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Essai Ducati Streetfighter V2 S

On l’adore mais…

Bicylindre en V de 890 cm3, 120 ch et 93,3 Nm, 178 kg sans essence, 15 490 euros / 17 990 euros version S

Ok, elle perd 35 ch par rapport à la précédente et ça a été ressassé suffisamment. C’est sa façon de renouveler le roadster, catégorie largement initiée par Ducati avec la Mostro 900 de 1993, the first one. Une gueule agressive, une position pas trop radicale, un zeste de bon chic bon genre et une pincée de bad boy, un moteur gonflé aux mi-régimes et surtout une partie-cycle facile, précise, évidente. Une moto pas trop lourde. La Streetfighter V2 pèse 175 kg à sec le jour de la présentation presse, 178 kg sur la fiche technique… disons 195 kg avec la batterie et l’essence. 212 kg pour une Honda Hornet 1000 SP, plus puissante de 37 ch, moins chère de presque 4 000 euros (11 799 € pour la Honda, 15 490 € pour la Streetfighter V2 et 17 990 € pour la V2 S).

C’est pas le tout de s’appeler Ducati, faire de belles motos, gagner en MotoGP. Et Honda a plus gagné que Ducati. Fort à faire donc pour la Streetfighter.

Essai du roadster Ducati Streetfighter V2 S
Essai du roadster Ducati Streetfighter V2 S

L'essai vidéo de la Ducati Streetfighter V2 S

Découverte

L'année dernière, Ducati a donc dévoilé son moteur V2, 120 ch, 10 kg plus léger que le moteur Superquadro sortant, un desmo de 955 cm3. Ce nouveau V2 ouvert à 90 degrés cube 890 cm³. Les deux cylindres ont été pivotés de 20 degrés vers l'arrière pour une répartition optimale du poids, tandis que le moteur, qui pèse 54 kg, est inférieur de 9,5 kg par rapport au 955. Résultat non seulement dû à une taille réduite mais aussi à l'absence de lourds balanciers d’équilibrage, comme c'est souvent le cas avec d'autres architectures moteur (bicylindres parallèles ou trois cylindres en ligne). Le bicylindre en V à 90 degrés offre un équilibre primaire parfait. Ducati affirme qu'il s'agit du twin en V le plus léger et le plus compact jamais conçu.

Le nouveau moteur V2 de 890 cm3 délivre 120 ch et 93 Nm
Le nouveau moteur V2 de 890 cm3 délivre 120 ch et 93 Nm

Il abandonne la distribution desmodromique pour des rappels de soupapes à ressort. Cela permet d'augmenter le contrôle du jeu aux soupapes à 30 000 km. L'IVT (système de distribution variable) permet également un couple accru à bas régime, avec 80 % du couple maximal (93 Nm) dispo entre 4 000 et 11 000 tr/min. Ainsi, Ducati a toujours abandonné certaines solutions techniques pour d’autres, du mono 350 des années 60 avec son arbre à couple conique en passant par les courroies des années 80 et maintenant le système desmo, pour en développer de nouvelles.

Le roadster Ducati Streetfighter V2 S
Le roadster Ducati Streetfighter V2 S

Ducati s’est toujours illustré par ses partie-cycles légères et sportives, la Streetfighter V2 perpétue cette tradition. Elle partage beaucoup avec la Panigale V2 : si le carénage a disparu et les guidons à bracelets remplacés par un guidon large, la Street reprend le cadre monocoque, dont le moteur est l’élément principal de sa rigidité. Or les moteurs offrent peu de flexibilité, pas terrible en termes de retour d'information, ce qui rend la conception d'autant plus difficile. Ducati s'est attaché à trouver le bon rapport rigidité/flexibilité pour les forces latérales et longitudinales mais aussi à optimiser l'agencement des éléments et la répartition du poids (par exemple, en faisant de la partie avant du cadre la boîte à air et la colonne de direction). Le bâti arrière est en aluminium moulé. L'angle de chasse de la direction est plus ouvert d'un demi-degré que celui de la Panigale (24,1°), tandis que la chasse est supérieure de 0,75 mm. L’empattement est également plus long de 28 mm que la Panigale, avec un nouveau bras oscillant classique, exit le monobras. Ceci pour réduire le poids. Cette Streetfighter pèse 17 kg de moins que la 955.

