english

Essai MV Agusta F3 675

Métal Hurlant !

Entre 1966 et 1972, la mecanica Verghera (MV) a remporté six titres mondiaux avec des trois cylindres 350 et 500. C'est pour les célébrer que la marque italienne commercialise aujourd'hui la 675 F3. Rencontre avec une star un peu capricieuse...

Belle à couper le souffle, au propre comme au figuré, tant elle est fine, la MV se distingue autant pas ses formes que pas sa technologie. Son style « mini F4 » inspiré du maître Tamburini lui confère une incroyable grâce. Sensuelle à souhait, la F3 est un peu comme une jolie fille qui vous émeut au premier regard.

MV Agusta F3 675
MV Agusta F3 675

Découverte (ou plutôt rencontre)

Une fois passé le haut le cœur provoqué par ses formes sculpturales, on s'attarde sur les détails qui font sa personnalité. Ses dessous, laissent entrevoir des merveilles, que le noir ne met pas aussi bien en valeur que l'or de la version « Oro ». Mais tout de même, le superbe cadre treillis relié à de belles platines moulées, le magnifique monobras, l'élégance des jantes, chaque détail compte et franchement, on ne se lasse pas de scruter la bête, tant elle est belle (et non le contraire).

MV Agusta F3 675
MV Agusta F3 675

Moteur

Dans ce magnifique écrin, se niche un trois cylindres, non que dis-je, un trois pistons (c'est écrit dessus !) incroyablement compact.

Il revendique 80 mm de largeur en moins que son célèbre concurrent d'outre atlantique ! Arrivé second sur ce segment MV n'a pas ménagé ses efforts en concoctant une mécanique d'exception. Jugez plutôt : soupapes titanes, pistons forgés, double injecteur par cylindre et course ultra courte (79 X 45,9) contre (74 X 52,3) initialement pour la Triumph 675, porté à (76 X 49,6) sur la dernière version pour grappiller 3 chevaux supplémentaires. Il faut dire que la MV faisant couler autant d'encre que de salive, les anglais ont décidé de revoir leur copie en 2013.

MV Agusta F3 675
MV Agusta F3 675

Résultat la Triumph annonce aujourd'hui 128 ch à 12500 tr/mn, alors que la MV en « crache », le terme est adapté, 126 à 14400, soit presque 2000 tr/mn plus tard. Cependant, pour le couple maxi, c'est l'inverse : 7,24 mkg à 10600 tr/mn pour la MV, contre 7,5 mkg à 11900 tr/mn chez Triumph. Au delà des chiffres, c'est bien-sûr l'allure des courbes de couple et de puissance qui compte. Nous en reparlerons à l'usage. Mais ce n'est pas tout ! Pour faire bonne mesure, MV a repris le concept de vilebrequin contra-rotatif, cher aux Yamaha M1 de Valentino Rossi et Jorge Lorenzo. Utilisant l'arbre d'équilibrage, en guise d'arbre intermédiaire, MV fait tourner le vilebrequin dans le sens inverse des roues, dans le but de réduire, par compensation réciproque, l'effet gyroscopique. Ainsi la moto devient plus maniable. Enfin, le constructeur italien a doté sa belle d'une électronique sophistiquée, espérant tirer le meilleur parti du moteur et du châssis. Cela commence par un accélérateur « sans fil », puis cela continue avec 4 cartographies ajustables et se termine par un contrôle de motricité à 8 étages ! En option, vous pouvez disposer d'un capteur d'inclinaison pour mieux gérer les assistances, d'une aide aux départs, d'un anti wheeling et d'un shifter. Bref, la totale. Un fait rarissime sur une supersport, 600 ou 675 donc, qui en outre sait rester raisonnable en prix. Cerise sur le gâteau, signalons la boîte de vitesses à cassette et son original système de sélection, avec les fourchettes positionnées et articulées directement autour du barillet.

En selle

Ce qui surprend de prime abord, c'est la taille de l'engin. Cette 675 est vraiment petite et pour les moins de 1,70 m, c'est un régal de s'installer à bord. Fort heureusement les plus grands y trouveront leur place aussi, même si à l'évidence ils ressentiront plus l'impression de ne rien avoir entre les jambes. La position de conduite est très typée sport, avec des reposes-pieds très hauts (non réglables), mais cependant, la selle est moins haute que sur la Triumph. A bord, on est bien, on fait corps, totalement encastré dans la moto. Le poids plume se ressent immédiatement, dès que l’on bouge la moto. On se croirait presque sur une 250! Le tableau de bord archi complet capte le regard... et même l’attention pour le déchiffrer ! Aïe, ce n'est guère lisible. Particulièrement le compte tours, en mode barregraphe, mais aussi l'indication de la vitesse, trop petite. Dommage car il dispose d'un chrono, d'un shiftlight, d'un indicateur de rapport engagé et d'une commande déportée au guidon. Avec le commodo gauche, on gère l'antipatinage. A droite, c'est le bouton de démarreur qui sert à sélectionner la cartographie. Il n'y a pas de jauge, mais un témoin de réserve.

