Chronique : Le virus ou le vaccin ?
Le virus de la moto, comment fait-on pour le transmettre ?
Je lui ai offert une draisienne. Rouge, évidemment. La plus jolie du magasin. Deux poignées de mousse, des pneus ballons, une petite selle qui brillait sous le néon comme une selle de Scrambler à l’arrêt d’un bar de plage. Et je l’ai regardé s’élancer, fier comme un Rossi miniature… pour bifurquer illico vers la flaque de boue et finir les fesses dans le gravier. Premier contact. Premier crash. Il a pleuré. J’ai souri. Le virus, il faut bien qu’il entre quelque part.

Parce que c’est ça, la moto : un virus. Un de ceux qu’aucun vaccin ne soigne, qui se réveille à chaque vrombissement. Mais voilà : comment on fait pour le transmettre ? C’est pas comme un épisode de Netflix qu’on recommande, ou un album qu’on partage en Bluetooth. La moto, ça ne se raconte pas, ça se vit. Et c’est bien là tout le bordel.
L’héritage sans testament
Moi, j’ai grandi entre une 103 SP kitée et un rêve de XT 500. Mon vieux n’était pas motard, mais le gars du quartier, oui. Celui avec le cuir râpé, les bottes usées et l’odeur d’essence en guise de parfum. J’ai chopé le virus comme on chope un coup de soleil : par exposition prolongée à la passion. Pas besoin qu’on m’explique. C’était là, c’était beau, c’était bruyant.
Mais aujourd’hui, le monde a changé. Les mômes ont des trottinettes électriques, des casques VR et des abonnements YouTube Premium. Ils rêvent de Tesla, pas de Ténéré. La passion, elle n’est plus dans le cambouis, elle est dans le cloud. Et toi, avec ta collection de gants usés, tu passes pour un archéologue sentimental.
Alors tu te demandes : comment leur donner le goût de la route ? Comment faire en sorte que, plus tard, ils n’hésitent pas à troquer leur permis B contre un A2 et quelques baffes de vent dans la tronche ?
Initiation douce ou choc thermique ?
Tu peux forcer les choses. Tenter le tout pour le tout. Une place à la finale Supercross à Paris, un stage Pocket Bike à 6 ans, un casque miniature posé sous le sapin. Mais rien n’y fait. Il préfère Minecraft à Mad Max. Et chaque fois qu’il te voit lustrer ta bécane, il lève les yeux au ciel comme si t’étais le dernier Jedi de la mécanique à soupapes.
Alors tu changes de stratégie. Tu ne proposes plus, tu exposes. Tu continues à rouler. À t’émerveiller. À raconter tes virées, non pas comme des exploits, mais comme des tranches de vie. Tu laisses traîner les gants sur la table, tu rentres un dimanche avec le sourire, les moustiques dans les dents, l’odeur d’huile chaude dans le cou. Tu donnes envie, sans imposer.
Parce qu’on ne transmet pas une passion comme on transmet une consigne. On sème des indices, des fragments de souvenirs. Et peut-être qu’un jour, en douce, il te demandera : “Dis papa, tu peux me montrer comment on passe une vitesse ?” Et là, t’auras gagné.
La peur, ce filtre parental
Mais soyons honnêtes. Il y a aussi un autre truc qui fout le bazar : la peur. Pas la leur. La tienne. Celle du père (ou de la mère) qui a vu trop de vidéos, trop d’urgences, trop de croix au bord des routes. Tu sais ce que c’est, tu sais ce que ça coûte, de tomber. Et tu te dis que si ton gamin pouvait ne jamais en faire, tu dormirais mieux la nuit.
Et pourtant. Tu sais aussi que la moto t’a construit. Elle t’a appris le respect, l’humilité, le goût du risque maîtrisé. Elle t’a fait des potes pour la vie et t’a offert des paysages que les autres n’ont vus qu’en diaporama. Alors quoi ? Interdire, pour protéger ? Ou transmettre, en espérant qu’ils auront la même étoile au-dessus du casque que toi depuis trente ans ?