Le roadster abandonne son monobras oscillant au profit d'un élément plus classique pour accroitre son empattement
Le roadster abandonne son monobras oscillant au profit d'un élément plus classique pour accroitre son empattement

Le reste est identique à celui de la Panigale V2 S, avec notamment une fourche Öhlins NIX 30 aux tubes de 43 mm, revêtue de nitrure de titane et un amortisseur Öhlins pour la S. La Streetfighter V2 standard est, elle, équipée d'une fourche Marzocchi de 43 mm et d'un amortisseur KYB. Toutes deux roulent sur des jantes en aluminium chaussées de Pirelli Diablo Corsa IV. Elles partagent aussi l’amortisseur de direction Sachs et les étriers de frein avant Brembo M50, qui enserrent deux disques de 320 mm.

La partie cycle est largement partagée avec celle de la Panigale V2 S
La partie cycle est largement partagée avec celle de la Panigale V2 S

L’électronique est aussi pointue. Quatre modes de conduite au total (Race, Sport, Road et Rain) sont préréglés avec différents niveaux de contrôle de traction Ducati (DTC), de contrôle de wheeling Ducati (DWC), d'ABS et de contrôle du frein moteur. Le mode Rain réduit la puissance à 95 ch, augmente le DTC à 6 niveaux, règle le DWC sur 4 et maximise l'ABS et le frein moteur. Les paramètres de chaque mode sont modifiables via l'écran TFT de 5 pouces et un commodo à cinq boutons placé sur le côté gauche. Le système Ducati Quick Shift 2.0 utilise le capteur de rapport engagé pour couper l'allumage lors des montées et descentes de rapports sans embrayage, supprimant ainsi le microcontact sur la tringlerie de sélection de vitesse. Et tout ça, c’est mieux ?

Le compteur TFT de 5 pouces de la Streetfighter V2 S
Le compteur TFT de 5 pouces de la Streetfighter V2 S

En selle

838 mm de hauteur de selle mais surtout une finesse au plus près du réservoir, dessiné en ce sens, qui promet de tenir la moto et se sentir bien à basse vitesse. Tout est doux, la selle offre plus de confort qu’elle n’en laisse supposer, bien qu’elle soit ferme. L’écran dispose ses infos avec lisibilité, l’essentiel au centre. Plusieurs configurations sont possibles. Pas de clong au passage de la première, Ducati en mode 2025, c’est l’opposé de Ducati mode 1995 ; ce n’est pas le cas pour toutes les marques, les Honda ou les Yamaha offrent une douceur de commande depuis plus longtemps. Surtout, cette gueule effilée, l’arrière en l’air, l’optique en menton bas, agressif, autre chose que les Honda ou Yamaha. Le design se paie cher ? Faut croire. Petit détail agaçant au quotidien, l’ergot de la béquille riquiqui fait fulminer les courts en jambe dont je suis. Le moteur tout rond ne promet pas un caractère fou, plutôt une réactivité douce. Le twin moderne ne secoue pas à bas régimes, soumis aux normes et aux attentes de motards modernes qui préfèrent peut-être que leur moto se fasse oublier.

La finesse du réservoir et de la selle permet de bien tenir la moto
La finesse du réservoir et de la selle permet de bien tenir la moto

En ville

Toujours cette amabilité indulgente, favorisée par une partie-cycle légère, équilibrée. La Streetfighter V2 S (seule version essayée) ne surprend pas, c’est peut-être là un défaut. Ducati reconnaît chercher à séduire des motards plus jeunes, moins attachés à l’histoire de la marque, ce qu’elle représente. Raison pour laquelle la Monster ne figure plus en tête de prou des roadsters Ducat’. La Street V2 vire dans un dé à coudre (aucune idée de la légitimité de l’expression), freine avec progressivité, passe facile entre les files automobiles, le shifter up&down fonctionne en douceur aux mi-régimes… Elle se distingue par la précision de son train avant, sa rapidité de prise en main et la douceur du V2 à bas régimes. Pas le roadster caractériel et méchant des premiers temps. Avec elle, le monde s’adoucit. Pour plus d’ennui ? Faut être clair sur ce qu’on veut : une moto à dominer, à apprivoiser ou une extension du désir de l’instant, qui s’y plie. La Streetfighter V2 S est de ces dernières. Plus c’est facile, plus c’est efficace, le credo de Ducati depuis au moins dix ans.

