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Essai moto Norton Walmsley The Fredder

Bouledogue britannique

Monocylindre Norton, 499,76 cm3, 55 ch, cadre hardtail de Model 19, 143 kg à sec

De nos jours, le terme "bobber" pour qualifier une moto est devenu aussi courant que le terme Café Racer, utilisé à toutes les sauces, alors que les constructeurs se sont précipités pour sauter dans ce TGV commercial. Mais Fred Walmsley, 74 ans, est assez vieux pour se souvenir des premiers et véritables Bobbers qui furent inventés aux États-Unis après la Seconde Guerre Mondiale. Et cela fait 50 ans qu'il rêvait d'en construire un. C'est aujourd'hui chose faite !

Son bobber est né dans l'atelier plutôt bien équipé jouxtant sa ferme à l'extérieur de Preston, dans le nord de l'Angleterre en utilisant des pièces Norton, avec cette volonté de créer une moto vintage dépouillée mais homologuée et surtout avec style. Mais, il s'appelle Fred et non pas Bob. Sa moto ne pouvait donc pas s'appeler Bobber. Son nom en découle : The Fredder, comme dans "construit par Fred, pas par Bob".

Essai de The Fredder
Essai de The Fredder

Découverte

Cette concoction anglo-américaine s'accorde bien avec le pickup Chevrolet de six tonnes et demie de 1952 avec lequel elle partage la cour de ferme, ou le hotrod Ford model A de 1931 niché dans l'écurie voisine avec son authentique V8 flathead de 5,7 litres.

Mais revenons en à notre ami Fred Walmsley, surnommé "Kentucky Fred" pour avoir géré des franchises KFC près de Blackburn. Vous vous dites qu'il s'agit d'un paysan inconnu perdu dans la campagne plus connaisseur de poulet que de moto. Détrompez-vous ! Il est connu, même très connu, pour avoir été un ami intime de nombreux pilotes comme Barry Sheene, Wayne Gardner, John McGuinness et autres stars du passé et du présent à qui il a fourni les machines pour aller courir et pas des moindres. C'est en effet lui qui a préparé pendant plus de 30 ans les sportives classiques Norton Manx et Matchless G50 pour les pilotes précités. Ensemble, ils ont remporté des douzaines de courses historiques sur ces motos, toutes préparées au sein de l'atelier de sa ferme.

Barry Sheene sur la Walmsley Norton Manx à Goodwood en 2002
Barry Sheene sur la Walmsley Norton Manx à Goodwood en 2002

Alors, c'est quoi la Fredder, Fred ?

J'ai toujours aimé construire des trucs comme ça, depuis le début des sixties quand j'avais 14 ans et que j'ai construit ce que vous appelez aujourd'hui Mountain Bike (VTT) à partir de ma bicyclette. Ma maman a une photo de moi avec cette création avec un large guidon, des roues de cyclo, de gros pneus et d'autres trucs comme ça. Je pensais depuis longtemps à construire une hotrod de type Bobber pour rouler. Mais ce n'est que lorsque je suis tombé sur la moto donneuse idéale que j'ai finalement pu m'y mettre correctement.

La Fredder et le Pick Up Chevrolet de Walmsley
La Fredder et le Pick Up Chevrolet de Walmsley

Cette moto c'était une Norton Model 19 de 1952 anciennement utilisée par la police avec un moteur monocylindre de 596 cm3 à soupapes en tête. Le moteur, construit à partir de 1933 par la marque de Birmingham, était principalement utilisé pour les side-cars, d'où la capacité et la course plus longue de 4".

Mais Walmsley n'avait pas l'intention d'utiliser ce moteur à ultra-longue course de 83 x 113 mm comme base de son Bobber, désolé, Fredder. Il avait juste besoin de la hauteur supplémentaire dans le cadre pour pouvoir y loger un bloc à simple arbre à cames en tête de Norton Manx, réajusté pour un usage routier sans pour autant réduire la puissance. Quoi ? Vous ne vous attendiez pas à ce que le roi des préparateurs anglais de motos classiques se contente d'y coller un moteur Norton ordinaire, n'est-ce pas ?

J'ai couru sur une Cooper de Formule 3 pendant quelques années. Elle avait un moteur Norton Manx à longue course avec le cylindre Alfin qu'elles utilisaient toutes dans les années 50. Le moteur était coincé derrière le pilote et il n'y avait pas le même flux d'air que sur une moto pour le refroidir. J'ai vraiment aimé le look du moteur avec ce cylindre aux imposantes ailettes. Ça me rappelle un bouledogue qui bombe le torse ! En fait, j'ai fait fabriquer mon propre cylindre avec des ailettes encore un peu plus grosses de façon à le faire correspondre à la culasse plus large.

