Essai moto Royal Enfield Classic 650
Forcément indémodable
Bicylindre en ligne de 648 cm3, 47 ch et 52,3 Nm, 243 kg, à partir de 7.090 euros
Certaines motos sont de véritables machines à remonter le temps. D’autant plus quand leur marque est, elle-même, un morceau d’histoire motocycliste. À ce jeu, Royal Enfield a deux atouts incomparables : une production ininterrompue de 124 ans et un modèle iconique Bullet 500 produite 89 ans… En 2009, une variante Classic apportait encore plus de charme à la machine, mais depuis la disparition du modèle en 2020, seule une plus moderne 350 portait cette appellation depuis 3 ans. Le constructeur de Chennai nous propose cette année sa nouvelle Classic 650 qui s’inscrit dans cet esprit d’intemporalité cher à la marque indienne.

L'essai vidéo de la Royal Enfield Classic 650
Découverte
S’il vous semble voir une Super Meteor 650 en contemplant la Classic, vous n’êtes pas victime d’hallucination. En effet, le cruiser de charme sert de base à la séduisante nouveauté qui n’en diffère que par quelques éléments. C’est notamment au niveau du train avant que les singularités se notent.

Casquette de phare et surtout capotage de la fourche carénée donnent à la Classic son style indémodable. On retrouve même les veilleuses « œil de tigre » de part et d’autre de la nacelle de phare. Mais la modernité est bien là avec des optiques à Leds. Seuls les clignotants conservent hélas des ampoules derrière leurs cabochons… Dans sa version Noir et Chrome, l’Enfield est magnifique et semble avoir traversé les âges pour s'offrir à vous, immuable. Tout en elle évoque la belle époque, presque tout pourrait en être d’origine. Son réservoir fuselé en goutte d’eau loge 14,8 litres. De part et d’autre des assises, les capots subtilement dessinés des flancs ajoutent au style délicatement suranné de la machine. Ils soulignent les courbes en boomerang du cadre, spécificité de la marque. Plongeante, la ligne du bidon induit celle d’une selle vaste pilote surpiquée. Un élément plus compact est dévolu au passager, posé au sommet de l’imposant garde-boue. Notez que celle-ci peut, d’origine être remplacé par un porte-bagage et la machine peut même être passé en monoplace. Profilé, le cabochon du feu arrière vient conclure subtilement cette poupe raffinée.

Toujours conçue par Harris Performance, spécialisé dans le châssis classique et propriété d’Enfield, la structure pèse 21,2 kg. Ce châssis tubulaire en acier à berceau interrompu soutien l’esthétique twin parallèle de 648 cm3 (78 x 67.8 mm). Imposant, il forme un solide coeur de 70 kilos dont les carters latéraux et couvre-culasses arborent ici une finition chromée. Le carter de cylindre noir mat contraste ainsi avec la massive culasse découpée de larges ailettes de refroidissement. Le bloc impressionne toujours par ses dimensions, sa présence esthétique, mais aussi sa conception mêlant tradition et modernité. Rappelons que le centre R&D de la marque à ses quartiers à Leicestershire (Angleterre).

Simple, refroidi par air et huile, le bouilleur intègre cependant un haut moteur performant avec 4 soupapes par cylindre actionné par un unique arbre à cames (Honda fait le même choix pour sa CB750 Hornet…). Et, raffinement technique, les basculeurs arborent des roues au point de contact avec des cames aux surfaces légèrement concaves… Avec ses manetons de bielles calés à 270 degrés, deux masses et un arbre d’équilibrage, la mécanique assure un fonctionnement velouté. Super carré, le rapport alésage-course favorise les bonnes montées en régime. Le bicylindre Enfield développe 47 chevaux à 7.250 tr.mn et 52,3 Nm de couple à 5.650 révolutions minute. L’injection aurait été modifiée, mais, difficile de voir à quel niveau. Le circuit d'huile est optimisé et des jets viennent cibler les points les plus chauds dans la culasse. Des doubles corps d'injection et l'allumage sont pilotés par une électronique Bosch. Modernité encore avec une boite à 6 rapports associés à embrayage assisté à glissement limité. La mécanique est certifiée Euro 5+ et ses performances contenues le rendent compatible avec la législation A2.

Toute la ligne d’échappement est chromée, apportant un éclat plus net à la machine. Intégrant les catalyseurs, les larges fûts horizontaux des silencieux optent pour un dessin saucisson.
La Classic 650 repose sur une fourche télescopique Showa de 43 mm, non réglable, qui coulisse sur 120 mm. À l’arrière, des doubles combinés amortisseurs ajustables en précharge coulissent sur seulement 90 mm.
Moins typée cruiser, la Classic réduit son empattement de 25 mm soit 1 475 unités et ses jantes rayonnées sont de 19 et 18 pouces pour une allure plus fluide. Dommage, elles sont à chambres et chaussent des gommes indiennes MRF (Madras Rubber Factory) Nylohigh en 100/90 et 140/70 mm.

