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Un essai avec Moto Revue

Vis ma vie : essayeur et journaliste d'un jour avec l'hebdomadaire moto

Tester les dernières nouveautés, des machines des plus variées, sur de prestigieux circuits ou de chouettes routes à moto, c'est le quotidien des essayeurs moto. La moto comme passion, le privilège de la vivre et d'en vivre. Payé pour faire de la moto quoi ! Un raccourci hâtif mû rien que par la jalousie, bande de veinards ! Mais là on ne voit que la finalité, pas ce qu'il en nécessite. J'ai donc accompagné un essai pour Moto Revue afin d'en savoir un peu plus sur les réalités, les joies et les contraintes du métier. Gentlemen start your engine !

Lundi 11heures, rédaction de Moto Revue.

Rencontre avec les rédacteurs présents et Thierry Traccan, chef des essais. Laurent Chadelat avec qui je pars doit arriver avec une Honda CBF 600 N ABS. Elle va être confrontée à la nouvelle Suzuki Bandit 650 N ABS. Nous commençons l' essayage… L'essai ? Non, l'essayage vestimentaire ! Deux grands placards remplis de vestes et de casques nous attendent pour être choisi en fonction des coloris des motos, gris pour la Honda, noire pour la Suz. Veste grise hyper ventilée pour Laurent (ce qui ne s'avérera pas forcément judicieux vu les conditions météo rencontrées !) et blouson noir et rouge tout neuf (à roder !) pour moi. Les couleurs s'harmonisant on garde nos casques perso.

Nous prenons la route direction Suzuki France dans les Yvelines chercher la Bandit. Jacques Clipet notre photographe pour l'essai nous y attend. Juste le temps de signer quelques papiers administratifs concernant le prêt de la moto, on part se restaurer dans un routier des environs. On commence à faire connaissance à table. Laurent et Jacques sont tous les deux pigistes pour Moto Revue, ce qu'on pourrait traduire par intermittent. Laurent écrit aussi pour le magazine de la fédération française de judo. Jacques lui travaille également pour la presse automobile et la publicité.

Essai moto revue

Il y a eu un petit cafouillage ce matin chez l'importateur Honda, la CBF prêtée pour l'essai était une version S semi-carénée. Heureusement il restait une machine naked pour nous sauver mais son état méritait un petit toilettage de notre part. Une fois lavée, nous partons derrière Coignières pour prendre les photos statiques des machines. Une petite route déserte au milieu des champs qui borde le mur d'une propriété.

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C'est lors de cette séance qu'on lieu les prises de vue détaillées : profils, équipement, dessous de selle, compteur, etc. Les conditions sont nuageuses et il faut guetter le moindre rayon de soleil. Un réflecteur est utilisé pour optimiser la luminosité mais il s'avérera également efficace à l'inverse. Les glaces des compteurs reflètent le ciel et les nuages, il faut les dissimuler pour les photos.

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Les choses sérieuses commencent(pour moi !)

Nous partons ensuite en vallée de Chevreuse à la recherche de la route aux 17 tournants pour d‘éventuels photos en mouvement. A peine dégottée, Laurent et Jacques qui le suit en voiture s'échappent. Je hausse le rythme et me dispense d'un tout droit dès le premier virage, chaud ! En moto on n'a pas l'habitude de se faire doubler par des bagnoles et pourtant je tire la langue pour suivre le rythme de la Corsa diesel de location. Ça a du bon de fréquenter des journalistes auto m'avouera Jacques un peu plus loin. Ces 17 tournants n'ont rien d'idéal pour des prises de vue. Virages trop serrés, trop ombragés, pas de dégagements ni même de place pour garer la voiture, on décampe. A la recherche d'un endroit plus propice dans les parages toujours à allure rapide. L'occasion de se rendre compte du comportement des machines sur des routes au bitume défoncé.

