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Essai Harley-Davidson Breakout FXSB

Evadée en cavale

Forte du succès de son ultra haut de gamme CVO Breakout, produit en série limitée à 500 exemplaire, la firme de Milwaukee présente désormais la déclinaison Softail de ce modèle. Habituellement adepte du procédé inverse, le constructeur Américain tente cette fois-ci le paris d’une version standard issue de sa production haute couture. Ce custom type dragster a également marqué les esprits français : quatre fois plus de demandes que d’offre pour la CVO (60 exemplaires pour 200 demandes). Autant dire que la nouveauté est attendue. Pour nous faire découvrir son custom aux hormones, Harley Davidson a choisi les environs de Marseille, propices aux ballades musclées.

Présentée avec succès l’an dernier en gamme CVO, la Breakout apparaît enfin dans sa livrée standardisée. Moteur, jantes, finitions diffèrent donc de la série limitée. Bien que jouant sur le registre du muscle-bike, la nouveauté diffère cependant des séries V-Rod bien à la motorisation plus moderne et performante. Les plus attentifs ne manqueront pas de voir en ce modèle une filiation possible avec la disparue Rockster 1200 C. Toutefois, plus radicale, la nouveauté reprend à plein les codes esthétiques des dragsters Américain des années 50/60. De quoi casser la routine pour une évasion (breakout) musclée.

Harley-Davidson Softail Breakout

Découverte

Si le reste de la gamme softail était trop sage pour éveiller vos lointains sens de rebelle, la Breakout libèrera sans mal votre enthousiasme. Surbaissée, longue, racée, ses volumes généreusement dynamiques et faussement dépouillés mixent habilement les genres. Force et style, voilà les concepts. Si le look est agressif et invective les rétines, l’habillage parle un tout autre langage : celui de la séduction. La robe (noire, rouge ou bleu profond) s’associe avec élégance aux finitions noir brillant et chromées déclinées sur toute la machine.

Ainsi, les jantes aluminium à 10 branches alternées demi-arrondies et faces brillantes reprennent l’esthétique Gasser des machines hyper-motorisées. Taillant 21" pour l'avant avec pneu fin (130), 18" arrière pour une enveloppe de 240 mm, l'ensemble assied la machine sur ce large boudin, renforçant son allure puissante. Le style adopte également une longue fourche, non réglable, aux tubes chromée de 49 mm et habillés de fourreaux sombre, encadrant la petite optique du feu. L'angle de chasse de 35° projette le train directeur loin en avant, au-delà du phare.

Harley-Davidson Softail Breakout

Dans son écrin à double berceau, le bloc twincam 103, refroidi par air, soigne de même son esthétique. Quelque durites subtilement mises en valeur signent l'image "rustique" tout en démontrant le soin apporté aux détails. Le contraste relevé sur les jantes se retrouve ici : cache-culbuteurs, ailettes de refroidissement, silencieux et collecteurs, carter moteur, cache du réservoir d’huile et filtre à air… un véritable costard mécanique habille le V2 Américain. Son gros souffle se jettent dans les tubes d'échappement de forte section qui filent sur le côté droit et superposent leur extrémité, renforçant la dynamique des lignes.

Moteur Twincam 103 Harley-Davidson Softail Breakout

Pour alimenter les 1690 cm3 du mythe, un large réservoir goutte d'eau de 18,9 litres le surplombe. Ses galbes aplatis s'enrichissent d'une platine métallique rutilante et d'une bande de cuir courant sur la longueur du bidon. De fins liserés parent ses flancs auquel un nouvel emblème crénelé exclusif, mêlant acier et verre, apportent une touche nostalgique. Les lignent plongent ensuite vers une vaste assise creusée et un strapontin passager amovible. De part et d'autre, deux massives cornes alu forgées, polies et chromées, soutiennent la coque arrière, tronquée pour donner un aspect brutal. Les cabochons profilés des clignotant, à leds, sont multi-fonctions, intégrant également feux de position et de frein.
La transmission se fait bien sur par courroie crantée et une boite Cruise Drive à six vitesses. L'amortissement de la poupe est confié à deux amortisseurs Showa placés sous la machine, à l'horizontal. Pour ralentir la Breakout et ses 330 kilos "toute mouillée", des étriers quatre pistons viennent pincer un simple disque de seulement 300 mm. A l'opposée, un élément double pistons serre une galette de même dimension. L'ABS surveillera l'ensemble pour plus d'efficacité mais avec élégance, le dispositif étant dissimulé avec soin dans le moyeu de roue. Enfin, le système antivol H-D Smart (pack sécurité avec ABS) installé en usine fonctionne grâce à un porte-clés qui active/désactive automatiquement les fonctions électroniques du véhicule, lorsque l'on s'approche ou vous s'éloigne de la moto. On verrouillera tout de même la colonne de direction avec l'outil habituel.
Câblage dissimulé, surface exempte de défaut… l'Amerloque réalise une présentation sans faute, à moins d'être extrêmement pointilleux. Comme la perfection n'est pas de ce monde, on citera l'alimentation électrique des clignotants ou un ergot de béquille un peu gracile au titre du perfectible.
Esthétique et mécanique s'allient avec talent pour affirmer le caractère puissant de la Breakout. Sa plastique musclée et riche vous assureront un look de bad(golden)boy à chacune de vos apparition. Pour cela, enfourchons l'évadée des beaux quartiers.