L'ABS Bosch à deux canaux contrôle le travail des étriers Bybre (siglé RE). À l'avant une pince à deux pistons mord un simple disque de 320 mm. Le ralentisseur opposé est de même type, serrant une large frette de 300 mm. De quoi stopper les 243 kilos de l’indémodable Indienne.
Point remarquable chez Royal Enfield, la qualité va croissant à chaque nouvelle itération. Ainsi, la Classic 650 présente une finition soignée. Notamment les soudures du cadre assez discrètes. Notez la discrétion des pieds de fourche et l’intégration des vis du moyeu. L’agencement des différents éléments n'appelle aucune critique tout comme les différents revêtements des parties métalliques. Côté droit, le twin est d’autant plus séduisant, son carter inférieur oblong frappé du logo de la marque. La visserie est de qualité et les corps d'injection s’abritent derrière des caches chromés ajourés. Finalement, on regrettera davantage une typographie perfectible apposée sur la version « Vallam Red », peu flatteuse. Enfin, l’intervalle de maintenance est de 10 000 km et la marque garantit ses machines cinq ans.

En selle
Très accessible, la Classic vous accueille à 800 mm du sol. L’assise est large et moelleuse, tout comme celle du passager. Faiblement écartées par le réservoir et viennent chercher des repose-pieds larges placés en avant du bassin. Comme l’esthétique de la machine, le poste de pilotage est tout aussi séduisant avec contacteur déporté et tachymètre analogique accueillant une fenêtre LCD. L’on y fera défiler les informations des partiels et la fenêtre regroupe aussi une jauge de carburant, une horloge et le témoin de rapport engagé. Dommage, pas de compte-tours, pourtant bien utile.

Robuste le pontet de guidon élégant un cintre large, aux cornes agréablement tournées vers le pilote. Déjà présents sur les 350, les sympathiques poignées semi-ballon accueillent vos gants. Les commodos ne sont pas en reste avec des éléments fuselés supportant les commandes rotatives du démarreur ou des phares… le saut temporel est en marche. Mais sans oublier bouton info au guidon et port USB ! Et nul besoin de GPS avec le Triper monté de série. Cet élément peut être connecté à votre smartphone pour afficher une navigation simple et efficace.
Épais et fuselés, très fonctionnels, les leviers sont réglables en écartement et leur dimension semble idéale pour tout gabarit. À câble, la commande d'embrayage fait elle aussi dans la simplicité.

En ville
Mélodieux, le twin de la Classique séduit l’oreille dès sa mise en marche. Une légère inertie apporte cette rondeur subtile propre à la mécanique indienne. Discret au ralenti, elle fait craquer ses échappements sur les coups de gaz. Dans les rues encombrées, l’Enfield avoue vite une manœuvrabilité perfectible avec un rayon de braquage assez fort. Heureusement, le centre de gravité au plus bas aide en demi-tour et autre gymkhana. Disponible, le twin délivre 80% de son couple maxi dès 2.300 tours. Il permet ainsi d'évoluer en quatrième sur un filet de gaz à bas régime. Associée à la douceur de l'embrayage et du sélecteur, celle de la mécanique assure ainsi des déplacements urbains agréables. Et la Classic sait valser plus loin que dans les salons étriqués des villes.

Autoroute et voies rapides
En forçant un peu le twin, vous atteindrez presque 170 km/h. À cette allure, le moteur n’y a plus guère d’intérêt et agite les repose-pieds dans un chant devenu aigre. Également, la position induite n’est guère dédiée à ces vitesses, obligeant le pilote à faire le drapeau. La machine s’apprécie davantage jusqu’à 110 ou 120 km/h en mode liaison rapide. Le régime moteur est alors idéal et aucune vibration pénible ne vient perturber l'équipage, quel que soit le régime. Seules les bonnes trépidations du bicylindre accompagnent nos évolutions, preuves de l'équilibre mécanique et de la qualité de conception. En effet, le vilebrequin forgé et ses imposantes masses d'équilibrage s'associent à un autre arbre de régulation à deux balanciers. Le résultat est sans appel, conférant au bloc une douceur de fonctionnement appréciable. On peut alors enchainer les kilomètres sans fatigue.