Facile, légère, précise... la Ducati s'emmène avec aisance en milieu urbain
Facile, légère, précise... la Ducati s'emmène avec aisance en milieu urbain

Autoroute voies rapides

Elle ronronne à 130 km/h, 6 000 tr/mn, sans vibrations. Probablement prend-elle plus de 220 km/h, on s’en fout. La selle s’élargit sur l’arrière, le guidon ne contraint pas. Finalement, la pression de l’air à 130/140 n’insupporte pas. Les jambes finiront par se sentir un peu pliées, engourdies. Les 15 litres du réservoir obligeront à s’arrêter aux alentours des 180 km, pour ne pas trop entamer la réserve. La navigation Turn by turn au tableau de bord s’opère via l’appli Ducati Link. Le régulateur de vitesse est aussi une option.

Au légal autoroutier, le roadster enroule à 6.000 tours, sans vibrations ni pression excessive de l'air
Au légal autoroutier, le roadster enroule à 6.000 tours, sans vibrations ni pression excessive de l'air

Départementales

Au-dessus d’Alméria, station balnéaire andalouse, les routes montagneuses pullulent, plus ou moins poussiéreuse. Il avait plu la veille, elles étaient donc nettoyées. La Streetfighter V2 S y a confirmé sa facilité, presque déconcertante : les suspensions Öhlins gomment tout, au point qu’on perd presque le feeling avec le pneu avant, atténué par la douceur de la suspension (même affermie) et l’efficacité du Pirelli Diablo Corsa IV. L’engagement sur l’angle révèle l’équilibre parfait de cette partie-cycle, sa légèreté, sa stabilité, elle vire d’un bloc et en souplesse. On garde du frein avant sur l’angle, elle ne bronche pas. On accélère un peu tôt, avec trop d’angle, l’amortisseur encaisse et maintient le cap de la Ducati, sans qu’elle n’élargisse.

La partie cycle équilibrée facilite les évolutions dynamiques
La partie cycle équilibrée facilite les évolutions dynamiques

Le moteur, toujours très rond, donne son couple tôt, comme promis. À 3 000 tr/mn, il tracte déjà avec vigueur, se muscle après 6 000 tr/mn (à peu près le régime ou le système de distribution variable change de calage), sans coup de pied au cul ou impression de poussée soudaine. Le V2 manque-t-il de caractère ? Oui et non. Doux, il ne correspond plus à la vieille image des moteurs Ducati, qui secouaient à bas régimes et poussaient avec une vigueur vigneronne jusqu’aux abords de la zone rouge, comme sur les 916 ou 996. Le 890 cm3 fourmille de bienveillance, n’impressionne pas, ne vibre pas, répond toujours présent dans une sonorité discrète. Il pédale jusque sa zone rouge, à 10 000 tr/mn (mais la puissance maxi est annoncée à 10 750 tr/mn !), le shifter, prompt, doux, laisse monter le rapport suivant, le moteur ne s’essouffle pas. Dans un rythme fredonnant, pas saccadé. La légèreté des pièces mobiles internes au V2, leur équilibrage soigné, les frictions réduites au max, tout contribue à une efficacité sereine. Mais nulle variation dans les vocalises, pas d’instant surprenant.

Répondant toujours présent, le V2 ne manque pas de vivacité, mais se montre plus linéaire que l'ancien Desmo plus caractériel
Répondant toujours présent, le V2 ne manque pas de vivacité, mais se montre plus linéaire que l'ancien Desmo plus caractériel

La position de conduite ne fatigue pas, la finesse de la moto s’apprécie dans les virages. Elle se place à l’opposé d’une Kawa Z 900 ou d’une Suzuki GSX-S1000, larges, plus pataudes. La Honda Hornet 1000 s’approche plus de la Streetfighter en termes de position de conduite et de finesse auprès du réservoir… à 4 000 euros de moins. Sans compter la Triumph Street Triple 765 RS, à 13 095 euros, plus puissante, aussi légère, à la partie-cycle incroyable. Voilà l’écueil que rencontrera la Ducati Streetfighter V2 et plus encore la S, avec sa place passager en option ! Son look, sa qualité de fabrication, son équipement électronique et le prestige de la marque suffiront-ils pour faire pencher la balance ? Ce serait le cas si la Street pouvait aussi compter sur un caractère affirmé mais la volonté de Ducati consiste justement à séduire d’autres clients avec un moteur moins puissant que l’ancien 955.

