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MotoBrev Nouveau sujet

Trajet d'hiver

avatar fift 30-01-2019 15:16
Trajet d'hiver

Il paraît que la Thruxton 1200 R n'est faite que pour aller d'un café à l'autre ...

Il est 10h ce dimanche matin. La température peine à atteindre les zéros degrés même en plein centre de Paris. Je me suis équipé le mieux possible pour résister au froid et me sens totalement engoncé dans les diverses couches qui constituent ma tenue.
Le bagster est plein à craquer, les pressions des pneus sont faites et la chaîne est graissée.
Je vérifie une dernière fois que l'essentiel (clefs, carte bleue) est accessible car une fois parti, pas question de devoir tout déballer.
Je grimpe sur la moto. Elle démarre péniblement, ça fait plusieurs semaines qu'elle n'a pas servi. Les premiers mètres sont délicats, je suis gêné par l'épaisseur de mes vêtements, raidi par le froid et le manque de roulage récent.
Une dizaine de minutes en ville, pas un chat, ça m'arrange. Un dernier feu, puis les quais de Seine et enfin l'autoroute. C'est parti pour 520 kilomètres.
Une espèce de brume s'étend sur l'autoroute dès qu'on sort des zones denses. Des gouttelettes d'eau se déposent sur ma visière. Je passe le doigt pour les évacuer, ce ne sont pas des gouttes d'eau, c'est du givre.
La route risque d'être plus difficile que prévu. La chaleur que j'ai emmagasinée en me préparant commence à s'évacuer. Je me recroqueville pour offrir le moins de surface à l'air.
Clac, clac, clac. Qu'est-ce que c'est ? Un bruit sur la droite du casque. Pas besoin de chercher longtemps : ma jugulaire, que j'ai attachée en gardant mes sous-gants, commence à se détacher. Je n'ai pas d'autre choix que de m'arrêter. Je prends la première sortie, enlève les gants, les sous-gants et rattache ma jugulaire. Ca ne prend que quelques dizaines de secondes, mais c'est suffisant : mes mains sont définitivement froides.
Limitation à 130, j'approche de la sortie de l'Ile de France. Le vent rappelle cruellement à mes doigts qu'ils auraient mieux fait de rester au chaud.
Et le chargement sur mon bagster commence à se faire la malle, je suis obligé de le retenir avec mon bras droit. Ca attendra le péage, qui ne tarde pas. A nouveau, les mains directement au froid pour sortir la carte bleue, récupérer le ticket, ranger tout ça comme je le peux. J'en profite pour refaire le chargement qui, cette fois, ne bougera plus.

Je repars, les mains sont cette fois-ci définitivement froides. La buée fait son apparition malgré le pinlock. J'entre-ouvre la visière, le vent chasse la buée mais me glace le cou et le menton. Je suis calé entre 120 et 130km/h, sur la file de droite. Pas un chat. Heureusement, car je suis tellement raide que j'imagine mal faire une manoeuvre d'urgence dans ces conditions.
Le paysage défile, le givre recouvre une bonne partie des champs. Quelques plaques de neige sont visibles dans les zones ombragées. Dans ma tête, je me remémore le parcours : un arrêt vers Châlons pour déjeuner, une pause à Metz, une troisième en Allemagne.
Il reste 150 bornes avant le premier arrêt.
Je ne tiendrai pas.
Un panneau annonce une aire d'autoroute à 50 kilomètres. J'y stoppe.
Il est midi, j'ai fait 100 bornes. Le thermomètre de la station annonce -2°C.
Je décide de me contenter d'un chocolat chaud, et reprend la route dès que je me suis suffisamment réchauffé. Cette fois-ci, pas question d'enlever les gants avant le prochain arrêt.
Cette pause m'a fait énormément de bien. Ma tenue de cosmonaute est parfaitement étanche, je ne sens pas le moindre courant d'air. Un soleil pâle commence même à faire son apparition. Dans ces conditions, j'enquille et hausse un peu le rythme. La neige dans les champs, illuminé pas la lumière diffuse donne un paysage sublime. Le froid recommence à s'infiltrer dans ma poitrine, mais gentiment, doucement. C'est encore tout à fait supportable.
Je passe Reims, Châlons.
Je trompe l'ennui en comptant les kilomètres entre les stations service ou en jouant avec les différentes fonctions du tableau de bord. Curieusement, la pression de l'air ne me gêne pas plus que ça.
ll est 13h, je devrais m'arrêter pour déjeuner mais j'ai déjà perdu pas mal de temps. Prochaine station à 45 km. Je teste mes doigts : ok, ça tiendra.
Peut-être.
La température chute brutalement alors qu'on approche les contreforts des Ardennes.
Le froid gentil que je ressentais dans les doigts se transforme en gel mordant. Je me recroqueville sur la moto, je ne pense plus qu'à une chose, m'arrêter. 35km. Encore 35km.
30km.
27km.
Ca n'avance pas.
J'essaie de me focaliser sur autre chose. En haut des cotes, je vise le haut de la cote suivante et me concentre dessus.
15km.
J'ai les doigts gelés. Je teste, c'est bon, j'arrive encore à attraper le levier d'embrayage ou de frein.
5km.
La forêt de Verdun fait encore chuter la température. La neige couvre jusqu'à la bande d'arrêt d'urgence.
L'aire d'autoroute, enfin !
La voie de décélération n'est pas déneigée. Pas plus que le reste de la station, d'ailleurs.
Je m'arrête pour faire le plein. L'absence de vent fait soudainement remonter la température de mes mains. Ca me brûle, je suis incapable de saisir le pistolet à la pompe. Seule solution pour bloquer ça : enlever les gants histoire de limiter l'apport de chaleur. Ca marche. Je fais le plein, pousse la moto dans la neige jusqu'au bâtiment dans lequel je m'engouffre.

