruire pour les revendre, jusqu'à ce qu'en 1949 ils puissent reprendre leur propre production. En 1951, ils frappent fort à nouveau et lancent un petit 125 nommé Leoncino (lionceau en rital). Léger, rapide et élégant, il connaît le succès jusqu’au début des années 70, avec de nombreuses versions et cylindrées.

Mais à la fin des années 1960, le développement de la Tornado 650, première grosse cylindrée moderne de la marque, se montre coûteux à produire et peu abouti. Il se vend bien mais n’est pas rentable et connaît de nombreux problèmes de fiabilité. Les propres fans de la marque en Italie l'appellent "Il Vibratore"… Alejandro De Tomaso, propriétaire de Moto Guzzi, reprend l'entreprise et tente de la relancer avec la gamme Quattro, des moteurs quatre cylindres copies de… Honda. C’est de cette architecture Quattro que naît la six cylindres Sei, la plus célèbre des Benelli. Rapide, spectaculaire, avec un bloc moteur impressionnant... mais encore d’une fiabilité hasardeuse. Retour à la ruine. Notons tout de même qu’une tradition se perpétue, le dernier chiffre du nom de la moto servant toujours à définir le nombre de cylindres : 354, 504, 654 ou plus tard 502 ou très récemment 752. Jusqu’à ce que les dernières 500 et 800 rompent ce rituel.

A la fin des années 90, l’homme d’affaires Andrea Merloni (PDG d’Indesit) rachète la marque et développe, avec le soutien de l’ancien pilote de Superbike Peter Goddard, toute une gamme de scooters et surtout la célèbre Tornado Tre, plus connue sous le nom de TnT, avec des trois cylindres au caractère flamboyant. Mais là encore, la malédiction de l’échec recouvre de ses ailes sombres la marque italienne. Elle se relève pourtant à chaque fois et conserve pour ses futurs modèle une trace de son histoire chaotique. Ainsi, en 2005, le groupe chinois Qianjiang reprend et relance Benelli ; la TRK 502 (acronyme qui renvoie à l’ancienne TreK) est son premier et incontestable premier succès, une moto rapidement en tête des ventes en Italie et bien vendue dans toute l'Europe. Lors de sa sortie il y a cinq ans, la TRK laissait pourtant à désirer côté finition.

La Benelli Leoncino 800 signe la montée en gamme de la marque
La Benelli Leoncino 800 signe la montée en gamme de la marque

Découverte

Ce qui n’est plus du tout le cas avec la Leoncino 800. A quelques mètres de distance, on ne perçoit pas de différence de qualité de fabrication entre une Ducati 800 Scrambler et la Benelli Leoncino 800. Et même quand on se rapproche, le niveau de finition est impressionnant de qualité, surtout si on a en mémoire les anciennes Benelli. On remarquera éventuellement des tresses de fil un peu visibles ou une fonderie moteur peut-être moins valorisante que sur une Ducati ou une Honda, enfin rien de terrible. 500 euros moins chère qu’une Ducati Scrambler 800 Icon Dark 9 190 euros), la Benelli (8.699 euros) peut se permettre deux ou trois manquements. Elle supporte avec plus de difficultés la comparaison avec une Triumph Trident 660 et son trois-cylindres équipé du ride by wire, d’un antipatinage déconnectable, de deux modes de conduite (Road et Rain), de 81 ch et surtout d’une finition très haut de gamme, pour 8.345 euros. La BMW F 900 R (son moteur à elle aussi est produit en Chine), plus chère (9.090 euros), offre aussi un équipement supérieur et une puissance plus élevée de 20 ch (95 contre 76 pour la Benelli).

Phare avant à LED
Phare avant à LED

La Leoncino n’est donc pas l’affaire du siècle, mais reste bien placée en tarif par rapport à des concurrentes au nom tout aussi noble. Il faut en revanche oublier les modèles des années 90, avec leur fougueux trois-cylindres à la sonorité rauque et nerveuse.

