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Brèves de motard(e)s

Vie de motards - témoignage... et APPEL DE PHARE...

Guidonnage fatal

Je connais bien la Suzuki SV650N. J'ai parcouru 27000 km à son guidon, en un an et demi, sur toutes les routes. En ville, à Paris, dans les Alpes, sur les bords de mer et les routes pleines de sel, en forêt, hiver comme été. J'ai été jusqu'en Croatie poussé par le twin, en passant par l'Allemagne, l'Autriche, l'Italie, la Slovénie. Du périphérique parisien en passant par les combes du Lubéron jusqu'au circuit Carole, je croyais bien connaître cette moto. Jusque là, que des frayeurs, surtout à Carole, ou encore, sur les routes de montagne, dans les virages à droite qui se resserrent. Mais jamais de chute.

J'avais oublié que, quelques semaines après avoir acheté le SV, 25000 km en arrière, en remontant un tunnel sur les quais rive droite, à Paris, j'avais vécu la peur : un guidonnage totalement incontrôlé, qui s'était arrêté tout seul, me laissant quand même la main sur le coeur. Avec simplement l'huile de fourche plus dure, je pensais avoir désormais une moto saine entre les jambes.

Puis vint le dimanche 1er décembre 2003. Je pars de chez un ami qui habite aux Halles. Au moment de m'engager sur les quais, à hauteur de l'hôtel de ville, le moteur est chaud. Je mets plein gaz dans la voie d'insertion, en descente, sur des pavés. Une Scénic blanche déboule sur la file de gauche à ce moment : je tempère les gaz. J'arrive à 80 sur les quais, je passe la 3. A ce moment, juste après la sortie Bastille, je coupe la voie de droite pour négocier le petit pif paf. La moto redressée, la Scénic passée, le champ est libre. Plein gaz sur la trois. Je dépasse les 7000 tours, on rentre dans les hauts régimes. J'aperçois un raccord de bitume, j'ai les jambes bien serrées, je maintiens les gaz à toc. Au passage du raccord, je me retrouve légèrement catapulté de la selle, disons dix centimètres en arrière. Je me retiens comme je peux au guidon qui m'emmène déjà à plus de 120.

La poignée de gaz vient en butée contre le réservoir. Droite, gauche, de butée en butée, guidonnage fatal. L'arrière de la moto commence à louvoyer puis à chasser carrément, je commence à perdre complètement l'équilibre, j'essaye une dernière fois de m'accrocher au guidon de toutes mes forces.

L'instant d'après, je commence à manger du bitume, le casque face contre la route, je redresse la tête, pour voir la moto qui glisse devant moi et qui semble ne jamais devoir s'arrêter. Je pense aux voitures, derrière, la Scénic blanche... J'arrive à la voir en priant pour qu'elle ralentisse. Je continue à glisser sur le bitume, j'ai perdu ma chaussure droite. Je m'arrête, me relève tout de suite, je vais enjamber la rembarde. Je regarde la Seine et l'Ile Saint Louis qui scintillent devant moi. Mon coude est paralysé. Je ne sens pas mon bras, ou alors j'ai trop mal, je ne sais pas. La manche droite du blouson textile Afterace Dainese s'est retroussée très facilement. C'est mon cuir, mon avant-bras, qui a pris le relais.

Une femme sort de sa voiture, il me semble voir des larmes dans ses yeux rouges. Elle a eu très peur, apparemment plus que moi. J'essaye de la convaincre qu'elle n'y est pour rien, que je sais très bien me gauffrer tout seul. Un couple appelle les pompiers, pendant ce temps, je passe un coup de fil à ma copine, qui m'attend en bas d'un immeuble, dans le 12ème.

Surprise, la moto a filé sur plus de 50 mètres. Elle est en travers, à l'entrée du virage qui passe sous le pont de l'avenue Henri IV. On la redresse à deux, à trois bras. Les rétros sont éclatés, visiblement, le moteur, le cadre, la fourche n'ont rien. Le patin en Teflon du pare-carter droit est à moitié fondu. Mon jean est moucheté de sang, je marche sur un pied. Mon coude saigne à grosses gouttes. Les pompiers finissent par arriver, je les convainc de ne pas appeler les flics. Sympas, ils se chargent eux-mêmes de mettre la moto à l'abri. Pendant le trajet qui me mène à l'hôpital Cochin, je raconte ma vie au pompier, visiblement fatigué. Il conclut la discussion : "oh vous savez, vous auriez été déchiqueté, pour moi, ça change rien du tout". A l'hopital, je constate que j'ai un trou dans la chair au niveau du coude, et des plaies assez importantes au pied droit, genoux, mollet gauche, avant bras droit, hanche droite.

4 heures plus tard, je rentre chez moi en taxi. Je fais des rêves confus, avec comme décor principal les quais de Seine, et puis des bosses sur le bitume. J'ai été cherché la moto tout à l'heure. Le réservoir est un peu enfoncé côté droit, il y a une fuite au niveau du témoin de liquide de frein. J'arrive à rentrer en prenant les trottoirs. En fait, j'ai moins mal quand je roule...

Bref, je le savais depuis longtemps, maintenant, j'en suis sûr : la direction du SVn est trop légère. Je ne veux pas d'un amortisseur de direction, je pense que je vais mettre un guidon rabaissé. Ca se trouve à cette adresse : http://www.suburban-machinery.com/sv650.htm J'ai aussi appris que les blousons textile, eh bin, ça marche pas fort en cas de chute. Le prochain sera un cuir si j'ai les moyens.

Et puis surtout, même en ligne droite, un simple guidonnage, c'est fatal.

Fred  - le 2 décembre 2002

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