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Roman : René (épisode 32)

Episode 32 : Sur la M1 à ROSSI… !

Jerez : la piste mythique, lieu du déroulement du deuxième GP de la saison 04 qui a vu la victoire de celui qui se bat contre lui-même, j'ai nommé Sete (quatre plus trois) Gibernau. Il est fort car, en plus de se battre personnellement, il a aussi battu les autres ce jour là…, même Valentino qui a terminé quatrième (en ayant quand même signé la pole en 1'40'818…)

Y'a du monde à l'entrée du circuit, forcément, c'est la presse européenne dans son intégralité qui est conviée à cet essai hors norme et faut croire que des canards sur la moto, y'en a un paquet vu le nombre de véhicules ayant envahi les parkings (et après on s'étonne de la déforestation mais, quand je pense que notre passion est censée représenter une goutte d'eau dans le tentaculaire monde de la presse, j'imagine la conversion en arbres d'un seul tirage de l'ensemble des baveux présents ici et j'avoue que ça me fout un peu les boules, pas toi ? C'est vrai qu'à part lire mes conneries, tu ne penses pas à grand chose !)

Grigou serre quelques louches à l'entrée en matant la faune féminine présente (la médication du docteur René semble lui avoir été bénéfique de ce côté là), imité par le duo Gatouillable qui n'est pas en reste en ce domaine, et tous trois, dûment munis des précieux sésames réservés aux invités, pénètrent dans ce paradis des sports mécaniques ou les attendent les attachés de presse de la firme aux trois diapasons dont le staff technique est déjà à pied d'œuvre sur les motos.

Un appel en anglais invite tous les participants à se rendre en salle de presse pour la présentation du team et le déroulement des séances d'essais. Sont présents : Davide Brivio, le team manager, Jérémy Burgess, le responsable technique et ami de Vale, Bernard Ancio, le mécano attitré, quelques hauts responsables japonais et …Valentino en personne !!!

Blablabla…, on cause du team, de la moto, du pilote, bien sûr du titre, mais rien d'inédit et tous attendent les directives pour la suite, ce pour quoi ils sont présents : essayer la 46 !

Un ordre est déterminé, suivant l'importance du pays et du journal. Chaque pilote va effectuer cinq tours sur une R1 préparée, pour la mise en jambe, puis cinq sur la M1, pas un de plus ni un de moins…

Grigou passe en milieu de peloton et René… bon dernier, car il est l'invité de dernière minute (faut voir la tronche étonnée et pas trop rassurée des jaunes à la vue de ce vieux bonhomme en cuir qui va chevaucher leur championne du monde en titre, un fleuron technologique au prix inestimable, et la mine à la fois surprise et amusée des journalistes essayeurs présents)

Valentino, présent et toujours avide de ce qui sort de l'ordinaire, se fend la poire de la présence du Respectable tout en répondant patiemment aux nombreuses questions posées par le parterre invité pour lequel a été organisé une conférence de presse organisée par son manager, pendant que la valse commence sur la piste.

Au bout d'un moment, ni tenant plus, le World Champ plaque l'assemblée à la surprise générale pour se diriger vers un René plus occupé à regarder les filles qu'à s'occuper de la raison de sa présence ici.

« Ma qué, commence le pilote italien en s'adressant à Pépère, zé vous connais pas, vous. Vous êtes trop vieux pour oune journaliste, ma zé cru comprendre qué la France envoyait oune phénomène âgé qu'est capable dé faire claquer oune chrono avec n'importe quelle moto.
Zé souis pressé dé voir ça et surtout la tête des nippons… », ajoute t'il en se fendant la poire.

Grigou, parlant couramment l'italien, se fait l'interprète de René et explique à Valentino les exploits du Respectable après les présentations.

Maurice, lui, s'est éclipsé, attiré par quelques sirènes traînant dans les parages…

Pendant ce temps, sur la piste et dans les stands, un étrange ballet se déroule, orchestré entre les sorties et les rentrées des machines sous les ordres des commissaires de piste. Pour l'instant les M1 sont encore dans les box dont les portes sont closes, mais les moteurs commencent à émettrent leurs vocalises.

Vient le tour de Grigou, appelé par un attaché de presse (Valentino est reparti vaquer à ses occupations) : c'est en tremblant un peu qu'il se dirige vers les mécanos qui lui tendent la R1 qui lui est destinée.

Deux, trois recommandations, un ou deux réglages pour ajuster la position et c'est parti sous l'autorisation du commissaire de piste; la piste est un peu encombrée mais le trafic permet de s'infiltrer sans trop de problème.

Grigou part prudemment. Ce n'est pas un pilote, loin de là, et le fait de se retrouver ainsi au milieu de confrères rompus à la piste n'est pas pour le rassurer. Néanmoins, au fil des tours la R1 sonne de plus en plus clairement, mais cinq passage, c'est court pour se mettre dans le bain et il conclut sa dernière boucle en 2'35, épuisé par la concentration nécessaire pour étudier la piste et sans trop savoir que penser de son niveau après avoir constaté une nette différence en sa défaveur entre lui et certains essayeurs.

