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Essai moto Nard Ultra 6

Montre français ou génie gaulois ?

Moteur Honda Moto2 de 128 ch, train avant à suspension parallélogramme, géométrie réglable, châssis en aluminium 7075 T6 taillé dans la masse, 154 kg

Il y a les motos standards et puis celles qui ouvrent de nouvelles voies, notamment au niveau technique et mécanique. C'est exactement le cas du constructeur Nard avec sa sportive Moto2 Ultra 6, avec son train avant à suspension à parallélogramme et son cadre au design ultra minimaliste.

Mais c'est bien d'admirer mais c'est encore mieux d'essayer ! Alors quand j'ai reçu l'invitation, j'ai aussitôt sauté dans l'avion pour rejoindre ensuite le circuit Croix-en-Ternois. La Nard Ultra 6 m'attend sagement dans le paddock.

Pourquoi Nard ? Du nom de son concepteur et ancien ingénieur civil en hydro-électrique Gilles Nard 71 ans. Ses fils Sébastien et Julien sont également de la partie, avec une stratégie de design qui, partout sauf en France, serait au mieux considérée comme inutile et au pire risible. Quel est le problème avec les fourches télescopique de toute façon ?

Essai de la sportive Nard Ultra 6
Essai de la sportive Nard Ultra 6

La France et les trains avant non-conventionnels

Eh bien, il doit y avoir quelque chose dans le vin ou dans l'eau minérale. Parce que c'est bien surtout en France que l'on trouve ces nouvelles directions et solutions, plus que dans tout autre pays avec ce paradoxe : la France est le plus grand marché européen de motos et cependant ne dispose plus d'industrie moto ! Et c'est aussi en France que l'on trouve aussi bien des approches innovantes et avant-gardistes au niveau des châssis de motos et un engagement en compétition. Les exemples successifs de pensée alternative qui sont sortis des ateliers nationaux au cours du dernier demi-siècle ne sont pour la plupart pas de simple folies fantaisistes qui veulent juste être différentes. Au lieu de cela, ils ont souvent proposé une véritable solution à cette énigme séculaire : comment rendre quelque chose qui fonctionne bien aujourd'hui encore meilleur ? Au stade où des constructeurs majeurs tels que Honda et BMW ont adopté des éléments de ces conceptions révolutionnaires sur leurs modèles de série, la technologie alternative du châssis français mérite d'être reconnue comme un creuset destiné à développer une meilleure moto.

La Yamaha XS1100 Fior de 1978
La Yamaha XS1100 Fior de 1978

C'est comme cela que la Kawasaki Godier & Genoud de Pierre Doncque, victorieuse du Bol d'Or 1975 avec son cadre périmétrique en acier tubulaire complété par une suspension arrière progressive, a entraîné le format du cadre à double longeron devenu aujourd'hui un élément courant sur la plupart des sportives de série. On peut aussi parler du bras oscillant unilatéral lancé par André de Cortanze dans la conception de la sportive d'endurance ELF, qui fut également la première à courir avec des disques de frein en carbone. C'est encore un des nombreux brevets ELF acquis par Honda pour produire les RC30, RC45 etc. Il y a ensuite eu la suspension avant Duolever des BMW de la série K lancée en 2004, copie directe de la fourche à parallélogramme inventée 25 ans plus tôt par Claude Fior. Le même train avant orne les modèles Brough Superior produits à Toulouse aujourd'hui et sera également présent sur la moto Aston Martin AMB 001 dont la production doit débuter. Oh et John Britten l'a utilisée aussi pour ses créations V-twin à couper le souffle. Même les commentateurs anglais les plus traditionnels, qui aiment se moquer de ce qu'ils qualifient de "drôles de fourches françaises", doivent reconnaître l'importance du refus clair des ingénieurs gaulois de rester sur les acquis en repoussant les limites de la conception du châssis, avec des avantages évidents pour tout le monde.

Ron Haslam sur l'ELF3 en 1986
Ron Haslam sur l'ELF3 en 1986

On peut également parler de l'éternelle étreinte à la non-conformité d'Eric Offenstadt et de sa multitude de sportives de GP à cadre monocoque équipées de freins à disque et de roues moulées, qu'il a été le premier à commercialiser, jusqu'à la Geco R15 de 2017 construite autour d'un moteur YZF-R1 fourni par Yamaha Europe. Mais on peut aussi parler de la série de sportives d'endurance et de concurrentes de 500 GP financées par le géant pétrolier français ELF, ou de la gamme de motos de route et de piste équipées de la fourche Fior. La France possède une tradition du non-conventionnel dans la conception des motos. Tradition dont la Nard Ultra 6 fait partie intégrante.

