english

Essai Suzuki M1800R

L’intrus asiatique chez les Power Cruisers

Plutôt renommé pour ses machines sportives et ses roadsters, Suzuki propose également des modèles customs depuis bien des années. Ainsi, la VS750 apparaît dès 1986, motorisée par un bicylindre, vite suivi d’une version 1400 cm3, au moteur refroidi par eau et équipé de 3 soupapes par cylindres. Viendra ensuite la 800 Marauder, disparue du catalogue en 2001 pour cause de norme anti-pollution. Le constructeur japonais donne alors naissance, sur la même base, aux C800 et M800. Et pour se doter d’une égérie sur le segment, la démesure prend forme ensuite avec le M1500 puis en 2006 sous les traits d’un show bike descendu sur le bitume : l’Intruder M 1800 R...

Suzuki M1800R

Découverte

Longue (2480 mm), racée, presque sportive, l’Intruder met en avant sa plastique élégante faite de pleins et déliés dynamiques. Imposante est tout de même le qualificatif qui lui sied le mieux. Et pas seulement en volume. L’esthétique est tout aussi impressionnante. Sculpture mécanique de chrome et d’acier, notre cruiser d’essai pare sa livré bleue d’une bande blanche, surlignée de liserés, pour un look plus sportif. Remarquablement fluides, les lignes de l’Intruder font la part belle aux courbes forcément généreuses, des flancs à la croupe. Elles empruntent également leurs codes à d’autres secteurs. Si la firme de Milwaukee est clairement évoquée, la Suz’ s’inspire également d’éléments automobiles. Les belles américaines de la fin des années 50, opulentes, ont nettement influé sur le design de ce Drag Bike teinté de streamline. Malgré tout, la japonaise ne parait pas massive en conservant une certaine étroitesse, comme en témoigne les épaulements discrets du long radiateur.

Suzuki M1800R

Optimisant son CX, la japonaise couvre son phare plongeant d’une longue casquette faisant office de déflecteur de vent et intégrant une partie des instruments de bord. L’optique au dessin typé surplombe la roue avant, projetée loin devant par une massive fourche inversée de 43 mm. Son angle de chasse marquée (31,15°...) est d’autant amplifié visuellement par les immenses et massifs pontets de guidon en aluminium. Ceux-ci domine un large réservoir, type goutte d’eau, aplatis sur le dessus. Agrémenté d’une platine recevant une partie des instruments de bord, le large bidon plonge vers une assise monoplace tout aussi joviale. Le capot de selle passager coiffe dynamiquement une boucle arrière tronquée. Celle-ci supporte un superbe feu à leds au dessin néo-rétro et des pare-flancs chromés.

Feu arrière Suzuki M1800R

L’ensemble repose sur le majestueux bloc en V à 54°, de 1.800 cm3. Culasses, carters de bas moteur, filtres à air proéminents... tout est couvert du même revêtement rutilant. Cependant, le matériau de support diffère parfois : en fait de métal, on découvre quelques éléments plastiques. Superbement mis en avant, ce bicylindre expose ses carters noirs finement découpés par les lignes de ses ailettes. Chacun contient un piston de 112 mm de diamètre, spécificité que seule égale l’ultra-sportive Ducati Panigale. Cependant, cruiser oblige, la course est bien plus longue : 90,5 mm. Mais ici, point de moteur culbuté. Si son architecture renvoieà l’autre coté du Pacifique, la belle du soleil levant embarque une motorisation aussi moderne que celle d’une certaine Harley V-Rod. Ainsi, le double cylindre est refroidi par eau. Deux arbres à cames en tête attaquent 4 soupapes par cylindre. Enfin allumage et injection électronique sont doublés en bougies et papillons. Le monstre d’Hamamatsu ne fait pas dans la demi-mesure et développe ainsi 127 chevaux à 6.000 tr/min sur les routes libres.