« Pas trop mal, dit René à son retour, mais tu t'mets la pression tout seul en r'gardant les autres, c'est pas sur eux que tu dois t'concentrer, mais sur toi seul et la piste.
C'est pas une course et t'en as rien à faire de péter une pendule, faut simplement que tu penses à t'relâcher pour piloter proprement et là, tu vas gagner facile quelques secondes car, question pilotage, t'es pas plus mal que les autres ! »

« Ouais…, répond Grigou, gagner quelques secondes…, j'veux bien mais les cinq prochains tours, c'est sur la M1…
Tu l'entends ce monstre dans l'box ? Et t'as vu à la télé la façon dont elle accélère ? Cinq tours, c'est court pour apprendre une telle piste, Carole, à côté, c't'un tourniquet et j'ai la trouille dans les grandes courbes… »

« T'en fait pas comme ça, ça va aller… », tente de le rassurer René en souriant.

Maurice, pendant ce temps, est toujours aux abonnés absents…

Arrivent bientôt la fin de la série et le tour du Respectable de prendre la piste. Les curieux se pressent sur le bord de piste - en attente de la curiosité car dans cet univers les nouvelles circulent très vite… - tandis qu'un mécano tend une machine bleue à René. Pépère s'installe, fait la moue puis demande quelques modifications des commandes, de la fourche et de l'amortisseur, il lève alors le pouce, donne un coup de démarreur et attend les ordres pour s'élancer.

Go !, fait le commissaire de piste avec son drapeau tandis que peu à peu la piste se vide avec la rentrée des derniers essayeurs. René part lentement et boucle son premier tour en 2'20, sous l'œil amusé des curieux, lesquels se grattent la tête au second passage effectué en 2'10, puis commencent à se poser des questions sur ce vieux qui vient de terminer le troisième en 2' tout rond…

Valentino, quelque part en retrait, observe le spectacle sans en perdre une miette…

Le quatrième tour voit la pendule afficher un bon 1'59 qui restera le temps affiché au cinquième, DIX NEUF SECONDES DE DIFFERENCE AVEC ROSSI, lequel était sur sa moto d'usine et en pneus qualif' !!!

Là, les spécialistes présents se frottent les yeux et se pincent en se demandant s'ils ne sont pas en train de rêver ; les meilleurs, et pas des manches, ont tourné en 2'15…

La vedette n'est soudain plus Valentino mais un René rentrant au stand, tranquille comme quelqu'un qui vient d'acheter son pain chez l‘épicier du coin !

Vale se tord en deux devant les tronches par terre qu'affichent les jaunes en secouant les chronos. Au japon le leitmotiv, c'est la normalité, et là ils viennent de rencontrer E.T. …

Burgess lui-même, lequel en a pourtant vu d'autres, se gratte lui aussi la tête, songeur…

Le champion du monde vient alors féliciter René, lequel descend tout juste de sa moto :

« Toi alors !, dit-il en le tutoyant (par respect sans doute…), on peut dire qué tou sais aller vite sur oune moto… », le complimente t'il, hilare, en lui tapant sur l'épaule.

« Ben…, merci mon p'tit gars, répond René très simplement, mais toi, t'es pas mal aussi dans ton genre d'après c'que j'ai vu à la téloche… », ceci dit en zyeutant la croupe d'une demoiselle, pas très loin, qui semble lui faire le coup du « viens voir par ici » en ondulant de la partie basse de sa très charmante petite personne.

Changera pas l'Ancien, il vient encore de se faire remarquer en médusant l'assemblée par son immense talent à tourner la poignée, et le voilà encore en chasse à la demoiselle !!!

Bien entendu, comme son frère, il s'éclipse bientôt en bonne compagnie, plantant là les plumitifs qui se demandent ce qu'ils vont pouvoir bien écrire de tout ça.

Pour un peu, on en oublierait presque les M1 qui viennent de sortir des stands !

C'est Grigou, à peine remit de ses émotions, qui doit se charger de répondre aux questions dont il est bombardé au sujet du Vieux…

Une demi-heure plus tard, voilà Maurice qui refait une apparition auprès de son pote journaleux, la mine quelque peu défaite.

« Vache !, quel tempérament les filles du coin… !, dit-il simplement en s'adressant à Grigou, et René, il est où ?, il a roulé ? »

« Ben…, ton frère a fait comme d'habitude, il est v'nu, il a vu, et il les foutu su'l'cul . Tiens, en parlant d'postérieur : à ton avis, il fait quoi… ? », répond Grigou d'un air mi-amusé, mi-blasé…

« C't'un grand gosse… », résume Maurice en soupirant !