Un vrai roadster néo-rétro
Un vrai roadster néo-rétro

Le sage bicylindre de 754 cm3 développe 76 ch 8 500 tr/mn pour un couple de 6,8 mkg à 6 500 tr/mn. Ce moteur est bien sûr conforme aux normes Euro5 et dispose d'une injection électronique. D'un alésage de 88 mm et d'une course de 62 mm, avec un taux de compression de 11,5: 1, il reprend à peu près les mêmes valeur que la Ducati Scrambler, avec un cylindrée moindre puisque la course du piston est plus courte ; mais la Ducati décline son twin en L quand la Benelli le préfère en ligne. Probablement sera-t-il remplacé un jour par le nouveau moteur dévoilé voici peu par Qianjiang, un twin en V cette fois, aux allures de KTM (toutefois, la présence du badge‘TNT’au côté droit de la culasse donne un indice clair sur le nouveau modèle auquel il sera destiné, nouveau clin d’œil à l’histoire des années 2000).

Bicylindre en ligne de 754 cm3
Bicylindre en ligne de 754 cm3

Pas d’assistance électronique donc pour ce twin, pas de cartographies moteur à la carte, ce qui n’est pas un lourd handicap pour une telle puissance. La douceur du twin à bas et mi-régimes permettra de contrôler la puissance par soi-même sous la pluie, comme un(e) grand(e).

Le freinage reçoit l’ABS, obligatoire pour franchir les normes d’homologation. Equipé de deux disques de 320 mm à l’avant, il promet une puissance suffisante. Idem pour le simple disque arrière de 260 mm.

Quant aux suspensions, on est en droit d’attendre le meilleur depuis que Qianjiang et Marzocchi ont signé des accords de production. L’énorme fourche de 50 mm de diamètre de la Leoncino impressionne, elle est faite pour ça. Annoncée réglable, elle ne dispose pourtant d’aucun accès au ressort ou à l’hydraulique. L’amortisseur propose une molette pour régler son ressort, mais celle de notre moto tourne à vide. La version trail (800 T) se distingue ici du roadster par des courses de suspension plus longues(140 mm à l’avant pour la T au lieu de 130 ; 50 mm pour la T contre 48 mm pour la standard à l’arrière).

Bras oscillant arrière avec amortisseur central à compression et précharge réglable, débattement 140 mm (50 mm pour l'amortisseur)
Bras oscillant arrière avec amortisseur central à compression et précharge réglable, débattement 140 mm (50 mm pour l'amortisseur)

Leur roue avant diffère aussi par leur diamètre : 17 pouces pour le roadster et 19 pouces pour la T. Je dis roadster car la Leoncino en a toutes les caractéristiques, avec ses jantes de 17 et son pneu arrière de 180 de large, sa grosse fourche, ses deux disques de 320 mm, son simple optique à leds dénué de protection… Seul le guidon assez haut et large rappelle les scramblers.

Le superbe tableau de bord TFT, lisible quelles que soient les conditions, s’illustre par l’organisation judicieuse de ses données (avec un compte-tours qui s’étend en un double barre-graphe) et la facilité de sa navigation, via des commandes placées sur les deux commodos. En même temps, le faible équipement électronique laisse plus de place aux infos essentielles, tels que la jauge à essence, les deux trips ou l’heure.

Un compteur TFT bien lisible
Un compteur TFT bien lisible

J’en termine de cette présentation avec le poids annoncé, 222 kg avec les pleins (réservoir de 15 l annoncé), soit au moins dix kilos de plus que toutes les concurrentes annoncées plus haut, avec un écart maximal de 30 kg avec la Ducati Scrambler. L’embonpoint de la Benelli, conçue à Pesaro, sur ses terres ancestrales en Italie, puis produite en Chine, atteste de certaines économies sur les matériaux. Le cadre en tubes d’acier ne devrait pas peser bien lourd, pas plus que coque porteuse à l’arrière… Gageons que l’énorme fourche, les jantes, l’échappement et les carters moteur expliquent ce poids.

Feu arrière à LED avec le logo Benelli sur le fond de selle
Feu arrière à LED avec le logo Benelli sur le fond de selle

En selle

Bonne nouvelle, je pose deux demi-pieds au sol, la hauteur de selle de 805 mm de la fiche technique semble coïncider avec la réalité. Le guidon un peu haut ne gêne pas du tout, au contraire, il invite à une position assez droite bien agréable. Le compteur affiche 273 km, la Leoncino est presque neuve ; je prends soin de faire chauffer doucement le moteur, sans dépasser 4.000 tr/mn le premier kilomètre. Le moteur, souple, ne ronchonne pas, il réagit comme un twin moderne, bien élevé, sans hoquets ni toux. Le feeling du frein avant m’a lui dérouté dès la sortie du parking : le levier loin de la poignée est très dur. Je tente de régler la molette, sur 1 puis sur 4, ça ne change pas grand-chose… La puissance du freinage n’en pâtit pas, mais le toucher et le dosage si.