Je profite de la pause pour prendre un plat chaud et un café, bien chaud aussi. Je me force à prendre le temps, à me reposer et reprendre des calories. Pas de réseau, je fais ça à l'ancienne, en prenant le temps de laisser vagabonder mon esprit et de regarder les quelques personnes qui se sont arrêtées. Quelques employés de la station sont également en train de déjeuner, l'ambiance a l'air sympa. La neige occupe l'essentiel de leurs discussions, entrecoupées de vannes sur tel ou tel collègue.
Bon, il est temps de repartir ... sans oublier de payer mon plein, ce que me fait gentiment remarquer la serveuse quand elle me voit me ré-équiper.

Je manoeuvre délicatement sur le parking enneigé, amorce la voie d'insertion ... et c'est reparti. A peine sorti de la station, la route amorce une déclivité, la forêt s'arrête, le soleil paraît ... et la température remonte. En moins d'un kilomètre, la neige a totalement disparu des bas-côtés. Sans thermomètre, j'estime néanmoins que le thermomètre est enfin repassé au-dessus de zéro.
Incroyable ! La route défile comme dans un rêve, l'autoroute est suffisamment vallonnée pour ne pas être (trop) monotone. Les kilomètres défilent à toute vitesse, la circulation se densifie un peu autour de Metz, puis c'est quasiment tout de suite Forbach et l'embranchement vers l'Allemagne. Ralentissement obligé au passage de la frontière, je me recale au rythme des autres usagers pour prendre un peu le pouls des habitudes locales.
L'autoroute allemande est un exercice particulier. L'état du bitume n'est pas exceptionnel, loin s'en faut, merci les suspensions "sportives" de la Triumph ... Surtout, impossible de me caler sur un rythme régulier. Le trafic est trop dense et les différences de vitesses trop importantes. Et évidemment, la forêt bloque tout panorama un tant soit peu sympathique. Je sens que j'aborde ici la partie la moins intéressante du trajet. Un coup d'oeil sur la jauge à essence : j'ai de quoi atteindre Kaiserslautern mais pas plus. Une station se présente, la prochaine est à 70 bornes. Je m'arrête et décide de jeter un coup d'oeil à une carte. Heureusement, le réseau passe ici. Après Kaiserslautern, il me reste encore environ 110 bornes. Si je coupe par les montagnes, je gagne 20 kilomètres et surtout je quitte l'autoroute. Je me sens encore assez en forme, la moto reste agile malgré son chargement et il est un peu moins de 16h, j'ai donc encore une bonne heure devant moi avant que le soleil ne se couche. La décision est prise.
Une fois l'autoroute quittée, je me retrouve absolument seul sur la route. Je rejoins un petit cours d'eau qui serpente au fond d'une vallée un peu encaissée. Le bitume est impeccable, j'ai le soleil couchant dans le dos, le paysage est magnifique. Je n'ai même pas besoin de me préoccuper de la direction, il suffit de suivre le fond de la vallée. La route virevolte joyeusement, suffisamment large pour être prévenante. Le bonheur motocycliste complet. J'ai totalement oublié le froid subi le matin, j'ai l'impression d'avoir juste changé de planète. Un arrêt chrono à Frankenstein pour prendre le bon embranchement, et ça recommence pendant une vingtaine de kilomètres. Avec un peu de déception, je vois arriver la vallée du Rhin, ses grandes étendues plates, ses voies rapides et ses zones industrielles. Bienvenue à Mannheim ! Je traverse la ville, les quartiers se font familiers. Tiens, le tram n°5 ! Je suis la ligne, conscient désormais que ce n'est plus qu'une question de minutes avant d'arriver à destination. Je tourne à droite, un dernier carrefour, je file cent mètres. Me voilà arrivé. Je monte la moto sur le trottoir, me stationne auprès d'un scooter.
Je sors les clefs de mon appartement, comme si de rien n'était.
Je ne suis presque pas fatigué.