Double échappements Suzuki M1800R

Pour capturer son souffle, deux massives tubulures de collecteurs, gainées elles aussi de chromes, se lovent côté droit, tel le serpent d’éden. Un délicat mouvement de séduction avant se projete dans d’interminables silencieux aux extrémités biseautées. Ces longues flûtes masquent un peu la massive jante arrière semi-pleine en aluminium, gainée d’une enveloppe de 240 mm de large... Il faut en effet lui transmettre sans faiblir le couple titanesque de 16 mkg (15,7 daN.m) à 3.500 tr/min par le biais d’arbre et cardan. Raison suffisante pour surdimensionner le pneumatique.
Les étriers de freins devront suivre la cadence pour stopper les 347 kilos tout plein fait de l’engin. On retrouve donc, à l’avant, deux éléments radiaux à quatre pistons mordant des disques de 300 mm. Un système double piston se charge lui des 275 mm du ralentisseur opposé. L’amortissement semble moins bien loti. Dénuée de réglage, la respectable fourche s’accorde avec un mono-amortisseur, réglable uniquement en précharge. Ce dernier est totalement caché par l’habillage soigné de la Suzuki. Les détails sont effectivement léchés, l’hyper custom faisant sien les codes esthétique du segment : barillet de contacteur sous la selle, verrouillage de direction déporté sur le té inférieur et colonne de direction gainée avec bavette anti-projection. On retrouve également de massives platines de repose-pieds fixées sur l’avant du berceau. Globalement une réussite visuelle.

Détail Suzuki M1800R

En selle

On descend sur l’intrus nippon. Remarquablement confortable et vaste, l’assise n’est, en effet, qu’à 705 mm du sol. Face à vous, deux blocs d’instruments : l’un, tout numérique et étriqué, est repoussé dans la casquette du phare. S’y regroupent compte-tours et indicateur de rapport engagé. L’autre prend place dans la vaste platine brillante ornant le bidon de 19,5 litres. Autour du bouchon de réservoir dénué de charnière sont disposés deux petites fenêtres LCD et tachymètre analogique. Le choix de sa sérigraphie est un peu navrant tant le rendu est banal. De surcroît, sa lisibilité est moyenne, tout comme celle des indicateurs à cristaux liquides. Jauge d’essence à gauche, odomètre et deux partiels à droite... Quitte à s’inspirer du traditionnel positionnement sur le réservoir, on aurait apprécié une instrumentation faisant d’avantage appel aux aiguilles.

Compteurs Suzuki M1800R

Pas de place sous la selle, ce qui est dommage vu les dimensions de la japonaise. En revanche, on découvre un système d’accroche de casque fermant à clef. Un passager pourra accompagner votre virée, au prix de deux sacrifice majeurs : porter atteinte à la fabuleuse ligne de la boucle arrière en y plaçant la selle et laisser l’accompagnant s’agripper à votre cuir. Un démarrage un peu brusque résoudra, dans l’ordre inverse, ces deux dilemmes...
Il faut tendre un peu les bras pour atteindre le large cintre plat barrant les immenses pontets de guidon. L’ergonomie des commandes est étudiée tant par la qualité perçue que la taille supérieure des éléments. Molette de clignotant et leviers épais, bocal de frein métallique... tout est à l’image de la machine : hors norme.

Béquille latérale Suzuki M1800R

Les jambes s’écartent et s’allongent elles aussi pour poser les pieds sur le support leur étant dévolu. L’ambiance est complète : on cruise déjà, même à l’arrêt. Ne reste alors qu’à attraper la longue béquille et la rejeter nonchalamment sur le côté. Les masses placées extrêmement bas rendent la machine remarquablement équilibrée. A l’arrêt, ses plus de trois quintaux demanderont un minimum de respect, surtout pour le physique de son pilote.

Vue arrière de la Suzuki M1800R

En ville

L’ample V2 s’anime presque timidement mais, dès la rotation de la poignée des gazs, quitte son ralenti, vrombissant en toute virilité. On ne peut résister à l’envie de faire vibrer l’air et pilonner l’atmosphère du rythme profond d’un coeur de deux fois 900 cm3. D’autant que le double «silencieux» transcrit fidèlement sa voix de baryton. Une véritable symphonie mécanique se dégage des vastes entrailles de l’Intruder. Et au point mort, on perçoit nettement sa respiration syncopée de Léviathan, aspirant l’air à grandes goulées et donnant l’impression de chevaucher une antique locomotive.
Le power cruiser s’élance en force avec déjà quelques vibrations sympathiques. La boite, un peu dure, demande des ordres précis, notamment lors du passage en seconde. Son étagement long, corollaire de ses cinq rapports, permet toutefois d’évoluer en quatrième sur les boulevards, à moins de 1.500 révolutions/minutes tant le bicylindre s’avère souple. Reste à s’habituer à une position peu habituelle. De même, ses dimensions et un diamètre de braquage conséquent cantonneront les velléités de demi-tour aux larges avenues. Et gare aux échappements brûlants dont les collecteurs peuvent chauffer les jambes en appuis sur la chaussée.