Une moto valorisante pour son gabarit avec un prix réduit
Une moto valorisante pour son gabarit avec un prix réduit

Réglages des rétros, lisibilité OK, coup d’œil au tableau de bord, tout est clair, je m’engage sur l’autoroute A12, qui rejoint l’A13, pour pouvoir rapidement abandonner ces A trucs.

En ville

Moteur souple, position facile, trajets courts où le manque de confort se fait moins sentir, la Leoncino s’épanouit dans l’urbain. Seul le freinage au manque de feeling fait tache en ville. Le duo est facilité par l’absence de différence de hauteur de selle entre le pilote et le passager. La largeur totale, rétros compris, laisse la Benelli passer aisément entre les files de voitures. La maniabilité pourrait être supérieure avec un peu moins de poids et un pneu arrière moins large, mais elle convient.

76,2 cv (56 kW) à 8.500 tours/minute - A2 : 47,6 cv (35 kW) à 7.000 tr/min
76,2 cv (56 kW) à 8.500 tours/minute - A2 : 47,6 cv (35 kW) à 7.000 tr/min

Autoroute

Nouvelle bonne surprise, à 130 km/h, pas besoin de s’accrocher au guidon ou de chercher à se planquer derrière le tableau de bord, la pression de l’air se fait moins puissante que prévu, par je ne sais quel artifice de l’aérodynamique. J’ai vérifié souvent, selon différents trajets, que ça n’a rien à voir avec le sens du vent ; la Leoncino protège pas si mal pour une naked. A 150 compteur, ce n’est plus tout à fait le cas. Mais puisque c’est interdit et que nous sommes désormais respectueux des interdits car soumis par la peur, le problème s’est éliminé tout seul.

Un confort ferme pour le duo
Un confort ferme pour le duo

Non, le vrai défaut sur l’autoroute, quand on y consacre plus d’une heure de son temps (ce qui est dommage), c’est l’absence de confort de selle. Sûr que son revêtement colle aux standards d’une mode en passe de passer (néo-rétro), mais la garniture doit avoir l’allure d’un athlète marathonien. Par bonheur (sic), la faible autonomie rythmera des arrêts fréquents, environ 200 km réserve comprise (à 130 compteur, soit environ 5 000 tr/mn en sixième) : je doute que les 15 l annoncés de capacité du réservoir y soient vraiment.

Départementales

Habitué à mon trail (Aprilia Tuareg) et ses pneus étroits, je redoute toujours les motos et leur 180 arrière, surtout pour un roadster de moins de 80 ch, c’est inutile, mais nous cédons tous à la mode, alors les motos aussi. Mon appréhension avec la Leoncino était d’autant plus importante que le poids élevé ne devrait pas être au bénéfice de l’agilité. La Benelli s’en sort malgré tout avec une aisance que je ne soupçonnais pas.

67 Nm à 6.500 tours/minute - A2 : 50,3 Nm
67 Nm à 6.500 tours/minute - A2 : 50,3 Nm

Certes, elle n’est pas alerte comme une Yamaha MT-07 ou une Ducati 800 Scrambler, mais son équilibre la sauve. 1 460 mm d’empattement, une répartition des masses plutôt bien foutue, un train avant sain, la confiance est de mise. Dès lors, on peut tout tenter avec une moto dont on ne redoute pas les réactions. Ça ne veut pas dire qu’elle est hyper efficace mais qu’on se fait plaisir à son guidon. Le guidon large facilite les appuis, les repose-pieds légèrement reculés aussi. Les Pirelli MT 60 RS, au dessin cranté façon scrambler, ne déméritent jamais.

On peut faire toucher la béquille quand on commence à ouvrir
On peut faire toucher la béquille quand on commence à ouvrir

Sur mes petites routes favorites du bas Vexin, où j’emmène toutes les motos que j’essaie, les suspensions montrent tout de même leurs limites quand la route se dégrade ou lors des enchaînements. La fourche, trop rigide, sans possibilité de réglages, absorbe mal les bosses ou les contraintes. Il faut privilégier la conduite coulée plutôt que l’attaque de sanglier. Le moteur s’y prête mieux de toute façon, peu à l’aise à hauts régimes. Et ces sommets de tr/mn arrivent vite, puisque, si la zone rouge débute à 10.500 tr/mn, le moteur rupte à 9.500 ! Sa quintessence s’obtient plutôt entre 5.500 et 8. 500 tr/mn, plage suffisante et idéale pour profiter du moteur. Plus bas, on pâtit de la transmission finale un peu trop longue.