Pendant ce temps sur la piste, les quatre M1 dépêchées par le japon sont aux mains des journaleux, et je peux te dire que là, c'est plus la même musique que précédemment. Si malgré le fait que tu sois une tanche complète au niveau pilotage , tu as eu un jour l'honneur (je parle pour toi, pas pour la machine bien évidemment …) de poser ton ignoble postérieur sur cette superbe moto qu'est la R1, tu conviendras que c'est pas du mou de veau et qu'enquiller REELLEMENT avec cette brèle n'est pas à la portée du premier venu, et bien, à côté de la M1, la R1 pourrait presque être comparée à l'ex-Viragro de Maurice…, je te laisse imaginer…

Bref, les baveux n'en mènent pas large. Bien sûr, ils font illusion dans la ligne droite en poussant un peu le monstre de deux cent cinquante chevaux, lequel hurle en déboulant comme une fusée, mais au freinage et dans les courbes, font moins les fiers les écrivaillons…

Faut quand même imaginer que ce truc ne pèse QUE cent quarante cinq kilos, soit le poids d'une 125, mais dont la moindre rotation du poignet droit propulse dans la quatrième dimension en laissant de larges virgules sur l'asphalte. Un truc à faire peur tellement elle cabre et accélère en collant au fond des orbites les yeux de l'imprudent un poil téméraire, leurré par l'apparente docilité du quatre cylindres à bas régimes.

C'est Rossi qui se marre en voyant la tête des journaleux rentrant au stand après les cinq tours du manège infernal. On peut lire dans leur regard, soit de la crainte, soit du respect ou de l'incompréhension, voir un peu de tout ça mélangé, avec, par dessus tout, le bonheur d'avoir roulé sur la moto de vitesse la plus efficace au monde.

Par contre, pour les chronos, la plupart ont roulé moins vite avec la M1 qu'avec la R1. N'est pas Valentino qui veut !

Grigou, voyant la tronche de ses confrères au retour, est de plus en plus fébrile, commençant même à trembler furieusement à mesure que l'instant fatidique approche. Maurice tente de la rassurer par tous les moyens, mais le plumitif a les canes qui flanchent…

C'est à cet instant que réapparaît un René radieux, pas trop éprouvé par l'effort qu'il vient de fournir auprès de la superbe créature qui s'éloigne maintenant en le couvant du regard.

« Nom de Dieu…, blasphème le Respectable en rejoignant ses deux compères, elles ont l'sang chaud dans c'pays, c'est sans doute à cause du soleil dont les rayons boostent la libido…
Moi, en été, j'ai d'l'énergie à r'vendre et j'suis capab' de tringler pendant deux plombes, alors, dans un endroit où il fait toujours beau… Pas feignante la môme…, et même que c'est elle qu'a drivé pendant tout l'trajet, à tel point qu'j'en ai l'mat d'cocagne en marmelade…
Mais Dieu, qu'c'était bon ! », soupire cet être de félicité…

Voyant la mine de Grigou, il reprend : « Hé bien mon vieux, qu'est-ce que t'as ? on dirait qu'tu vas avaler ton bulletin d'naissance… »

Le Grigou en question a bien du mal à s'exprimer, et c'est Maurice qui explique à son frère le pourquoi.

« Ha ? C'est seulement ça…, soupire Pépère en hochant la tête, t'en fais donc pas comme ça. C'est qu'une bécane qu'a deux roues, un cadre, un moteur et une paire de bracelets, comme n'importe quelle autre bécane…
Bon, c'est vrai qu'elle semble accélérer un poil plus fort, mais dans c'cas, on tourne moins la poignée, c'est aussi simple que ça !
Et pis dis donc, t'es l'responsable des essais d'ton canard y'm'semble, non ? Alors tu vas t'reprendre et rouler comme tu l'fais d'habitude, c'est à dire en t'concentrant sur tes impressions pour sortir un papier à la hauteur. »

René, en disant ça, profite pour lui coller une claque dans le dos en réconfort. C'est à ce moment que choisit l'attaché de presse pour dire à Grigou en s'approchant :

« Monsieur Ze Kick, c'est à vous… »

« Gloups ! » fait le journaleux en suivant le gars en chemise bleue, imité par le duo.

La moto est sur sa béquille de stand, les couvertures chauffantes sur les pneus. Deux ingénieurs terminent de collecter les infos du dernier roulage à l'aide de terminaux embarqués reliés à la machine, pendant que les mécanos peaufinent une ultime vérification. La M1 est dans la configuration course du dernier GP disputé à Valence, et même si les deux pistes sont différentes (Valence étant un véritable tourniquet), les conditions atmosphériques sont assez similaires. Un jaune parlant anglais, vient alors expliquer le mode d'emploi à Grigou tandis que dernier grimpe tel un automate sur la championne du monde. Les mécanos actionnent alors le démarreur technique plaqué contre la roue arrière, ce qui pour effet de déclencher le tonnerre tellement le vacarme émanent du mégaphone devient assourdissant par le biais des quelques coups de gaz donnés pour la faire monter en température (quoiqu'elle a pas eu trop le temps de refroidir). La machine est ensuite débéquillée tandis que Grigou prend ses marques aux commandes, concentré au possible. Le commissaire de piste lui donne alors l'autorisation de sortir de la voie des stands, ce que le journaleux fait avec une extrême prudence.

Les premiers tours sont abordés avec méfiance, mais dans le cinquième et dernier, Grigou vient de réaliser un bon 2'25, dix secondes de mieux qu'avec la R1 !

C'est tout fier, mais complètement épuisé, qu'il rentre au stand et tend la moto aux mécanos pour enlever très vite son casque et s'adresser à René, lequel attend son ami avec le japonais resté à ses côtés (lequel doit noter les impressions du plumitif).