Juste une envie : recommencer.

avatar Nounours48 30-01-2019 15:32
avatar CLEW 30-01-2019 16:19
Re: Trajet d'hiver

Une prépa pour les éléf ?

avatar fift 30-01-2019 16:23
Re: Trajet d'hiver



Non, juste que j'avais besoin de ma moto en Allemagne, et qu'à un moment, il faut bien faire le trajet !
(et je préfère le froid à la pluie).

avatar cajo 30-01-2019 16:40
Re: Trajet d'hiver

clin d'oeil pour les élephs de Solla, lui reste 500 bornes ... ce qui double presque la mise sourire

J'ai préféré le faire en 2 grosses journées (à partir d'Angers) à travers champs plutôt que de prendre l'autoroute ... et avec les pare-mains + les manchons clin d'oeil

N'empêche ça démontre bien que toutes les bécanes sont susceptibles de le faire c'est clair, après ça dépend du pilote ...

avatar fift 30-01-2019 16:54
Re: Trajet d'hiver

J'avoue que des manchons, ça ne m'aurait pas déplu .
Sérieusement, la prochaine fois je prends une cagoule : la déperdition au niveau de la tête était énorme.

Et oui, toutes les bécanes sont capables de le faire. Ceci dit, sur la Truxt' j'ai mis les bracelets bas : moins de prise au vent, moins d'appui sur les fesses. Comme l'appui sur les poignets ne me dérange pas (10 ans de ducat' supersport, ça forme !), je trouve que c'est bien plus confortable qu'avec les bracelets d'origine.
Avec une température "normale", 200 bornes de plus me semblent parfaitement envisageables.

J'hésite quand même à installer la tête de fourche, ça ferait une protection bienvenue quand on dépasse 130 (ce qui m'arrive, puisque je suis en Allemagne ange ).

avatar malloue 30-01-2019 22:33
Re: Trajet d'hiver

Cool ton récit Etienne !
ça donne envie de partir … mais aux beaux jours pour moi content

avatar Flakes 31-01-2019 09:17
Re: Trajet d'hiver

Il est 11h ce dimanche matin... Je devais partir plus tôt, mais j'ai trop tardé à me préparer ! Malgré tout, le temps est clair, il ne me reste que 500km jusqu'à Strasbourg, soit 100 de moins que ce que j'ai fait la veille !

Je regarde la météo, normalement, je voyage entre les nuages pluvieux. Levallois est calme, les gens détendus, il fait frais, direction le périph pour s'extraire de la grande ville encore mal éveillée.

Ma première étape est à la sortie de Paris et je suis contente d'être sortie de la capitale sans me perdre (pour une fois). Par contre, la pluie me rattrape et ne me quitteras plus. Après Saint Avold, ma chaussure droite prend l'eau glacée : la fin du voyage sera très longue et ce n'est pas le passage à Phalsbourg, glacial, qui me détrompera. Les gens regardent d'un air surpris débarquer une moto par ce temps glacial et je bénis celui qui m'a prêté les gants chauffants que je porte (même si une des deux batteries va déclarer forfait en cours de route triste )

Au final, mon voyage se termine à Strasbourg à 17h. Je ne voyageais pas en Thruxton, mais je crois que j'aurais aimé (bien que j'étais en Triumph aussi !). Je suis fière de me dire que mon trajet est fini, que ça fera une bonne anecdote à raconter plus tard, mais ma moto ressemble maintenant à une salière, va falloir nettoyer tout ça bien soigneusement !

Tout ça pour dire que si je n'avais pas suivi que la pluie, ça aurait un plaisir de te croiser dans ton périple dans l'est respect

avatar fift 31-01-2019 11:19
Re: Trajet d'hiver

Pas de bol ! clairement, je préfère le froid à la pluie !!
(souvenir d'un Paris-Limoges sous la flotte ...).

C'était quand ton trajet ? Car effectivement, on aurait quasiment pu se croiser !

avatar A-Lain 31-01-2019 12:30
Re: Trajet d'hiver

Pour moi le pire est le froid aux mains,
Avec des poignées chauffantes, tu aurais été pas mal aussi non ?

Jolie ballade en tout cas.

et oui mets ta cagoule !!

A+

avatar L'iguane 31-01-2019 14:41
Re: Trajet d'hiver

Citation
A-Lain
Pour moi le pire est le froid aux mains,

Pareil.
C'est le seul truc qui peut m'arrêter.

Problème, ma limite du supportable est très basse (la limite, pas la température).