De quoi s'amuser sur petites routes
De quoi s'amuser sur petites routes

Ses routes préférées sont les nationales pas trop larges, bien revêtues, aux enfilades longues, car la stabilité est l’un des points forts de la Leoncino.

Partie-cycle

Encore une fois, l’excès de poids ne se fait pas trop sentir. La Benelli est équilibrée, un rien handicapée par son gros pneu arrière comparée à certains roadsters de même cylindrée mais, une fois habitué, on ne s’en trouve pas gêné. Les suspensions impressionnent visuellement mais leur travail se fait sur un débattement trop court, avec une mauvaise hydraulique. Ce qui nuit au confort et au comportement sur petites routes.

On peut envoyer fort rapidement
On peut envoyer fort rapidement

Freinage

Là encore, l’impression visuelle a primé, avec de gros étriers avant à fixation radiale, imitation Brembo (mais siglés Benelli). Puissance et endurance sont là, mais le feeling correspond à un standard plus ancien. le mordant est immédiat mais il n'y a aucune progressivité sur ce modèle d’essai.

Le frein arrière est lui presque inutile, peu puissant, au dosage compliqué car la course de la pédale est courte et l’ABS se déclenche rapidement.

Double disque semi-flottant en acier de ø 320 mm avec étrier à 4 pistons radiaux et ABS
Double disque semi-flottant en acier de ø 320 mm avec étrier à 4 pistons radiaux et ABS
Disque de ø 260 mm avec étrier à 2 pistons et ABS
Disque de ø 260 mm avec étrier à 2 pistons et ABS

Confort/duo

Le confort est le point faible de la Leoncino. La selle manque de moelleux, on sent des points durs. Les suspensions doivent gagner en progressivité, en freinage hydraulique.

Le duo s’apprécie car la selle passager est assez large, mais le maintien se fera autour du pilote.

Une jolie selle à surpiqûres
Une jolie selle à surpiqûres

Consommation

Difficile de faire plus de 190 km avant que le voyant de réserve ne s’allume. Au mieux, j’ai remis 12,5 l dans le réservoir après 30 km sur la réserve. Ayant une conduite un peu nerveuse, j’admets que les 6l/100 km de moyenne constatés ne correspondent pas forcément à toutes et tous.

L'essai en vidéo

Conclusion

J’étais revenu en 2017 dépité de l’essai du trail TRK 502. Mal fini, aux suspensions indignes, au freinage indécent, je pestais contre l’industrie chinoise, trop heureuse de se faire d’une marque si renommée un cheval de Troyes. Je suis aujourd’hui très agréablement surpris des progrès effectués en cinq ans. S’il reste du chemin à faire, notamment en termes d’agrément (ressenti au levier de frein, progressivité des suspensions…) et de poids, les autres marques peuvent s’inquiéter des avancées de Benelli en si peu de temps. La marque propriétaire Qianjiang a beaucoup d’expérience en petites cylindrées mais peu pour les plus grosses. Mais elle apprend vite, tout en sachant contenir les coûts. Il reste bien sûr à développer un réseau, gagner la confiance, mais les moyens sont investis pour atteindre ces objectifs.

La Leoncino est plutôt jolie, assez bien finie, facile au quotidien… Son manque de confort agacera les bouffeurs de kilomètres, mais il se dit qu’ils sont moins nombreux qu’il y a 30 ans. Cette fois, l’histoire Benelli semble partie pour durer.

Points forts

  • Souplesse moteur
  • Finitions
  • Position de conduite

Points faibles

  • Confort
  • Feeling au levier de frein

La fiche technique de la Benelli Leoncino 800

Conditions d’essais

  • Itinéraire: routes sinueuses, autoroute, ville
  • Kilométrage de la moto : 550 km
  • Problème rencontré : amortisseur arrière non réglable malgré la molette

Coloris

  • Gris acier
  • Vert forêt
  • Marron mat

Commentaires

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