En selle

On tombe tout en confort sur le custom, son assise moelleuse rasant le bitume à 660 mm. Particulièrement étudiée, la selle est un des atouts de cette Harley, tout comme l'ergonomie générale. Les jambes s'étendent sans excès vers les repose-pieds fixés aux berceaux du cadre. Etonnamment, l'épais guidon droit, tube de forte section, s'atteint sans mal mais demande à lever légèrement les bras. On évite ainsi d'avoir à arquer le bas du dos. Certes, mon mètre quatre vingt quatre n'est pas étranger à ce ressenti. Les mains posées sur ce "dragbar" dédiée à la Breakout, la position de pilotage se veut agressive, légèrement avancée. Poignées et leviers épais (non réglable en écartement) côtoient des commodos aux poussoirs eux aussi surdimensionnés. Toutefois, leur gestion, surtout avec de gros gants, n'est pas des plus naturelle et l'ensemble demande un peu d'habitude.
Dépouillé, sur ce poste de pilotage les instruments paraissent réduit au minimum. Là aussi, le minimalisme a présidé au débat, accentuant l'aspect faussement brut. En effet, il y a bien plus de style qu'il n'y parait. Les massifs pontets en aluminium chromé se joignent et reçoivent une très discrète plaque supportant les indications lumineuses de base (neutre, phare, indicateurs de direction). Flottant sous le guidon, un unique compteur tachymétrique s'y rapporte, comportant une fenêtre digitale. Son affichage, commandé par poussoir dédié au guidon, propose horloge, totalisateur et deux partiels mais aussi rapport engagé et régime moteur. Enfin, l'autonomie restante est également disponible.

Compteur Harley-Davidson Softail Breakout

Complet et moderne, ce dispositif allie l'efficacité désormais exigible au style habituel de la marque. Au contraire des esthétiques rétroviseurs qui ne renvoient qu'une image parcellaire.

Harley-Davidson Softail Breakout

En ville

La mise sous tension s'effectue toujours coté gauche, en pivotant désormais un curseur épais. Une pression sur le démarreur déclenche la toux lente du démarreur et le 103 s'éveille alors dans un grondement contrôlé. Plus expressif lors des montées en régime, le twincam reste cependant discret, réclamant comme toute la gamme, son passage en "Stage 1". On libérera ainsi l'échappement et l'arrivée d'air pour un plus grand respect de la mécanique. Moyennant subsides, cela va sans dire.

La première claque, comme les suivantes, mais dans un bruit mat et le paquebot s'élance. Le terme décrit bien l'impression première dégagée par le cruiser. L'outrancier gommard arrière n'est pas pour rien dans ce comportement pataud à faible allure. Pour autant, les évolutions urbaines restent agréables, la Breakout se montrant docile et confortable. Bien sur, les rond-points exigent un peu d'attention et des épaules pour engager la direction. Jusqu'en quatrième, les reprises peuvent s'effectuer à 1.200 révolutions/minutes soit 40 km/h, laissant le twincam exhaler sa lente respiration au rythme de ses amples vibrations.

Harley-Davidson Softail Breakout en ville

Les dimensions superlatives de l'engin ont d'autres atouts, comme le fait d'accrocher les regards. Moins que ces chromes raisonnables, c'est son allure de brute stylée qui attire l'oeil. Attirante mais impressionnante, l'évadée joue bien son rôle. Et pour convaincre de sa force, de franches accélérations pétaradantes propulsent alors au loin le dragster yankee.

Harley-Davidson Softail Breakout en ville

Autoroute et voies rapides

Quelques rageuses montées en régime calent la Breakout au légal autoroutier. On passera alors la sixième overdrive, affichée comme telle au compteur et faisant chuter les révolutions moteur de près de 1.000 tours, soit 2. 800 par minutes. Sur ces voies, hormis la vie mécanique, il n'y a guère autre chose à apprécier. Les "highway" françaises ne sont pas le terrain de jeu de cette Harley. On note sa stabilité logiquement bonne vu le gabarit de l'Américaine et l'absence de vibrations pénibles. Seules demeurent les "good one". Pour faire passer le temps, on explore alors les capacités élastique sdu moteur et ses performances ultimes, frisant les 200 km/h. Peu appréciable pour le pilote servant alors d'aéro-frein et guère intéressant. Sauf à atteindre rapidement une sortie.