Eric Offenstadt et sa SMAC Kawasaki 500 monocoque
Eric Offenstadt et sa SMAC Kawasaki 500 monocoque

Découverte

En août dernier, Eric de Seynes a exprimé sa confiance dans le design de Nard en faisant en sorte que le constructeur aux trois diapasons fournisse un autre moteur de R1 à l'équipe pour lui permettre de construire son propre prototype d'endurance qui, sans le Covid-19, aurait déjà dû effectuer ses tests pour participer aux épreuves mondiales 2020-2021. Bien que le prototype Nard Ultra Y1 ait été présenté sous forme embryonnaire aux 72.000 visiteurs du Salon du 2 Roues de Lyon en février dernier, ses débuts sur piste sont encore loin. L'occasion de piloter son prédécesseur au format Moto2 à Croix-en-Ternois m'a permis d'évaluer les qualités du châssis de Nard Engineering.

L'Ultra Y1, prochain projet de Nard sur base de moteur de Yamaha YZF-R1
L'Ultra Y1, prochain projet de Nard sur base de moteur de Yamaha YZF-R1

La Nard Ultra 6 a été conçue par Gilles Nard dans sa ville natale de Clermont-Ferrand dès 2014 après ce qu'il décrit avec une grimace comme "une difficile année d'immersion totale dans le design". Sa création s'est finalement réalisée, bien que ce cela ne soit arrivée qu'après la création officielle de Nard Engineering et que ses deux fils le rejoignent :

Au départ, j'espérais la créer dans mon garage chez moi, en utilisant des sous-traitants pour produire les composants nécessaires à mon design. Mais après avoir été constamment déçu par les différents fournisseurs en termes de délais et d'exécution, j'ai décidé que nous devions tout faire nous-mêmes. J'ai acheté une machine CNC pour nous permettre d'usiner nos propres composants métalliques, ainsi qu'un autoclave pour toutes les pièces en fibres de carbone comme l'habillage, les conduits d'air, les jambes de forces et les garde-boue. Nous avons tout construit en interne sur cette moto, à l'exception du moteur, de l'électronique, des freins, des roues et de la suspension.

Comme Clermont est aussi le berceau de Michelin, on devine facilement quels pneumatiques équipent la Nard !

La Nard Ultra 6 est développée sur une base de Moto2
La Nard Ultra 6 est développée sur une base de Moto2

Le choix de créer une Moto2 a été fait car il s'agissait du moyen le plus rentable et le plus fiable de démontrer la validité du design Nard. Mais le remplacement du moteur quatre cylindres Honda dérivé de la CBR600RR par le trois cylindres Triumph de 765 cm3 a dû être un revers ?

Non, car non seulement nous pouvons encore courir en Espagne où les courses Moto2 se font toujours avec le moteur Honda, mais aussi parce que nous sommes autorisés à courir en France en Supersport 600... sans être cependant éligible pour marquer des points.

C'est sur cette base que la Nard Ultra 6 alors tout juste achevée a fait ses débuts en course en octobre 2017 à l'occasion de la dernière manche de l'Ultimate Cup 600 à Magny-Cours, pilotée par Erwan Quellet, pilote d'essai Michelin envoyé par le manufacturier tricolore dans le cadre de son soutien au projet. Quellet s'est qualifié sixième sur la Nard qu'il n'avait encore jamais pilotée avant ce week-end. Il s'est retiré de la première course à trois tours de l'arrivée à cause d'un problème de freins avant alors qu'il occupait la troisième place, puis a lutté pour la victoire avant de chuter dans l'avant-dernier tour de la seconde course après une tentative de dépassement trop ambitieuse. Pas un mauvais début !