Suzuki M1800R en ville

Aux commandes du Transpacifique, dans un bruit de diesel marin, le premier changement de direction s’apprécie avec circonspection. Frottera, frottera pas ? Les rond-points serrés peuvent surprendre. L’interfile aussi, la plantureuse japonaise arrivant finalement à se faufiler dans les espaces, certes pas trop réduits pour y laisser passer le large guidon. De quoi laisser à votre environnement tout le loisir de vous admirer.
Car ce qui freine le plus la progression de l’Intruder reste son look. Un véritable aspirateur à... miRettes. Du pouce levé aux compliments, de la prise en photo à l’interview au feu... la star c’est vous. Grâce à elle. Faites comme les célébrités, prenez le large.

Suzuki M1800R sur départementale

Autoroute et voies rapides

Accrochez-vous fermement aux commandes et remplissez le litre huit cent japonais de mélange détonant. Les bras s’allongent, le dos s’arrondit... bienvenue sur la planète Drag Bike. La position de pilotage particulière augmente encore l’impression de force que dégage la motorisation bodybuildée. Ainsi, capable d’un bon 220 km/h en pointe, l’Intruder fait vite rendre la main. La prise au vent est importante, obligeant même à tendre les jambes pour que les pieds ne décollent pas des caoutchoucs. Revenu aux 130 km/h réglementaires, le gros V2 ronronne à 3.500 tours sur le dernier rapport. Pile le régime de satellisation pour qui veut tordre la poignée droite. Un plaisir à renouveler dès que l’envie s’en fait sentir et que les voies rapides le permettent. Le bloc propulse alors l’équipage sans mollir, ne réduisant sa poussée que sur les 1.000 derniers tours... en France. Cocorifuck !

Suzuki M1800R sur autoroute

Aux allures légales, on croise au rythme des deux grosses gamelles et de vibrations amples mais pas désagréables. A la longue, c’est bien plus le dos arqué qui fatiguera le pilote sur l’ennuyeux ruban payant. Donc, le changement, c’est maintenant.

Départementales

Terrain de prédilection de cette machine dédiée au cruising, le custom d’Hamamatsu file sereinement sur le revêtement parfois inégal du réseau secondaire. Le confort est bon en dépit d’une mollesse certaine des suspensions. Les compressions sèches font alors bondir le pilote sur son épaisse selle. L’amortissement pantouflard ne nuit de toute façon guère à la tenue de route d’un engin n’autorisant que de réduites prises d’angle. Prévoyez un budget tétines de repose-pieds et pneumatique arrière. Ce dernier souffre autant que les ergots métalliques. De fait, une fois assimilé le mode de fonctionnement de l’Intruder et ayant souligné la courbe d’étincelle, on remet du gros gaz à chaque sortie de virage. Plaisir assuré, d’autant que la monte Dunlop D221 se montre à la hauteur, chauffe vite mais s’use de même. Logique.

Suzuki M1800R sur nationales

Avant d’aborder le méandre suivant, prise de frein obligatoire pour les plus optimistes. Le ressenti des étriers avant est un peu spongieux. Il ne faut pas hésiter à tirer à pleine main le levier pour décélérer alors vigoureusement. Manque de mordant mais progressivité certaine pour une conduite souple. Ralentisseur discret, l’arrière requiert le même traitement énergique.

Mieux vaut utiliser le frein moteur et bénéficier à plein de l’agrément mécanique de ce modèle. Le grondement du maxi twin accompagnant ainsi chacune de vos accélérations et décélérations remplit l’espace de sa vie mécanique. LE point fort de l’intrus Japonais reste son monumental coeur de métal. Forge à sensations, 1800 cm3 oeuvrent à votre plaisir. Cette cathédrale aux deux vastes nefs pleines à craquer de couple laisse échapper des coeurs graves et une force quasi mystique. Faites vous l’apôtre des gros cubes, le chantre du Low riding. Affichant également une grande stabilité, l’athlétique sumo vous fait jouer les gros bras sans effort. L’inertie du bloc, eu égard aux dimensions de l’équipage mobile, est mesurée. Les relances sont dynamiques et nécessiteront, sur routes humides, un peu plus de sang froid. D’autant que, sur les premiers rapports, l’injection peut se révéler brutale à la remise des gazs.

Suzuki M1800R en campagne

Partie-cycle

Surdimension générale en adéquation avec sa philosophie et ses performances. L’Intruder n’appelle aucun reproche sur ce point. La tenue de cap est bonne, tout comme la stabilité, quelle que soit la vitesse.

