Chroniques : Rodéos à moto
Liberté volée ou imposture à plein gaz ?
Je ne sais pas vous, mais il y a des soirs où, en entendant au loin ce vrombissement rauque qui lacère le silence, je lève un sourcil… Pas parce que je suis dérangé — après tout, on n'est pas motard pour faire vœu de silence monacal —, mais parce que je me demande ce qu'on est en train de foutre, collectivement, avec notre passion commune.
Rodéos urbains, courses sauvages en rase campagne, acrobaties sans casques ni cervelle : la moto, cet art du voyage et de la maîtrise, est-elle devenue l'étendard de tous les excès imbéciles ?
Allons boire un verre, j'ai deux-trois choses à dire là-dessus.

Quand la passion devient provocation
À mon époque — ce fameux "c'était mieux avant" que j'essaie de ne pas brandir trop souvent —, on grattait nos permis 125 sur de vieilles XT rincées, on bricolait des mobylettes pourries avec trois francs six sous et notre rodéo à nous, c'était trois wheelings foireux sur le chemin de terre derrière le lotissement. Pas de réseaux sociaux pour "flexer" ; au mieux, une anecdote exagérée au bar du coin.
Aujourd'hui, les choses ont changé de braquet. Le rodéo, c’est devenu un sport de démonstration, un code social autant qu'une provocation. À Paname, à Marseille, à Trifouilly-les-Oies, on voit des bandes sur des cross non homologuées, des scooters boostés comme des dragsters, tirer des stunts plus ou moins contrôlés entre deux feux rouges.
Certains parlent de "reconquête de l'espace public", d'autres de "jeu d'ados prolongé par la misère sociale". Moi, je vois surtout une fracture qui s’élargit entre notre culture motarde et ce chaos mal déguisé en rébellion.
De la transgression rituelle à la provocation stérile
Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : la moto a toujours été un pied de nez aux bien-pensants. Rouler, c'est braver les conventions, défier la météo, s'exposer aux risques. C’est écrire sa liberté à chaque virage.
Mais voilà : la transgression, pour être belle, demande un certain art. Comme Steve McQueen sautant une clôture dans La Grande Évasion. Comme Joey Dunlop avalant le TT de l’île de Man sous la pluie, en faisant corps avec sa bécane.
Pas besoin de cramer des pneus au feu rouge pour prouver qu’on est libre. Pas besoin de risquer la vie d’une grand-mère qui traverse au marché pour jouer au héros de quartier.
Le rodéo sauvage n'a rien à voir avec l'ivresse motarde. C’est une grimace, pas un sourire. Une imitation, pas un cri du cœur.
Quand le marteau remplace la clé de 12
À force de confondre liberté et foutoir, les autorités ont sorti l'artillerie lourde. Contrôles, saisies, amendes... Sans parler de ces envolées législatives où, pour éradiquer trois délinquants, on alourdit la vie de tous les motards.
À croire que dans l'esprit de certains, un motard est d'office un sauvage en puissance.
Le pire, c’est que cette stratégie a l'efficacité d’un pot de détente percé : plus on serre la vis, plus ça fuit. Plus on interdit, plus ça déborde et plus on flique, plus la défiance monte.
Rappelez-vous ce qu’il s’est passé dans les années 80 avec les mobs : on a bridé, contrôlé, interdit... Résultat ? Les gamins ont planqué leurs mobs, ont bidouillé pire et les forces de l’ordre ont passé leur temps à jouer au chat et à la souris. Aujourd'hui, l’histoire bégaie.
À quand une vraie approche ? À quand des circuits accessibles, des zones libres, des écoles de stunt, des espaces encadrés où la fougue pourrait devenir maîtrise ?
Le rodéo, ce rêve de gosse mal exécuté
Soyons honnêtes : qui n’a jamais, un jour, rêvé de lever la roue avant devant ses potes ? D’enchaîner les stoppies comme un pro du stunt US ?
Le problème n’est pas dans l’envie de se dépasser. Il est dans l’absence de sens. Faire le mariole devant un bus scolaire ou au milieu d’un rond-point n’a jamais fait grandir personne.
Il existe des pilotes de stunt incroyables — Chris Pfeiffer, si tu nous entends de là-haut, chapeau bas — qui ont montré que la moto pouvait être à la fois folie et discipline, art et bravoure.
Le rodéo sauvage, lui, n’enseigne rien. Il bouffe le respect sans rien construire derrière. C’est du fast-moto : vite consommé, vite détesté.
Peut-on réconcilier la moto et la rue ?
Je veux y croire.
Je veux croire qu’il reste encore, au fond de tous ces jeunes sur leurs cross pétaradantes, la même étincelle qui m'animait à 16 ans. Ce besoin viscéral de liberté, d’expression, de vitesse brute.
Mais cette étincelle, si elle n’est pas guidée, finit en incendie inutile.
Alors, à nous de montrer que la moto, ce n'est pas juste du bruit et de la fureur. C’est un monde de maîtrise, de partage, de respect du danger. C’est l’école de l’humilité, pas celle du cirque.
Parce que la liberté, la vraie, commence quand on sait la tenir à une main... et garder l’autre sur le guidon.
Commentaires
Ce n’est pas parce que les rodéos urbains se font essentiellement sur des 2 roues que je me sens concerné par ce type de délit plus que par d’autres types de délits ou de crimes. Mon goût et ma pratique de la moto n’ont pas plus de rapport avec les rodéos urbains qu’avec le trafic de drogue.