Le châssis développé par Nard en détail
Le châssis développé par Nard en détail

Cette performance a démontré que le design Nard avait un véritable potentiel. Quellet croyant au projet, a continué à tester la moto pendant que Nard Engineering développait minutieusement le concept. En cours de route, le moteur Honda d'origine a été réglé selon les spécifications Moto2 par Brancquart Competition à Marseille. Il délivre désormais 128 ch à 15.000 tours/minute, soit beaucoup moins que les Supersport plus libres qui tournent quelques secondes plus vite à Magny-Cours. Fin 2018, l'Ultra 6 était prête à rouler, mais le manque de budget de plus de 6.000 € nécessaire pour chaque course en Espagne a freiné le projet. C'est alors qu'Eric de Seynes a proposé une motorisation plus médiatisée qui, comme l'espère Gilles Nard, devrait rendre la recherche de sponsors plus "facile".

Le moteur de Honda CBR600RR a été mis en conformité avec la règlementation Moto2
Le moteur de Honda CBR600RR a été mis en conformité avec la règlementation Moto2

La Nard Ultra 6 que j'ai piloté à Croix-en-Ternois est équipée du moteur Honda préparé, équipé d'un ECU Ten Kate Racing et d'un échappement SC-Project 4-1 en titane, qui est utilisé dans le cadre comme élément sous pression. Il est ainsi pris en sandwich entre deux plaques d'alliage d'aluminium 7075 T6 taillé dans la masse. Pivotant dans le bas de chaque plaque on trouve un double bras oscillant usiné CNC dans le même matériau aéronautique, avec un amortisseur Öhlins TTX36 entièrement réglable et une liaison à taux progressif. Au-dessus, le sous-cadre autoportant en fibres de carbone comporte la selle de 820 mm de haut derrière le réservoir de carburant en aluminium de 16 litres. Tous ces éléments sont fabriqués par Nard.

La suspension avant de type Fior repose sur un amortisseur Öhlins TTX
La suspension avant de type Fior repose sur un amortisseur Öhlins TTX

Les roues en aluminium forgé OZ Racing sont chaussées de pneus Michelin Power Cup Ultimate, avec à l'arrière un épais 190/55-17 sur une jante de 6 pouces. Le pack de freins Brembo comprend deux disques flottants avant en acier de 320 mm avec des étrier Monoblock GP4 RR à 4 pistons et montage radial ainsi qu'un disque arrière de 220 mm avec un étrier radial à deux pistons. L'Ultra 6 pèse 154 kg avec l'huile et l'eau, mais sans le carburant avec une répartition du poids de 55/45% en statique. Cette répartition extrême découle de la conception du train avant qui n'entraîne pas de déviation de la fourche au freinage et donc pas de risque que la roue avant vienne toucher les échappements ou le moteur. Ce dernier peut ainsi être placé plus en avant dans l'empattement pour optimiser la répartition du poids.

La Nard est équipée de roues OZ Racing et de freins Brembo
La Nard est équipée de roues OZ Racing et de freins Brembo

Lorsque je l'ai pilotée, l'empattement avait été réduit à 1.370 mm par rapport aux 1.395 mm de Magny-Cours dans le but d'offrir un peu plus de maniabilité sur la piste étroite de 1,91 km comportant deux virages en épingle à chaque extrémité de la courte ligne droite de 650 m. Cela se fait facilement grâce à un intelligent système de réglage de la longueur du bras oscillant sur une plage de 38 mm, ce qui permet de faire varier ce dernier entre 1.365 et 1.403 mm! Le système vous fait vous demander pourquoi il n'est pas plus courant quand on le voit. Ce très haut degré de réglage est l'objectif principal poursuivi par le châssis de l'Ultra 6, ce qui a également aidé Gilles Nard à déterminer son choix de suspension avant.

La Nard Ultra 6 est très compacte avec seulement 1.370 mm d'empattement
La Nard Ultra 6 est très compacte avec seulement 1.370 mm d'empattement

