Essai comparatif BMW S 1000 RR et M 1000 RR
La Belle et la Bête
BMW S 1000 RR : quatre cylindres en ligne de 999 cm³, 210 ch, 113 Nm, 198 kg pleins faits, réservoir de 16,5 litres, à partir de 21 400 €
BMW M 1000 RR : quatre cylindres en ligne de 999 cm³, 218 ch, 113 Nm, 194 kg pleins faits, réservoir de 16,5 litres, à partir de 37 000 €
En quinze ans le monde des sportives a radicalement changé. Non que le segment ait jamais été un long fleuve tranquille, mais le niveau de performances atteint désormais des sommets. Prenez la BMW S 1000 RR par exemple, quand elle a déboulé en 2010 elle faisait figure de monstre, avec 193 ch et 204 kg tous pleins faits. Aujourd’hui, malgré des normes de plus en plus restrictives, cette dernière annonce 210 canassons à l’écurie et moins de 200 kg sur la balance, le tout pour le prix d’une Dacia Duster (oui, les prix ont beaucoup augmenté chez Dacia). Alors la première question qui vient à l’esprit est : « Est-ce bien raisonnable ? ». Et puis, rapidement, on se dit qu’on s’en fout de la raison, ce qui compte, c’est le plaisir !
Quand on parle de plaisir, impossible de ne pas parler des séries M et, surtout, de la seule qui, selon moi, mérite cette lettre : la RR. Apparue en 2021, cette sportive radicale n’a pas grand-chose à voir avec sa petite sœur. Moteur, châssis, électronique, aéro, malgré les apparences, il y a autant de différences entre les deux sportives allemandes qu’entre un berger belge et un loup. Mais des engins pareils sont-ils encore exploitables par le commun des mortels ?

Pour le savoir, nous nous sommes rendus sur le superbe circuit de Nogaro, afin de confronter les deux nouvelles sportives de la marque allemande dans les meilleures conditions.
L'essai comparatif des BMW S 1000 RR et M 1000 RR en vidéo
Découverte
Impossible de louper la S 1000 RR sur un paddock. Si la sportive teutonne a abandonné son optique asymétrique pour un regard plus consensuel en 2019, elle n’en conserve pas moins une « présence » évidente. Elle avait entamé sa mue aérodynamique il y a deux ans, en adoptant une petite moustache relativement discrète, elle hérite aujourd’hui de la pelle à tarte de la précédente M. De quoi impressionner le quidam et assurer un appui de 5,9 kg à 150 km/h, soit 1,6 unité de plus que sur la précédente version. Côté esthétique, les écopes du carénage, au niveau du moteur, ont été redessinées, alors que le garde-boue avant, beaucoup plus enveloppant qu’auparavant, intègre désormais des conduits guidant l’air directement vers les étriers pour assurer leur refroidissement.

Bonne nouvelle, les modes Race et Race Pro, permettant de personnaliser entièrement l’électronique de la bête, sont maintenant proposés en série. Enfin, la poignée de gaz est « à tirage rapide », avec un angle de rotation passant de 72 à 58°. Pour le reste, on conserve les mêmes – excellentes – performances, avec un 4-cylindres en ligne doté du shiftcam, développant 210 ch à 13 750 tr/min et un couple de 113 Nm à 11 100 tr/min.

Si la S 1000 RR ne fait pas vraiment dans la discrétion, malgré son coloris gris, que dire de la version M ? Elle paraît sortir directement du paddock de WSBK, avec son énorme aileron. Ce dernier est ce qui distingue la nouvelle venue de la manière la plus significative, mais c’est loin d’être la seule évolution. Concernant la mécanique, le 4-en-ligne profite du travail effectué sur la culasse, les soupapes, les pistons, ainsi que la ligne d’échappement, pour gagner 6 ch en passant allègrement la nouvelle norme Euro5+. De quoi revendiquer 218 ch à… 14 500 tr/min, un taux de compression de 14,5:1 (13,3:1 auparavant) et une vitesse max inchangée de 314 km/h malgré un appui supérieur.

Si le carénage n'est plus en composite mais en plastique (la note sera moins élevée en cas de glissade), les jantes sont toujours en carbone, l’électronique a évolué avec un nouveau capteur d’angle de braquage, un système d’assistance à la glisse et une intervention plus fine pour gérer les dérives et les wheelings. Et si ça ne vous suffit pas, il existe un pack Performance intégrant de nombreux éléments esthétiques (voir détails en fin d’essai), qui fait grimper la note de 37 000 à 44 760 €.