06-05-2025 08:32Bref, les rodéos urbains c’est mal, le stunt (encadré, hors circulation) c’est bien. Oui certes, mais il ne faut pas généraliser en écrivant “soyons honnêtes : qui n’a jamais, un jour, rêvé de lever la roue avant devant ses potes ? D’enchaîner les stoppies comme un pro du stunt US ?”. Moi ! Je n’apprécie pas du tout le stunt, ni n’admire particulièrement ses habiles pratiquants. Ce n’est pas par jalousie parce que je suis totalement incapable de faire des wheelings, stoppies et slides. C’est juste que je trouve ça vain.
Amen!
06-05-2025 08:45Et je déplore aussi que ces jeunes , en bande ou non , soient qualifiés de "motards" par les médias , ternissant ainsi l'ensemble des pratiquants ....
06-05-2025 08:56Ce qui rassemble ces groupes c'est pas la moto, c'est la transgression. La moto c'est l'accessoire choisi pour foutre le bordel non plus dans un quartier (ça c'est toléré depuis des années) mais partout, à la campagne maintenant, pour montrer que la loi n'a aucun impact. Ils se filment d'ailleurs pour montrer qu'ils ont le pouvoir de faire ce qu'ils veulent quand ils le veulent. Rien à voir avec la moto et avec une quelconque contre culture de la jeunesse. Une culture du crime organisé plutôt. La mode est à l'impunité, à l'outrance et au rapport de force. Çà se retrouve même dans le système électoral. Le Président des USA en a fait un mode de gouvernance et il fait des émules un peu partout.
06-05-2025 09:09La moto est surtout un moyen facile et pratique pour échapper aux éventuelles interventions policières, quitte à prendre tous les risques pour eux et pour les autres. Et si la machine est interceptée ou détruite, ils en voleront une autre. C'est si facile.
06-05-2025 09:20Faire le lien entre ça et là pratique de la moto est erroné. L'idée c'est juste de foutre le bordel et de montrer son impunité (voir le dernier épisode avec le mec qui est limite surpris de prendre une balle).
06-05-2025 10:33Donc pour le coup chronique à côté de la plaque voire délétère à mon sens
Ne mélangeons pas les torchons et les serviettes. Je n'ai rien à voir avec les branleurs qui font du rodéo à qui je n'attribu pas le qualificatif de motards.
06-05-2025 11:25Perso, je n'ai jamais rêvé de faire chier les gens sur ma roue arrière. Quand j'étais ado avec mon 50 yamaha DT, c'était pour me balader dans les chemins de l'arrière pays monptellierain et pas autre chose.
Bonjour,
06-05-2025 11:47Cette chronique transpire le "c'était mieux avant" quoi que tu puisses écrire pour faire bon genre.
Déjà tu octroies la passion quasiment à une génération, celle d'avant.
D'avant quoi je ne sais pas, mais celle d'avant.
Dans les années 80, le loisir c'était deux trois wheeling foireux derrière le lotissement du coin avec un tréteau bricolé à la oneagain ?
Et bien dans les années 80 tu emmerdais ceux qui habitaient ce lotissement exactement de la même manière qu'aujourd'hui.
Tu faisais autant de bruit et les habitants avaient la même facultée auditive que maintenant.
Un 103 avec trois billes/deux étoiles doté d'un pot de détente flûte n'était pas plus mélodieux que n'importe quelle scooter ou 50 cc à boîte actuel.
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Les runs sur route ouverte avec n'importe quel type de véhicule ne datent pas d'internet et encore moins de la mode crasse médiatique de notre époque, c'est juste que les téléphones avec caméra ou les go-pro n'existaient pas.
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Les rassemblements de mobylettes devant le collège ou le lycée de la commune (généralement le samedi), avec des loustics demontrants leurs aptitudes au pilotage extrême, pareil.
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Pourquoi remonter à Joey Dunlop ?
C'est la même chose avec Michaël Dunlop, c'est même mieux.
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Des fois, c'est pénible les vieux, c'est même de plus en plus pénible génération après génération.
J'ai même l'impression que les vieux d'aujourd'hui sont de plus en plus jeune, la tranche autour de 50/60 ans tient bien fermement la corde pour s'assurer la première place sur le podium.
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Depuis quelques temps ici,
On se croirais sur BFMCNEWS ou dans un énième reportage sur les interventions des archers du roy d'une chaîne de la TNT.
Bonne journée
"Entendez-vous dans nos campagnes rugir ces bruyants échappements qui viennent jusque dans nos nuits écourter nos rêves et le sommeil...." une chronique que partagent d'autres motards, à travers le monde, ou un "phénomène expressif" qui reste malgré tout contenu là où ces gens se sentent en sécurité dans un territoire bien peu partagé ?
06-05-2025 12:02Se promener avec une "kalash" ne fait pas de vous un chasseur, quoique....tout peut être amalgamer.
Alf me paraît bien énervé ce matin...
06-05-2025 12:23Mieux avant ou pas ?
Je ne saurais pas dire.
C'était différent en tout cas.
Oui, nous avons fait du bruit.
Oui, nous avons été branleurs.
Mais, pour autant qu'il m'en souvienne, nous n'étions pas dans la violence comme actuellement.
Nous ne mettions pas la panique au sein de la populace comme c'est le cas de nos jours.
Le respect,et aussi la trouille, des forces de police ou gendarmerie, nous avions malgré tout.
Et surtout la grosse baffe dans la gueule qu'on prenait en rentrant à la maison alors que la connerie avait été poussée un peu trop loin.
Et aujourd'hui, c'est comment tout ça ?