Tableau de bord MV Agusta F3 675
Tableau de bord MV Agusta F3 675

En route

Voici enfin venu le moment du décollage. Les trois courtes sorties d'échappement font entendre leurs vocalises. La sonorité est rauque, rugueuse, métallique. Avec sa course courte, le moteur a peu d'inertie. Il grimpe très vite dans les tours à chaque coup de gaz. Étonnant pour un trois cylindres. Cela semble très prometteur.

Sorties échappement MV Agusta F3 675
Sorties échappement MV Agusta F3 675

Le passage de la première, comme l'embrayage, n'appelle pas de commentaire particulier. Visiblement, la sélection a été améliorée par rapport aux premières machines d'essai. On pouvait en effet craindre que le système de sélection, où le barillet fait office d'axe de fourchettes, soit naturellement dur. Mais ici, avec des bottes de vitesse, pas de réel problème à signaler. Par contre, le shifter, lui, semble « nerveux ». A peine a-t-on effleuré le sélecteur que l'allumage se coupe, provoquant des à-coups inattendus. Il convient donc d'être vigilant et de ne pas trop approcher son pied, dès lors qu'on n'a pas décidé de changer de rapport.

En piste

Lors des premiers tours de circuit, on est perdu. En effet, la mécanique, à la fois bruyante et “sensationnelle” vous en met plein les oreilles. On a l'impression d'être toujours à très haut régime, faute de s'y retrouver sur le compte tours en prime. Quand on est habitué à la Triumph 675, c'est un autre univers. L'anglaise semble presque placide ! Mais au moment de tourner la poignée aussi, les choses changent. Si la gracieuse sujette de sa majesté répond présente dès les bas régimes, sur la MV, c'est creux, beaucoup plus creux. Ainsi à 6000 tr/mn, la Triumph dispose déjà de 50 bons chevaux, alors que la MV en compte tout juste 40. Un supplément de 25% en faveur de Triumph, qui se ressent d'autant plus qu'avec le fracas métallique ambiant, on aurait volontiers tendance à rester dans les bas régimes. Or c'est tout le contraire qu'il faut, car ce trois cylindres hypercarré a tout d'un 4 pattes ! A titre de comparaison, la ronde et facile 600 GSXR développe déjà 45 ch à 6000 tr/mn ! Et si passé 10000 tr/mn, la MV crache son venin, elle délivre sa puissance maxi au même régime qu'une Yamaha R6 (14 400 tr/mn), soit 1000 tr après la 600 GSXR et 2000 après la Triumph ancienne version. D'ailleurs, ses reprises sont du niveau d'une 600 Kawasaki, très travaillée pour le couple il est vrai, mais sans comparaison avec « la 675 ». En contre partie, ceux qui reprochent son manque d'allonge à l'anglaise (qui a gagnée 500 tours en 2013) apprécieront les hurlements de la MV ! Du pili-pili sauce piquante assurément que ce moteur, qui ne manque d'ailleurs pas de saveur!

MV Agusta F3 675 sur piste
MV Agusta F3 675 sur piste

Assistance électronique, pour le meilleur... et pour le pire

Mais il n'y a pas que le moteur à la fois creux et rageur qui surprend, il y a aussi l'électronique. En effet, il est très difficile de doser la puissance sur le filet de gaz. C'est mieux et plus naturel sur le mode N, que S, mais tout de même, pas très « naturel ». Avec tout ça, au début, on ne sait pas où l'on en est du régime et de la charge (ouverture des gaz). Bref, on se demande comment va réagir la moto et à défaut d'être assez dans les tours, on sort des virages « comme une enclume ». Faute d'avoir eu le temps d'essayer le mode « custom », qui permet une programmation personnalisée de la poignée de gaz, on se prend à regretter une bonne vielle commande par câble, bien naturelle, comme sur la Triumph, ou même la 1000 GSXR, une autre référence de facilité, peu pourvue d'électronique. Parfois ça chevrote et l'on se demande si l'on est au rupteur, si l'on a effleuré le sélecteur ou si c'est simplement l'accélérateur qui fait des siennes. Une situation guère confortable quand on cherche les limites. Dommage, car au fil des tours on assimile peu à peu le mode d'emploi et on utilise plus le moteur dans sa plage de fonctionnement idéale. On découvre alors un châssis précis et rigide, une machine très maniable, stable sur sa trajectoire, dans les petits coins, comme dans les grandes courbes. L’avant est tranchant à souhait. Le vilebrequin contrerotatif semble tenir ses promesses. Un vrai régal ! Visiblement les Michelin Power Supersport de notre moto d’essai lui conviennent très bien. Rappelons que la monte d’origine est en Pireli Diablo Rosso, sans doute eux aussi adaptés à la F3. Signalons enfin que la position s'avère très agréable en piste et qu’on bouge très facilement sur la moto.