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L'heure avançant, on préfère remettre au lendemain les photos dynamiques. Nous retournons alors avec Laurent sur ces fameux 17 tournants en apprendre un peu plus sur elles en situation. On monte la route, la redescend, on confronte nos ressentis : la position, l'agrément moteur, la mise sur l'angle etc. Puis on échange les motos et on repart de plus belle. Je ressens vraiment l'intérêt de passer d'une machine à l'autre. On se rend alors complètement compte des particularités et différences de chacune. Cette première journée d'essai s'arrête là. Rendez-vous est pris le lendemain pour les photos d'action dans le Vexin au Nord Ouest de Paris.

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Photos, moto, météo.

Mardi 9h00, On passe Cergy Pontoise en direction de Rouen par la nationale. Pause café croissant dans un petit village. En discutant on scrute un ciel gris et maussade. Et voilà qu'il se met à pleuvoir. Il faut reprendre la route à la recherche du soleil. Je demande innocemment« -Et qu'est ce qu'on fait si on ne le trouve pas ? - On va le chercher, où qu'il soit » me répondent mes compagnons de route. Coup de fil à la rédaction, Thierry Traccan nous annonce du beau temps du côté de Fontainebleau. Une petite trotte depuis notre coin. Et Jacques en voiture ne peut espérer son salut dans la circulation en ce milieu de matinée. Alors on décide de faire la grande boucle en passant par la Francilienne, Roissy, Torcy, Brie Comte Robert, Melun. Et tout ça à un rythme plus que soutenu. L'heure tourne, Fontainebleau encore loin et les séances photos vont prendre du temps. L'autoroute nous permet d'effectuer un petit test sur les reprises. Calés côte à côte sur le dernier rapport, Laurent me mime un compte à rebours à la fin duquel on ouvre en grand. Et là on découvre sans trop de surprise le petit avantage de la Suz grâce à ses 50 cm3 supplémentaires. L'allure rapide nous révèle également la présence de vibrations, laquelle souffre moins de l'absence de protection mais aussi la consommation.

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Coup de guidon pour clichés bétons.

Après déjeuner on remonte en selle vers un spot connu de Jacques. Ce sont les photos qui dictent les conditions lors des essais. D'abord comme ici il faut aller chercher le soleil. Ensuite il faut tourner pour trouver le « spot » où prendre la photo. Enfin il faut réaliser les prises de vue en gérant de nombreux paramètres. On n'enroule pas façon ballade en attendant que le photographe «shoote» tranquillement. L'essayeur doit être capable de réaliser les souhaits du photographe. Planqué dans le fossé, Jacques mitraille Laurent dans une courbe à droite. Les allers retour sont incessants, il doit faire attention aux quelques véhicules qui emprunte l'endroit et tenir compte des instructions de Jacques. Envoyer plus fort sur la petite départementale pour donner plus d'angle à la machine, modifier sa trajectoire naturelle pour éviter qu'un panneau indicateur n'apparaisse sur la photo. Bref faut connaître son sujet.

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Je le découvre immédiatement : je dois m'aligner très près de Laurent à la même vitesse, conserver une trajectoire bien parallèle et tout ça dans un gauche serré en dévers ! Dur dur, mais mes acolytes ne m'en veulent pas, on repart vers un spot plus accessible au novice que je suis. Abattre des bornes pour aller faire les photos, rouler « à la main » du photographe, et saisir très vite le comportement d'une machine et ce que l'on va en dire, voilà les qualités majeures d'un essayeur. Rouler à une faible marge de la limite le plus souvent.
On passe ensuite au photo en duo. Tour à tour passager des deux motos, on multiplie les passages. Je dois diversifier mes postures derrière Laurent pour offrir du choix à la sélection des photos de l'essai.

Mes premiers tours de roues sous l'objectif.

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J'écoute religieusement les consignes que Jacques me donne. Je dois rouler au plus près de la voiture à la même allure. La portion de la petite départementale déserte allouée est courte, quelques centaines de mètres au plus. Si je suis trop loin on rate le gros plan, si je prends du retard la moto sera floue de par ma vitesse supérieure pour rattraper l'auto. Laurent stabilise la voiture à 60km/h sur la file opposée. Jacques à pris place à l'intérieur du coffre et m'oriente à grands signes. Mission réussie c'est dans la boîte en quelques prises.