En selle
On tourne autour des bécanes, posées sur la pit-lane de Nogaro, comme on admire les fauves à Beauval ou à Sigean. Fascinés par les muscles que l’on devine rouler sous leur peau épaisse, on imagine sans peine l’efficacité de leur course quand ils chassent leur proie. Et puis, la bête s’éveille et c’est un feulement métallique qui envahit la savane, pardon, le paddock. Au guidon, rarement les différences seront apparues aussi criantes entre deux machines qui, de loin paraissent similaires. La S 1000 RR, c’est la gentille sportive. Rassurante, avec ses volumes contenus malgré des lignes tendues, sa selle basse (832 mm), fine au niveau du réservoir et ses commandes naturelles, elle inspire confiance. Son tableau de bord, guidé par l’une des électroniques les plus intuitives du marché, est aussi lisible que complet. En plus des assistances et des cartographies moteur, on peut aussi jouer sur le comportement des suspensions électroniques. Ces dernières s’adaptent en fonction de chaque mode prédéfini (Rain, Road, Dynamic et Race), mais on peut également intervenir sur l’hydraulique de manière indépendante. Légère, équilibrée, facile à prendre en main, on oublierait presque l’imposante cavalerie dissimulée sous son carénage.

À ses côtés, la M propose une approche bien différente de la sportivité. D’abord, une fois en place je touche à peine le sol du bout des bottes. Il faut dire que la selle culmine 33 mm plus haut que sa petite sœur et, surtout, que ses suspensions ne s’abaissent pas d’un millimètre une fois installé ! Si la S fait ce qu’elle peut pour s’adapter à son pilote, on sent tout de suite que ce dernier devra faire avec le caractère de la M. Pour en revenir aux suspensions, les éléments électroniques de la S permettent de préserver un certain confort, quel que soit l’état du bitume. Rien de tout cela sur la M, dont les éléments fixes, mais d’excellente facture, sont de mon point de vue un désaveu des assistances à puces. En effet, tout comme la Ducati Panigale R par rapport à la version S, la M 1000 RR privilégie une fourche et un amortisseur non asservis, mais d’excellente qualité. Preuve que, dès que l’on recherche l’efficacité maximale, il n’est nul besoin de suspensions pilotées. Pour le reste, qu’il s’agisse de l’affichage ou de l’ergonomie, les deux 1000 sont strictement identiques.

En ville, autoroutes, départementales et duo
Uniquement du circuit au programme de nos deux bolides, ce qui est probablement mieux pour la pérennité de mon permis de conduire. Reste que la S 1000 RR est l’une des sportives les plus adaptées à la route. Une position de conduite engagée mais pas extrême, une protection correcte, un équipement de haut niveau afin d’assurer une excellente sécurité active, quand l’électronique veille au grain pour le passif… Bref, la S 1000 RR est une bombe carénée tout à fait fréquentable au quotidien pour peu que vous ayez l’esprit sportif. Quant à la M, outre un look qui vous assure un succès fulgurant à n’importe quelle terrasse, une fois passé le point délicat des manœuvres si vous êtes un peu court sur pattes, le plus difficile à son guidon sera de trouver assez d’espace pour exploiter une parcelle de son potentiel.

Circuit
L’un des aspects les plus fascinants des sportives actuelles tient en la multitude de visages qu’elles peuvent afficher. Lors de notre premier run au guidon de la S 1000 RR, certains confrères sont partis en mode Road pour découvrir la piste plus tranquillement. Ils ont alors trouvé une machine facile, très neutre en comportement et dont l’abondante cavalerie semble parfaitement domestiquée. En fait, l’électronique ouvre la porte des écuries en fonction de l’inclinaison de l’équipage. Sur l’angle une poignée de poneys seulement franchiront les stalles, quand les purs-sangs ne débarqueront, en rangs bien ordonnés, qu’une fois la moto bien droite. C’est rassurant, mais fade comme une bière sans alcool.

En Dynamic on récupère quelques degrés de sensations, mais pour un shot d’adrénaline, il ne faudra pas hésiter à passer en mode Race. La S 1000 se fait alors plus vive, plus précise, plus incisive. Que ce soit en termes de mécanique, où les montées en régime deviennent fulgurantes, accompagnées par la détonation du shifter à chaque changement de rapport, où au niveau du châssis. Plus fermes, les suspensions encaissent davantage les gros transferts, ce qui permet d’exploiter au mieux le freinage de l’engin.

