Chronique : L’électronique m’a tuer ?
"Y'a pas d'anti-wheeling pour les regrets"
Je me souviens d’un temps - pas si lointain - où caler sur un démarrage en côte n’était pas une faute de goût, mais un rite initiatique. Une époque où la glisse de l’arrière en sortie de virage te rappelait que t’avais peut-être rendu les gaz un peu trop tôt, un peu trop fort. Bref, un temps où l’on parlait de "feeling" et pas de "mapping", de "poignée dans le coin" et pas de "régime optimal contrôlé par capteur inertiel à six axes". Oui, j’exagère. Et alors ? C’est ma chronique, pas un communiqué de presse.

Un filet d’angoisse sous le ride-by-wire
Aujourd’hui, tu montes sur une hypersport, une maxi-trail ou même un roadster mid-size et tu sens l’intelligence artificielle te murmurer à l’oreille : "T’inquiète, je gère."
Contrôle de traction, ABS sur l’angle, anti-wheeling, shifter up/down, launch control… La seule chose que la bécane ne fait pas encore, c’est te dire de rentrer quand t’as oublié le pain. Quoique, avec les motos connectées, ça ne saurait tarder.
Soyons honnêtes : ces assistances ont sauvé des vies. Des milliers. Elles permettent aux débutants de se faire plaisir sans aller tout droit à la première pluie. Elles permettent aussi à des vieux briscards comme moi de continuer à rouler fort malgré les réflexes un peu rouillés. Mais parfois, j’ai cette impression étrange : c’est plus moi qui pilote, c’est la moto qui m’autorise à le faire.
La glisse était un art, pas une erreur
Je repense aux Supermotards des années 90, aux 2-temps qui pétaradaient en descente comme des chiens enragés, aux sportives brutes qui te balançaient un highside dès que tu levais le petit doigt de travers. Il fallait du doigté, du mental, des tripes.
Aujourd’hui, tu mets gaz en grand et le contrôle de traction module tout. Tu freines comme un âne ? L’ABS corrige. Tu rétrogrades comme un bourrin ? Le shifter fait le boulot sans broncher. C’est plus de la moto, c’est du pilotage assisté façon iPhone : propre, fluide, aseptisé.
Un peu comme si on avait remplacé l’huile de chaîne par du gel hydroalcoolique.
Et pourtant… je les utilise. J’en abuse même. Quand je pars sous la pluie, je passe en "Rain mode", je bénis le grip des pneus modernes et je remercie l’ingénieur en électronique de chez Bosch. Parce que j’ai plus 20 ans.
L’électronique ne remplacera jamais le style
Mais tu sais quoi ? Il y a une chose que ces puces et capteurs n’auront jamais : le style.
Un freinage de trappeur à l’ancienne, une dérive contrôlée à la sortie d’un virage, une pointe de gaz pour stabiliser l’assiette en entrée de courbe… ça, aucune centrale inertielle ne peut le reproduire. Le pilotage, le vrai, c’est pas juste aller vite. C’est imprimer sa signature sur la route. C’est faire corps avec la machine, pas obéir à son logiciel embarqué.
Je ne dis pas qu’il faut revenir au tambour à l’arrière et au kick douloureux. Je dis simplement qu’à force de déléguer à la machine, on risque d’oublier ce que c’est, vraiment, de piloter. Pas de conduire. De piloter.
Du fil à la patte au fil de fer dans le cerveau
Regarde les pilotes de MotoGP : malgré tous les capteurs, les télémétries, les stratégies de pneu, ce qui fait la différence, c’est pas l’électronique. C’est le cerveau, le cœur, les tripes. Bagnaia, Márquez, Quartararo… Ce qu’on admire, c’est pas qu’ils aient activé le bon mode de traction. C’est leur prise de risque, leur gestion instinctive, leur audace.
Et toi, sur la route, tu peux choisir. Tu peux rouler en "mode Sport", full assisté, ou bien désactiver tout et voir ce que t’as dans le poignet droit. C’est ça, la vraie liberté motarde. Savoir que la techno est là… mais rester maître du jeu. Ne pas tout laisser à la puce.
Alors ? Tuer, ou sublimer ?
L’électronique ne nous a pas tués. Elle nous a transformés. Elle a fait entrer la moto dans une nouvelle ère. Moins sauvage, plus sécurisée, parfois trop sage. Mais ce n’est pas elle le problème. C’est ce qu’on en fait.
Un motard reste un homme (ou une femme) libre sur une machine vivante. Ce n’est pas parce qu’elle a un cerveau que tu dois éteindre le tien.
Alors active tes aides si tu veux, mais n’oublies jamais ce que me disait un vieux pote :
Y’a pas d’anti-wheeling pour les regrets.
Commentaires
en fait l'électronique pousse au crime en repoussant les limites.