« INCROYABLE ! balbutie Grigou, elle est plus douce à bas régimes que la R1, et bien plus précise et légère aussi; on se sent tout de suite chez soi avec une position pas trop extrême. Par contre, dès que l'on atteint les mi-régimes, ça commence à drôlement défiler et les bras s'allongent. On insiste et elle se met à pousser de plus en plus fort en prenant ses tours férocement sans couper. J'ai jamais vu un truc aussi sauvage et on a toutes les peines du monde à garder la roue avant au sol !
Le freinage est aussi impressionnant : un doigt en bout de ligne droite, et on a l'impression de rentrer dans un mur tellement c'est puissant. Et pourtant, j'ai pas osé tirer à fond sur le levier de peur de passer par dessus…
Les vitesses inversées et le shifter surprennent un peu au début, mais on s'y fait rapidement.
Oui !, quelle machine !!!, et j'avoue que cinq tours c'est bien peu, même si j'ai les bras et jambes en marmelade. »

Le japonais lui pose alors quelques questions et notes sur un carnet les réponses avec l'air impassible d'un… japonais, mais on sent une certaine lueur de fierté au fond de ses yeux sombre !

Quelques journaleux plus tard, voici venu le tour du Respectable de faire connaissance avec la M1…

Là, les curieux se pressent au vu de la démonstration précédente, et même Rossi en personne vient poster à côté de l'Ancien pour lui donner quelques conseils, aidé par un traducteur. René, comme à son habitude, est parfaitement détendu ; juché sur la moto, il réclame une umbrella girl car, dit-il, le soleil tape fort à travers son casque…
Rossi, aussitôt la traduction faite, éclate de rire en tapant amicalement Pépère dans le dos.
Soudain, le commissaire de piste agite son drapeau et René s'élance !

On sent le Respectable prudent, il secoue la moto de gauche à droite pour en prendre la mesure et semble tester différentes positions tandis qu'il sort de la voie des stands sur un léger filet de gaz. Soudain, la M1 hurle en bondissant en avant, René commence déjà à visser !

Le premier tour est bouclé en 2' tout rond. Déjà l'assemblée se tait tandis que la moto bleue donne de la voix en crachant son impressionnante cavalerie dans la ligne droite. L'Ancien a le nez dans la bulle et au deuxième tour, le chrono descend en 1'57…, puis 1'55 au suivant ; Valentino, du bord de la piste, encourage René à en remettre sous l'œil inquiet des japonais !
Le quatrième, Pépère est en 1'51 et termine son cinquième et dernier tour en 1'50 !!!

Dans la voie des stands c'est du délire et déjà tout le parterre présent se presse pour recueillir les impressions de l'extra-terrestre, Rossi en tête…

Dix secondes… René a tourné à dix secondes de Valentino lors du dernier GP disputé ici, alors que ce dernier chassait la pôle en pneus qualif' !!!

Superpapy, qui vient de rentrer, stoppe la moto près des mécanos. À peine descendu, Valentino se jette dans ses bras comme si l'Ancien venait de gagner une course. Burgess, un peu en retrait, n'arrête pas de secouer la tête et se frotter les yeux en compulsant le temps affiché. Les japonais en blouse, tout en s'empressant de brancher les ordinateurs pour les acquisitions de données, regardent René du coin de l'œil d'un air effaré, tandis que les journaleux se pressent autour du Respectable pour le bombarder de questions. Jamais on vu un truc pareil dans le monde des GP, un peu comme si toi, tu te mettais à passer tes six rapports sur la roue arrière alors que t'es même pas fichu de passer la troisième les roues au sol…

René s'adresse alors à Grigou qui s'est difficilement frayé un chemin pour rejoindre l'Ancien, tandis que Maurice, prudemment, est resté en retrait :

« Ouais, t'avais raison, explique t'il calmement à son ami, comme si de rien n'était, elle est facile cette brèle. J'avoue qu'elle pousse un peu plus que ma V6 et marche mieux que celle à Sarron. Dis, avec tes relations, tu pourrais essayer de m'en avoir une comme ça, pour qu'je puisse aller m'amuser à Carole avec… ?
Non, j'plaisante, ce truc n'est pas pour moi car j'arrive pas à l'exploiter du fait d'une position qui ne me convient pas…
J'suis certain que si on m'la laisse pour la faire régler comme j'ai l'habitude, j'descend les temps d'au moins cinq secondes !
Au fait, tu peux pas dire à tes collègues d'me lâcher la grappe pour qu'on aille au bar s'en jeter une bonne ? Moi, un coup d'radada et quelques tours en piste, ça m'donne soif…
Pendant qu'on y est, invite Valentino et l'jaune qu'a l'air constipé là-bas, c'est ma tournée ! »

Il sont sortis du circuit, ainsi que Burgess qui s'est joint au groupe, pour prendre la direction du premier rade à proximité, ce qui n'est pas difficile à trouver car dans ce pays, les rades c'est comme les belles filles, y'a que ça autour de toi…

C'est Grigou qui fait la traduction tandis que Jérémy présente le Constipé :