C'est une Norton Model 19 de 1952 qui sert de base à la Fredder
C'est une Norton Model 19 de 1952 qui sert de base à la Fredder

Pour monter cette pin-up mécanique, Walmsley a créé une copie du moteur Manx avec lequel Geoff Duke, Champion du Monde 500 GP, avait défendu son titre en 1952. Pour ce faire, il a pris un jeu de réplique à course longue de carter de Manx en magnésium coulé, surmonté d'un cylindre spécial qu'il a fait fabriqué avec des ailettes en plus et dont l'intérieur est chromé au Nikasil. Mais plutôt que de conserver les dimensions de 79 x 100 mm d'origine du moteur de 500 cm3, il a opté pour une disposition "carrée" de 86 x 86 mm du moteur de Duke, telle qu'elle fut adoptée plus tard sur les Manx monocylindre à course courte. Pour y parvenir, Fred a utilisé un vilebrequin monobloc moderne à paliers lisses et coussinets Cosworth, portant une bielle Carillo surmontée par un piston forgé Omega délivrant un taux de compression de 13:1. La culasse à longue course est fournie par Molnar Engineering avec une chambre de combustion revue pour s'adapter au piston hybride, mais avec des angles de soupapes d'origine. Walmsley a ensuite adapté la culasse à ses propres spécifications, les soupapes utilisées sur la Fredder étant légèrement plus petites que celles d'un moteur Manx longue course standard.

Le moteur de Manx totalement revu
Le moteur de Manx totalement revu

Avec un allumage assuré par une magnéto Lucas 2M TT avec une avance de 34,5°, le moteur de la Fredder produit une puissance de 55 chevaux à la roue arrière à 8.000 tours/minutes ! Une puissance vérifiée sur le banc de Frank Wrathall, importateur britannique de Dynojet qui est juste à côté de l'atelier de Walmsley. Ceci est permis par le moteur à longue course de Fred qui utilise des cames racing originaires de Reg Dearden, le légendaire concessionnaire de Manchester qui servait souvent de porte dérobée aux pièces racing de l'usine Norton.

Quand Dearden a arrêté la course, une grande partie de son stock est revenue à un ami à moi, Eric Biddle. Il avait une grande collection de Norton et un tas de pièces factory provenant de chez Dearden, y compris des boites d'arbres à cames. Le profil et design des cames que j'utilise proviennent de ce stock qui a fini chez Eric. Ce sont des arbres expérimentaux de chez Norton, mais je les ai assortis et ils vont très bien.

Une fois terminé, le mono développe 55 chevaux
Une fois terminé, le mono développe 55 chevaux

La forte compression de 13:1 nécessite de faire tourner la Fredder avec un mélange d'Avgas (essence d'aviation) et de super sans plomb, comme sur les motos de course. Walmsley utilise un carburateur Amal GP2 de 35 mm avec une paire de cuves SU. Le carbu plus petit est préféré au gros de 38 mm utilisé sur ses moteurs de course pour une question de fiabilité sur route. En revanche, le choix des cuves SU est surtout esthétique.

Le collecteur du carbu vient de ma voiture Cooper. Je pense qu'il rend bien et nous avions une cuve de chaque côté sur la voiture pour contrer les forces centrifuges. Mais, pour être honnête, je n'ai de l'essence que dans un seul, les deux sont surtout là pour le look !

Le sélecteur de vitesse est ici positionné à droite
Le sélecteur de vitesse est ici positionné à droite

La transmission de la Fredder se fait via une boîte de vitesse Mick Hemmings à 5 rapports avec une courroie de transmission primaire combinée à un embrayage à sec NED de speedway et un kick.

Cette puissance de 55 chevaux est légèrement supérieure à celle du moteur de 79 x 100 mm de la Walmsley Norton Featherbed de 1953 avec laquelle la star du TT John McGuinness et le pro classic Glen English ont remporté la victoire au Goodwood Revival de 2016. Celle-ci faisait 53 ch à 6.500 tours tandis que la Fredder culmine à 8.000 tours avec deux chevaux de plus. C'est également plus que les Manx factory produites jusqu'en 1962 qui ne montaient que jusqu'à 7.200 tours, mais avec une fiabilité accrue.

S'il y a bien deux cuves autour du carburateur, seule une reçoit de l'essence, l'autre n'est qu'esthétique
S'il y a bien deux cuves autour du carburateur, seule une reçoit de l'essence, l'autre n'est qu'esthétique

Une fois le moteur terminé, il a été installé dans le cadre hardtail de la Norton Model 19 dont le berceau a été découpé et repositionné avec le tube descendant plié vers l'avant pour un dégagement supplémentaire. Un ensemble de plaques personnalisées complète l'installation après que Fred ait pris une photo du cadre avec le moteur, l'ait imprimé sur papier et ait esquissé le nom sur le réservoir pour que Sargeant le réalise.

