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Roman : René (épisode 8)

Episode 8 : Va encore falloir progresser…

Donc ce bon René se réveille de bon humeur ce matin, car il a de quoi se réjouir : enfin il a commencé à trouver le mode d'emploi lui permettant de rouler « correctement » avec sa nouvelle bécane, c'est à dire en dépoussiérant son style « j'bouge pas d'la selle et j'rentre les coudes en courbe » qui, s'il a prouvé son efficacité il y a un temps que les jeunes de maintenant ne doivent pas connaître (faut avouer que l'arrivée des ricains qui savent pas tourner en gardant les roues en ligne a quelque peu bouleversé la donne dans le petit monde du Continental Circus et, par effet rebond, sur la production de série qui n'a jamais cessé d'évoluer dans ce sens...), avec une moto contemporaine, si on sort pas le genou, ben la brêle elle va tout droit et tu passes pour un blaireau.

Bref, René avait été touché dans son orgueil d'avoir d'abord été humilié par le jeune Valentini Rosso, alors qu'il était encore en possession de sa précédente « vénérable », et humilié par le fait que sa nouvelle bécane refusait de se plier à son style. Mais René avait persévéré et il était maintenant sur la bonne voie pour sortir correctement d'une courbe...

La deuxième bonne raison est la venue de Maurice, son frère jumeau, lequel est motard lui aussi.

A la différence de René, Maurice se fiche du poids des bougies faisant crouler le gâteau chaque année : il vit en assumant sa Respectabilité et roule comme il se doit sur une YAPAPA 1100 VIRAGRO, un custom qui doit son nom à son allure « pachydermique » et qui, comme l'animal précité, est d'un caractère plutôt placide. Ce qui convient tout à fait à un motard obligé d'ajuster ses lunettes pour regarder dans le rétro...

Maurice lui avait envoyé un courrier la veille lui annonçant sa venue dans la région d'ici une bonne dizaine de jours, et René appréciait vraiment la compagnie de son frère, même si ce dernier avait pour lui les paroles d'un père gonflant son fils en lui répétant sans cesse de grandir.
Il allait ainsi passer quelques jours à la maison, ayant ainsi la double surprise de découvrir la V6 et de voir son « pilote » de frère la piloter sur le prestigieux circuit Bugatti !

En repensant au stage qui l'attendait, la bonne humeur de René s'assombrit un peu : c'est vrai qu'il allait devoir y affronter ce jeune trou du c.. de ROSSO, digne fils de son père par l'attitude, et il n'avait pas le droit à l'erreur car l'autre ne manquera certainement pas d'en faire écho...

Allez, ce jour est consacré au nettoyage du « monstre » avant la révision de demain : René, en méticuleux qu'il est, prépare ses éponges, ses brosses à dent pour aller dans les coins, un seau d'eau chaude avec du produit à vaisselle et son tuyau d'arrosage.
Un chiffon dans les embouts d'échappement, un coup de flotte sur l'ensemble et... chauffe Marcel !

René, en tirant la langue et en jurant toute une bordée de noms d'oiseaux et d'invertébrés non encore répertoriés par les naturalistes, s'acharne, au comble de contorsions à faire frémir un Fakir diplômé, à vaincre l'inaccessibilité des recoins de la « bête »..., foutu progrès !
Ses voisins, alarmés par les cris poussés, se précipitent pour jeter un oeil par dessus la barrière :
« Ha !, c'est pour ça tout ce vacarme, mon bon René !: on croyait qu't'avais trouvé une bonne femme... Tu nous as fait peur ! Bon travail... »

René, un peu vexé par cette remarque du voisin, se mord la lèvre et jette un regard noir envers sa moto qui n'en demande pas tant...
« D'mon temps, on s'emmerdait... pas comme ça : 2 boulons et hop !, la moto était démontée...
Reste calme, mon p'tit René : toute façon, faut s'y faire ! ».

Deux heures plus tard, c'est une KAWASUKI rutilante comme les outils au tableau de ton atelier, tu sais ?… Ceux qu't'as accroché pour faire croire que t'étais un crac en mécanique ?… Qui trônent à l'entrée du sous sol !

René est fier de lui, un peu haletant aussi après tant d'efforts...
Il décide d'aller se doucher pour ensuite pêcher à l'étang du coin (il l'avouera pas car ça fait « vieux » … mais c'est un passe temps qui lui plait presque autant que la moto !).

Le soir, pour passer le temps, il regarde sur Eurosport, la retransmission de la finale du mondial Superbique pour assister, dépité, à la défaite de Régis LACONNERIE (là, j'm'en veux un peu car c'gars là, j'l'aime bien) fasse au rosbif To The Land (quel nom idiot !). L'aime pas les Angliches le René, même si, en son temps, il a beaucoup roulé sur leurs pisseuses d'huile !..

Demain est un autre jour, dit on, et aujourd'hui est celui de la révision de Gamine (ainsi l'a baptisé René), la V6 : son premier passage à l'atelier !..
René n'aime pas que quelqu'un d'autre touche à sa moto et, c'est avec une certaine retenue qu'il tend les clés au mécano pour la descendre au sous sol du bouclard.
Mais qui vient là ? : Bravo !, t'as gagné un autocollant du PSG, car, effectivement c'est bien de Valentini qu'on parle...