L'avant de la Nard représente une version taillée dans la masse de la fourche à parallélogramme de Claude Fior, inventée en 1978 pour contrer la direction imprécise de la Yamaha XS1100 avec laquelle il pilotait en endurance. Elle est souvent confondue avec le train avant similaire de Hossack développé plus tard par l'ingénieur zimbabwéen Norman Hossack, qui pilotait alors une Yamaha TZ350 au Royaume-Uni tout en travaillant en tant que mécanicien de course chez McLaren en Formule 1. C'est ainsi qu'en 1979 il eut l'idée d'adapter la suspension à parallélogramme d'une voiture de course à une moto, en la faisant pivoter de 90°. Mais bien que Hossack ait réussi à breveter le design en 1984 (mais en laissant ensuite ce dernier expirer pour permettre à BMW de l'adapter sur la première K1200S sans lui payer de royalties...), cela n'aurait jamais dû lui être accordé. 18 mois plus tôt, Claude Fior avait développé un design de suspension avant identique mais n'avait pas pris la peine de le breveter. Avant même que Hossack n'ait construit sa première moto avec ce design, Fior avait déjà inscrit des points en Coupe du Monde d'Endurance sur sa Fior-Yamaha.

Gilles Nard :

Comme John Britten, j'ai toujours admiré la fourche Fior non seulement en raison de la séparation des fonctions de direction et d'amortissement, ainsi que du haut degré de réglage inhérent à la conception, vous pouvez apporter de très fines modifications aux réglages. Mais je l'aime aussi parce qu'elle permet une plus grande centralisation des masses dans la moto. Grâce à cela, j'ai compressé le centre de gravité et le centre de masse au maximum, ce qui donne une maniabilité plus précise et plus agile. De plus, nous pouvons utiliser un amortisseur très sophistiqué qui offre un plus grand degré de réglage et un meilleur accord qu'une fourche télescopique.

Gilles et Sébastien Nard à côté de leur création sportive
Gilles et Sébastien Nard à côté de leur création sportive

C'est l'élément clé de la Nard Ultra 6 : les possibilités de réglages. Outre les réglages de la suspension arrière, de la hauteur de caisse arrière (qui affecte à son tour la géométrie du train avant), de la longueur du bras oscillant (et donc la répartition du poids, la traction et l'empattement) et de la hauteur du pivot du bras oscillant (variable sur une plage de 5 mm), l'utilisation du train avant de type Fior avec son amortisseur Öhlins TTX36 entièrement réglable et monté transversalement avec un lien à taux progressif, offrant un débattement de 120 mm de la roue, permettent de faire varier très rapidement d'autres réglages et avec précision. Hauteur de roulement avant, angle de chasse, anti-plongée, déport et poids peuvent tous être modifiés mécaniquement très rapidement. C'est un avantage particulièrement important dans les catégories où aucune moto de rechange n'est autorisée, de sorte que les réglages ne doivent être effectués que sur une seule machine. Ceci permet d'effectuer des changement très rapides pour des raisons météorologiques ou des conditions de piste. Ajouter une déviation nulle au freinage, donc une géométrie de direction constante, un rapport rigidité / poids amélioré et un poids non suspendu réduit à l'avant par rapport à une fourche télescopique et vous pouvez apprécier ses avantages.

Le châssis Nard se distingue par ses possibilités de réglages
Le châssis Nard se distingue par ses possibilités de réglages

Mais pour moi, le gros avantage de la fourche Fior a toujours été le freinage extrême couplé au contrôle qu'elle offre. Je dois dire que je crois en ce système depuis la toute première fois que je l'ai essayé. J'ai eu l'honneur d'être un ami de Pif, comme ce génie gaulois était universellement connu et j'ai testé chaque variante de sa conception, de la sportive de course XS1100 à sa propre moto 100% française Fior 500 GP, moto sur laquelle Marco Gentile a terminé à égalité de points avec Randy Mamola alors sur Cagiva lors du Championnat du Monde 500 GP 1989. Fior était parvenu à rivaliser avec l'équipe italienne milliardaire (en lires) pour devenir la meilleure moto européenne, avec un budget qui n'avait rien de comparable.

Essai

J'avais donc hâte de piloter la Nard Ultra 6. Mais ma première séance de 20 minutes à Croix a été une énorme déception. La moto semblait terriblement instable dans les courbes, en particulier dans les deux épingles à cheveux à droite aux extrémités de la ligne droite ce qui faisait que je ne pouvais utiliser le potentiel de freinage du train Fior qu'en ligne droite. Dès que j'entrais dans le virage, elle était nerveuse et imprévisible. Au début, j'ai mis ça sur le compte du nouveau train de pneu Michelin Power Cup Ultimate qui prenait du temps à se faire. C'était la première fois que je roulais avec ces pneus et ils mettaient du temps à monter en température même après avoir passer une heure sous des couvertures chauffantes. Heureusement, Gilles et Sébastien, debout au bord de la piste ont pu voir par eux-même ce qui se passait, car la moto menaçait de perdre l'avant à chaque tour.