J'ai toujours voulu une moto rigide, pour qu'elle soit plus authentique. Je me souviens qu'enfant à la fin des années 50 et 60, les bobbers étaient tous hardtail. Triumph fait aujourd'hui un Bobber qui semble hardtail sans l'être, mais je ne voulais pas emprunter cette voie. Je voulais juste le garder tel qu'il est vraiment.

Le cadre Hardtail de la Norton Model 19 modifié
Le cadre Hardtail de la Norton Model 19 modifié

La fourche à parallélogramme Norton, modifiée avec des ressorts plus grands, porte une roue avant de 21 pouces assortie à l'arrière avec une de 19 pouces. Toutes deux sont équipées de jantes Morad en alliage fabriquées en Espagne par Five-One Wheels. À l'avant, le frein à tambour simple came est une réplique de celui de 203 mm de la Norton Manx de 1938, moulé en magnésium par un autre ami de Fred, Ian Bain. Ce camarade de courses classic a non seulement moulé les composants de frein avant dans son jardin, mais a également produit les insignes de réservoir très distinctifs de la Fredder, la plaque d'immatriculation et les deux bouchons des réservoirs d'huile et de carburant. Le tambour arrière simple came de 178 mm est un élément standard de Molnar, mais également en magnésium. Avec le plein d'huile, mais sans carburant, la moto affiche un poids de 143 kg portés vers l'arrière à 47/53% dans un empattement de 1.395 mm.

La fourche à parallélogramme Norton reçoit des ressorts plus grands
La fourche à parallélogramme Norton reçoit des ressorts plus grands

En selle

En démarrant la Fredder à froid, on est récompensé par un fabuleux grondement de l'échappement mégaphone, même s'il est équipé d'un DB-killer... qui ne semble pas faire beaucoup de différence ! Le moteur ne tient pas le ralenti tant qu'il n'est pas chaud. Il faut donc continuer d'actionner légèrement la poignée pour le mettre en température. Cet échappement très astucieux est plutôt divin avec sa ligne entièrement en titane réalisée par un autre pote local de Fred. Ben Sargeant Fabrications travaille pour Paul Bird Motorsport pour réparer tous les dommages causés sur les Ducati superbike d'usine de l'équipe engagée en BSB. Donc, lorsque les desmo arrivent pour des réparations après des chutes, Ben économise toute la ferraille possible, de sorte que l'échappement de la Fredder est en réalité fabriqué à partir des chutes d'une superbike Ducati, bien que le design réel du tube soit la propriété de Fred. Sargeant a également produit le réservoir de carburant de 12 litres et le réservoir d'huile monté à droite.

Le silencieux mégaphone de la Fredder
Le silencieux mégaphone de la Fredder

Le large guidon plat offre une position de conduite verticale typique des Bobbers qui se révèle naturelle et détendue dans des conditions réelles de roulage. L'instrumentation est quant à elle constituée de deux compteurs analogiques, pour la vitesse à gauche et pour les régimes à droite, montés directement sur le haut du réservoir.

Le compteur et le compte-tour sont intégrés au réservoir
Le compteur et le compte-tour sont intégrés au réservoir

Mais pourquoi une roue avant de 21 pouces Fred ? Surtout que le choix de pneus est assez limité. La Fredder est en effet chaussée à l'avant d'un fin pneu Avon Speedmaster Mk.II de 3,00 x 21 et à l'arrière d'un plus gros Heidenau 4,00 x 19.

Objectivement, c'est pour le look. Mais c'est aussi pour gagner un peu plus de garde au sol avec le moteur Manx si bas dans le châssis. La répartition du poids est la principale chose sur une préparation mais beaucoup de gens l'ignorent,. Du coup quand ils roulent sur la moto terminée, elle n'est pas maniable. J'ai vraiment eu de la chance, vous connaissez cette citation à propos de se tenir sur les épaules de géants ? Eh bien je l'ai fait ! Car Barry Sheene m'a beaucoup appris sur la répartition du poids et certaines des choses qu'il m'a enseignées se retrouvent sur cette moto. Barry a piloté ma Manx avec un lest de 4 kg à l'avant alors que tout le monde essayait de perdre du poids. Je me suis assuré que le moteur de la Fredder était au bon endroit lorsque nous modifions le cadre de la Model 19. Donc grâce à Barry je pense qu'elle a une bonne maniabilité. Qu'en as-tu pensé ?

Walmsley a opté pour une roue avant de 21 pouces
Walmsley a opté pour une roue avant de 21 pouces

Essai

Eh bien, j'ai eu deux occasions de répondre à cette question après que la Fredder ait fait ses débuts en juin 2017 au Goodwood Festival au Speed, où Fred l'utilisait pour se déplacer dans le paddock. Installé juste à côté du team Walmsley dans le paddock, je n'ai pas pu résister à la proposition d'offrir à sa création un tour sur la Hill Climb et l'amener jusqu'à la ligne de départ m'a déjà donné quelques indices sur le fait que j'allais l'adorer.