La position de conduite permet d'enchainer les virolos sans fatigue
La position de conduite permet d'enchainer les virolos sans fatigue

Partie-cycle

L’empattement long pour un roadster (1 493 mm, quasi 10 cm de plus qu’une Triumph Street Triple, 4 cm de plus qu’une Hornet) garantit une stabilité rassurante. Le train avant aussi, précis, facile. Les suspensions Öhlins travaillent sans trop de fermeté, avec progressivité, leur débattement est assez important. Le confort est préservé, mais ce n’est pas une routière, bien un roadster sportif. Les masses savamment centrées mènent à un équilibre étonnant, plus important encore que le poids brut. La Street se prend en main avec évidence, elle s’emmène avec quiétude et volupté, plus facile qu’une Honda Hornet et peut-être même qu’une Triumph Street Triple RS, mais il faut attendre de pouvoir les comparer.

L'amortisseur Öhlins de la Ducati Streetfighter V2 S
L'amortisseur Öhlins de la Ducati Streetfighter V2 S

Freinage

Il ne comptera pas parmi les défauts de cette Ducati. Les étriers Brembo M50, l’ABS Bosch Cornering, les disques de 320 mm, du haut de gamme, puissant, efficace, progressif. L’ABS ne se déclenche pas à l’attaque ou sur routes fripées. La pédale de frein arrière a pas mal de course, il faut l’appuyer pour ralentir correctement.

Les étriers Brembo M50 se révèlent puissants et progressifs
Les étriers Brembo M50 se révèlent puissants et progressifs

Confort/duo

Le duo, on oublie sur la version S, avec le kit passager en option sur une moto à 17 990 euros ! Une blague. Le confort, correct, n’est pas l’atout majeur d’un roadster. La Streetfighter V2 S a des arguments : une position de conduite agréable, sa finesse, les suspensions Öhlins de grande qualité. Seule la selle montre un peu de fermeté, mais sa largeur sur l’arrière s’apprécie, pour changer de position.

Le confort est correct, mais la selle passager n'est qu'une option sur la version S
Le confort est correct, mais la selle passager n'est qu'une option sur la version S

Conclusion

Ce nouveau roadster Streetfighter V2 n’a aucun défaut dynamique. Sa partie-cycle se place au sommet de ses qualités, avec son équilibre et sa facilité rares, pour la version S, la seule essayée. Le moteur correspond à l’objectif fixé par Ducati, rond, plein, facile. La perte de puissance n’est rien. Le caractère en revanche est un peu lisse. Le tarif, lui, ne l’est pas. On l’adore, mais… 18 000 euros (à 10 euros près) pour la S, sans place pour le passager, on frise l’abus. Qu’une Streetfighter V4 soit chère (24 990 €) se conçoit, avec ses 214 ch, son poids mini, son rang de roadster fou… Et finalement, 6 000 euros d’écart entre la V2 S et la V4, qui a presque 100 ch de plus, ce n’est pas tant que ça. Une KTM Super Duke R (190 ch pour 200 kg), à 21 449 euros, ne coûte « que » 3 500 euros de plus que la V2 S. Les réelles concurrentes de la Streetfighter, évoquées plus haut, sont au moins 2 000 euros moins chères. Que Ducati souhaite proposer un V2 léger, coupleux et agréable, moins puissant que l’ancien 955, soit. Mais pourquoi payer si cher ?

La Ducati Streetfighter V2 S
La Ducati Streetfighter V2 S

Points forts

  • Partie-cycle légère et efficace
  • Agrément moteur
  • Équipement électronique
  • Qualité de fabrication

Points faibles

  • Place passager en option sur la S
  • Caractère moteur assez lisse
  • Prix élevé

La fiche technique de la Ducati Streetfighter V2 S

Conditions d’essais

  • Itinéraire : routes montagneuses andalouses, ville, quatre voies
  • Météo : nuageux, environ 17°C
  • Problème rencontré : ras

Disponibilité / prix

  • Coloris : rouge
  • Prix : 15 490 euros / 17 990 euros version S

Équipement de série

  • Contrôle de traction
  • ABS
  • Suspensions réglables
  • Écran TFT 5 pouces
  • Prises USB-A et C
  • Modes de conduite, Modes de puissance
  • ABS de virage Bosch
  • Contrôle de Traction Ducati (DTC)
  • Contrôle de wheeling Ducati (DWC)
  • Contrôle de Frein Moteur (EBC)
  • Capteur de pression des pneus

Équipement essayeur

  • Casque Arai Quantic
  • Blouson textile Spidi
  • Gants Ixon
  • Baskets XPD Moto Pro