Le bonheur, c'est simple comme ...

Cyrano 08-11-2020 17:56

Le bonheur, c’est de voir que le ciel se dégage, de jeter un coup d’œil au thermomètre, de trouver que le moment est propice et de décider d’aller faire un petit tour histoire d’épuiser le réservoir, avant de faire le plein pour l’hiver.

Le bonheur, c’est d’enfiler son pantalon, ses bottes, son blouson, d’entendre les zips zipper, les velcros scratcher, en constituant sa parfaite armure de chevalier motorisé.

Le bonheur, c’est de pousser sur le bouton magique, celui qui fait s’ébrouer ce brave boxer. Bien que ça fasse quatre ans que j’en suis le maître, j’ai toujours l’impression, lorsqu’il secoue ses babines, qu’il va perdre une canine. Et cette petite incertitude ajoute à mon plaisir, quand il prend vie.

Le bonheur, c’est d’entamer la route, encore humide sous le couvert, parsemée par endroits de feuilles mortes qui, bien élevées, s’écartent devant la roue avant comme la banquise devant un brise-glace.

Le bonheur, c’est, au détour d’un virage péri-urbain, cette odeur acidulée et sucrée à la fois des sous-bois jaunissants, que j’avais presque oubliée mais qui me replonge, en cet instant fugitif, sur le chemin de mon école maternelle, nichée « dans un écrin de verdure », comme on ne disait pas encore. Je me revois trottinant au côté de ma mère, sanglée dans un imperméable d’un bleu sans nom, et persuadée que son prolétaire de fils trouverait son avenir dans cette école pour enfants bourgeois.

Le bonheur, c’est de n’avoir ni trop chaud, ni trop froid, sans rien qui dérange. C’est cette sensation de glisser sur le bitume. C’est d’entendre ce boxer qui se prend pour un matou et qui ronronne tranquillement là, en dessous. Mais qui , tel un cerbère bien dressé, se réveille au moindre mouvement du poignet droit.

Le bonheur, c’est d’éprouver ce léger frisson à la mise sur l’angle, quand la conjonction d’un pâté d’argile laissé là pour une arracheuse de betteraves et d’un pneu avant au profil désormais octogonal met à mal, pour une fois, la légendaire neutralité du train avant.

Le bonheur, c’est de découvrir ces pierres endormies par le confinement, village après village. C’est de saluer quelques coreligionnaires : trois vespistes vintage ici, là un jeune probablement fauché sur une 250 XR sans âge, et puis aussi, parce qu’ils existent, une bande de ninjas, verts comme il se doit, plus hâbleurs que véritablement méchants malgré les aboiements de leurs Akras.

Le bonheur, c’est de s’arrêter sur une placette, et de regarder enfin cette tour en ruine dont on savait pourtant qu’elle existe, pour avoir croisé mille fois le panneau qui l’annonce. C’est d’écouter à travers l’ air épais des matins campagnards, pour entendre ce tac-tac bizarre, à la fois feutré et sonore, d’un marteau d’ardoisier en train de finir une rive. C’est de laisser trainer son regard sur cette maison qui fume, comme un vieux remorqueur manœuvrant sur une mer de saules têtards.

Oui, le bonheur, c’est simple comme un coup de moto un dimanche de novembre.

Modifié 1 fois. Dernière modification le 08-11-20 17:59 par Cyrano.

eric 12 bandit 08-11-2020 18:03

Le bonheur, c'est simple comme ...

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