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Histoire de motarde

La balade du permis

Vie de motard(e)s - témoignage... et APPEL DE PHARE...

J'ai osé lui demander. Je passe mon permis le mardi et j'aimerais tant qu'il m'accorde le temps d'une balade. Fiston. Me retrouver aux côtés de fiston pour rouler. Il est bien sûr pris par le temps, je n'ai pas encore réalisé tout ce qu'il pourra m'apprendre, j'ai peur de l'embêter à le ralentir, mébon, je passe le permis le jour de ma fête, je l'aurai, est-ce qu'on peut fêter tout ça le samedi suivant ?

Inutile de prévenir les amis communs que je l'avais réussi, lui ou les 2 inséparables s'en étaient chargés. Au début, un peu frustrée et puis, mais non, ils en sont aussi fiers que toi !
- Ben et nous alors, on peut venir ? demandent les deux inséparables.
- Oh ! Avec plaisir mais vous allez vous faire suer, j'suis vieille, je viens de l'avoir, je ne roulerai pas comme vous, je ne sais pas faire sur route.
- Meunon, arrête tes *onneries, tu l'as bien eu ton permis, alors ? On roulera à ta vitesse, c'est trop chouette.

L'itinéraire.

C'est la première fois que je me penche vraiment sur cette carte marron, avec des routes jaunes bordées de vert.
-Tu verras, celles-là, c'est celles que tu aimeras. Ca me fait bizarre de les entendre parler comme si j'étais rentrée dans le clan des motards, qu'ils pensent que je suis capable de faire tout ça.
- T'inquiète, on s'occupera de toi. Oh ! Je sais, ils sont adorables en toutes les occasions, les copains de mon fils. La décision est prise de faire la Corniche des Cévennes.
- C'est peut-être un peu loin, un peu dur ? J'sais pas faire.
- Pas de problème, si ça ne va pas, on rentre
- Ben, on verra, si elle fatigue, demi-tour.

Me voilà au rendez-vous.
-Ben, m'man, tu t'es pas acheté un pantalon ?
- Si, pourquoi ?
- Pourquoi t'es en jeans ?
- Ben, je ne le mettrai que quand il fera plus froid ou que je ferai une grande balade.
- Ben, tu fais quoi, là ?

Tromp a dit un jour qu'on pouvait se demander ce que j'avais _dans_ la tête. Toujours vu les gamins habillés en cuir, discours AFDM, mais je devais être influencé par le discours "protecteur" du jeans et je sortais de 2 jours de balade passagère en jeans. Les autres sont en jeans, et pourquoi à eux, il ne dit rien ? Se faire en<BEEP> ler dès le début par fiston, j'aime pas trop, mébon, fiston a dit.

Le vrai départ : une CB500, 2 GPZ et la plus belle : l'ER5, toute rouge avec mon fils chef de convoi. J'ai toujours cette image quand je pars avec fiston : il est là, grand, moulé dans son cuir, cambré sur sa moto, je sais qu'il est très fort, qu'il va tout m'apprendre et qu'un jour, il y a 20 ans, je l'ai pris entre mes jambes pour lui faire faire sa première descente à ski et qu'il m'a rapidement doublée :)) Merci fiston de me permettre d'être dépassée ainsi par mon fils et d'être là au guidon.

Dès le début, le ton est tonné, je vais être cocoonnée au maximum par les trois qui sont là pour m'escorter, à m'encourager, me demander cent fois si ça va. Fierté aussi devant cette amie des enfants de longue date qui est descendue pour le week-end et qui me félicite pour mon permis et ma moto.

On n'a pas fait un kilomètre que fiston s'aperçoit qu'il a le pneu crevé.
- Rendez-vous à Anduze, je vous rattrape.

J'ai déjà posté une fois sur mon p'tit mécano, il est toujours là quand on a besoin de lui. On part, pour moi c'est loin, loin, Anduze et mon fils pas là. J'ai confiance en ses copains -l'un est celui qui m'a aidée à sortir l'ER5 du conc, mais ce n'est pas pareil. Grande route, légères courbes, il double devant. Ca m'allait bien comme vitesse, n'avais pas envie de plus, regarde le compteur : 120. Non, mais, ils sont dingues, 4 jours de permis, non, je ne doublerai pas, c'est largement suffisant.
- Ben, pourquoi t'as pas doublé ?
- Attends, faut qu'on s'explique là. J'ai 4 jours de permis, je suis déjà à 120, non, je ne fais pas plus.
- On n'était pas à 120
- Si, j'ai regardé le compteur. Alors, si je vous ralentis, ben, je suis désolée, sais pas faire, j'ai le permis que depuis 4 jours et je compte bien faire de la moto très très longtemps. En plus, on a la balade de la journée, si vous commencez trop fort, je tiendrai pas, moi. J'étais vraiment mal. Pas fiston, ils étaient là car ils étaient aussi fiers que moi que j'aie eu mon permis, la maman de leur copain, c'est sacré mais je savais que je les dérangeais avec ma façon de conduire.

