Essai moto Husqvarna Vitpilen 801
Faire sa place
Moteur bicylindre en ligne de 799 cm3, 105 ch et 106 Nm, 180 kg à sec
Je me fie à eux les yeux fermés. Je les connais depuis vingt ans. Ils bossent pour des titres moto qui furent farouchement concurrents. Le premier, X. s’approche de la retraite, il surplombe, longue-vue en main, l’évolution de l’espèce moto depuis trente ans, sans rien perdre de sa verve au guidon, généreux, ni de sa passion. Arrivés ensemble à la carrosserie Lecoq, où Husqvarna nous remettait les clés des Vitpilen 801, il s’est attardé sur les Ferrari alentours, puis le six-cylindres en ligne Jaguar perché sur un pied, dans l’espace de réception. Il caresse le métal dilaté des milliers de fois, désormais refroidi pour toujours. Il boit les paroles de Thomas Alunni, le patron des lieux, qui détaille le travail d’un tôlier-formeur sur une Panhard Levassor.
Le second, T., nous rejoint en fin d’après-midi. La cinquantaine alerte, il a le plus beau palmarès sportif des journalistes moto, champion d’enduro, finisseur au Paris-Dakar, pilote en endurance (24 heures du Mans et Bol d’Or), en supermotard, en vitesse… Placide et goguenard, il s’exprime peu pour être juste.
La nouvelle Vitpilen pourrait leur sembler un nouveau smartphone, l’électronique a tant été mise en avant lors de sa présentation. Ils savent très bien qu’elle partage le moteur de la Svartpilen 801 mais aussi de la KTM Duke, se montrent attentifs aux différences, au réseau de concessionnaires, aux intervalles de révision. Ils n’ont plus rien à prouver (ils ne suivront pas, un peu blasés certes, les recommandations du marketing qui incite à créer du contenu sur les réseaux sociaux), la Vitpilen qui en bénéficiera différemment.
L'essai vidéo de la Husqvarna Vitpilen 801
Découverte
Côté moteur, rien de nouveau. On retrouve le bicylindre parallèle LC8c de 799 cm3 avec son vilebrequin calé à 285 degrés, qui donne un ordre d'allumage décalé. Lorsque l’un des deux pistons arrive au point mort haut, l’autre se situe juste un peu plus bas. Une conception censée donner un peu plus de caractère au twin en ligne, moins riche en sensations qu’un V2. Pourquoi les constructeurs préfèrent désormais cette architecture moteur ? Parce qu’un bicylindre en ligne coûte moins cher à produire qu’un v-twin. Le LC8c dispose de deux balanciers d’équilibrage, pour réduire les vibrations, dont un dans la culasse, entraîné par l’arbre à cames d’échappement. On sait qu’il vibre peu. Fabriqué en Chine par CFMoto (mais la Vitpilen est assemblée en Autriche), il témoigne d’une technologie moderne (intervalles de révision tous les 15 000 km), avec une lubrification par carter sec, des pistons forgés et des carters en aluminium.
Ce moteur est partagé avec la KTM Duke 790, tout comme le cadre treillis en chrome-molybdène, qui utilise ce twin compact comme élément porteur, pour augmenter la rigidité. La boucle arrière est en aluminium moulé, le bras oscillant, en alu aussi, a gardé les motifs emblématiques des KTM. Mais l’habillage de la Vitpilen modifie un peu la disposition de la boîte à air, l’échappement n’est pas non plus le même que la Duke, ce qui peut modifier légèrement le caractère moteur.
Les suspensions WP (fourche inversée Apex aux tubes de 43 mm de diamètre, amortisseur monté directement sur le bras oscillant, avec 150 mm de débattement) sont elles aussi connues, comme le freinage J.Juan, avec ses disques de 300 mm devant et un ABS Bosch qui peut être désactivé en mode Supermoto. L’électronique est aussi reprise à la Duke, avec les trois modes de conduite classiques (Street, Rain et Sport), ajoutant en option (environ 400 euros) le mode Dynamic. Ce dernier permet de paramétrer soi-même les niveaux d’intervention de frein moteur et la réponse à la poignée de gaz, ainsi que l’antipatinage (MTC), sur dix niveaux et l’antiwheeling, sur cinq niveaux. Le menu se déroule depuis le commodo gauche, de manière assez intuitive. Le shifter up&down, nommé Easy Shift, est une option à environ 300 euros (tarif non fixé au moment de l’essai, comme le tarif de la moto d’ailleurs).
