Chronique : la solitude à deux roues
Luxe, refuge ou foutu constat ?
Y’a des jours où je roule avec les potes. Ça chambre à la station, ça décolle tous ensemble, ça met du gaz dans les virolos et ça cause pression des pneus au café. Et puis y’a les autres jours. Ceux où tu pars seul. Sans prévenir personne. Parce qu’il fallait. Parce que t’avais besoin.
Et crois-moi : y’a pas plus honnête qu’une virée en solo.

Le groupe, la meute… et l’instinct de fuite
On ne va pas se mentir. Rouler en bande, c’est une saveur particulière. T’as l’impression d’être dans Easy Rider, t’as le vrombissement de la meute dans les oreilles et ce petit frisson d’appartenance. Une virée bien calée avec les copains, c’est du carburant social. Ça te soude, ça te régale, ça te rappelle que t’es pas tout seul à aimer l’odeur de l’essence froide un dimanche matin.
Mais y’a un prix. L’attente du dernier. Le leader qui veut toujours tourner à droite alors que toi, t’avais senti le gauche. Le mec qui roule en mode circuit dans les départementales. Ou celui qui passe son temps à parler de ses pneus comme si c’était ses gosses.
Et parfois, ça use.
Alors tu te tires. Sans prévenir. Tu laisses le groupe dans le WhatsApp du samedi soir et tu files à l’aube, casque sur la tête et idées claires. C’est pas un rejet. C’est une respiration.
Le silence du casque : méditation ou miroir ?
Y’a un truc que seuls les solos connaissent. Le moment où t’arrêtes de penser. Où tout se met au diapason : le régime moteur, le bruit du vent, le rythme de la route. T’es plus en train de conduire, t’es en train d’être. Ça peut paraître perché dit comme ça, mais c’est la vérité brute. Le casque devient un cocon. Et dans ce cocon, tu trouves un calme que même les plus belles cathédrales t’offrent pas.
Je me rappelle d’une fois, dans le Vercors, fin d’automne. Personne sur la route. Brume rasante. J’étais parti pour “juste une heure” et j’ai roulé six. Sans m’arrêter. Sans même m’en rendre compte. Ce jour-là, j’ai rien “fait”. Mais j’ai tout “vécu”.
Être seul, c’est pas être triste
Faut arrêter de croire que rouler seul, c’est être un loup blessé. Y’a ceux qui choisissent et ceux qui subissent. Et souvent, ceux qui choisissent la solitude le font parce qu’ils en connaissent la richesse.
Rouler seul, c’est aussi être maître de son tempo. Tu t’arrêtes quand tu veux. Tu fais demi-tour pour une photo. Tu traînes une heure dans un bistrot paumé à discuter avec le patron sur les anciennes CB750.
Et parfois, tu croises d’autres solitaires. Deux casques sur la même aire, deux cafés posés sur une table rouillée et des sourires qui en disent long. Pas besoin de parler. Un hochement de tête suffit. On sait.
Et puis, y’a ceux que la vie isole
Je vais pas faire le malin. J’ai aussi connu les moments où t’as personne pour rouler avec toi. Les potes qui vendent la bécane pour une Twingo, les genoux qui grincent, les agendas qui se croisent jamais. Alors tu pars seul… parce que t’as pas le choix.
Mais même là, y’a un truc qui te tient. L’envie. Le besoin. Le moteur qui démarre et le cœur qui suit. Et cette solitude-là, elle n’est pas subie. Elle devient précieuse. Presque noble. Parce qu’elle est portée par la passion.
Les mythes roulent seuls
Tu veux qu’on parle des grands ? Lawrence d’Arabie, Che Guevara, Ted Simon, même ce vieux Joe Bar dans la BD… tous ont connu la route en solo. Parce que c’est dans ces moments-là que les histoires naissent. Les vraies. Celles que t’as pas besoin de raconter, parce qu’elles t’ont transformé.
Et tu veux que je te dise ? Même les machines ont l’air différentes quand tu roules seul. Elles vibrent plus fort. Elles t’écoutent. Elles deviennent compagnes de voyage. Fidèles. Entières. Sans parasitage.
Se retrouver pour mieux revenir
Et puis, après une virée solo, bizarrement, t’as plus envie de les retrouver, les potes. T’as envie de partager. De raconter. De rigoler de ce chien qui a traversé en plein freinage, de ce virage pris un poil trop optimiste. Parce que la solitude, quand elle est choisie, c’est pas une fin. C’est une étape. Un sas de décompression. Un endroit où tu poses les armes avant de revenir dans l’arène.
Le bitume comme confessionnal
Rouler seul, c’est pas un repli. C’est une démarche. Une façon de retrouver le goût brut des choses. Pas de blabla. Pas de performance. Juste toi, la bécane et la route.
Alors la prochaine fois qu’un pote te dit : “Je roule en solo en ce moment”, dis-lui pas “ah bon, t’es tout seul ?”. Dis-lui “profite, frérot. Prends le temps. Et ramène-nous une bonne histoire.”