Suzuki M1800R vue de dessus

Freinage

Les étriers radiaux laissent un peu dubitatifs quant à leur mordant. Si les décélérations restent très convaincantes, on aurait souhaité un peu plus d’attaque lors de la prise des leviers. Une fois lancée à bon rythme, la masse importante requiert en effet une mise en oeuvre appuyée des systèmes de freinage pour stopper efficacement l’équipage… la faute en revenant partiellement aux trois quintaux à arrêter.
L’élément arrière parait également un brin timide mais joue son rôle en courbe pour asseoir la machine.

Freins Suzuki M1800R

Confort/Duo

Si la fourche inversée mais basique travaille très correctement et limite les transfert de masse, le ressort est moins brillant. Une plus grande progressivité n’aurait pas nuit au confort sur les chocs importants. L’ensemble travaille efficacement, bien secondé par une assise moelleuse et large.

Consommation

7 litres au 100/km soit 260 km avec le plein. Une performance honorable au regard du poids et de la cylindrée gargantuesque de la japonaise. Une boite à 5 rapports, une conduite privilégiant des régimes moyens et une bonne maîtrise de l’injection expliquent une consommation mesurée.

Suzuki M1800R à l'arrêt

Conclusion

De robe comme de coeur, la Suzuki est cohérente. Opulente, elle l’est autant en esthétique que dans l’agrément qu’elle procure au fil des kilomètres. Le V2 est son atout majeur et seuls quelques éléments d’habillage chagrinent parfois sur cette moto d’exception. Instrumentation peu lisible et platine de réservoir en plastique sont principalement les cibles de regrets.

Cependant, l’élégance légèrement surannée de l’Intruder en fait un objet à part. Son prix également, mais dans une moindre mesure. Tarifée à 14.699 € TTC dans cette version bicolore (14.399 € de base), la Suzuki joue placé face à une prestigieuse concurrence. Ainsi une Harley-Davidson V-Rod Muscle Noir réclame tout de même 18.790 € pour agrémenter votre garage. Quant à la Ducati Diavel, l’entrée de gamme est à 17.290 €. Cette dernière, plus performante et moderne, embarque une électronique de pointe et affiche clairement des ambitions plus sportives. Celles de la japonaise sont ailleurs, dans le charme un peu vintage mais emprunt d’une modernité efficace et sûre, apportant performances et sécurité. Objet d’admiration, elle s’adresse aux motards contemplatifs, adeptes des grosses et belles mécaniques... et un brin exhibitionnistes. Telle une diva indémodable, la rutilante Japonaise joue l’intrusion entre passé et présent. Une partition qu’on connaît bien également Outre Manche. Contre 17.490 €, la massive Triumph Rocket III ABS n’est pas dénuée d’intérêts, son trois cylindres de 2300 cm3 restant lui aussi un monument de sensations. Cependant, plus typé roadster, l’anglaise ne vise pas la même cible. Power cruiser musclé, bardé de chrome, la Suzuki aspire à une autre philosophie : la séduction ostentatoire. Pris dans les méandres de ses formes lascives et de son tempérament musclé, saurez-vous résistez à son emprise charmeuse?

Points forts

  • Caractère et performances
  • Finition moteur

Points faibles

  • Freinage un peu timide
  • Suspension arrière

Concurrentes : Harley Davidson VRod, Kawasaki VN 1700, Moto Guzzi California, Triumph Rocket III

La fiche technique M1800R

Commentaires

BigMarcus

d'habitude, propriétaire d'une M1800R1, j'ai plutôt la dent dure en ce qui concerne les essais de cette machine, mais là j'avoue que tout ce qui est relevé, en positif comme en négatif, me semble correcte!!!!! Je ne sais pas si votre pilote à réalisé d'autre essais sur le site, mais n'hésitez pas à faire appel à lui régulièrement, car il maitrise autant l'esprit que la lettre en matière de moto!!!!! Bravo

22-06-2012 21:53 
MacMax

Je suis du même avis que le commentaire précédent. Rare sont les essais de cette machine qui retranscrivent la réalité. Créateur du Forum www.suzuki-M1800r.com, je peux vous dire que cet article ravis beaucoup de membres, bravo.

22-06-2012 22:26 
waboo

clin d'oeil cool

Merci à vous deux, ca fait plaisir. sourire

D'autres essais? oui, il y en a un certain nombre. J'espère qu'ils remporteront le même succès auprès de vous.

timide

27-06-2012 13:26 
pascal38

brut de decofrage et un vrai plaisir a deux toutefois moto reservee au inities et jeune motard a regarder de loin que du plaisir

05-01-2014 12:38 
 

Connectez-vous pour réagirOu inscrivez-vous