Arrivés à Anduze, vite rejoints par fiston (qui avait dû quand même pas mal envoyer) "Té ! J'ai jamais mis aussi longtemps pour arriver à Anduze !
- Ah ! Fais pas *hier, toi. On en a déjà parlé, on va pas recommencer, hein ?

Long pique-nique sur la place, je suis au bout du monde. J'y étais déjà venue passagère mais là, j'avais fait la route toute seule, à mon guidon, entourée de la p'tite troupe et j'allais m'enfoncer dans les montagnes avec fiston en plus. Là aussi, cocoonnée pour les sandwichs et tout et tout.
L'impression d'avoir le monde entier devant moi, partagée entre cette image de maman à laquelle les enfants font tout découvrir et la maman poule, là, qui promène tous ses enfants qu'elle aime. Au début, fiston mène, je suis rassurée, je sais qu'il roulera juste comme il faut. Il se relayent tout au long de la balade mais ils savent maintenant les limites : "bon, c'est ma mère et c'est sa balade".
Une roue bloquée au rétrogadage. Arggggggh ! Ca fait des peurs comme ça, la moto ? Après une épingle, je double une voiture et vois pour la première fois une voiture en face (du moins, c'est ce que j'ai ressenti). J'avais plus que largement la place mais je ne sais pas pourquoi, me voilà hypnotisée par cette voiture qui descend et je la regarde, la regarde. Au bout d'un moment, j'entends dans ma petite tête ce mot entendu des centaines de fois et qui déjà m'avait aidée avec la 125 : le regard, et voilà, tout bête, arrêter de regarder la voiture. Au début, c'est assez haché, mais je sais que je dois suivre les trajectoires de fiston au centimètre (et j'ai bien appris par l'AFDM même si je n'ai pas assimilé) ou passer devant pour qu'il voit. Par moments, ils partent faire les zouaves devant, fiston lançant le ton en roulant couché sur la moto ou faisant toutes les acrobaties possibles.
Rhoooooooo ! Fiston ? Tu sais faire ça ? Rhooooooooo !
A un moment, arrêt catastrophe sur le côté. Wahouuuuuuu ! T'as vu l'panneau ? * Tain, oui. *tain, virages sur 7 kms, qu'est-ce qu'on va se mettre ! Faut que j'aille le prendre en photo.

Et les voilà qui remontent, qui redescendent avec une banane incroyable, trop heureux d'être là. Moi, j'avais attendu sagement sur le côté, dans ma tactique d'éviter un demi-tour si je peux :)) On y vaaaaa, lancé comme un cri de guerre par les gamins :)) Je sais qu'ils vont se régaler, moi, je suis encore à l'école. Tiens, j'ai oublié de faire ce qu'il m'a dit, appuyer sur les repose-pieds, je n'y pense jamais. A un moment, il me dit que non, c'est pas ça, il ne faut pas tout passer à la même vitesse, mais lui tirer dessus à ma moto, foncer dans le droit, ralentir et refoncer. Mouais.... Cool, un peu, au début, hein ?
A un moment, je roule mieux, ai le temps d'apercevoir les montagnes au fond, j'ai l'impression que c'est moins difficile, que la route est plus large.
- Bien, m'man, t'as bien roulé là, bien mieux qu'au début.
- Tu crois ? Non, les virages étaient moins serrés
- Non, non, ils sont pareils, non, t'as bien roulé.
Maaaah ! Il m'a dit ça, à moi ? Il m'a dit que j'avais bien roulé ? Rhooooooo ! Ben, vous allez voir, les autres, si vous osez une seule critique, fiston a dit que j'avais bien roulé, alors, zavez plus droit à la parole :))

Arrivés à un embranchement, ils hésitent pour l'Aigoual dans les nuages.
- "Euh.... Ca va pas faire un peu beaucoup, là ? Je vais peut-être finir par fatiguer.
- Oui, t'as raison et il ne faudrait pas que cela finisse en galère".

Les voitures redescendaient trempées. On se le refait ? Les femmes posent, papotent pendant qu'on entend les p'tits jeunes à leur mode jouer avec leurs motos. Qu'est-ce qu'ils doivent se régaler, et pi mon fiston, il est toujours devant, toujours le plus fort, sissi :))

Au retour, il emmène sa passagère voir "ce qu'est la vraie moto". Tous plus heureux les uns que les autres, moi, j'étais là à leur arrivée, à vivre leur bonheur sur le moment, moi qui l'avais tant entendu avant.

Le hasard de l'itinéraire a fait que l'on rentrait par cette route que j'aime tant, longue, de grandes courbes où je m'étais dit des dizaines de fois, un jour, je viendrai là et je m'y retrouvais, la plus petite, avec mes enfants autour de moi, la plus heureuse d'avoir conquis ces territoires. Et les enfants, sans le savoir, m'y faisaient passer.

7 ou 8h, je ne me rappelle plus, on quitte le café de St Martin de Londres. Non, j'en peux plus là ! Rentrez à votre mode, je ne risque rien mais je rentre cool.

Voilà, 285 kms. La première balade où, dans les yeux pétillants de mon fils, je n'ai jamais pu lire qui était le plus heureux, ni le plus fier.

V My Dreamy

Vous avez aussi une aventure à raconter ? Ecrivez la moi et je la publierai :-)