Après quelques runs, un petit tour dans les réglages des Race Pro (on dispose de trois modes personnalisables) permet de libérer encore un peu la bête, tout en affinant encore les réglages de suspensions. Le résultat est immédiatement sensible, avec un gain certain en efficacité et en rigueur de comportement, sans que la BMW ne devienne pour autant nerveuse ou imprévisible. La S 1000 RR est aussi efficace et aimable qu’une sportive de 210 ch puisse être. Alors que peut apporter la M à un tel niveau de performances ? La réponse est simple : TOUT !

Vous souvenez-vous de ce que j’ai écrit précédemment ? En gros, que la S 1000 RR s’adaptait à son pilote, quand il faudrait se faire à la M. Et bien dans les faits et à condition d’avoir déjà un certain rythme, c’est tout le contraire. Dès les premiers tours de roue, la M 1000 RR réagit comme le prolongement de soi. Oui elle est plus puissante et possède un peu plus d’allonge, mais sa mécanique est tellement pleine qu’elle est moins violente dans sa manière de délivrer les watts. Sur l’une comme sur l’autre, la poignée à tirage rapide n’apporte pas de brutalité et ne nuit pas à la précision de la gestion des gaz… à condition d’être dans la bonne plage de régime. Laissez retomber un peu trop l’aiguille et la remise du filet pourra surprendre. Mais sans faute de pilotage et à condition d’éviter la cartographie « direct », vraiment too much, on contrôle les 218 ch du bout des gants.

Avec une géométrie plus radicale, basculée sur l’avant et des jantes en carbone (de série), on n’a pas l’impression que la M est plus légère de seulement quatre kilos, mais d’une bonne quinzaine. Au guidon, absolument tout est mieux. La précision, le sentiment que le train avant réagit d’un bloc et que la moto ne se désunit jamais, la motricité impressionnante - même si à force de baisser le niveau de contrôle de traction, ce que l’on peut faire tout en roulant -, on finit par mettre à mal l’adhérence des Michelin Power Slick, le niveau général est hallucinant. C’est simple, en passant de la S à la M, j’ai eu l’impression d’échanger une très bonne sportive contre une authentique machine de course. Voilà le feeling que procure la M 1000 RR. Et puis, même en termes de confort elle est un cran au-dessus, grâce à une bulle plus haute et offrant une meilleure protection. Là où, dans la ligne droite de l’aérodrome, la S 1000 RR fait dodeliner votre tête, sauf à avoir la mentonnière du casque posée sur le réservoir, la M offre un meilleur abri. Au bout de cette fameuse ligne droite se situe le plus gros freinage du circuit. Pourtant, même en arrivant plus vite que sur la S, on freine un poil plus tard et on se permet de conserver les freins plus longtemps sur l’angle. Résultat d’excellentes suspensions, capables d’encaisser sans faiblir les pires contraintes, tout en procurant énormément de feeling, quelle que soit la phase de pilotage.

Au guidon, l’expérience est colossale, on détient dans le creux des mains une puissance colossale, tout en ayant le sentiment de la maîtriser à la perfection. Illusion causée par un équilibre parfait du châssis et une électronique impressionnante. La M 1000 RR plonge à la corde avec la férocité d’un piranha fonçant sur une proie blessée, elle vous catapulte d’un virage à l’autre comme si vous étiez la bille d’un lance-pierre et gère le frein moteur, lors des ralentissements, avec la précision d’un proctologue caressant un colon sain. Non seulement elle est d’une efficacité bluffante, mais elle rassure également son pilote au point de lui permettre d’enchainer les tours avec un minimum de fatigue.

Partie-cycle
La S 1000 RR est égale à elle-même. Stable, prévisible, raisonnablement agile avec ses jantes d’origine (en alu coulé), qu’elle peut échanger en option contre des éléments forgés plus légers, elle est parfaite dans son rôle de sportive aussi aimable qu’efficace. Mais avec la M, on entre dans un monde différent. Le travail effectué sur le cadre a préservé une précision de haut vol tout en accentuant la qualité du retour d’information. En passant de l’une à l’autre, on comprend l’importance de la géométrie et des liaisons au sol dans le comportement d’une moto de piste. En termes d’efficacité et de plaisir de pilotage, la M 1000 RR justifie chaque euro de plus que la S, tout en prouvant que de bonnes suspensions n’ont nul besoin d’électronique.