MV Agusta F3 675 sur circuit
MV Agusta F3 675 sur circuit

Amortisseur MV Agusta F3 675
Amortisseur MV Agusta F3 675

Freinage

C'est un autre sujet de satisfaction que nous donne la partie cycle. Cet ensemble Brembo est vraiment du meilleur niveau. Puissant, dosable avec deux doigts, il a juste le mordant qu'il faut, sans être agressif. On peut rentrer fort en courbe, la moto ne se redresse pas sur les freins. Ce train avant est vraiment parfait. Le frein arrière n'appelle pas de commentaire particulier sur ce genre de moto. Il fait son job.

Freins MV Agusta F3 675
Freins MV Agusta F3 675

A l'épreuve du quotidien

Nous n'avons pu disposer de la Diva que sur piste. Cependant, ce sobriquet reflète bien sa personnalité. Avec elle, le quotidien sera plus nuancé. Sans minimiser le plaisir de se réveiller avec un tel bijou dans son garage, il faudra compter avec une position de conduite guère adaptée à la ville et pas plus à la route. La faute en revient surtout à ses repose pieds très hauts. Vous aurez la nuque cassée pour regarder loin devant, car ici la position de référence c'est plutôt la limande pour chercher le dernier kilomètre heure, le nez dans la bulle. Après quelques dizaines de kilomètres, ou de minutes en ville, les vocalises de la mécanique risquent de devenir fatigantes à la longue. Enfin vous devrez composer avec un moteur creux comme celui d'une Yamaha R6, vous obligeant à descendre 2, voire 3, rapports pour un dépassement express. Bref, votre quotidien ne sera pas de tout repos. Mais c'est la rançon de la gloire. Il est probable que la vie de Brad Pitt avec Angelina Jolie ne soit pas aussi rose qu'au cinéma. Mais les candidats à la « reprise » sont très nombreux. Vous aussi avec votre F3 ferez des envieux, même si vous avez secrètement le droit de rêver d'un scooter quand vous affronterez les bouchons, tel un crapaud sur une boîte d'allumettes.

Conclusion

Vendue à un tarif très compétitif, cette F3 séduit, envoûte, mais déçoit aussi par certains aspects. Ceux qui la voyaient enterrer la 675 Triumph en seront pour leur argent. Au chrono l’anglaise de série mouche la MV et toute la concurrence d’ailleurs, plaçant de fait la barre très haute. Cependant, la F3 est assurément bien née, très bien née même, comme en témoignent ses premiers résultats en course. Ils démontrent et confirment que le châssis, comme le moteur sont d’excellente facture. Liés à l’électronique, les problèmes de comportement sont simplement de l’ordre de la mise au point. L’avantage avec l’informatique, c’est que cela consiste en une simple mise à jour. De fait, ceux qui auraient envie de s’offrir une F3 ne doivent pas être rebutés par ces petits défauts qui seront résolus prochainement en concession. L’usine, qui en a conscience, met tout en œuvre pour que les concessionnaires puissent le faire facilement en magasin. Vendue 12.500 €, la MV 675 F3 est une moto d’exception, prestigieuse, un futur collector, qui mérite largement le détour. Surveillez de prêt ses prochaines sorties en piste, vous serez agréablement surpris: Roberto Rolfo a été longtemps quatrième de la première épreuve du mondial supersport avant de devoir abandonner, ses pneus l’ayant trahit. Il termine 9 ème de la seconde épreuve sur le très rapide tracé d'Aragon. Une place exceptionnelle, face à des modèles qui bénéficient déjà de plusieurs années d’expérience en course. Comme dit l’adage, bon sang ne saurait mentir…

Points forts

  • Le prix
  • La ligne
  • La finition
  • La mécanique
  • La légèreté, la maniabilité
  • Le châssis
  • Le freinage
  • Le potentiel
  • La technologie

Points faibles

  • L’électronique
  • Le moteur creux en bas
  • Le shifter un peu trop nerveux
  • Le manque d'agrément d'utilisation

La fiche technique de la MV Agusta F3 675

Conditions d’essais: sur piste à Magny-Cours

Commentaires

AntoineZZ

"Une fois passé le haut le cœur provoqué par ses formes sculpturales"

C'est plutôt un "coup de cœur", non ?

24-06-2013 08:38 
Dany

Avoir un "haut de coeur" signifie dégoût, nausée... Je ne pense pas que cette MV F3 puisse provoquer ça !...

10-07-2013 16:13 
 

Connectez-vous pour réagirOu inscrivez-vous