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Roman : René (épisode 5)

Episode 5 : C'est toujours pas gagné…

Il fait un temps splendide ce matin !, constate René en ouvrant ses volets avec une satisfaction certaine : « Au moins, dit il en s'adressant à l'effigie d'Ago qui pose fièrement, le casque en main, sur un poster épinglé à un coin de la chambre, la pis.., heuu, pardon !, j'voulais dire la route, elle va être parfaite, sans trace d'humidité : exactement c'qui m'faut pour finir de roder les pneus et m'entraîner à un type de pilotage qui nous est inconnu, mon pôvre Giacomo... . Enfin, toi, tu sais c'que j'vaux et ce dont j'suis capable ! »

Boosté par ses belles paroles, René s'en va siffloter sous sa douche un air un peu désuet, déjeune un solide café au lait pain camembert (ouais je sais, c'est un peu lourd le matin..., mais allez donc dire ça à René !).

La veille, il s'était passé une K7 du dernier GP prêtée par un ami : vous dire qu'il a pas tremblé aux prises d'angles invraisemblables des héros d'aujourd'hui (des gamins !..) serait exagéré, mais il a pris le temps de décortiquer les différentes phases composant l'ensemble d'un passage en courbe, en étudiant, à l'aide de moult arrêts sur image, chaque positionnement et mouvement du corps du pilote sur la machine. A la fin, il avait admis que ça ne semblait finalement pas si compliqué à reproduire et retranscrire sur la route : suffit simplement d'être un bon observateur, l'instinct et l'expérience s'occuperont du reste...

En descendant au sous sol, son regard se posa sur la superbe combinaison de cuir, aux couleurs de la moto, qu'il était allé chercher au magasin : le vendeur avait fini par le persuader que c'était un accessoire indispensable quand on possède une telle machine et que, vu la classe du proprio, il était impensable qu'il en soit autrement et que, vu que c'était pour lui, il lui laissait à prix coûtant, ce qui fait au moins 20% par rapport à Monsieur Toulmonde qui sera obligé de payer plein pot pour avoir la même !

Bon, voilà venu le temps de l'enfiler, cette tenue de « pilote », et not' bon René entreprend toute une gestuelle imitant à merveille la technique d'approche de séduction d'un macaque atteint de la maladie de Parkinson pour introduire sa solide carcasse dans le cuir raide de neuf !

Quelques minutes plus tard, après quelques minutes à suer en poussant de nombreux grognements dont la signification demeure inconnue, René, au bord de l'épuisement, peut enfin remonter la fermeture éclair, terme de son calvaire..., enfin non : engoncé comme il est, il peut à peine bouger !!!

Se souvenant de la K7 visionnée la veille, il avait bien remarqué qu'un petit jeune en bleu, sur une moto portant le numéro 46 (un débutant dans la catégorie, certainement...), s'agenouillait près de sa machine pour détendre la peau du cuir, pas bête ! Au fait, c'est ce même petit jeune qui avait gagné la course : fortiche le gamin, f'ra certainement une carrière si il continue comme ça, avait commenté un René quelque peu bluffé...

Donc, il appliqua la même méthode et, en forçant un pneu, constata qu'il était maintenant capable de se pencher pour mettre ses bottes (faudra qu'il pense à s'en prendre une paire assortie à la couleur du cuir...). De plus, se contemplant à la glace installée près du lavabo, à côté de la table d'outillage, il constata avec une certaine satisfaction que son « petit problème « de relâchement abdominal s'était estompé !

Kontact ! : dziiiiiizzzzz, dziiiiiizzzzz ! fait le système d'injection pendant que l'ordinateur de bord effectue sa check list. Un coup de pouce sur le bouton rouge situé au commodo droit et le démarreur à impulsion lance le 6 en V immédiatement dans un feulement discret mais bien présent.
René enfile son casque et ses gants, sort la « Bête » et grimpe, non sans quelques difficultés (saloperie de cuir !, ha, c'qui faut pas faire aujourd'hui...), sur la fringante machine qui semble n'attendre que son assentiment pour s'élancer à l'assaut de la route.
D'un geste décidé, René débraye, passe la une et décolle gentiment car les pneus sont encore raides de neuf, comme le reste de la machine et l'attitude de son pilote vis à vis de cette dernière...

Pendant que la moto chauffe, René tente de trouver une position lui convenant, gêné qu'il est par sa combinaison : au fur et à mesure, il constate qu'en fait, rien ne sert de forcer et que le mieux est de s'adapter à ce qu'impose le cuir qui, visiblement, est conçu pour proposer une certaine position.
Voilà déjà un point positif, pense t'il, j'ai ainsi trouvé le bon positionnement sans trop tâtonner : un point de marqué !