C’est donc l’habillage qui distingue la Husqvarna de la KTM Duke et la Vitpilen de la Svartpilen, à la légère tendance scrambler pour cette dernière (avec ses pneus Pirelli MT60RS). Le guidon en aluminium de la Vitpilen s’avance un peu vers le pilote. L’écran TFT de cinq pouces s’intègre bien au-dessus du phare à Leds, joli. Le réservoir de 14 litres s’échancre au niveau des genoux. La coque arrière est assez courte mais la selle pilote large, alors que la place passager est minuscule. Mais les deux petits flancs qui protègent le radiateur paraissent très exposés en cas de chute.
En selle et en ville
Pour une fois, on a pu découvrir la moto par nous-mêmes. Lors des présentations à la presse, on roule souvent encadrés par des ouvreurs, qui indiquent le parcours choisi, ce qui autorise peu de liberté pour essayer les motos dans différentes conditions ou usages. X. me rappelle qu’il y a une vingtaine d’années, on faisait confiance aux essayeurs. On monte vers Grasse. La selle offre un confort sympa, presque surprenant. La position de conduite bascule légèrement vers l’avant ; malgré sa bouille bienveillante, ce roadster reste sportif. Les jambes sont un peu pliées vers l’arrière. Au feu rouge, X. s’étonne : “La commande d’embrayage est super douce, agréable”. Plus loin, lors d’un arrêt, il partage : “Je trouve le moteur plus rond que sur la Duke, non ?”. Je suis d’accord. Pourtant, le soir, les techniciens de Husqvarna affirmeront qu’il n’y a pas eu de modifications. Sinon l’échappement et les paramètres d’injection qui lui correspondent.
On sort enfin de l’urbanité de ce sud-est, qui monte haut dans les Préalpes. La Vitpilen se tire de toutes les situations, même les demi-tours serrés, parce qu’on s’est paumés deux ou trois fois. Les environs 200 kg tous pleins s’oublient. Le bicylindre reprend facile à 2.500 tr/mn, il est vif sans aucune brutalité. Le tableau de bord laisse lire le rapport engagé et le régime moteur, mais les autres infos, comme l’heure, sont écrites en trop petit. On ne s’y fait jamais trop, à ça. J’ai connu ce défaut sur mon Aprilia 660 Tuareg.
Autoroutes et voies rapides
Les voies rapides aux alentours de Cannes sont saturées, on a choisi d’éviter l’autoroute (le moteur tourne à 5.000 tr/mn à 130 km/h, la zone rouge démarre à 9.000 tr/mn). La position un peu sur l’avant imposera assurément des pauses fréquentes, que le réservoir de 14 litres approuvera.
Départementales
T. nous a rejoints. Le lendemain, Husqvarna nous a emmenés dans le massif de l’Esterel, beauté éternelle. Routes étroites, couleurs d’automne, flancs rocheux, humeur balade… rapide. Le moteur reprend à tous les régimes avec le même souffle. Il n’a pas de caractère très affirmé, sans se montrer effacé ; une sorte de caractère jovial et énergique, sans férocité. Le shifter ne coince jamais, même s’il est plus agréable d’utiliser l’embrayage à bas régimes. T. fait le même constat que nous, l’agrément d’ensemble réjouit. Je trouve pourtant la commande de frein avant raide, elle manque de progressivité. X. est d’accord. T., d’un bref “Ah ?”, fait comprendre qu’elle lui convient.
À la pause du midi, on farfouille dans les menus du tableau de bord. Trois gars aux cheveux blancs ou quasi, errant dans le labyrinthe numérique. T. est le plus à l’aise, il prend le lead du paramétrage. Je ne sens pas de différence flagrante entre le mode Street et Sport, si ce n’est peut-être une petite réactivité supplémentaire, mais j’ai peur que ce soit plus psycho qu’autre chose. Des zones humides parsèment encore les portions ombrées de la route, vestiges des pluies torrentielles des jours précédents. Je n’ai jamais déclenché l’antipatinage sur cette adhérence précaire, les Michelin Road 6 adhèrent bien dans ces conditions. Sur le sec, le pneu avant de cette monte d’origine donne moins confiance, à l’attaque, qu’un Bridgestone ou un Pirelli équivalent. X. m’avait fait la même réflexion la veille. C’est toujours rassurant de partager une sensation, même quand on a de la bouteille. L’essai porte bien son nom, il porte une part de subjectivité donc de doute. Le Michelin, sur un angle prononcé avec un peu de vitesse, donne l’impression qu’il décroche par minuscules saccades répétées. Je préfère enrouler, prendre des trajectoires plus larges.
