Essai moto Ducati XDiavel V4
La Diavel s’habille en Prada
Quatre cylindres en V de 1158 cm³, 168 ch, 126 Nm, 229 kg sans essence, réservoir de 20 litres, 29 990 €
Quand la Diavel apparaît au salon de Milan, fin 2010, elle en a laissé beaucoup sceptiques. Avec son cruiser à l’ADN clairement sportif (162 ch issus du V-twin Testastretta et des freins de superbike), son look déglingué et son gommard de 240 mm à l’arrière, on était nombreux à se demander ce que Ducati venait faire dans cette galère. Et puis on l’a essayée. Et tout le monde a été bluffé par son équilibre, son étonnante efficacité et cette capacité qu’elle avait à changer sélecteur de vitesse et pédale de frein en pièces d’usure, à force de les plier en prenant de l’angle. Reste que, alors que Ducati cherchait clairement à faire du pied aux fans de Harley, ces derniers n’y trouvaient pas leur compte. Position de conduite et caractère moteur trop sportifs obligent.

Alors pour les séduire, la marque de Bologne lâche en 2016 la XDiavel. Moins de puissance (156 ch tout de même), un poil plus de couple (13,1 mkg) disponible beaucoup plus tôt (à 5 000 tr/min contre 8 000 pour la Diavel) et une position Feet First, qui change tout. Le look d’abord, encore plus dévastateur et l’équilibre, ensuite. La XDiavel n’est plus aussi naturelle que sa grande sœur, on sent davantage son énorme pneu arrière et les effets qu’il induit. Sans que ce ne soit dramatique, vu le positionnement de l’engin et son entrée dans le club des « Power Cruiser ». Un club très sélect, comprenant quelques monstres mythiques, tels que la Vmax, la V-Rod ou encore la Rocket III.

Reste que le caractère du V-twin italien, ultra moderne, n’avait pas grand-chose à voir avec l’agrément à bas régime dont étaient capables les mécaniques nippones, américaines ou anglaises. Non, à part une gueule géniale et la capacité rare de déclencher des wheelings en seconde avec les pieds en avant, la XDiavel avait du mal à assumer son positionnement. La preuve, le discours du directeur marketing de l’époque, mon voisin de table lors du lancement de la bête, à San Diego, qui assurait que la meilleure cartographie, pour apprécier cette machine, était celle destinée à la pluie, qui réduisait sa puissance à 100 ch. Nous verrons dans quelques lignes que, de ce point de vue, le discours de la marque n’a pas changé. La Diavel ayant, comme de nombreuses Ducati, échangé son bicylindre contre un V4 il y a deux ans, c’est au tour de la version classée X de faire sa mue.
L'essai vidéo de la Ducati XDiavel V4
Découverte
Impossible de ne pas avoir le regard aimanté par la présence de cette XDiavel V4. Ses formes sculpturales, son gros monobras oscillant supportant une superbe jante, ou encore ses quatre flûtes disposées côté droit, comme autant d’orgues de Staline menaçants, ne peuvent laisser indifférent. Mais en récupérant le V4 de la Multistrada, la XDiavel a perdu deux éléments esthétiques qui permettaient de la distinguer immédiatement. À savoir la finition métallique qui soulignait l’angle du twin, en formant une ligne brisée, de la tête d’un cylindre à son opposé, ainsi que le mythique cadre en treillis tubulaire, reliant la direction au moteur semi-porteur.

Plus lisse, plus compacte aussi, la XDiavel V4 paraît plus massive, alors qu’elle s’est allégée de 6 kg. Un effort a été fait sur la finition, avec l’intégration des clignotants à LED, ainsi qu’au travers d’une signature lumineuse superbe, grâce à une optique mieux intégrée que par le passé et à un feu arrière toujours aussi sublime. La large poupe, posée sur son énorme pneu de 240 mm, qui s’arrêtait pile au niveau de l’axe de roue arrière, s’est étirée de quelques centimètres. Le dynamisme de l’ensemble y perd ce que le confort du passager devrait y gagner. Reste quelques détails qui agacent, comme ces câbles et ces durites qui traînent autour du moteur, ce catalyseur disgracieux aux soudures vulgaires, ou encore ces repose-pieds passager au dessin banal et à la finition quelconque. De ce point de vue, la précédente version et plus encore la Triumph Rocket III, font bien mieux.