Moralité, je préfère la pluie au froid.



'Fin, quitte à choisir, je préfère encore la canicule.

avatar fift 31-01-2019 15:27
Re: Trajet d'hiver

Le froid aux mains est forcément le premier truc qui arrive : le corps commence par rapatrier les calories des extrémités afin de privilégier les fonctions vitales (buste et tête).

Du coup, on peut avoir froid aux mains même en les protégeant bien, juste parce que le reste du corps n'est pas bien protégé.

Par contre, je préfère ça à la flotte ...


A-lain> Des pare-mains auraient je pense été plus efficaces que des poignées chauffantes. En fait, je sentais très bien la différence dès que je ralentissais l'allure.

Mais d'aucuns diraient encore que je dénature l'esthétique de la moto ...

avatar cajo 31-01-2019 15:55
Re: Trajet d'hiver

"Mais d'aucuns diraient encore que je dénature l'esthétique de la moto ..."
Ceux là ne sortent peut-être pas beaucoup, donc on oublie leurs sarcasmes qui leur sont utiles pour justifier une petite passion moto qui se dissout bien vite dans le confort bagnole, après 30 piges ... dingue




pipeau




Modifié 1 fois. Dernière modification le 31-01-19 15:56 par cajo.

avatar fift 31-01-2019 16:45
Re: Trajet d'hiver

Le "d'aucuns" en question roule sans doute plus que moi
(mais bon, il roule en BM alors effectivement, ses choix esthétiques ... gnarf ).

avatar waboo 31-01-2019 17:08
Re: Trajet d'hiver

Froid, soleil.. miam !

Perso, je me suit fait 30 bornes sous/sur la neige, retour d'Orly dans la "tempête" + nuit . Rien de déneigé bien sur.
Ca pique moins, mais c'est autrement plus stressant.

Les joies du retour d'essai tardif.

Elle est bien cette Hypermotard 950...

avatar Godzilla 01-02-2019 10:34
Re: Trajet d'hiver

Les poignées chauffantes, les gars, les poignées chauffantes!

C'est vrai qu'une fois qu'on y a goûté...

Un Strasbourg-Limoges en février dernier, de nuit... Sans ce "gadget", ça aurait clairement tourné au calvaire.

avatar fift 01-02-2019 11:14
Re: Trajet d'hiver

Waboo> Et t'avais pas gardé l'Hypermot' ? Ca aurait été rigolo .

J'ai fait ça avant-hier : j'ai décidé d'aller voir un col voisin après le taf (quand on est c.on, on est c.on, je sais).
Problème : il s'est mis à neiger au fur et à mesure de la montée. Et la descente n'était pas déneigée ... L'avantage, c'est que j'ai trouvé une BAR qui roulait encore moins vite que moi, au moins je n'avais pas de souci de visibilité .


Godzi> y a que dans ces moments là que j'y pense !

avatar ganymède 05-02-2019 09:41
Re: Trajet d'hiver

Fift, c'était très chouette à lire le récit de ton périple.

avatar VFatalis 05-02-2019 23:41
Re: Trajet d'hiver

Ouaip c'était plaisant à lire. Sinon, mieux que les poignées chauffantes et les pare-mains: les gants chauffants. Il n'y a que ça qui me permet d'éviter la sensation de se faire taper sur les doigts avec un marteau.

avatar waboo 06-02-2019 17:33
Re: Trajet d'hiver

Citation
fift
Waboo> Et t'avais pas gardé l'Hypermot' ? Ca aurait été rigolo .

clin d'oeil

Je crois que la GS était mieux pour cela... moins de watts. Mais hélas beaucoup plus de poids + le sac journaliste de 32 kg...

avatar fift 06-02-2019 18:56
Re: Trajet d'hiver

32 kg ? Mais qu'est-ce que vous mettez là-dedans ?? flute

Déjà que je râle quand le matos photo dépasse 2 kg

avatar Flakes 07-02-2019 10:25
Re: Trajet d'hiver

Citation
fift
Pas de bol ! clairement, je préfère le froid à la pluie !!
(souvenir d'un Paris-Limoges sous la flotte ...).

C'était quand ton trajet ? Car effectivement, on aurait quasiment pu se croiser !

Le 27 janvier ! :)

Et oui les poignées chauffantes ça m'aurait bien tenté, je n'avais que des gants chauffants (bien aussi) mais sur batterie, l'autonomie est très limitée !

avatar waboo 07-02-2019 19:22
Re: Trajet d'hiver

Citation
fift
32 kg ? Mais qu'est-ce que vous mettez là-dedans ?? flute

Combarde, matos video, ordinateur, bottes, dorsale, etc

avatar fift 07-02-2019 20:05
Re: Trajet d'hiver

Ah oui, j'avais oublié la video ...

 

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