20-05-2025 08:12perso je ne sais pas gérer la glisse, faire un wheeling, etc.
d'ailleurs ce n'est pas ce que je cherche.
donc j'aime bien savoir que l'ABS veille quand c'est gras par terre et qu'un cycliste décide brusquement de me couper la route parce que son GPS lui a dit que c'est de l'autre côté que ça se passe.
par contre je n'ai pas besoin du mode lopette pour rouler sous la pluie, j'ai déjà l'option intégrée dans le casque
Les super pilotes frustrés de ne plus pouvoir faire des finesses de pilotage car bridé par l’ “électronique“, ça ne concerne pas du tout. Quand tu es un motard lambda comme moi, l’ “électronique”, si elle est bien implémentée, elle est bien là mais tu ne la sens pas du tout.
20-05-2025 08:25Bon elle n’est pas toujours parfaitement bien implémentée. Sur ma XSR900 par exemple, le traction control est trop intrusif et lisse les grosses accélérations. Tu es obligé de diminuer son niveau pour avoir un comportement naturel de la moto.
Sinon, ce même traction control m’a déjà sauvé la mise. J’ai perdu d’un coup l’arrière de ma Rocket 3R dans un virage couvert d’eau légèrement boueuse (eau grise comme le bitume, quasi indétectable) laissée par des engins de travaux. Le TC a immédiatement coupé les gaz et la moto s’est récupérée presque toute seule.
Transformé en quoi?
Et ben non, je ne me suis pas transformé.
Mais bon, encore une fois je ne dois pas être la cible de ces chroniques.
Franchement, ce qui a le plus changé, c'est le passage des carbus à l'injection. On a tous perdu en caractère ce qu'on a gagné en efficacité.
Et je suis passé d'une machine à carbus sur le tard, à un tamagoshi bardé d'électronique.
Et bien, tu sais quoi? Je roule toujours de la même façon. Alors oui du coup j'ai un bouton qui permet de réduire la brutalité des remises de gaz à bas régime d'un petit twin ou à l'inverse de le rendre plus vif, plus amusant. Par contre, en roulant, ben j'ai passé trop de temps sur une moto sans assistance pour avoir le reflexe de penser que la limite est établie par ces systèmes. Pire: pour moi, ce ne sont que des systèmes réagissant à une situation non nominale, et non des trucs prédictifs. J'ai déjà senti partir l'avant sans qu'aucun machin-chose ne se déclenche. Et la seule fois où j'ai déclenché l'ABS, c'était en écrasant la pédale de frein en démarrant d'un carrefour, surpris par une voiture qui déboulait. Donc, à part avoir senti une oscillation dans la pédale, aucun résultat.
Ah si: sur une machine typée sport, que je qualifie de "supersport", j'ai un régulateur de vitesse. Quel confort ce truc quand on n'a pas le choix que de se retrouver sur une route chiante. Et un tableau de bord qui me permet de me passer d'un écran secondaire GPS ou smartphone.
Bref, "l'électronique" pour moi est un faux sujet, tout juste bon à alimenter quelques discussions de comptoirs avec des "élétrophobes" et des "c'est trop dangereux sans". Perso, elles sont là, alors jouons avec, tant mieux, mais ce ne sont pas ces systèmes qui me sécuriseront ou changera ma manière de conduire. 20-05-2025 09:32
A l'origine l'électronique est là pour agir dans les cas ou les réflexes humains ne sont pas assez fins, sauf que son usage a été détourné et beaucoup de gens vont jusqu'à mettre leur vie entre les mains d'un ordinateur.
D'ailleurs pas besoin de remonter si loin, 15 ans en arrière suffisent juste avant que les aides électroniques soient généralisées. 20-05-2025 09:49Des types avec des gestions des gaz hasardeuses qui mettent gaz à bloc sur des revêtements pourris parce que "pas grave le TC va couper", qui ouvrent à fond en 1ère sans se préoccuper d'avoir le pied sur le frein arrière parce que "tranquille l'anti-wheeling est là il coupera si la moto se lève trop", qui prennent les freins n'importe comment sans réfléchir à la charge sur leur pneu avant parce que "au pire l'ABS m'empêche de glisser"... ça ne devrait tout simplement pas exister.
On peut aussi remarquer que de moins en moins de pilotes remettent leur conduite en question. C'est tellement plus simple d'accuser la moto et de pointer du doigt une soi-disant défaillance de la gestion électronique pour justifier une pelle...
C'est clair qu'un ordinateur est plus efficace qu'un cerveau de pilote, il réfléchit plus vite, s'adapte mieux aux conditions, met en lien tous les capteurs d'une moto pour que l'ensemble puisse être plus efficace. Mais pour obtenir ce gain d'efficacité justement il faut toujours qu'il y ait un pilote aux commandes et pas juste s'en remettre à l'électronique en faisant n'importe quoi.