Malgré tout, la V4 fait souffler un vent de modernité bienvenu. Mécaniquement, cela se traduit par un vilebrequin contrarotatif qui supprime une bonne partie de l’inertie du moteur, mais aussi par une électronique ultra complète (en série) et un superbe tableau de bord TFT de 6,9 pouces, aussi lisible que facile à manipuler grâce à une ergonomie bien pensée. Le train avant est une merveille, avec une énorme fourche de 50 mm de diamètre, entièrement réglable et des disques de 330 mm, mordus par des étriers Stylema de chez Brembo. Bref, le genre de matos que l’on ne trouvait que sur des sportives haut de gamme il y a seulement quelques mois.

En selle
La selle bénéficie d’un revêtement très « quali » et d’une forme en cuvette accueillante. D’autant qu’avec 770 mm d’altitude, elle permet de se sentir à l’aise une fois installé. Situé plus bas et plus proche du pilote que par le passé, le nouveau guidon propose une position de conduite plus naturelle. Bon, quand on n’est pas habitué aux customs, on cherche un peu les repose-pieds là où ils ne sont pas. À noter que l’on peut, en option, les avoir au centre de la machine. Mais, dans ce cas… pourquoi ne pas prendre directement une Diavel classique ? Contact (sans clé) et le superbe tableau de bord s’illumine, avec son original format 8:3. Les infos sont complètes, lisibles et la très riche électronique se configure facilement grâce à une interface bien étudiée. Démarreur, le V4 s’éveille dans un grondement classieux, mais assez discret. Embrayage (très doux), première (sans un claquement) et l’on quitte notre bel hôtel situé à Mougins, dans les Alpes Maritimes, direction Grasse et la Route Napoléon.

En ville
Il ne faut pas longtemps pour être séduit par la XDiavel. Simplement parce que sa facilité de prise en main contraste totalement avec son look et ses dimensions. Le réservoir de 20 litres se révèle assez fin au niveau des genoux, l’agilité de l’engin, malgré son gabarit, est totalement inattendue, au point que l’on a du mal à croire que le pneu arrière soit aussi large, ou même que la moto tutoie les 244 kg tous pleins faits. En fait, la XDiavel V4 se guide du bout des gants, s’incline sans effort et, surtout, gomme trous, bosses et autres ralentisseurs, avec une efficacité redoutable. Alors certes, le V4 n’est toujours pas un modèle de souplesse à très bas régimes. Sous 3 000 tr/min, le moulin balance de grosses vibrations dans le bas de vos reins, vous faisant ainsi comprendre qu’il n’apprécie pas forcément ce genre d’usage. Ça n’a rien de rédhibitoire, il suffit de passer au rapport inférieur et l’on replonge dans un monde de douceur.

La V4 se glisse dans le trafic avec la grâce d’un hippopotame en tutu, se faufilant entre les véhicules avec une facilité étonnante au regard de ses dimensions. Elle peut compter sur un équilibre surprenant et un moteur plein et onctueux comme une énorme île flottante. En augmentant sa course de 35 mm, l’amortisseur préserve vos vertèbres en toutes circonstances, alors que le précédent modèle vous envoyait chez l’ostéo en moins de temps qu’il n’en faut à un agent de la DDE pour remplir un nid de poule de goudron frais. Bref et contre toute attente, l’Italienne se tire du guêpier urbain avec les honneurs. À une légère exception près. Malgré les efforts des ingénieurs pour limiter la dissipation des calories générées par sa mécanique, en coupant les cylindres arrière à bas régimes, le V4 émet encore pas mal de chaleur. Et si cela est assez agréable, alors que nous traversons Grasse au petit matin, quand le tableau de bord indique 14 degrés, ce sera peut-être moins sympa d’ici quelques mois. Il est donc temps de quitter la Ville des Parfums en quête de grands espaces, où la Ducati pourra mieux s’exprimer.

Autoroute et voies rapides
Nous avons utilisé quelques kilomètres de voies rapides, juste ce qu’il faut pour comprendre que, en toute logique, ce n’est pas le lieu de prédilection de la XDiavel. Pourtant, la position de conduite est détendue, le cruise control fonctionne à la perfection, les vibrations sont aux abonnés absents et, à 6 500 tr/min, le moulin ronronne aux allures légales comme un gros chat satisfait. Mais entre les bras écartés, le buste droit et les jambes allongées vers l’avant, on n’a pas la position idéale pour affronter Éole. D’un autre côté, ça aide à respecter les limitations de vitesse.