Pour la première session, l'Ultra 6 s'est montrée particulièrement difficile en virage
Pour la première session, l'Ultra 6 s'est montrée particulièrement difficile en virage

Ok, retour à la case départ et maintenant quoi ?

Les Nard ont décidé d'allonger la traînée de 94 à 104 mm, un changement qui prendrait normalement 30 minutes sur une moto conventionnelle mais qui n'a ici pris que le tiers de ce temps-là, sans avoir à démonter le train avant pour changer les triples tés.

La session suivante, la moto semble meilleure, mais au prix d'une agilité réduite en demandant plus d'efforts pour l'emmener d'un angle à l'autre dans le droite/gauche avant l'épingle à cheveux finale. Mais de retour dans le paddock, les Nard étaient tout sourire, pas pour ma performance encore moyenne sur leur moto, mais parce qu'ils venaient de réaliser ce qui s'était passé. En installant de nouvelles plaquettes de frein pour l'essai, ils avaient monté le mauvais type par inadvertance et celui-ci restait en contact avec les disques une fois que la température avait augmenté, provoquant ce qui équivalait à une traînée de frein lorsque je relâchais le levier pour entrer en virage. D'accord, mais avec la séparation du freinage et de la direction grâce à la fourche Fior, cela ne devrait-il pas n'avoir aucune importance ? Dans tous les cas, tout ce que je peux dire, c'est que c'était le cas !

Il ne faut qu'une dizaine de minutes pour changer la trainée et accroitre l'empattement de la moto
Il ne faut qu'une dizaine de minutes pour changer la trainée et accroitre l'empattement de la moto

Avec les anciennes plaquettes de frein réinstallées pour ma troisième session, j'ai enfin pu exploiter tout le potentiel du châssis Nard. En virevoltant dans les virages et en gênant les autres membres du groupe pendant cette journée sur circuit, je peux maintenant savourer les véritables avantages du design Nard !

Le point fort reste sa performance au freinage. Car non seulement le package Brembo fonctionne maintenant comme il aurait dû depuis le début, couplé à une importante quantité de frein moteur laissée dans les réglages de l'embrayage à glissement Suter sans provoquer de mouvements de la roue arrière, mais je peux aussi profiter de l'avantage du système Fior en freinant toujours fort et loin jusqu'au point de corde, ce qui permet de dépasser d'autres pilotes qui avaient déjà relâché les freins de leur moto conventionnelle. C'est particulièrement utile dans le virage 1 à la fin de la ligne droite où une zone abîmée est présente sur la trajectoire idéale, juste au point de corde du virage en épingle. Pour l'éviter, tout le monde passe plus large et gaspille un temps précieux. Mais la suspension avant NARD me permet de passer vite à l'intérieur en freinant tout en conservant plus longtemps mon accélération quand les autres amorcent déjà leur freinage. Je peux ainsi continuer à serrer le levier de frein avant jusqu'au point de corde, y compris en passant par dessus la zone que l'amortisseur avant Öhlins absorbe sans que le pneu Michelin en dessous ne perde d'adhérence. En fait, je sens à peine les bosses à travers le guidon. Après avoir passé ce virage en prenant moins d'angle, je peux maintenant tirer plus fort sur l'accélérateur et beaucoup plus tôt pour sortir plus vite quand les autres jouent la sécurité en prenant une trajectoire large. La vitesse atteinte dans la courte ligne droite est ainsi beaucoup plus élevée.

Une fois le problème corrigé, la Nard se montre redoutable en courbe
Une fois le problème corrigé, la Nard se montre redoutable en courbe

En freinant fort tout en utilisant l'embrayage Suter pour descendre les rapports sur la boîte Ten Kate Supersport, la Nard transmet toujours cette impression de freinage grâce à une petite, mais notable, plongée de l'avant laissée par l'équipe. La conception Nard / Fior possède un antiplongée inhérent qui peut être modifié à volonté, tout en conservant l'empattement constant au freinage.