Pendant que René fait les cent pas dans le magasin en faisant mine d'ignorer le gamin, ce fourbe l'aborde d'un joyeux : « B'jour M'sieur !, bientôt le jour J pour le stage, hein ? ... »
« Y'me cherche cui là !, bougonne René intérieurement, va finir par me trouver... ». Se reprenant, au prix d'un effort surhumain, il lui répond toute fois : « Ouaip !, mon p'tit, ça approche et la brêle va être prête pour ça, moi aussi d'ailleurs... »
« J'vais faire le stage avec une TUMATRAPRAPA 1000 REPLICA, préparée par le chef mécano : c'est celle avec laquelle je vais participer au championnat promosport l'an prochain... ».
« C'est bien, répond René, mais t'es pas un p'tit peu jeune pour un truc comme ça ? »
« Pas plus, répond l'effronté en riant, que vous dans l'autre sens avec la votre ! »

Paf !: dans l'blair !..
Répond pas René..., surtout répond pas !

Il fait mine de prendre ça à la rigolade, tout en accusant le coup :
« Tu sais, comme on dit : c'est dans les vieux pots qu'on fait la meilleure soupe... »
« ... A condition de pas la laisser croupir trop longtemps, répond Valentini en lui lançant un petit clin d'œil puis, redevenant sérieux, je rigole mais je vous admire d'être encore comme ça à votre âge: bel exemple de passion !… »

Flatté et blessé à la fois, René se contente de le remercier d'un signe de tête.

« Au fait, reprend Valentini, j'ai une TUMATRAPRAPA en démonstration : si ça vous dit de l'essayer pendant la révision de la vôtre, j'aurai ainsi votre avis sur cette machine ? »
T'aurais fait quoi, toi ?...

La bête est dehors, toute ramassée et prête à bondir : les bracelets au ras du bitume et les repose pieds à la hauteur du dosseret de selle !

René n'aime pas trop ces engins qu'il qualifie de « gamineries à roulettes » : ben ouais, y'a rien pour attacher un sac, même pas une béquille centrale et cette position, grotesque, qui lui donne l'impression que l'mimile qui l'suit, y va l'prendre par derrière... . Mais enfin, faut faire plaisir au gosse et lui montrer qui on est...
René lève la patte pour enfourcher la moto : boudiou qu'elle est haute !

Au prix d'un effort qu'il tente de cacher, il parvient à se hisser sur le dos de ce truc hyper raide où il a l'impression d'être assis sur le cadre. Se penchant pour attraper les demi guidons, il manque de se cogner le casque sur le té de fourche supérieur : bordel, c'que c'est qu'cette position, songe t'il en redressant la tête, ce qui a pour effet de faire craquer ses vieilles cervicales...
Première, c'est parti : René à la désagréable impression d'être assis sur la fourche, de plus, ses jambes lui font déjà mal au niveau des articulations alors qu'il n'a pas encore fait 500 mètres...

Tant bien que mal, il tente d'appréhender cet engin de torture et commence à mettre gaz : AUUUUUUU S'COUUUUUUUUUUURS !, s'effarouche t'il en se demandant s'il ne vient pas de déclencher la troisième guerre mondiale en tournant la poignée de gaz !..
Le monstre a bondi brutalement en avant, sans aucune inertie, dans un hurlement déchirant, pour le précipiter dans la 4ème dimension !

Il tente désespérément de s'accrocher aux bracelets qui ne demandent qu'à lui échapper des mains tandis qu'il se retrouve scotché le c.. au dosseret et les yeux dans les orbites !
De plus, l'avant de la moto a quitté le sol et monte à l'assaut des cieux !

Il coupe aussitôt, effrayé par les réactions de cet engin de fou...

« C'est pour les malades, ce truc !!!, pense t'il, un peu inquiet, heureusement que j'ai pas fait ça en courbe... »

En parlant de courbe, en voilà une petite qui se profile à l'horizon : René fait alors comme avec la sienne sans imaginer que celle ci pèse quelques cinquante kilos de moins que la sienne...
La moto, après un freinage timide (on sait jamais...), plonge alors franchement au point de corde, tellement, que notre « Respectable » ne peut éviter une incursion dans l'herbe !!!
La TUMATRAPRAPA fait alors une embardée que René récupère sans trop savoir comment (manquerait plus qu'il la flanque par terre...).

Il décide d'arrêter les frais et de ramener ce « truc de fou » au bouclard en traînant sur un filet de gaz pour pas rentrer trop vite !

René, en rendant les clés à Valentino, s'efforce de ne rien laisser paraître (faut pas donner d'avantage à l'adversaire...) en lui déclarant que : « Ouais..., faut voir sur une piste car sur la route elle est pas franchement à sa place c'te meule... »
Il songe aussi que Valentini va en baver grave avec un tel engin...

Sa moto est prête ! Il la récupère avec une satisfaction non dissimulée en retrouvant une position qu'il juge immédiatement plus en accord avec lui même.
Attention toute fois, avait précisé le mécano : elle est débridée maintenant et fait pas loin de 200 canassons !

Rien à voir malgré tout avec l'autre, constate René avec soulagement et, rassuré de retrouver une telle facilité après la tempétueuse furie précédente, tourne le truc à droite à fond, pour voir...
VROOOOOAAAAAAOOOOOUUUUUUUUUUUU !!!!, fait aussitôt le V6 avec une force encore supérieure à la TUMATRAPRAPA !!!
Coupe, René, coooouuupe !!!
Il revient aussitôt sous la barre des 6000 et rentre chez lui bien perturbé en enroulant comme il le faisait avant la révision...

Rentré chez lui, il décide de prendre une bonne tisane et de s'allonger dans son fauteuil préféré pour digérer tout ça : il a eu son compte d'émotions pour la journée...

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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