Départementales
Des Alpes-Maritimes au Var, en passant par les Alpes-de-Haute-Provence, notre parcours a offert à la Ducati un écrin à sa hauteur pour briller de mille feux. Dès les premiers virages, un constat s’impose : la nouvelle V4 est mieux équilibrée et plus homogène que la V2. Si le châssis peut se figer ou se redresser un peu lorsqu’on croise des bosses sur l’angle, c’est beaucoup moins sensible qu’auparavant, au point que l’on oublie les dimensions de l’engin et du pneu arrière. En balade, la XDiavel enroule sans effort, profitant du couple et, surtout de la plage d’utilisation colossale du V4. Je reste bluffé par le peu d’efforts à déployer pour la placer sur la trajectoire ou passer d’un angle à l’autre.

En haussant le rythme, les qualités du train avant se révèlent. Ce dernier encaisse les gros ralentissements sans frémir. La puissance de freinage est au rendez-vous, tout comme le feeling et la précision offerts par le maître-cylindre PR16/19. La fourche ne plonge pas exagérément, tout en préservant du confort et du retour d’information, alors que l’amortisseur fonctionne lui aussi à la perfection, offrant un compromis confort/motricité remarquable. Résultat, le rythme augmente, les repose-pieds viennent lacérer le bitume et, après une petite intervention sur les assistances, la roue avant pointe vers le ciel en sortie d’épingle. Bref, le registre de cette XDiavel V4 ne se limite ni au cruising tranquille, ni aux 400 m DA en ligne droite. Ce qui semble presque déstabiliser l’un des responsables de la marque, qui nous rappelle, lors de la première séance photo, que c’est un cruiser et qu’il faudrait passer moins vite, avec moins d’angle. Celle-là, on ne l’avait jamais faite. On dirait que les rouges ont du mal à assumer les performances de leur dernière-née. Mais dans ce cas, peut-être ne fallait-il pas mettre 168 ch dans un châssis efficace ? Ce qui serait dommage parce que, au guidon, il y a vraiment de quoi se faire plaisir.

Le plus étonnant finalement, c’est que les qualités du châssis prennent le pas sur celles de la mécanique. Puissant, ultra efficace, mais sans réel temps fort, le V4 offre un énorme registre. Il sait tout faire, mais son efficacité se fait un peu au détriment du caractère. Reste que le son qu’il émet est très agréable et que ses performances, tant en reprises qu’en accélération, sont de premier ordre. Un mot sur les différents modes, qui gèrent à la fois les cartographies, les assistances, le frein moteur, etc. De plus, on peut facilement les personnaliser et la moto garde en mémoire ses préférences, ce qui est bien pratique. Ajoutez une boîte de vitesses bien étagée, précise et épaulée par un shifter très agréable, que ce soit en usage classique ou à l’attaque et vous comprendrez qu’en dynamique, cette Ducati prête peu le flanc à la critique.
Partie-cycle
Le travail effectué par les ingénieurs est vraiment remarquable. Au guidon, on oublie complètement l’énorme pneu arrière et les dimensions hors normes de l’engin, pour profiter de ses qualités et de sa mécanique. Les pneus Pirelli, toujours des Rosso III, sont performants et rassurants sur le sec. Sous la pluie qui s’est abattue par la suite, j’avoue ne pas avoir joué avec le feu et essayé les différents modes. Le Wet est ultra sécurisant, pas fade pour autant, mais en Urban ou Touring, le contrôle est suffisant pour ne pas craindre de réactions brutales, tout en profitant d’un peu plus d’accélération à bas régime.

Freinage
On va faire court sur ce chapitre : c’est parfait ! Puissance, précision, constance… À l’avant comme à l’arrière, les éléments Brembo assurent à la fois une capacité de ralentissement remarquable et beaucoup de feeling.

Confort/Duo
Côté pilote, c’est la grosse surprise de cet essai : le confort est tout simplement remarquable ! La fourche filtre parfaitement les aspérités, alors que l’amortisseur encaisse trous, bosses et ralentisseurs en préservant le dos, très exposé avec cette position de conduite. Bravo ! La preuve, une fois de plus, que de bons éléments mécaniques n’ont pas forcément besoin d’électronique pour être au top. Sur les longs trajets, évidemment, la prise au vent sera fatigante à la longue, surtout si vous prenez les voies rapides. Mais sur le réseau secondaire, on se sent capable d’accumuler les kilomètres sans faiblir. Peu de vibrations à signaler, sauf si l’on tente de privilégier en permanence les très bas régimes, qui ne sont pas la tasse de thé de la mécanique. Côté passager, nous n’avons pas eu le temps de tester sa place, mais cette dernière, plus longue et plus large que par le passé, a évolué dans le bon sens.