Parce qu’au fond, la route est peut-être plus belle quand on la partage. Mais elle est plus vraie quand on l’affronte seul.
Commentaires
Je roule à 90% seul, par habitude depuis 40 ans, j'ai été en club aussi. Une bande de Harley en goguette ça file le frisson et au bout d'un moment entendre les mêmes histoires ça barbe mais c'était sympa.
17-06-2025 09:19Quand je roule je suis un jukebox ambulant, la musique me vient dans là tête comme ça au hasard, je ralentis car cela me déconcentre un peu et je fixe le paysage, qu'est ce qu'on est bien!
Bravo "motard passager" tu as bien fait de passer! Merci!
17-06-2025 09:47Rouler seul, quel pied !
J'étais en caisse me suis fait doublé par une dizaine de moto dont le premier ne faisait que des appels de phare "c'est nous qu'arrivons" et le dernier c'était qui ?
Ben, celui qui avait le pot full barouf, toi, tu vas derrière tu nous casses les oreilles et les ...
Je roule seul tout le temps ou en duo avec madame en passagère mais c'est 2/3 fois par an, une parenthèse. Tout ce qui est écrit je le vis toutes les semaines. Le casque comme un cocon, ma moto qui est une compagne de voyage avec qui je tisse des liens toujours plus fort au fil du temps. Je suis un misanthrope qui trouve l'humanité nulle mais qui aime les gens. C'est pas si paradoxal. Chacun de nous est un aventure à lui tout seul. Le seul territoire inexploré c'est la personne que tu ne connais pas et avec qui tu vas taper le bout de gras. Dès fois y a peu à découvrir, dès fois ça devient une amitié solide ou un pur moment de partage.
17-06-2025 09:55La route, la lumière rasante du début ou de la fin de journée, les odeurs, l’air frais du petit matin.
Et personne d’autre.
L’expérience sensuelle au sens premier du terme.
Salut
17-06-2025 11:02Il vaut mieux être seul que mal accompagné.
Seul ou uniquement avec des gens dont je connais parfaitement la manière de rouler...
V
"T’es plus en train de conduire, t’es en train d’être" je te rejoins complètement, on devient un ensemble "moto/pilote" unique et c'est le pied intégral !!!
17-06-2025 11:10Un jour un gars s'est mis au tas en tentant de me suivre sur une route que je connais comme ma poche. Il était jeune permis tandis que j'avais déjà accumulé plusieurs dizaines de milliers de kilomètres, heureusement il n'a rien eu mais la moto sortie de concession le matin même était tout de suite moins neuve.
Depuis cette fois je n'aime pas avoir quelqu'un à mon cul car je ne parviens pas à me concentrer et je ne cesse de regarder dans mes rétros.
Tout seul c'est bien : je choisis mon rythme, je suis concentré sur mon pilotage, je suis plus attentif à l'environnement et j'anticipe bien mieux. 17-06-2025 12:19
Belle chronique partagée à 100% .... Être seul , c'est être libre avant tout , et ça , ça n'a pas de prix ...
17-06-2025 12:23Tout à fait d'accord avec ce qui est dit et en général je n'aime pas les meutes qui ne donnent pas toujours une bonne image des motards.
17-06-2025 14:39Et souvent certains s'arrêtent n'importe où (sur des ronds points par exemple) au mépris de toute sécurité élémentaire.
Bon après je suis peut être un vieux grincheux...
Le truc que tu ne peux pas expliquer à quelqu'un qui ne l'a jamais vécu lui-même.
Certaines choses sont à vivre, et pas à partager. 17-06-2025 15:15
pour moi c'est maxi 3 motos avec affinité!les 3 sorties de groupe que j'ai eu l'occasion d'effectuer m'ont coupé l'envie!
17-06-2025 15:16en groupe c'est le PPCD qui s'applique(plus petit commun dénominateur).
les lieus communs s'appliquent rapidement:les blagues vaseuses commencent à fuser,voir descendre sous la ceinture;ensuite les arrets "café" et pipi s'enchainent ,aucun intéret pour les sites intéressants ou culturels,peu d'envie de marcher quelques pas;bref plus jamais dans un troupeau de meutards!
Je roule seul quand j'ai envie de parler à ma moto...
17-06-2025 15:18Je partage totalement la chronique du "vécu ressenti en solo".
17-06-2025 16:54" JE ROULE ET JE VIBRE DONC JE SUIS "
C'est sympa aussi de rouler en petit groupe et de se prévoir des points d'étapes. Et sinon, bah chacun roule comme il veut, en s'attendant (généralement quelques secondes, pas beaucoup plus) à une intersection... cela permet de se faire des visites et papoter en marchant/mangeant.
17-06-2025 17:47Y m'énerve le Chris Haunt...y pense tout comme moi, épicétou
17-06-2025 18:12