Sur le chemin retour on effectue les prises avec les deux machines. On se suit au plus près avec les mêmes problématiques que précédemment. Avec son gros objectif, Jacques est à distance et il faut vite comprendre à ses gestes ce qu'il faut corriger au prochain passage. L'heure avançant la fatigue se fait sentir et le trafic commence à croître sensiblement, on redouble de vigilance lors des demi-tours.

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Pour la photo « d'ambiance » illustrant ici le sujet de l'article, l'ABS, Laurent teste une mise en scène sur un chemin de terre mais sans succès. Le système sur cette adhérence précaire n'empêche pas des amorces de blocage et la poussière soulevée nuit à faire un beau cliché. Il faut être créatif, avoir de la ressource car ça ne fonctionne pas à chaque fois. Une formule bien trouvée remplacera la démonstration de l'action. On gare les motos sur la placette verdoyante d'un petit village. Caché pour la photo derrière un platane, contemplant les motos, Laurent légendera : L'ABS peut vous éviter de vous enrouler autour d'un arbre !

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Mon diplôme de fin d'essai ?

Le plus dur restera pour la fin. Un gauche serré sur une route communale au revêtement inégal. Le champ de vision permet de voir si un véhicule arrive en sens inverse. Je dois entrer et ressortir du virage stabilisé à 80 km/h sans couper la trajectoire. Laurent doit s'aligner à moi, facile je n'hérite pas du gros du boulot. Tu parles ouais les 80 km/h me paraissent bien difficiles à atteindre sur cette route exiguë ! Deux voitures qui s'y croisent doivent sortir sur l'herbe, et l'angle de la courbe est vraiment fermé. Au bout de quelques tentatives, Jacques voyant que je bute me conseille. « Tu sens bien la moto, les pneus, non ? Alors fais quelques passages seul, en roulant à ta main. Augmente ta vitesse et garde bien ta trajectoire. » Inspiration profonde, je passe les rapports à la volée en scrutant le compteur digital de la Bandit. J'ai un peu l'impression que le virage me saute à la gueule mais je me fais violence. Progressivement les 80km/h sont atteints. Bon maintenant pour conserver la traj sur ma file je fixe des yeux la bordure extérieure et tente de la suivre religieusement. Pas très catholique comme exercice quand on sait que le regard dirige la moto, serrage de fesse assuré ! Sûr que je ne roulerai pas ainsi mais là je prends trop mon rôle d'essayeur d'un jour à cœur ! Les gouttes perlent sous mon casque, maintenant Laurent me colle comme un slick au bitume, une petite pression supplémentaire qui m'interdit toute erreur. Ça dure, c'est dur mais après une vingtaine de passages, place à la satisfaction.

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Jacques nous fait signe que c'est bon, il a suffisamment de clichés exploitables pour cette photo. Mon premier essai touche à sa fin, et convivialité motarde oblige on se quitte autour d'un dernier verre.

Alors, employé gâté ou travailleur méritant?

Je ne pourrai parler avec exhaustivité des essais n'ayant accompagné qu'un face à face de courte durée. Un maxi-comparatif sur plusieurs jours impose à coup sûr une autre logistique, d'autres contraintes, anecdotes et moments forts. Mais j'en sais maintenant plus sur l'envers du décor. Pas d'articles sans photos, elles sont primordiales. Les délais et ou la météorologie sont des contraintes inhérentes. Essayeurs et photographes doivent être réactifs, efficaces et savoir se renouveler rapidement. Les bornes et la fatigue s'accumulent, c'est pas la petite ballade bucolique. Voilà tout ce que j'ai vécu et constaté lors de cette découverte. Pas mal de contraintes, beaucoup de professionnalisme et énormément de satisfaction. Le résultat est à la hauteur de l'investissement. Un métier passionnant qui ne peut être bien fait que par des passionnés !

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