« Yapu Kavissé San, Responsable technique pour la partie mécanique et pilote d'essai. Son double rôle, unique dans un team de compétition, donne l'avantage de valider en live ses dernières trouvailles, ce qu'un ordinateur ne sera jamais capable de faire. Ne vous fiez pas à son age (71 ans), car il fut pilote de chasse pendant la guerre du Pacifique et compte parmi les as de la flotte avec quarante avions ennemis descendus, ce qui donne une idée des réflexes dont il disposait alors, et qu'il a cultivé par le biais de la course moto de retour dans la vie civile. Il a été trente fois champion du Japon dans toutes les catégories et très vite engagé par Yamaha qui l'a couvé en l'empêchant de courir hors du Japon, le jugeant plus utile au pays du soleil levant car il est aussi un ingénieur hors pair à l'origine de pas mal de trouvailles qui ont fait de la marque ce qu'elle est aujourd'hui.
Il s'est alors dévoué à déployer ses nombreux talents au sein de la firme, refusant même les promotions internes pour conserver le privilège de concevoir et tester lui-même le fruit de son travail.
C'est incroyable ce qu'il est capable de trouver pour répondre à la demande de Valentino et on a vu le résultat cette saison.
De même qu'une fois en piste, c'est difficile d'imaginer que c'est un gars qu'on verrait plutôt en retraite, qui tourne la poignée de cette façon, un peu comme vous René…
Kavissé San m'a demandé de vous convaincre de nous faire l'honneur de votre présence lors d'une séance d'essai en privé, pour valider certaines de ses idées, certes, mais je le soupçonne aussi de vouloir se mesurer à vous sur la piste…
J'avoue, d'après ce que je viens de voir, que l'idée n'est pas pour me déplaire, si ça vous dit, la semaine prochaine nous sommes au Mans, chez vous en France…Bien entendu, vous acceptez ? »

Ils sont tous installés dans un petit rade espinguoin jusque dans ces moindres détails. Y'a le patron, un peu bedonnant et moustachu qui essuie négligemment ses verres, une sono qui crache de la musique latine dans une ambiance tamisée par le peu de lumière régnant dans l'établissement, les clients habituels avec cette nonchalance des gens vivants au soleil leur donnant une impression de sérénité face à la vie que nous n'aurons jamais, nous les franchouillards de la partie nord, misérables fourmis qui courront sans cesse sans trop savoir pourquoi, uniquement pour faire comme les autres, histoire de pas paraître idiots…Y'a aussi la serveuse, grande, brune, très brune avec un regard de braise, trente ans environ, la peau mate dans une robe longue ambrée assortie à son teint, bref, THE first nana…

Un qui n'est pas indifférent à l'employée du bar, c'est Grigou. Il jongle alternativement entre la traduction et les regards balancés en loucedé à la superbe créature, laquelle semble amusée et, semble t'il… pas farouche pour un poil !

Valentino observe la scène un moment sans rien dire, puis glisse à l'oreille du journaleux :

« Ma !, tou as vu comme la demoiselle té regarde ? Vas-y et montre loui qué dans notre ounivers dé la moto, y'a pas qué la poignée qu'on sait tourner…, jé m'occupe do faire lé tradoucteur pour toi ! »

Tu ferais quoi, toi, si le World Champ' te sortait un truc comme ça ???

Le Grigou gonfle le torse, se racle la gorge après avoir sifflé son verre de whisky d'un trait, puis se dirige franchement vers la demoiselle qui, avec son air de « viens voir par ici tu verras mon … » ne le quitte pas des yeux…

C'est lui qui lance l'offensive :

« Oui je sais, ça fait un quart d'heure que tu poireautes, mais ton prince charmant ici présent devait d'abord terminer la traduction d'un entretien très important, mais ceci ne te concerne pas et nous allons passer au sujet qui nous préoccupe, passe devant et montre moi le chemin de ta chambre pour savoir enfin qui je suis…», lui dit-il en lui posant une main sur la croupe, à laquelle elle répond en se collant contre son entrejambe puis l'entraînant vers la partie closed du bar…

« Ben mon vieux, fait remarquer René qui a suivi la scène, l'est vraiment bien l'gamin… »

Le jaune, en réponse, lève le pouce en l'air en approuvant de la tête avec un regard soudain complice le déconstipant quelque peu !

Burgess soupire puis se met à rire en lançant une œillade à Valentino, tordu sur sa chaise, tandis que Maurice fait remarquer :

« Faut dire qu'il nous a beaucoup observé… », sur un ton suffisant…

C'est René qui percute soudain :

« Hé dis donc, le bridé ? j'rêve ou t'as pigé c'que j'viens d'dire ??? »

Kavissé San répond alors :

« Je parle couramment les principales langues usuelles, honorable tourneur de poignée, mais personne ne me l'a demandé jusqu'à présent dans cet entretien, non ?…
Alors ? pour le roulage, tu acceptes ??? »

René jette alors un œil vers Burgess et comprend le stratagème. Celui-ci, en jouant ce petit jeu avec l'accord du jap', permettait à ce dernier de bien observer l'Ancien qui, piqué au vif en réalisant, ne pourrait qu'accepter la proposition, ne serait-ce que par défi…

Le regard qu'il lance à Jérémy est lourd de conséquence tandis qu'il articule :

« J'aime pas trop qu'on s'foute de ma tronche Mooooonsieur le manager, mais bon, c'était pas la peine d'en venir là puisque j'ai décidé d'accepter, histoire de pouvoir encore monter sur cette brèle que j'ai pas eu l'temps d'bien apprivoiser, pis aussi pour montrer à Bol de Riz comment qu'on fait pour visser dans l'bon sens… »

Cette fois, c'est tournée générale et hilarité totale dans le petit groupe ; hé oui, même à ce niveau de la compétition, l'esprit motard est aussi présent…

Un qui semble voler aussi en haute altitude, c'est l'Grigou. Les parois de séparation du bar sont fines et un étrange concerto en rut majeur se fait entendre, rythmé par les hurlements ibériques de la donzelle et ponctués de grincements pieutesques…

Le patron, ainsi que les clients présents, sembles impassibles : coutume locale ?