Rien à forcer, tout à vibrer
Peut-être qu’au final, ce n’est pas une affaire de génération. Ni de stratégie. Peut-être que le virus, il se réveille quand il le décide. Chez certains, c’est à 6 ans. Chez d’autres, à 40. Il suffit parfois d’un bruit au loin, d’un passager sur une selle arrière, d’un besoin d’air après un trop-plein de vie.
Alors tu continues de rouler. Pas pour eux. Pour toi. Et si un jour, au détour d’une conversation, ton môme t’annonce qu’il veut passer le permis, tu ne sautes pas au plafond. Tu souris. Tu hoches la tête. Et tu lui réponds, comme l’a fait un jour un vieux pote à moi :
OK. Mais souviens-toi : les motos ne tombent pas. Ce sont les motards qui les lâchent.
Tu veux qu’il ou elle accroche ? Commence par montrer que ça vibre encore en toi. Que t’as pas besoin de casque connecté pour te sentir vivant. Et le jour où il ou elle enfourchera une 125 en tremblant, tu sauras que le virus a pris. Doucement. Sûrement.
Et tu ressortiras la draisienne. Rouge. Juste pour le souvenir.
Commentaires
Le virus c'est volatil, chez moi pas de motos, mon frère aîné avait 7 ans de plus que moi et a eu un vague Vélosolex mais on ne vivait pas ensemble.
10-06-2025 08:20Le premier virus a été un son et non une image, celui de la Norton ou la Triumph du fils du voisin, est ce un Fa ou un Sol?
Je ne la voyais que très peu mais je l'entendais. Une anglaise certain car les anglais sont chauvins.
Ensuite c'était les Malaguti et Gitane-Testi que je ne pouvais pas me payer. Mais le déclic c'est quand j'ai croisé ma première Yamaha DT 250 dans le bois dans lequel nous habitions.
Là le virus m'a vraiment contaminé car pour moi c'était déjà le début de l'aventure et de la découverte.
Maintenant c'est mon fils qui veut partager ce virus avec moi sans que j'ai jamais rien demandé.
Chronique rigolote, merci Chris !

10-06-2025 09:15Mais, rassures toi, Les mômes ne rêvent pas tous de Tesla, fort heureusement !
Et quand ils demandent au père comment passer les vitesses, si tu as une boite auto, tu lui diras de filer dans sa chambre ?
Mais on pressent bien qu'il y a danger, car si tu as un bagnole de la marque du fou au bras tendu, et que ta bécane a une boite auto, tu transmets sans doute à ta descendance de drôles de gênes... genre marcher au pas, sous l'emprise d'un chef, et confiant sa vie dans la technologie qui
t'asservitt'assiste du matin au soir, et vice et versailles.Risquent peu de rouler sur une "vraie" motocyclette...
Le principe d'un virus est d'être toujours présent dans l'organisme dès qu'on l'a contracté et de pouvoir se réveiller un jour quand les conditions sont propices.
10-06-2025 10:49Le terme est donc bien choisi pour celui de la moto et explique que certains s'y remettent après plusieurs années.
Sinon ça ne sert à rien d'essayer de forcer les vocations, il faut un déclic personnel et souvent il y a un petit côté rebelle quand on est gamin (au moins en ce qui me concerne) à opter pour la moto symbole de liberté et de performance.
La beauté des moteurs, leur son et non leur bruit, les motos de mes frères et amis que je faisais parfois rouler dans le jardin (Honda CB250, BSA M20, BMW R50, Ducati 250, Motobécane 125 et 175), les belles BSA Lighning ou Norton Commando ou la première vision de la CB750 qui me faisaient baver devant les vitrines ont inoculé le virus.
J'ai encore en tête le super son de la Suzuki 500 2 temps d'un élève privilégié à la sortie du lycée.
Tout cela explique aussi les succès du néo rétro.
Il y a parfois de à-coups de transmission...

10-06-2025 11:24Si le petit casque avec la Pikachu peint l'avait enthousiasmé, ce ne fut pas le cas du trajet jusqu'à l'école maternelle (je reconnais que les pavés et zig-zags des petites rues du haut de la butte Montmartre n'avaient rien de bien passionnant.)