Je me souviens que lors de mes trois années de course sur la Bimota Tesi, il m'a fallu beaucoup de temps pour m'habituer à cette absence totale de plongée lors du freinage, la moto restant toujours plate, comme à l'arrêt. Nous ne pouvions cependant pas modifier le faible degré de plongée autorisé par le système Fior de la Nard sans affecter l'accord des suspensions. Si une trace de levée de l'arrière commence à se faire sentir alors que je freine progressivement de plus en plus tard à chaque tour, je peux contrer ça en actionnant le frein arrière juste avant de prendre de l'angle sur le levier avant. Cela permet de transférer juste la bonne quantité de poids vers l'arrière. La Nard est maintenant parfaite dans son freinage, sans la moindre trace d'instabilité. Je suppose que mes kilos supplémentaires par rapport à Erwan Quellet n'ont pas gêné non plus !

Le train avant de type Fior permet de freiner très tard et conserve ici une courte plongée
Le train avant de type Fior permet de freiner très tard et conserve ici une courte plongée

Le moteur préparé par Brancquart est un bijou, tirant fort à partir de 8.000 tours, avec une puissance linéaire jusqu'à ce que le témoin de changement de rapport commence à clignoter à 15.000 tours/minute, me laissant le temps de passer à la vitesse supérieure via le shifter de course avant d'atteindre la limite des 16.500 tr/min. J'aurais aimé une dent de plus sur le pignon arrière pour assurer un entraînement plus fort en seconde sur les deux virages en épingle car il a un peu de mal à reprendre sous les 7.500 tr/min. En sortant du virage 1 en seconde, je pouvais le maintenir jusqu'au second virage en faisant tourner le moteur à 16.500 tr/min pour économiser quelques changements de vitesses. Peut-être valait-il mieux de régler les rapports un plus long.

La position de conduite est également agréable, le guidon étant assez plat pour donner un effet de levier supplémentaire dans les innombrables virages lents d'une piste aussi serrée que celle-ci. La fourche de type Fior donne plus de liberté pour doter une moto à faible empattement d'une position relativement spacieuse. Même si celle-ci reste compacte sur la Nard, un pilote même plus grand que moi (1m80) ne se sentira pas à l'étroit.

Le moteur de CBR accèlère fort dès 8.000 tr/min
Le moteur de CBR accèlère fort dès 8.000 tr/min

Pourtant, dans les deux seuls virages raisonnablement rapide du petit circuit, les Esses des virages 4 et 5, la Nard semble équilibrée alors que je me penche d'un côté à l'autre. Bien que nous ayons maintenant corrigé le comportement en courbe, j'aurais aimé revenir aux paramètres initiaux pour voir si cela permettait de gagner de l'agilité sans perdre de stabilité ailleurs. Je sens également que la moto sous-vire à la sortie du virage 5 lorsque j'accélère trop, ce qui me force à ralentir un peu pour la remettre dans la trajectoire avec de freiner pour le virage lent à droite qui se profile. Malheureusement, je n'ai pas eu le temps de le faire, devant céder la Nard à un plus illustre pilote, Martin Wimmer, 63 ans, vainqueur de trois Grands Prix 250 à l'époque où il fut pilote d'usine pour Yamaha, Aprilia et Suzuki.

Conclusion

Mon temps passé sur la Nard Ultra 6 après avoir corrigé le problème initial fut suffisamment long pour être impressionné par cette moto, mais aussi suffisamment court pour être frustré, notamment sans pouvoir commencer à expérimenter les paramètres pourtant si rapides à modifier sur cette conception. Je tire mon casque à la famille Nard pour avoir passé le train avant Fior à un niveau supérieur, en le rendant si rapide et pratique à régler, tout en conservant ses avantages. L'aspect le plus critique de la maniabilité d'une moto est d'entrer en virage aussi vite que possible et de maintenir sa vitesse. La version Moto2 du design Nard semble certainement avoir atteint cet objectif. J'attends maintenant avec impatience ma balade promise sur l'Ultra Y1 à moteur de Yamaha R1. Cette fois-ci j'aurai plus de temps pour expérimenter tous les réglages possibles !

La Nard Ultra 6
La Nard Ultra 6

Points forts

  • Maniabilité
  • Partie cycle
  • Freinage
  • Possibilités de réglages

Points faibles

  • Rapports un peu courts

La fiche technique de la Nard Ultra 6