C'est René qui commente :

« Alors là, il est parti à la cosaque et j'sens bien qu'il va passer au p'tit train dans la montagne car le rythme est plus saccadé. Et puis, ça permet de r'froidir la mécanique car je pressens que cette fille là, c'est d'la bombe et l'Grigou y m'semble encore bien tendre pour la mettre à g'nou… », dit-il en fin connaisseur…

L'alcool commence alors à faire ses effets et Burgess, dans un français très correct lâche alors à René :

« Je vais vous faire une confidence : les filles d'ici, c'est d'la braise !
Pour cette raison, quand on passé de Honda à Yamaha, on en a embauché une quinzaine, sachant que Gibernau peut pas résister. Dès l'arrivée sur un circuit, elles ont pour mission de traîner près du staff de l'espingouin pour lui jouer le chant des sirènes.
Comme ce grand gosse répond toujours présent dans ce cas précis, et qu'il peut pas être au four et au moulin en même temps, il en néglige d'autant la mise au point de sa RCV et c'est certainement pour ça qu'il avoue se battre contre lui-même…
J'avoue aussi que lorsque que Valentino a quitté Honda, il leur a laissé une machine parfaitement déréglée avec laquelle il a fait illusion grâce à son talent, histoire de se ménager une petite marge le temps de s'occuper de la Yam ; les rouges n'ont toujours rien pigé et ont limogé le pauvre Barros qui n'a toujours rien compris au film ! »

C'est à cet instant que resurgit un Grigou marqué par l'effort mais visiblement satisfait (la môme est toujours dans la piaule…) :

« Une coriace !, dit-il, mais bon, j'en suis venu à bout…
Par contre, ce genre d'effort, moi, ça m'donne soif : tournée générale !!! »

Dans la semaine suivant le retour, la notoriété du Respectable est encore montée d'un cran : rapport aux papelards de journaleux qui, une fois encore, ont axé l'événement sur les exploits de ce vieux bonhomme, illustre inconnu qu'on laisse grimper sur la championne du monde en titre de la catégorie reine (déjà, rien que ça c'est de l'inédit…) et qui se permet le luxe, en toute décontraction, de faire un temps à dix secondes de Rossi sur seulement cinq tours de piste avec une machine dont les réglages ne sont pas optimums (dans le cas d'un essai presse, les mécaniques sont limitées en régime et adoucies en suspensions)

Autant dire, vu qu'il s'agissait d'une invitation concernant l'ensemble de la presse européenne, que René est maintenant connu hors de l'hexagone, et c'est sans doute pour cette raison que, tel un artiste de renom, son phone n'arrête pas de chauffer avec des propositions d'emploi, interviews, partenariat pubs (encore…, mais les filles des agences sont généralement choucardes…), voire des… demandes en mariage !

Après le Mans, c'était déjà l'heure de pointe, mais maintenant, c'est quasiment les bouchons de départ en vacances chez l'opérateur téléphonique pour prendre la route en direction du Gatouillable…

Bien entendu, les potes se pointent aussi, histoire de soulager René de quelques rendez-vous, de préférence si la demandeuse mérite l'attention (un questionnaire sophistiqué a été élaboré dans ce sens) …

Grigou vient faire le plein sur son carnet de rendez-vous tous les matins, le Dave se charge du Net en compagnie de Maurice (avec un partage équitable des rencards, bien entendu dans le but désintéressé de rendre service), le Mario, aidé du Cescovitch, se relaient au bigo (technique idem), et y'a même le Ziva qui joue les groupies devant le home des Respectables avec la technique dite du « chien malheureux ». Il compte capter l'attention des demoiselles recalées à l'examen de passage en pleurant sur sa pauvre moto dont le carénage porte les stigmates de ses nombreuses sorties de route (une technique de d'jeun's demandant beaucoup de mise au point pour un résultat disons… mitigé…)

Le René lui, ce côté popularité, il s'en tamponne un peu le coquillard comme de sa première bécane et passe le plus clair de son temps à perfectionner sa technique en tringlant la Céline !

Le jour J est pour demain. Le Team officiel, a déjà investi le circuit manceau et Valentino roule aujourd'hui pour valider certains trucs, mais il ne sera présent que ce jour car son calendrier est chargé. Colin Ewards, lui, est retenu ailleurs. Le team TECH 3 de Poncharal, accompagné de ses pilotes, est aussi de la partie pour cette unique journée.

