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Essai Suzuki GSX-R 750

Suzuki GSX-R 750 de trois/quartEssais motards : Antoine

Essai GSXR 750 ou plutôt : Ode au GSXR 750

Que les propos qui suivent soient pondérés par ma faible expérience de la moto (27.000 km et 3 machines possédées).

Il est de ces machines mythiques qu'on n'a plus besoin de présenter, même après des années d'existence. Mais venant de la planète des roadsters, je pense qu'un léger rappel du contexte s'impose. On aborde ici un registre dont l'esprit est radicalement opposé à celui des roadsters : il s'agit du concept même de machine de course descendue dans la rue et accessible à tous (enfin presque) : la Race Replica. Et autant dire qu'en la regardant, ou mieux, en s'installant à son guidon, on comprend tout de suite le sens de cette appellation.

Décorée comme un panneau publicitaire ambulant, elle affiche clairement et fièrement le nom de son géniteur, Suzuki, ainsi que son pédigrée, GSX-R. Manquent juste les autocollants des sponsors, genre Castrol, Michelin, etc. Dans la version bleu/blanc - celle fidèle à ses origines - on déplorera la couleur orange flashy du sigle R, ainsi que de la cylindrée sur la coque de selle. Le rouge plus affirmé de la version 2000 était sur ce point un peu plus sérieux, et donnait plus de personnalité à la face avant. Pour l'avoir vécu, je vous garantis que cet engin attire le regard de plus d'un passant ou automobiliste. Toute prétention mise à part, on a un peu l'impression d'accéder à un monde d'exception.

Suzuki GSX-R 750

Une autre chose saute aux yeux : le design du carénage, magnifique (pardon pour le manque de subjectivité) et suffisamment agressif sans être exagéré, laisse augurer d'une aérodynamique bien étudiée. Cela se ressentira en effet bénéfiquement à haute vitesse. Et quel regard, avec ces prises d'air forcé prêtes à gober n'importe quel insecte et ce phare triangulaire qui intimide les retardataires de la file de gauche... En revanche, il est dommage que le feu de croisement ne s'allume pas des 2 côtés comme sur la R1. Ca fait un peu borgne (à moins de rouler en plains phares). Les clignotants, quant à eux, sont bien visibles, mais très exposés aux petits chocs de la circulation urbaine :-(

La position énonce clairement la couleur : cet engin est définitivement taillé pour la course (quoique vous le verrez plus tard, il cache bien ses autres qualités). Une fois en appui sur les bracelets placés bien bas sous le té de fourche, si vous n'avez pas le dos cassé au bout de 20 km, vous êtes réellement faits l'un pour l'autre. Par contre, pour l'attaque pure et dure, il n'y a pas mieux. La selle haut perchée et assez ferme offre une assise correcte, et se caler dans le fond contre le dosseret permet de vraiment bien sentir la machine et de faire corps avec elle, pour peu qu’on ait fait quelques séances d’assouplissement auparavant).

Résultat : on n'a pas les genoux dans le menton, mais pas loin, et le réservoir large (cadre périmétrique et 4-en-ligne transversal obligent) a tôt fait de vous donner l'allure d'un cow-boy une fois descendu de votre monture. On bénit les instants où il faut saluer ses homologues en 2-roues ou remercier les automobilistes bienveillants de la main ou du pied ! La bulle (ah bon ? il y a une bulle ?) vous protège correctement le bas-ventre, sans plus, et rouler au-dessus de 160 km/h réclame des dons de contorsionniste pour pouvoir planquer sa visière derrière le petit morceau de plexiglas, sous peine d'avoir les cervicales rectifiées vite fait, bien fait. On se demande en effet si les japonais ne se basent pas sur leurs propres caractéristiques de taille lorsqu'ils conçoivent leurs machines ;-)

Par contre, on les félicitera sur la qualité de fabrication, qui même si elle fait la part belle au plastique (du moins en ce qui concerne l’habillage, poids contenu oblige), réussit le tour de force de faire pâlir d’envie les autres marques nippones. Le tableau de bord, minimaliste, est suffisamment lisible et donne en un coup d’œil toutes les informations utiles (même l’heure y figure). Cela permet entre autres de laisser chauffer tranquillement la machine jusqu’à une température de 60°C grâce à l’enrichisseur.

Parallèlement, on pourra dire que pour exploiter au mieux l'engin, une tenue de pilote s'impose d'elle-même : pantalon cuir (glissades garanties en jean - quoique plus simple pour déhancher), gants fins permettant de bien sentir les commandes douces à l'utilisation, et casque intégral (modulable totalement proscrit).

Attention : il conviendra de modérer les impressions relatées dans les paragraphes suivants en raison de l'utilisation en full power de l'engin (140 ch).

Une fois acceptées les règles du jeu imposées par la machine, c'est l'extase totale : coupleux dès le ralenti (on voit la différence par rapport à un 600 avec 25% de cylindrée en plus, même avec un passager), le bloc se réveille passés les 4500 tours, pour augmenter encore la dose à 6500. Jusqu'ici, le bruit rauque de la boîte à air fait comprendre que l'on compose avec une réelle mécanique de course. Il suffit d'entendre la distribution tourner rond comme une horloge aux alentours de 5000 tours pour se douter du potentiel caché plus haut. Allons-y, la mécanique en redemande !