La moto est maintenant chaude, les pneus doivent avoir en partie éliminé la paraffine : on peut y aller !!!
Une petite rotation de la poignée droite aux alentours des 6000 tours maxi du rodage propulse immédiatement le V6 à une vitesse inavouable : au moins, roder dans ces conditions ne sera pas un chemin de croix ! Le progrès à du bon, se dit René en se penchant un peu vers la bulle, les bras près du corps et les pointes de pieds en appui sur les reposes pattes, comme à la télé.

Une courbe se présente au loin : enfin... on va savoir !..
Un petit léchage de garniture sur les galettes avant ralentit immédiatement le bolide en pleine accélération mais René décide de lâcher les freins rapidement pour garder une certaine vitesse de passage en courbe. A l'approche du point de corde, il sort les fesses, le genou visant l'endroit où il va balancer la bécane et, d'un appui prononcé sur le repose pied, jette la moto ans la courbe...

Immédiatement cette dernière plonge à la corde avec une vivacité tellement déconcertante que René constate qu'elle file droit vers la partie herbeuse en survirant exagérément !!!
Merd.., merd.., merd..!!!, panique notre apprenti pilote qui tente de redresser la situation en appuyant sur l'autre repose pied en se remettant sur la selle, ce qui a pour effet d'envoyer la moto de l'autre côté du virage, vers l'autre partie herbeuse (heureusement, aucune voiture ne se présente en face...). René est obligé de prendre les freins en priant que la moto s'arrête : ce qu'elle fait... la roue avant à dix centimètres de l'herbe...

Le cœur cognant comme le mono d'une BSA d'antan, René décide de s'arrêter quelques instants, histoire de décompresser un poil et d'analyser la situation : Sainte gamelle n'est pas passée loin...

Première impression : Oups !, c'est sensible ce truc..., et faut dire aussi que jamais il aurait pu passer aussi vite dans la courbe avec l'ancienne...
Bon, va falloir y aller prudemment mais déjà, il a remarqué un autre point positif : en prenant les freins elle ne se redresse pas mais faut faire gaffe car elle décélère aussi vite qu'elle accélère, cette meule !

Il reprend la route, un peu inquiet, car cette vache de bécane semble tout faire plus vite que lui.
Pour en avoir le cœur net, René tente de reprendre son style antérieur, ce qui lui permet deux constatations : 1 , le cuir n'aime pas du tout et 2 , la moto refuse de virer !
« Ben, y'a pu qu'à déhancher, mais doucement, hein ? : heureusement, y'a personne pour voir ça... », songe le pilote en devenir.

Et c'est, à l'allure d'un Respectable, que René apprend à singer les « clowns » dont il se moquait gentiment, les mêmes qui avaient fini par le faire changer de bécane, car force est de reconnaître qu'il n'était plus vraiment dans le coup...
Seulement, cette foutue moto, elle réagit trop vite pour lui..., de même que ce sacré moulbif qui le pousse au fion comme une hémorroïde !!!
A basse vitesse, ça va encore mais dès qu'il tourne un poil la poignée, tout se complique et la bécane n'en fait qu'à sa tête : un coup trop à droite, un coup trop à gauche..., vite!, les freins !, merd.. !, redresse René !!!!!!!!!!, AYE !, AYE !, AYE ! , j'va manger grave !!!..., ouuuuuuuuuuuuf !!!!, c'est passé !

Dix fois, vingt fois le même scénario se présente, et vingt fois René manque de se mettre par terre...
Il sue de tout son corps et commence à avoir des crampes aux mains et aux avants bras, ce qui fait qu'au bout d'une heure à ce rythme, il décide de calmer le jeu et de reprendre la vitesse de croisière du Respectable en vadrouille. « Au moins, se dit il, je suis resté sur mes roues ! »

René décide d'écourter sa sortie, car tout ça l'a épuisé et il n'a plus envie de rouler.

Sur le chemin du retour, il songe que le vendeur lui avait vaguement parlé de stages de pilotage organisés par le constructeur : un peu vexé mais lucide, il décide que va falloir qu'il étudie ça de près !

Rentrant chez lui, il ouvre la porte du sous sol, rentre la bécane, déplie la béquille et... quesquispasssssssss ?????????????? : Cette dernière, insuffisamment dépliée, se replie aussitôt tandis que René tente vainement de retenir les 250 kilos attirés par l'attraction terrestre !..
Il n'a que le temps de retirer sa jambe et la moto se couche au sol !!!

Haaaaaaan !!, fait il pour la redresser... et constater que le rétro gauche, avec son magnifique cligno intégré, pendouille lamentablement comme son appareil génital, l'autre jour, alors que le plus dur avait été fait avec Josette, la fleuriste du coin (mais chuuuuut ! : ça, j'ai pas le droit de le dire..., vous le gardez pour vous bien sûr ! ...) !

Hé oui, Sainte Gamelle, sans aucun doute exaspérée par son don de récupération en situation cata, avait décidé d'avoir le dernier mot...

René, furibard, enlève rageusement son cuir et, après une douche froide, décide de regarder un bon vieux western sur le câble pour se changer les idées : demain sera un autre jour...

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

La suite au prochain épisode...

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