Le lendemain, il ne restera que le team d'usine pour du testing de solutions inédites ne pouvant être réalisé par les pilotes (les solutions sont proposées après essai en live par les essayeurs ; une technique qui permet aux pilotes ne pas se disperser), et René sera présent !

On se retrouve donc une nouvelle fois aux portes du circuit Sarthois, mais ce coup-ci, plus de R1 ni de Kawasuki V6 sur la piste, simplement une meule bleue (enfin, aujourd'hui elle est noire car non peinte) portant le numéro 46, et autour de laquelle grouille une ribambelle de pères la jaunisse en blouse blanche portant le sigle YRT (YAMAHA RACING TEAM), dont notre désormais bridé préféré, incontournable pilier de l'équipe et, paraît-il, apte à donner des leçons de pilotage à notre Gatouillable en plus de jouer de sa boîte à idées pour que la M1 soit toujours au top, j'ai nommé, le très Respectable Yapu Kavissé San …

C'est d'ailleurs lui qui accueille Superpapy, accompagné de ses deux acolytes habituels (Maurice et Grigou), visiblement heureux de la venue de l'Ancien, mais avec aussi un semblant de rictus carnassier aux coins des lèvres.

« Bienvenue à toi, honorable René San, fait le Constipé en s'inclinant à la mode de chez eux (nous, c'est le plantage des choux…), j'espère que tu es en forme… ?, et bienvenue à vous aussi, mes honorables amis ! »

« Salut à toi, Bol de Riz !, répond René en lui donnant l'accolade, t'en fait pas pour moi, j'tiens une forme olympienne…
Et toi ?, t'as fini d'cuver d'puis la dernière fois ?, faut dire qu'le whisky, questions montées en régime, c'est autre chose que ton saké qu'est aussi bridé qu'ta tronche… »

Yapu San fait mine de ne pas piger et sourit sans répondre, mais son regard en dit long pour la suite…

« Je dois vous demander de m'excuser, dit-il finalement en s'inclinant de nouveau, car il me aller enfiler mon équipement, je vous rejoins très vite »

Burgess, à son tour, délaisse les deux M1 béquillées en bordure de la voie des stands, lesquelles portent déjà les couvertures chauffantes et sont l'objet de l'attention de tout le staff présent.

« Bonjour messieurs, nous allons éviter de perdre du temps car nous avons pas mal de trucs à tester. Les motos sont dans la configuration définie hier par Valentino car le temps est identique – une chance pour nous – avec un nouveau type de pneu arrière élaboré par Michelin qui a permit de gagner en stabilité sur l'angle à la remise des gaz, un point faible de la M1 par rapport à la RCV. Je vois que vous êtes déjà en cuir, René : parfait, vous allez effectuer deux tours en compagnie de monsieur Kavissé San, lequel est en train de s'équiper.
Pendant ce temps, on va faire chauffer les motos »

Jérémy s'adresse alors aux mécanos, lesquels ramènent les démarreurs thermiques, les deux surpuissantes machines s'éveillent alors dans un bruit assourdissant, rythmé à grands coups de rotation des poignées de gaz…

Sort alors du box le Bridé, lequel s'avance rapidement vers le groupe. Il porte un cuir immaculé (non, non, c'est pas un gros mot…) sur lequel est arboré le drapeau japonais. Sur son front, un bandeau à la même effigie est présent. Son visage est fermé, encore plus inexpressif que d'habitude, si ce n'est une bizarre lueur perceptible aux travers de ses yeux noirs qui percent les deux fentes lui servant de paupières !

Yapu San grimpe sur une des M1 en s'adressant aux mécanos dans son dialecte incompréhensible, tandis que Burgess fait signe à René d'en faire de même sur la deuxième.
Les moulins crachent leurs décibels depuis maintenant quelques minutes et sont en température, on enlève les béquilles et les deux pilotes s'élancent sur la piste sur ordre du commissaire de piste.

Je te rappelle le temps de la pôle du dernier GP : Gibernau en 1‘33'425. Rossi, hier, a tourné en 1'33 pile, améliorant le chrono de quatre dixièmes sans chercher à forcer son talent car il n'était présent que pour valider quelques modifications faites à sa demande. Les autres pilotes suivaient en retrait de deux dixièmes.

Le Jaune passe devant, René dans sa roue. Ils effectuent un premier tour prudent en prenant leur marque de la piste et des motos dans un chrono d'1'50 mais, alors qu'il abordaient tous deux la ligne droite, Yapu San se met alors à visser en grand, la M1 change de vocalises et bondit en avant en laissant une marque noire au sol…

René, un instant déconcerté par la manœuvre, réagit très vite en donnant la réplique au Bridé qui a déjà pris le large et plonge dans la Dunlop sans soulager la poignée. Mais l'Ancien à de la ressource, il retarde son freinage à la chicane pour recoller Kavissé et lui filer le train jusqu'au Garage Vert, ou il tente un intérieur osé au prix d'un freinage de chez freinage, mais l'autre ne l'entend pas de cette oreille et lui ferme la porte ! René insiste, l'autre aussi… Les deux M1 se touchent et vont jardiner dans le bac à gravier sous les piaillements stupéfaits des jaunes et le hurlement de Burgess qui se prend la tête à deux mains…

Maurice, un sourire aux lèvres, fait remarquer à Grigou :

« Bon ben…, j'crois qu'c'est parti… ! »

Les deux pilotes n'ont pas chuté et récupèrent la piste très vite en tournant rageusement les poignées, toujours dans le même ordre avec René collant au jap comme un morpion à la pauvre partie basse de ta triste personne !