Consommation
La marque annonce 6,6 l/100 km et c’est ce que l’on a retrouvé au niveau de l’ordinateur de bord. Sur le chemin du retour, avec une route détrempée, on descendait facilement à 4,5 l/100 km et, énervé, il y a moyen de faire bien pire. Bref, pas de surprises pour une mécanique moderne et ultra performante, qui profite également de la désactivation des cylindres arrière à basse vitesse pour améliorer sa consommation. Avec 20 litres dans le réservoir, on peut compter sur des étapes de plus de 250 km.

Conclusion
Objectivement, il n’y a pas grand-chose à reprocher à cette XDiavel V4 en dynamique. Sa mécanique sait tout faire, son comportement est remarquable et le confort surprenant. Avec une silhouette immanquable et des performances de premier ordre, on va surtout râler sur une finition pas toujours en rapport avec son tarif ultra élitiste. Les câbles qui trainent ici et là, l’absence de poignées chauffantes en série (même si l’on peut se demander si la clientèle visée sortira souvent sa XDiavel l’hiver) sont un peu limite. Surtout face à une Rocket III irréprochable dans ce domaine. À presque 30 000 € le morceau, on n’est plus dans le raisonnable depuis longtemps. Pour ce tarif, Ducati a développé une moto hors normes, au look sculptural (même si, personnellement, je n’aime pas la ligne d’échappement) et aux coloris uniques. C’est la première fois que la marque développe un rouge (profond, superbe) qui n‘est pas le « rouge Ducati » et un noir (plus aubergine, en fait) aux magnifiques reflets sous le soleil. Cette machine n’a rien de rationnel… jusqu’à ce que l’on prenne ses commandes, pour découvrir une moto performante, efficace et finalement ultra agréable à piloter en toutes circonstances. Une belle surprise.

Points forts
- Look délirant
- Facilité en toutes circonstances
- Confort surprenant
- Moteur étonnant
- Plaisir de conduite
- Freinage
Points faibles
- Finition pas à la hauteur du tarif
- Prix exagéré
La fiche technique de la Ducati XDiavel V4
Conditions d’essais
- Itinéraire : Environ 250 kilomètres entre Mougins, les gorges du Verdon et Castellane
- Météo : Grand soleil le matin, légère pluie en début d’après-midi, déluge en rentrant à l’hôtel.
- Problème rencontré : aucun
Disponibilité/Prix
Coloris : Burning Red – Black Lava (+300 €)
Prix : 29 990 €
Disponibilité : Immédiate
Équipements de la Ducati XDiavel V4
De série | Options |
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Équipement essayeur
- Casque Shoei NXR2 Beaut TC3
- Blouson Ixon Striker Retro
- Airbag In&Motion U04
- Gants Five SF1 Evo
- Jeans PMJ
- Chaussures Gaerne
Commentaires
à un moment j'hésitais pour changer mon saint graal contre la rocket 3 ou la diavel.
10-06-2025 17:58J'ai été chez Triumph, je suis resté bouche bée fasse à la machine, mais l'essai ne m'a pas convaincu, son pneu AR ne la rend vraiment pas maniable, ma RM de 420kg est un vélo à côté. J'ai ensuite été chez Ducat, le vendeur m'a proposé un essai que j'ai décliné, je n'ai même pas pris la peine de m'assoir sur la moto tellement les finitions sont dégueulasses. Je pense que c'est la moto la moins bien fini que j'ai vu. comment peut on proposé un amas de câbles pareil (voir la 3ième photo) à 30 000 balles ???
En effet couleur parfaite, j'avais fait repeindre à l'usine une moto dans un coloris identique, à l'époque Rouge Rubis, cela a nécessité plusieurs couches pour avoir un effet de profondeur mais de là à justifier 30 000 balles?
11-06-2025 08:14Belle machine. Je ne l'ai pas vu en concession mais j'ai vu la Djavel et je trouvais qu'il y avait beaucoup de plastique. Ça allège le poids certes, mais pas le prix.
11-06-2025 10:02De toute façon Ducati s'éloigne du motard moyen visant les personnes à haut revenu. Je peux le comprendre, ils sont là pour vendre avant tout des motos, mais que l'on voit de moins en moins.