Fil RSS Facebook Twitter Pinterest Youtube
MotoBrev Nouveau sujet

Les hommes viennent de Mars

avatar Bernard Bracam 07-10-2005 00:45
Les hommes viennent de Mars

Les hommes viennent de Mars…

Tu parles ! Ils prétendent s’y rendre, vouai ! Toutefois, ce ne doivent pas être les mêmes que ces citadins ou banlieusards et pendulaires, dix millions de fois plus nombreux, qui entendent se véhiculer à leur boulot en bagnole ou à moto.

Les futurs Martiens auront probablement conservé ce bel esprit d'entreprise et ce goût du risque que l'homme sauvage a dû depuis la nuit des temps cultiver, pour survivre initialement à la sélection naturelle que les jungles et autres steppes lui imposaient. Aujourd'hui, la jungle est économique (à moins qu'on ne parle de guerre), quand elle n'est pas urbaine. Ne nous méprenons pas, la jungle urbaine ne l'est pas en tout, urbaine, et c'est bien dommage.

Une chose m'étonne : c'est de voir à quel point l'esprit d'aventure et le goût du risque sont désormais encadrés dans nos sociétés, et proscrits à terme par ceux qui nous concoctent dans nos cités un avenir radieux sur fond de retour au Moyen-Âge (mais en mieux : le métro ou le tram à plancher surbaissé au Moyen-Âge, sûr que les gueux en ont rêvé), le gourdin en moins, mais à grand coups de matraque dans les reins au besoin. Et on parle de plus en plus d'imposer, à défaut de transports en commun parfaitement efficients qui restent à vraiment construire (et les transports de joie, tu y penses encore, toi ?), l'usage de la bicyclette et de la marche à pied, en guise de soins palliatifs pour des villes qui se meurent sous le monoxyde de carbone et le vacarme motorisé. Il paraît, et je veux bien le croire, que plus le nombre de vélos augmente en ville, plus le risque d’accident régresse ; car la cohabitation s’instaure naturellement de mieux en mieux, contrairement à l’idée qui peut de prime abord apparaître.

Moi je dis que les transports publics disposent d’une certaine marge de progression avant d'apporter le minimum de confort, de pratique et de sécurité relatives auxquels nous avons goûté au vingtième siècle, en voiture ou même à moto. Je pense que le banquier à vélo dans la drache d'automne, avec ses pompes de cuir fin, la ménagère de plus de cinquante ans qui ramène sa petite fille du cours de danse sur son porte paquet, dans l'univers glauque des zones industrielles désaffectées un soir d'hiver gluant, le triple ponté coronarien de cinquante cinq ans qui abrège ses jours post-opératoires dans la canicule de juin, le petit vieux de soixante quinze ans mal assuré sur ses cannes, tous ces braves gens à qui la petite reine cligne bravement du phare à la manière des préretraitées du bitume, sur les ordres d’énarques aux idées larges, tous ces bons larbins prêts à embrasser les grands projets d'une société à inventer à laquelle les vieux *****de mon espèce auront bien de la peine à se conformer constituent en effet les bataillons de vainqueurs des grands défis pour la préservation de la planète.

Il faut dire que France Inter ouvrait ce soir grandes les vannes de la propagande de « ceux qui savent » en quelles prisons nous trouverons le bonheur demain, dans une émission tendant à tracer l’avenir des déplacements dans les métropoles du futur. Ces technocrates à visage humain détiennent de telles certitudes que la plus petite inflexion dans les laudes qu’ils attendent de leurs chers administrés pourrait leur apparaître comme une intolérable déviance, passible d’exclusion du corps social. Il faudra bien en passer par leurs diktats et s’y conformer, afin d’honorer le combat contre le risque sous quelque forme que ce soit et l’insécurité à tous les niveaux, ce qui implique à l’évidence la réduction de la vitesse en ville à trente km/h, ou beaucoup moins encore. Le centre de Nantes applique d’ores et déjà cette mesure, et les résultats sont convaincants, de manière aveuglante. Le danger diminue, la convivialité s’installe. Que dire de plus, si ce n’est pour espérer qu’à terme le déplacement individuel soit définitivement interdit. Car seul l’arrêt total du mouvement sera garant de l’éradication des accidents. Il n’est pas besoin de démontrer que plus le risque se réduit, par diminution de la vitesse, voire par interdiction du déplacement tout simplement, plus le bonheur de la population croît. Ou du moins, moins les hôpitaux ont de travail, puisque nous tutoyons le risque zéro.

