Chronique : Elles ont pris le guidon

Et c’est pas pour te suivre

Y’a des trucs qu’on voit venir, d’autres qu’on refuse de voir. Les femmes à moto, c’est un peu des deux. On les a longtemps cantonnées au strapontin arrière, le cul sur le passager, les bras autour du pilote, accessoires dociles de virées viriles. Mais ça, c’était avant. Avant qu’elles n’enfilent le cuir pour elles-mêmes. Avant qu’elles ne passent le permis pour piloter, pas pour te suivre. Et aujourd’hui, faut bien l’admettre : certaines pilotent mieux que toi. Deal with it.

La passagère fantôme devenue pilote

Je me souviens de cette époque où une femme sur une bécane, c’était soit un ovni, soit une pub. Un truc à montrer, pas à écouter. Une belle plante sur un gros cube, pour attirer l’œil, mais sûrement pas pour prendre l’aspiration. À l’époque, on parlait de "motarde" comme on parle de "femme pompier" ou "femme chirurgien", avec cette petite hésitation dans la voix, ce ton condescendant, comme si le mot ne collait pas avec la fonction.

Mais les temps ont changé. Aujourd’hui, elles sont là. Partout. Sur des trails de 250 kilos, sur des sportives qui hurlent, sur des customs qui vibrent grave. Et surtout : elles ne demandent plus la permission.

Le garage comme terrain conquis

Tu veux la preuve que les mentalités évoluent ? Va faire un tour sur les forums, dans les concentres, ou même à la sortie du permis moto. Le garage n’est plus un territoire exclusivement masculin. Elles règlent leur chaîne, elles changent leurs plaquettes, elles parlent couple moteur et débattent de cartographies comme toi tu compares le goût des bières.

Et si ça dérange encore quelques barbus au fond des paddocks, tant pis. Parce qu’elles n’ont plus besoin de validation, juste d’un bon grip et d’un coin de bitume. La mécanique, c’est pas une affaire de chromosomes, c’est une affaire de passion. Et de mains dans le cambouis.

Une histoire de rattrapage, pas de mode

Certains te diront que c’est la mode, que c’est Instagram, les influenceuses en cuir rose et les selfies casque sur l’épaule. C’est se tromper de combat. Ce n’est pas une tendance. C’est un rattrapage. Un retour logique des choses.

Longtemps, on les a tenues à l’écart. Pas d’argent pour le permis, pas de modèle familial, pas de place dans les récits motards. Et puis doucement, elles ont gratté les verrous. D’abord comme passagères récalcitrantes, ensuite comme pilotes hésitantes et aujourd’hui comme rideuses affirmées. Elles roulent parce qu’elles aiment ça. Pas pour suivre leur mec. Pas pour faire joli. Juste pour elles. Et c’est là que ça devient beau.

Pilotage fin, regard neuf

Et entre nous, elles roulent souvent mieux. Moins dans la surenchère, plus dans la finesse. Moins dans le virilisme de cour de récré, plus dans l’écoute de la machine. Elles anticipent, lisent la route comme un roman. Et surtout : elles respectent. Pas pour faire les malignes, mais parce qu’elles ont appris à force de devoir prouver.

On dit parfois qu’elles roulent "propre". Moi je dis qu’elles roulent vrai. Sans besoin de compenser quoi que ce soit. Juste avec la joie simple d’être là, sur une moto, à égalité. Et cette égalité-là, elle fait pas de bruit. Elle s’impose naturellement. Comme un virage bien négocié.

Réapprendre à partager la route… et le regard

Alors, messieurs les vieux de la vieille (et j’en fais partie), il est peut-être temps de réviser notre logiciel. De cesser de voir la motarde comme une exception, une mascotte ou une curiosité. C’est une motarde, point. Comme toi, comme moi.

Et si ça bouscule nos repères ? Tant mieux. Parce que ça nous oblige à rouvrir les yeux. À questionner nos automatismes. Et, accessoirement, à remettre un peu de modestie dans nos trajectoires.

En selle, toutes et tous

On dit souvent que la moto est un espace de liberté. Encore faut-il que tout le monde puisse y accéder à parts égales. Les femmes à moto, ce n’est pas une révolution. C’est une évolution. Une reconquête. Et comme toutes les bonnes routes, elle ne se trace pas en ligne droite. Elle prend des virages, parfois serrés. Mais elle avance.

Alors à toi, l’ancien qui regarde d’un œil torve une nana sur une MT-07 : descend un peu de ta certitude. Et regarde-la passer. Elle ne t’attend pas. Elle trace sa route. Et peut-être, un jour, ce sera toi qui essayeras de la suivre.

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