Quelques années plus tard, des trajets en passager entre la maison de campagne et le centre équestre réanimèrent quelque peu la flamme.
Mais sa mère et moi imposèrent qu'il commence par acquérir une expérience de la circulation sur 4 roues avant d'envisager d'en supprimer deux. Ce qui mit pour l'instant un terme à sa carrière motarde.
Peut-être l'envie surgira-t-elle de nouveau un jour prochain ?
C'est tout le mal que je lui souhaite
Tout virus vient de l'enfance, et parfois s'enfuie pour longtemps. Moi je rêvais de BSA, Lavera ou 750 four, rêve poursuivi à chaque repas en regardant les verres à moutardes collectionnes patiemment. Et le permis à 18 ans pas question, trop de pression parentale suite aux graves accidents de très proches, dont l'un pourtant très aguerri. Du coup j'ai attendu 33 ans pour me payer mon 1er 125 2 temps. Le quif de l'odeur d'huile après chaque sortie. Puis le permis et après quelques machines j'ai renoncé suite à des problèmes de sciatique pour passer au scooter. Heureusement et n'en déplaise à certains , les boîtes auto arrivent et après avoir essayé j'ai adopté. Alors oui mon fils a été vacciné tout petit et la circulation actuelle me fait peur pour lui mais bon. La liberté offerte dépasse les contraintes que l'on ne doit surtout pas oublier à chaque sortie. Bonne route à tous et surtout refusez tout vacciné contre ce bon virus.
10-06-2025 11:45Je ne rêve pas de Tesla et pourtant la boite auto c'est pas mal quand même. Pour moi indispensable en voiture, même les voitures de Enzo et Ferdinand s'y sont mis et pourtant ce sont des voitures de passionnés. Non la boite auto n'asservit pas l'homme et ne force pas les gens à marcher au pas cajo. Rouler en Tesla ou en DCT ne fait pas devenir dictateur en herbe.
10-06-2025 12:57Merci Picabia, enfin une reponse censée! C'est quand même fou comme on peut cataloguer les gens quand même !
10-06-2025 14:47Alors pour certains je pense que je suis schizo doublé d'un nazi-capitalo-americano-beauf parce que j'ai une Tesla ( ouuuuuuuh !!! ) Ben ouais, j'aime payer 8 balles mon plein !
Mais j'ai aussi une zx10r et...pas de probleme, mon fils de 5 ans n'est pas attiré par les bagnoles à piles (ouf ! A quoi j'expose nos generations futures, on a eu chaud ! ) et il prefere l'essence !!
Mais les gars, arretez vos prejugés à la c*n svp ! Sinon, revendez vos volskwagen, vos Ford et vos Renault pour les memes raisons citées plus haut, parce c'est pas non plus tres reluisant, comme passé...Sans oublier vos sa*****ies chinoises, parce qu'ils arrosent le marché européen.
Sinon, j'ai adoré la chronique et j'aurai mis au beau commentaire si j'avais pas lu ce commentaire empli de pur sectarisme.
Bisou
Encore une jolie chronique. La première moto que j’ai vue c’était la Honda 125 twin du petit copain de ma s½ur aînée. Puis la SR400 du copain de mon autre s½ur. Elles avaient toutes les deux une mob et mon père a payé le permis moto à celle qui le souhaitait et a acheté 2 SR 250. Et là c’est parti jusqu’à la R65R de mon père puis les RT100 et puis le 500rdlc d’un pote et la SRX6 de ma s½ur puis…. Les accidents qui ont refroidi tout le monde et m’ont privé du permis puisque j’étais le dernier. Alors j’ai fait du scooter jusqu’à mes trente ans puis une 125 il y a 6 ans et le virus s’est déclaré de nouveau.
10-06-2025 15:50Les sauveurs de BMW après guerre sont des anciens de Quandt Varta.
10-06-2025 17:38Varta a fait fabriquer des batteries pour la Wehrmacht dans des camps de travail à coté des camps de concentration pendant toute la durée de la guerre.Quand on parle de nazis il faut relativiser.
Les Quandt étaient eux bien lucides.
Un 103 sp,ça à commencé comme ça.
11-06-2025 00:09