Le bout droit menant au Chemin aux Bœufs est abordé fond de cinq d'après les infos de la télémétrie (je te laisse imager avec 250 bourrins…), ils passent même pas la six, privilégiant les hauts régimes, les deux motos côte à côte…

« Heureusement qu'ils ne font que deux tours… », soupire Burgess au comble de l'angoisse vu le prix inestimable des protos et l'explication à donner à la maison mère le cas échéant.

Le pif paf du Chemin aux Bœufs est abordé limite cata avec les deux roues bloquées et les bracelets en butée, aucun ne veut céder à l'autre et c'est ainsi qu'ils jettent les brèles d'usine en se touchant les coudes sur deux traj's différentes qui les obligent à se recouper… mais toujours sans couper !

Les M1 hurlent en arrivant aux Esses Bleus et René est devant… pour pas longtemps car Yapu reprend son bien au Raccordement, puis, le Respectable, au prix d'une remise des gaz d'anthologie, réussit à se porter de nouveau à hauteur du Bridé, et c'est ensemble qu'ils abordent la longue ligne droite… sans s'arrêter pour rentrer aux stands !!!

Sont fous les Jaunissimes… ! Ils se mettent à hurler et poussent les commissaires présents à tenter de se mettre en travers de la piste pour les stopper… sans succès, car les M1 filent de nouveau vers la Dunlop à la vitesse d'un jet de combat…

Burgess est… vert ! Maurice et Grigou… morts de rire !!!

Malgré la vitesse de passage sidérante dans la ligne droite, tous ont vu les deux pilotes se toucher à plusieurs reprises, et des morceaux de carbone arrachés aux carénages traînent sur la piste !

C'est du délire de les voir ainsi plonger dans la Dunlop et manquer de se sortir à la Chicane qu'ils veulent aborder toujours de front…

La Chapelle les voit se doubler trois fois dans la même courbe et idem au Musée, pas un ne cède et les Yam sont obligées de subir un traitement inhabituel de la part des deux excités dont le combat pour la première place atteint un sommet que ne se permettrait jamais un pilote en exercice !

Au Chemin aux Bœufs, les écrans montrent très clairement que René et Yapu , côte à côte au freinage, ne regardent plus la piste mais se jaugent les yeux dans les yeux, les roues arrières balayant l'asphalte de droite à gauche sous l'effet du délestage avec l'avant bloqué. Ils tirent tout droit et rattrapent la piste in extremis pour rejouer la même partition aux Esses Bleus ainsi qu'au Raccordement.

Cette fois, toujours de front, Yapu lève le bras et les deux machines empruntent la voie des stands, au grand soulagement du staff technique !

Personne ne bronche quand René et le Bridé tendent les motos aux mécanos et descendent des M1 qui portent les stigmates de la lutte sur les flans des carénages…

Tous les deux se tournent alors l'un vers l'autre sans dire un mot, les yeux dans les yeux…

Que vont-ils faire ? Se battre ?…

Soudain, ils enlèvent leur casque, esquissent un sourire puis se marrent franchement en se jetant dans les bras l'un de l'autre !

« Pas mal Bol de Riz…, pas mal du tout ! Mais dis-moi, tu roules TOUJOURS comme ça ??? » lui demande alors René.

« Quand j'ai une honorable face de craie comme toi qui me suce la roue, c'est plus fort que moi. Mais j'avoue que pour un novice, tu n'es pas mauvais non plus… »

Burgess s'approche enfin, un peu furax :

« Mais enfin ! Vous avez quel age pour massacrer ainsi un tel matériel ??? »

René et Yapu se regardent alors en se marrant de plus belle, comme deux vieux complices, puis le Jaune répond :

« Le réglage intermédiaire de détente lente de l'amortisseur semble inefficace avec le grip du nouveau Michelin arrière, et fallait bien tester en poussant un peu les motos, pas vrai René San ??? »

« Ben ouais… Si on pousse pas, ben… on peut pas tester ! », répond le Respectable plié en quatre.

Jérémy ne sait plus s'il doit rire ou continuer à faire la tronche, il ajoute :

« Fallait bien tester en poussant un peu, hein ???, je vous signale, juste comme ça, que vous avez tourné en 1'35. C'est sûr qu'il est normal d'approcher les temps des tops pilotes à moins d'une seconde, surtout pour des personnes qui pourraient être les grands-pères de ces mêmes pilotes…
Il vaut mieux éviter d'ébruiter tout ça, car voilà le genre de situation apte à bouleverser toute la norme établie en matière de compétition moto, et ça risque d'être préjudiciable pour tout le monde ! »

Kavissé San approuve et déclare :

« C'est effectivement des paroles d'une grande sagesse…, mais c'est pas tout ça, on a du pain sur la planche, comme vous dites en France, et plein de choses à tester, alors, au boulot ! »

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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