Harley-Davidson Softail Breakout sur autoroute

Départementales

La Breakout vous offre alors de partager sa cavale, s'adaptant à votre rythme avec aisance et les meilleurs arguments qui soient. En premier lieu, le confort s'avère bien meilleur que sur des machines comparables, permettant de cruiser longtemps. De plus, le twin 103, disponible et offrant également une allonge appréciable, peut montrer autant de rondeur que de caractère. Ainsi, on profitera des pulsations profondes de son gros coeur à 90 km/h et 1.800 tours sur le dernier rapport. La longue course reprend alors en pilonnant l'atmosphère du martèlement de ses grosses gamelles. Peu à l'aise dans les petits coins, le cruiser est un plaisir à emmener sur des voies moins tourmentées. Facile à placer malgré une poupe un peu lourde, le train avant guide l'ensemble avec aisance. Et pour jaillir des courbes, ses accélérations font vibrer autant l'air que le coeur de son pilote.

Harley-Davidson Softail Breakout en ville

Si l'envie de martyriser les Dunlop (D408F avant et et D407 arrière) vous démange, rentrez deux vitesses et lancez le projectile rutilant. 13 da.Nm de couple maximum sont disponibles dès 3.000 tours. Particulièrement pleines dès 2 600 rotations/minute, les relances projettent alors la Breakout vers l'horizon comme si sa liberté en dépendait. Au risque de retourner en cabane. Pour peu que la route soit faites de longs virages déliés, la ballade prend alors vite l'allure de folles arsouilles. Dotée d'une allonge efficace, le cruiser sort le power, accompagnant ses rugissements avec plus de vibrations. Cependant la garde au sol limitée doit s'imposer à votre esprit plutôt qu'au carter gauche et autres platines reliées au cadre. Sous peine de frayeur.

De même, le freinage suffit juste à ralentir le plus de quatre quintaux d'acier et chrome de l'équipage, pilote compris. Comme habituellement sur ces machines, le frein arrière fait une bonne part du travail. L'ABS ne se déclenche donc que difficilement et principalement sur les appuis prononcés sur la pédale.

En dépit d'un faible débattement, le combiné arrière offre un amortissement correct sur les principaux défauts du bitume mais se montre vite dépassé lors des grosses compressions.

Harley-Davidson Softail Breakout en ville

Partie-cycle

Classique et démesurée, la géométrie impose un peu de circonspection lors de la prise en main et des évolutions à basse vitesse. Cependant, commune au genre, la partie-cycle ne montre pas de défaut et l'expérience du constructeur Américain fait de la Breakout un monument raisonnable à emmener.

Freinage

Insuffisant à rythme élevé, il satisfait aux autres évolutions mais pourrait se montrer plus puissant. L'indispensable combinaison des éléments avant et arrière permet de gérer sans trop de problème la plupart des situations.

Freins Harley-Davidson Softail Breakout

Confort/Duo

Loin d'une selle de cowboy, l'assise pilote vous fera traverser les contrées les plus sauvages avec aisance. Un strapontin plutôt confortable attend également votre acolyte occasionnel. Mais gare au démarrage canon… De plus, la ligne de la machine est tout de même plus réussie en solo.

Selle Harley-Davidson Softail Breakout

Consommation

Non mesurée, son évaluation permet cependant d'envisager près de 300 kilomètres avec le plein au rythme usuel adopté sur ces machines.

Réservoir Harley-Davidson Softail Breakout

Conclusion

Moins prestigieuse que la CVO, la Breakout standard propose une évasion plus accessible. Loin d'être une production au rabais, elle se plait à jouer les filles de l'air sur un mode moins clinquant et finalement plus en phase avec l'esprit muscle-bike. Faussement dépouillée et bourrue, cette Harley est un vrai concentré de sensations fortes à la sauce Américaine. L'essentiel s'habillant ici d'un luxe moins ostentatoire mais bien réel pour sublimer le caractère entier du twincam 103.
Mêlant les genres pour tire une certaine quintessence du mythe Harley, la Breakout n'est certainement pas le plus facile des produits de Milwaukee. Elle ravira les plus "crapuleux" des fans de la marque prêt à se faire la belle au vu et au su de tout le monde. Il leur faudra tout de même laisser 20 590 € pour la version Vivid Black et 20 890 € pour les coloris Ember Red Sunglo et Big Blue Pearl.
Bien qu'atypique et peu soumise à concurrence, on pourrait lui opposer la toute nouvelle Moto Guzzi California Custom, affichée à 17350 €. Plus technologique, l'Italienne se montre particulièrement séduisante et bien équipée. Plus versatile de part une partie-cycle moins typée, son esthétique moins absolue la rangerait presque au rang de roadster comparée à l'audacieuse Américaine.
Marginale de la famille Harley, la Breakout assure le spectacle. Plus exigeante que ses soeurs, elle possède la génétique extrême de ses origines. Sans concession, elle laisse derrière elle un parfum d'absolu et un rien sulfureux propre à l'interdit enfin transgressé. A son bord, faites sautez vos verrous et… laissez vous aller.

Points forts

  • Caractère et disponibilité moteur
  • Style
  • Finitions
  • Esthétique dynamique

Points faibles

  • Sonorité
  • Garde au sol
  • Tarif

Coloris

disponible en Vivid Black, Ember Red Sunglo et Big Blue Pearl.

La fiche technique du Breakout