Freinage
Dans nos conditions d’essai, le freinage a brillé par sa puissance, son feeling et son endurance. Grâce aux nouveaux canaux de refroidissement les étriers ? Ça ne peut pas faire de mal, mais il est vrai qu’il n’y a qu’un seul énorme freinage à Nogaro. Le levier se règle facilement en écartement et le maître-cylindre est de qualité. Pas de soucis non plus avec l’élément arrière, la fois précis et efficace. Mais si la M 1000 RR est l’une des meilleures sportives du moment, je pense qu’en termes de freinage, elle est aujourd’hui en retrait des meilleures Italiennes (Panigale V4 S, RSV4 Factory), dotées de disques de 330 mm de diamètre et des derniers étriers Brembo HyPure.

Conclusion
BMW ne devrait avoir aucun mal à rester au sommet des ventes de sportives grâce à ses nouveaux modèles. Ayant évoluée surtout sur des détails aérodynamiques et le tirage de sa poignée de gaz, la S 1000 RR a le bon goût de proposer désormais une électronique complète en série. J’aurais bien voulu tester les suspensions « de base » non électroniques, mais en l’état, le DDC permet d’adapter facilement sa monture à tous les usages et tous les niveaux. Affichée à 22 900 € avec le pack Dynamic (comprenant les suspensions DDC, les poignées chauffantes et le régulateur de vitesse), elle fait presque figure de bonne affaire face à une Ducati Panigale V4 tarifée 27 990 € ou une Aprilia RSV4 proposée à 20 990 €, sans ces raffinements.

De l’autre côté du box, la M 1000 RR est une sportive d’exception. Et si elle fait moins de concessions à la facilité ou au confort (et encore), c’est au bénéfice d’une efficacité remarquable. Je suis sûr qu’un Kenny Foray en forme pourrait décrocher un podium en FSBK au guidon d’une M 1000 RR sortie de caisse. Je suis un peu moins fan du pack M Competition, qui n’ajoute guère que des éléments esthétiques plus « tuning » que réellement efficaces. D’autant que les commandes du M Billet Pack, aux formes anguleuses, sont moins agréables à manipuler que les éléments d’origine. Si vous souhaitez vous faire plaisir sur piste, gardez vos euros pour l’équiper d’un poly destiné au circuit, pour le budget pneumatiques et… roulez ! En l’état et malgré un tarif stratosphérique, elle demeure une bonne affaire face à une concurrence encore plus excessive. Dites-vous qu’elle propose, avec une plaque d’immatriculation et des rétroviseurs, une puissance supérieure aux machines d’usines qui évoluaient en WSBK il y a 15 ans. Côté plaisir et efficacité, vous aurez du mal à trouver mieux sur le marché.
Points forts S 1000 RR
- Polyvalence
- Efficacité
- Équipement en série
Points faibles S 1000 RR
- Bulle encore trop basse
- Pas d’emplacement pour ranger le transpondeur sur piste
- Remise du filet de gaz parfois brutale
La fiche technique de la BMW S 1000 RR
Points forts M 1000 RR
- Train avant de dingue
- Moteur génial
- Efficacité globale
Points faibles M 1000 RR
- Freinage en léger retrait des meilleures
- Pas à mettre entre toutes les mains
- Seulement 218 ch (oui, c’est ironique)
La fiche technique de la BMW M 1000 RR
Conditions d’essais
- Itinéraire : Une journée parfaite sur la piste de Nogaro avec la piste à se partager à 8
- Météo : Couvert le matin, ensoleillé l’après-midi, température idéale, pas de vent
- Problème rencontré : aucun
Équipements des BMW S 1000 RR et M 1000 RR
Modèle | S 1000 RR | M 1000 RR |
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Equipement de série |
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Exemples de packs |
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Disponibilité / Prix
S 1000 RR :
- Coloris : Noir – Style Sport gris (+390€) – Pack M Light white blanc/bleu/rouge(4 880 €)
- Prix : à partir de 21 400 euros
M 1000 RR :
- Coloris : Light white blanc/bleu/rouge – Black storm metallic noir/bleu/rouge (7 760 € avec le pack M Competition)
- Prix : à partir de 37 000 euros
Équipement essayeur
- Casque Shoei X-SPR / Peinture Marty Design
- Combinaison RST V4.1 Evo Kangaroo airbag
- Airbag In&Motion
- Gants Five RXF1 Evo
- Bottes Alpinestars Supertech R
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