Essai de The Fredder sur route
Essai de The Fredder sur route

Elle a une accélération rapide dès les bas régimes, comme l'indique le double cadran avec compteur de vitesse et compte-tours, dans la plus pure tradition transatlantique. Effectivement, après avoir enclenché l'embrayage assez fort pour la faire partir de la ligne de départ avec une très longue première vitesse, j'ai été récompensé par une copieuse accélération une fois au-dessus de 3.000 tours. À l'exception d'une légère palpitation dans la mégaphonie autour de 5.000 tr/min, le moteur Norton de la Fredder tourne de manière transparente avec force jusqu'à 7.800 tours où on peut alors changer de rapport du pied droit sans avoir à utiliser l'embrayage. Elle semble percutante et coupleuse, mais aussi rapide : en passant le cinquième rapport devant The House, un rapide coup d'oeil au compteur avant que je freine pour le virage à gauche m'a indiqué que j'étais déjà à 153 km/h. Impressionnant !

La Fredder accélère vite dès les bas régimes
La Fredder accélère vite dès les bas régimes

Malheureusement, je n'ai pas pu faire mieux car la Fredder s'est arrêtée 200 mètres plus loin : panne sèche ! Fred s'est confondu en excuse. Je n'avais donc plus d'autre choix que d'accepter son offre et de lui rendre visite dans le Lancashire pour effectuer un vrai et long essai de la moto à travers les villages et routes de campagne de son terroir. Cela m'a permis de mieux comprendre l'adaptation du cadre rigide à la conduite sur route. Et je dois admettre que j'ai été surpris, bien que ce soit essentiellement grâce à la selle bien suspendue de Get Leathered. Celle-ci absorbe partiellement les bosses et chocs générés à grande vitesse sur ces routes de campagne peu entretenues et bien différentes de l'asphalte lisse de Goodwood. Ici, la fourche à parallélogramme de la Fredder tourne bien, quoiqu'assez lentement avec la roue avant de 21 pouces, même en passant sur des ornières et ondulations de la chaussée. Bien qu'elle soit assez rigide, elle procure un amortissement suffisant pour une utilisation routière sérieuse.

Si la roue avant limite la vivacité, la moto tourne bien malgré tout
Si la roue avant limite la vivacité, la moto tourne bien malgré tout

Bien que ce soit surtout une machine conçue pour l'accélération en ligne droite, la Fredder procure un sentiment d'exaltation qui donne le sourire à chaque instant passé en selle. C'est une moto agréable à regarder qui est également amusante à piloter, offrant des performances modernes avec un look vintage.

La Fredder est surtout une machine taillée pour la ligne droite
La Fredder est surtout une machine taillée pour la ligne droite

Partie cycle

Le large guidon plat offre une position de conduite verticale typique des Bobbers, naturelle et détendue, dans des conditions réelles de roulage. Avec le maigre pneu avant, le large guidon que Fred a trouvé dans une bourse assure une direction légère et précise.

Le large guidon assure une position droite typique des bobbers
Le large guidon assure une position droite typique des bobbers

Freinage

Les freins sont en fait assez bons en dépit de leurs si petites dimensions par rapport aux normes actuelles. Il faut dire que l'on utilise essentiellement l'énorme frein moteur qui permet de s'affranchir de la paire de tambours. Mais il faut être prêt à serrer le levier d'embrayage quand on exagère sur les régimes après avoir rétrogradé car il n'y a rien pour empêcher le dribble de la roue arrière.

Le freinage est correct mais nécessite l'utilisation du frein moteur
Le freinage est correct mais nécessite l'utilisation du frein moteur

Conclusion

Alors maintenant, la Fredder restera-t-elle une préparation unique ou y aura-t-il une Fredder 2 voire même 3 ?

Je rassemble des pièces pour une Fredder Two avec un moteur de Matchless G50. Et j'ai déjà refusé 50.000 £ pour une réplique de cette Norton, deux fois ! Mais il faudrait effectivement un prix de ce niveau pour que je conçoive une Fredder pour quelqu'un. Il faut du temps pour les fabriquer et avoir toutes ces pièces en magnésium, titane, etc. On ne peut plus demander aux gens de faire de belles choses à bas prix de nos jours et à juste titre. Mais j'en construirais d'autres comme celle-ci pour des gens qui comprennent ce qu'implique leur création.

The Fredder
The Fredder

Points forts

  • Style
  • Accélération
  • Freinage

Points faibles

  • Roue avant de 21"

La fiche technique de la Fredder

Commentaires

kernel62

Ce cockpit et ce moteur..

17-07-2020 09:45 
 

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dafy