La Vitpilen donne sinon une confiance absolue, homogène, aux suspensions efficaces. La fourche se règle sur cinq crans en hydraulique, détente sur le tube droit et compression à gauche. Deux clics de variation montrent une différence, signe d’une suspension de qualité, pour le comportement. Côté confort, elles sont un peu raides. Pour une fois, T. exprime son accord. Le midi, à table, il laisse échapper : “Elle est pas mal c’te moto, non ?”.
Freinage
La puissance du freinage suffit amplement, mais le levier avant manque de progressivité, il devient raide avant même la mi-course du levier. Le frein arrière fonctionne parfaitement, utile en ville et dans les courbes serrées.
Confort
La position de conduite un peu engagée et les suspensions assez fermes rappellent que la Vitpilen appartient au genre roadster sportif. Mais la selle, large et bien rembourrée, assure un certain confort.
Conclusion
Dernier soir, attablés. T. confirme sa bonne impression, d’un air détaché. Alors que nous n’avons qu’une approximation pour la Vitpilen, un peu moins de 11.000 euros nous suggère-t-on (elle sera vendue 10.499 euros en Allemagne), il demande les tarifs des motos concurrentes. Avant tout la Yam’ MT-09 (10.499 euros) et la Triumph Street Triple (10.795 euros), deux trois cylindres stars sur ce créneau. T. se demande alors ce que la Vitpilen apporte de plus qu’une Honda CB750 Hornet, à 7.999 euros. Puis se souvient que le nouveau gros roadster Honda, la CB 1000 R, sera aussi à moins de 11.000 euros, avec plus de 150 ch.
Le chemin est étroit entre tous ces roadsters. La Vitpilen n’a pas le charisme mécanique de la MT-09, mais son allure est plus élégante et ses suspensions de meilleure facture. La Street Triple est imbattable en qualité de fabrication, son trois cylindres est sympa, son comportement irréprochable… La Husqvarna est plus originale, même plus marrante en moteur, mais moins performante avec ses 105 ch. Quant à la Hornet 750, la Vitpilen l’assomme sur le plan du plaisir moteur. On finit par s’accorder tous trois sur la difficulté à faire un choix parmi toutes ces motos, auxquelles on pourrait ajouter la nouvelle Kawasaki Z 900 et la Ducati Monster, plus chère. “Les choisiront selon le look” conclut T. “Personne n’a plus trop de doute sur les performances de ces bécanes”. Mais les caractères sont différents. La Vitpilen parvient à unir deux contradictions dans le roadster : le sport et la quiétude, avec un niveau de finition élevé et une allure originale. Reste à installer Husqvarna dans le paysage des motos de route…
Points forts
- Souplesse moteur
- Comportement équilibré
- Equipement
- Finition
Points faibles
- Manque de progressivité du frein avant
- Sensation à l’attaque du Michelin Pilot Road 6 avant
- Flancs exposés en cas de chute
La fiche technique de la Husqvarna Vitpilen 801
Conditions d’essais
- Itinéraire : routes sinueuses à revêtement variable
- Météo : beau, 23°C
- Kilométrage de la moto : 1.200 km
- Problème rencontré : ras
Équipement de série modèle Vitpilen 801
- Contrôle électronique de l’accélérateur
- 3 modes de puissance moteur
- Traction Control MTC
- Contrôle de frein moteur
- Anti Wheelie Control
- Prise USB-C
Disponibilité / prix
- Coloris : Gris / Jaune
- Prix : non communiqué
- Lancement : novembre 2024
Équipements essayeur
- Casque Arai Quantum
- Blouson Helstons
- Basket XPD MotoPro
- Jean Esquad
Commentaires
Ce phare boite à camembert ou turbine d'avion, où sont les aspects pratiques, une moto jolie mais à utiliser en ville.
15-11-2024 08:24Je fais quoi quand je pars en balade, sac à dos?
Enfin un coloris qui sort du noir, du gris.
A mon avis c'est une moto assez contraignante pour la ville.
15-11-2024 09:30J'aurai plutôt dis usage ballade peri-urbain.
Très classe en tout cas.
Quand je dis ville je pense métropole au sens large
15-11-2024 11:01Je préfère, et de loin, au look ktm.
15-11-2024 21:10Bonjour à tous,
19-11-2024 18:48En fait, c'est pas un essai, plutôt une prise de contact, pas de passager, pas d'autoroute...
Mais c'est quoi ce phare ?? On dirait qu'il m'ont piqué celui de mon Peugeot 102 , ça éclaire la nuit ?
Faudrait faire un essai par une nuit sans lune...
Perso rouler de nuit avec une moto pareille ne m'effleurerait même pas l'esprit.
20-11-2024 00:03