Et c’est sans doute ce qui par les extrêmes nous rapprochera tout de même des conquérants de l’espace, nos Martiens triés sur le pas de tir, qui réclament eux aussi le risque zéro dans l’exploitation de leur mobylette de l’espace. Il me semble toutefois que le gouffre qui en fait nous sépare de ces vrais aventuriers est appelé à se creuser encore, supposant qu’en fait ils resteront les seuls êtres humains à qui la société concédera une infime part de risque dans leur existence. Mais qu’on se console, si ces casse-cous restent les derniers héros officiels de l’Humanité, ce n’est pas ce paradoxe apparent qui nous tuera. Car les ressources de l’être humain pour se mettre en danger n’ont en réalité guère de limites. Nous avons besoin dans nos vies d’un minimum de tension, que nous puissions choisir. Car je ne pense pas que la lutte pour garder son travail, sauver sa famille ou conserver son intégrité physique soit vraiment très nourrissante ni exaltante. L’histoire pourrait bien être un recommencement perpétuel, au cours duquel les risques jugulés ici seront sublimés ailleurs dans de bien plus graves débordements, car une société parvenue à imposer en tout le risque zéro se transforme en société carcérale, morte. Elle sécrète à terme sa propre explosion. On peut ne voir dans l’obsession sécuritaire moderne qu’un rêve de nanti borné et aveuglé par des cauchemars irréalistes, réservé à une petite part de l’humanité qui se pique à tort de parvenir à la perfection, quand les deux tiers de la planète meurt de faim ou de guerre. Que vaut, dans cet état de fait, cette perversion du sens de la vie ?

Personnellement, j’avoue que je demande à voir, conscient que la ville étouffe souvent sous les pollutions, et du fait que c’est aujourd’hui que les décisions stratégiques doivent être prises. Mais qu’on le sache, ces importantes remises en question seront bien difficiles à avaler pour ceux qui ont vécu dans un monde appelé à muter en profondeur, donc à disparaître de fait. J’apprécierais par conséquent qu’on me présente le programme avec une infinie douceur, et peut-être le sourire d’une belle blonde. Parce que les tronches de nos énarques flanqués de leurs gardes en treillis, hé bien comment dire ? Merci par avance.

Bernard Bracam



avatar zessy 07-10-2005 08:12
Re: Les hommes viennent de Mars

C'est beau! Quelle prose! j'aime
Sorti de là, il est vrai qu'il y a du progré à faire en matière de transport en commun: accueil, diponnibilité, horaires, pollution, nombre de places, prix... Il est tout aussi vrai qu'il va bel et bien falloir trouver une solution à l'engorgement de nos cités et à la poullution dégagée par nos chers (dans tous les sens du terme) transports privés. On ne va pas longtemps pouvoir continuer à massacrer notre planète sans que cela ne nous retombe - ça commence doucement, d'ailleurs, au niveau climatique - sur le coin du museau. Peu d'entre nous, sans doute seront suffisament raisonnable pour l'admettre et agir en conséquence, mais tout comme toi, quitte à ce qu'on m'impose une solution, j'aimerais autan qu'elle soit valable, viable au quotidien, raisonnable en coût, et surtout efficace.
Vive le carburant bio, mais ne revons pas, tant qu'il y aura des pétroles et que les holdings auront tant de pouvoir, on n'est pas prêt d'en voir la commercialisation. Vive le métro, le rer et le tram, mais tant qu'on sera coincé par des grêves surprises et que la carte orange coûtera tant, et qu'il faudra s'entasser pire qu'en boite de nuit pour voyager, ces solutions ne sont qu'un palliatif bien peu attractif pour la plupart d'entre nous...



avatar cesco 07-10-2005 08:14
Re: Les hommes viennent de Mars

jouissif, et tellement vrai



avatar Wolfwerine 07-10-2005 11:22
Re: Les hommes viennent de Mars

"Bernard Bracam", ta description me fait penser à la civilisation que l'on voit dans "démolition'man", on va tous se retrouver en peignoir rose bonbon à ingurfiter des milk shake banane brocolis et à écouter des pubs en guise de musique..... ...
Plus de rugby, de boxe ......de baise.....en fait plus de piquant dans nos vies ascéptisées......
De bons "formatés" métro, boulot, dodo, et surtout ne plus refléchir car c'est désobéir.....
Vous me direz quand on voit déjà l'éducation bien pensante (qui me colle la gerbe) que l'on donne à nos gosses.......
Avez vous déjà ouvert le manuel d'histoire d'un de vos gosses.......c'est éffarants, il en manque les 2/3.....
C'est en commençant par là que l'on conditionne les futures générations.....
Fait pas ça c'est dangeureux.....etc.....quand on était gamin, on se collait des raclés, on se cassait un bras une jambe, point de suture par ci par là, on prenait des risque de gosses....
Bernard Bracam a tout à fait raison.....le risque zéro c'est l'immobilisme.....

Une socièté qui n'avance plus...se meurt......

avatar muzaraigne 07-10-2005 11:27
Re: Les hommes viennent de Mars

plus que le risque zéro c'est vers l'interdiction formelle de mourir qu'on se dirige à grands pas...
ne fumez pas
ne buvez pas
ne vous exposez pas au soleil
ne mangez que des légumes, transgéniques de préférence, c'est déjà bourré d'antibiotiques
ne faites pas du vélo sans casque-coudières-genouillères...
...
ca devient du prodigieux n'importe quoi...

 

Seuls les utilisateurs enregistrés peuvent poster des messages dans ce forum. Facebook

Cliquez ici pour vous connecter