À 130, les reprises sont correctes en 6e pour doubler. À 100 km/h, on rentrera un, voire deux rapports pour plus de dynamisme. Bon point, les rétroviseurs restent parfaitement clairs quelle que soit la vitesse et renvoient un large champ. Enfin, la stabilité et la tenue de cap de la petite Diva Enfield sont remarquables. Mais bien sûr, c’est avec les ruptures de rythme du réseau secondaire que la machine s’apprécie le mieux.
Départementales
C’est sous la pluie battante que nous emmenons cette Classic 650 depuis le début de la journée. Mais le soleil indien nous éclaire intérieurement. Cette paix intérieure nous est donnée à nouveau par la douceur mécanique royale de l’Enfield. Disponible, onctueux, le twin conserve à tout moment une personnalité solide qui charme tant les oreilles que le cœur. Maintenu sur les intermédiaires, le bloc semble toujours avoir deux visages. Docile en ville, il présente un caractère enjoué à plus vive allure sur sa crête de couple. La mécanique indienne ne manque pas de saveur et distille toujours son charme séducteur. L'inertie plaisante de l'équipage mobile apporte ce charme délicat peu courant sur les moteurs midsize des productions asiatiques. Et lors des remises de gaz, le grondement de la boite s’associe au vrombissement des pots pour composer une valse tonique. Toutefois, on aurait apprécié une démultiplication finale plus courte afin de gagner en agrément dynamique sur tous les rapports.

La partie cycle n’est pas en reste, avec une géométrie autorisant une certaine agilité et avec une garde au sol très correct de 154 mm, on pourra prendre un peu d’angle avant d’aller effleurer le sol. Les pneus MRF confèrent un sentiment de sécurité, leur adhérence étant sans défaut dans ces conditions difficiles. Ils transmettent sans défaut la force tranquille du twin. Une saignée dans la route, abordée sur l’angle, ne déstabilise aucunement la Classic. Fourche et combinés arrière se montrent avenants, mais la course réduite de ces derniers limite le confort sur les plus grosses compressions.

Partie-cycle
Simples et sains, châssis et géométrie conformes au style cruiser composent un ensemble efficace. Les suspensions font le boulot, surtout la fourche qui absorbe remarquablement les plus grosses compressions. Les éléments arrière se montrent moins capables quand les surfaces se font plus torturées.

Freinage
À rythme adapté, la Classic peut compter sur un freinage efficace si on use largement du frein arrière. Surdimensionné, il assure une bonne décélération au cruiser, mais l’action de la pédale manque de progressivité. La machine conserve ainsi une assiette fort acceptable et plonge peu. On pourra également empiler les rapports, l’embrayage anti-dribble absorbant sans mal un rétrogradage important. Bien paramétré, l'ABS intervient à bon escient.

Confort/Duo
Selles et suspensions garantissent un bon confort sur la plupart des revêtements. Accueillante, l’assise passager offre une vraie place à votre accompagnant.

Consommation
Non mesurée.
Conclusion
Inoxydable, charmante, la Royal Enfield Classic 650 permet de musarder tranquillement, mais sans trainer, avec la délicieuse sensation de prendre le temps à rebours. Et en toute efficacité avec une modernité savamment intégrée à cette sculpture mobile historique. Le twin de Chennai reste l’argument majeur de cette star de l’académisme. Velouté, rond et élégant, il apporte une juste vie mécanique à la machine. Tout aussi juste est son tarif demandant, selon les coloris, 7 090 € en Vallam Red, 7 190 € en Teal et 7 390 pour la sublime version Noir et Chrome.

On lui opposera la Kawasaki W800,10 999 €, elle aussi évocatrice moderne de l’histoire motocycliste et la Moto Guzzi V7, à partir de 9 199 €, autre légitime actrice des films en noir et blanc que vous ne manquerez pas de vous faire à leur guidon.
Plus légitime encore, la Royal Enfield Classic 650 oppose à ces “jeunettes”, la force de son authenticité presque séculaire.
Points forts
- Esthétique
- Disponibilité moteur
- Équilibre
- Sélection précise et douce
- Embrayage à glissement limité
- Sonorité flatteuse
- Rapport prestations/prix
Points faibles
- Personnalité un peu timide
- Pas de régulateur de vitesse
- Course de pédale de frein trop courte
- Ergonomie électronique
- Joystick trop sensible
La fiche technique de la Royal Enfield Classic 650
Conditions d’essais
- Itinéraire : 180 routes sinueuses, trempée
- Météo : variable, 5 à 11°C
- Problème rencontré : ras
Disponibilité / prix
- Vallamm Red : 7 090 €
- Teal : 7 190 €
- Noir Chrome : 7 390 €
Équipements de série
- Embrayage assisté anti-dribble
- ABS
Équipements essayeur
- Casque Roof RO 200
- Blouson Detlev Louis DL-JM-8
- Jean Vanucci Armalith
- Baskets Vanucci VTS2
- Gants Vanucci VAG-1 et VAG-4
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