On tire un peu les rapports : à 8000 tours, le "doux" bruit se transforme en résonance métallique, pour rugir ensuite tel un cuivre jusqu'à la zone rouge, avec un coup de boost significatif vers les 10000 tours. Y'a pas à dire, ça pousse réellement fort, sans jamais être violent, et on a vraiment l'impression que la plage d'utilisation est sans limites (atteindre le rupteur en 2nde est chose facile si on ne surveille pas le compte-tours). Le point fort de cette mécanique, c'est sa très grande polyvalence : on peut conduire en bas du compte-tours sur le couple, ou jouer de la boîte pour rester toujours au-dessus de 10000 tours, gage de reprises fulgurantes, ou encore rester longtemps sur le même rapport et profiter des envolées sans limites du 4-pattes. Il faut noter aussi que l'étagement très long de la boîte facilite ce genre d'exercice, ce qui, malgré tout, représente un inconvénient : une dent de moins au pignon de sortie de boîte donnerait un peu plus de gouache au bloc. En effet, la première nous emmène déjà à 130 km/h, pour des rapports supérieurs pas si rapprochés que ça (on passe la 6ème à 280 km/h). Cela dit, il est vrai que ce bloc n'a pas le caractère d'un bi- ou trois-cylindres, beaucoup plus coupleux en bas, mais quel régal à l'utilisation et pour les oreilles ! Pour mélomanes avertis, assurément...

En 100 ch, le tempérament moteur s'aseptise totalement passés 8000 tours : on ne peut plus linéaire ! Cela dit, la puissance présente est déjà amplement suffisante pour écourter prématurément la durée de vie de son permis...

La boîte, quant à elle, réussit à se faire oublier, mais des déverrouillages intempestifs sont à déplorer en cas de forte sollicitation du moteur. Il conviendra de veiller à bien verrouiller les rapports, surtout en 1ère et 2nde. Quelle sécurité quand même de pouvoir monter les rapports sur l'angle sans se battre avec le sélecteur. Encore une fois, douceur et précision sont au rendez-vous. Merci Monsieur Suzuki !

Et le châssis, comment encaisse-t-il tout cela ? Fort bien ma foi, avec un tel sentiment de sécurité qu'on prend un malin plaisir à emmener la moto sur l'angle et à remettre les gaz en courbe sans appréhension. Les pneus y sont pour beaucoup et s'acquittent très bien de leur tâche, d'autant qu'ils montent assez vite en température. Par contre, au niveau longévité, rien à voir avec du Macadam 90 sur un Bandit 1200 : ici, l'absence de compromis entre grip et longévité prend tout son sens. Je n'ose imaginer avec des Pilot Race ou du Dunlop D207 RR...

Les suspensions en béton sont là pour rappeler la vocation première de la bête - à savoir la piste et son bitume lisse comme un billard - mais la précision qui en découle rassure dans toutes les situations : on peut corriger à loisir les trajectoires en courbe, faire de savants et agiles évitements, même à haute vitesse, ainsi que prendre les freins sur l'angle (délicatement quand même, ceux-ci redressant sensiblement la moto) : rien ne lui fait peur. Cela dit, les réglages d'origine sont satisfaisants (mis à part la précharge qu'il conviendra de durcir un poil, tant la fourche s'enfonce au moindre freinage), et mettent en avant le confort qui confère tant de polyvalence à la moto.

Côté freinage, on retrouve la constante Suzuki : pas de mordant pour un sou. Cela déconcerte un peu lors de freinages appuyés où il ne faut pas hésiter à tirer fort le levier à soi, et le feeling spongieux à l'attaque ne rassure pas toujours. Heureusement, la puissance est bien là, et le dosage aisé : merci au poids ridicule et gaffe aussi aux roues avant ! Le frein arrière, quant à lui, est d'une progressivité et d'un toucher fort appréciable : on peut ainsi corriger son allure en courbe à loisir, ou encore bloquer la roue arrière sur demande.

Autant de qualités, indispensables sur piste, qui en font une machine très sécurisante au quotidien (coffre moteur, freinage, maniabilité, quoique le rayon de braquage soit ridicule par rapport au Bandit). On appréciera également les détails pratiques qui n'ont pas été oubliés : un coffre de contenance tout à fait correcte (on y loge sans problème un petit U, un pantalon de pluie et un bloc-disque) ainsi que des crochets d'arrimage sous la coque de selle, cette dernière étant relativement peu exposée aux rayures éventuelles d'une araignée.

Le passager, devra par contre se contenter d'une sangle de maintien totalement inaccessible, donc inutile. Seule position autorisée : une main à la taille du pilote, l'autre sur le réservoir. Mais il se consolera de cet inconvénient ainsi que de la forte pression aérodynamique par un confort de selle plus qu'acceptable, dixit mes différents passagers, à mon plus grand étonnement.

On clôturera le débat sur un détail qui fâche : les rétroviseurs, totalement inefficaces, même une fois bien réglés. Si on veut admirer ses coudes, c'est pile-poil, sinon, mieux vaut les rabattre, car je doute que leur design douteux participe à l'aérodynamique de l'engin... Cela permettra en outre de mieux se faufiler dans la jungle urbaine, point sur lequel notre monture n'a rien à envier à un scooter (si ce ne sont les clignos décriés plus haut). De toute façon, diront les ingénieurs de chez Suzuki, à quoi servent les rétros sur un circuit ou quand on balaye la voie de gauche ?

Bref, on goûte ici à un engin pétri de qualités : facilité de conduite, vrai moteur, châssis surdimensionné au vu des contraintes encaissées, réelle polyvalence (de la ballade pépère au circuit en passant par la ville). Y'a pas à dire, on en prend plein les oreilles et les biceps. Une moto d'exception, pas très loin du summum de la production de série actuelle, et au tarif contenu vu ses prestations. Reste un entretien onéreux (consommation d’essence + consommables). Mais bon, comme dit le dicton : "Quand on aime...

Un essai réalisé par Antoine Boyaud