Je suis de ceux qui pensent que mettre des traction-control à tout va sur des brêles de 40cv est ridicule, que ça n'a pour seule conséquence que de rendre les motards incapables de gérer une situation délicate sans paniquer et faire n'importe quoi. Par contre j'admets aussi volontiers que l'homme n'a jamais été aussi rapide sur deux roues que depuis que nos défauts sont corrigés par les gestions électroniques, et que bien dosées ça nous permet de repousser certaines limites.
Mouais...
20-05-2025 10:45Je pense tout de même que 9 motards sur 10 n'ont pas le niveau pour se sentir bridé par l'électronique (en tout cas moderne et avec des réglages pas trop mal foutus). Ce sont des chiffres sans aucun fondement que mon imagination, mais ça me parait plausible. En tout cas en roulage sur route. Sur circuit (ou en conduite circuit sur route... ce que je déconseille), ça doit se sentir plus.
En tout cas, en ce qui me concerne, c'est extrêmement rare que je sente le contrôle de traction rattraper un excès d'enthousiasme ou l'ABS palier à une crispation de panique. ça à du arriver 1 fois pour chaque.
Donc, pas du tout frustré par l'élec.
Après, il y a débat de savoir si c'est utile. Surtout si je ne m'en sers pas. Bah, je ne sais pas. Peut être que quand ca s'est déclenché, ça ma sauvé la vie. Peut être pas.
Ce qui me chagrine le plus, c'est le surcout que l'élec fait prendre à la moto. Mais c'est surement pas plus que celui apporté par les normes anti-pollution.
Sachant que je suis de ceux qui veulent bien payer pour plus de sécurité (ex, j'ai un airbag) et qui sont conscient des enjeux environnementaux. Donc, pas de problème pour moi vis ç vis de l'électronique.
Et puis, je ne peux pas m'empêcher de me demander, si ce n'est pas davantage de la nostalgie d'une jeunesse passée qui fait dire le contraire, plutôt qu'un réel changement dans "pilotage". Hypothèse farfelue ?
Bon, depuis que premier ABS est arrivé sur les motos, c'est la même querelle des "anciens" et des "modernes". Pour certains certaines la VRAIE moto a aucune aide électronique de sécurité. J'ai vécu ça : le freinage de "trappeur" avec le pneu avant qui couine bien et l'arrière qui commence à balayer la route, le freinage réflexe sous la pluie qui se termine par une belle glissade et l'arrivée dans le fossé ( ha cette caisse qui a freiné pour tourner sans clignotant).
20-05-2025 11:40Alors j'ai été content d'avoir ma première moto abs ( ya pas longtemps 2011) , pis après le "ride by wire " avec son régulateur ( ca repose le poignet droit sur 700 kms, sans compter les radars) , bon, l'antipatinage (malgré mes 145 chx ) ne m'empêche pas de faire comme avant : rester souple sur la poignée en courbe juste avant le petit décrochage possible ( de tt façon y gère pas sur l'angle) , mais si je l'avais ? Je rentrerai plus fort ?? Je remettrai les gaz à toc ??? C'est peut-être l'erreur aller trop vite et dépasser Newton, et la c'est toi la pomme
Perso j'ai un truc entre les deux oreilles qui, à priori, commande les conneries que je fais avec la main droite...de temps en temps il déconne mais bon, je fais avec
20-05-2025 11:48J'ai 4 motos, 3 avec le seul ABS et une sans rien du tout.
20-05-2025 12:04Je peux dire que électronique ou pas les réflexes anciens reprennent vite le dessus. Récemment un manque de vigilance m'a valu un sévère tout droit qui aurait pu se transformer en catastrophe sur une petite route escarpée et viroleuse.
Et c'était entièrement de ma faute, pas de l'électronique que je n'ai pas sauf un ABS qui ne s'est pas déclenché mais les réflexes anciens acquis quand la conduite moto était réduite au minimum m'ont bien aidés.Peut être aussi la pratique du TT pendant longtemps.
Arrivait une voiture en face et j'étais quand même foutu, par contre je ne saurais dire si l'électronique m'aurait sauvé la mise. Je me suis arrêté tout près du ravin et ensuite je suis parti pisser.
La meilleure électronique c'est l'humain et dans ce cas elle a mal fonctionné.
Mon plus grand problème avec l’électronique c'est qu'elle équipe quasiment tous les modèles donc elle s'impose et fait monter les tarifs. Tant qu'on peut désactiver les différentes aides c'est bien. C'est ce que je fais dès que je monte dans une bagnole moderne. Pareil avec les boîtes automatiques qui sont devenues la norme en bagnole et qui vont s'imposer en moto. Quand on veut du basique pas trop vieux ça devient compliqué.
20-05-2025 12:47