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La Chronique de Koud'pied o'Kick

Koud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

La KronikKroniK de mai : Le bizarre petit canard

Pensée du mois: vous savez pourquoi il n'y a pas de Jawa en 34 chevaux en France ? Parce qu'il est interdit de gonfler les moteurs.

Voilà t'y pas que dans ma boîte aux lettre (la vraie, celle en bonne grosse ferraille comme mon PC mais où les mails qu'arrivent dedans sont en papier), on m'invite à essayer de la béhème. Au milieu de tout un tas de machins avec plein de cylindres et de kilos, il y a un bizarre petit canard gris. Un que j'avais encensé puis massacré dans 2 kronik successives. Comme il ne faut jamais rater une occasion de s'instruire, hop, décrochement de bigossonne, et rendez-moi.

Pour pas les prendre en traître, je passe à tout hasard un coup de biniou au service presse de Béhème France pour savoir si ça les ennuyait pas trop que je profite de l'occaze pour me fendre d'un petit essai pour le site. Un type dont j'ai oublié le nom me répond -sans rire- qu'il ne « peut pas [m'] autoriser » à le faire, arguant qu'on sort complètement du cadre d'essais presse normalement organisés. Raison de plus, gars! S'il me fallait un argument de plus pour me filer des coups de pieds aux fesses et filer en banlieue un dimanche matin, il est là.

Au début j'avais un doute. Essayer des bécanes sur circuit, c'est jouer la sûreté côté grip et qualité de suspensions : le revêtement accroche mieux que sur la route et la surface façon billard ferait passer n'importe quelle italienne pour une GoldWing. Je suis rassuré dès que je foule le tarmac: le revêtement est bien attaqué par le gel et la pluie. C'est clair, on n'est pas à Carole.

BMW F650 ScarverComme d'habitude dès que je pose mon hulk sur une bécane de plus de 120 kilos, je commence à trembler. Et pas d'impatience. C'est gros, ce bazar ! Heureusement, moteur arrêté, ça à l'air maniable. Impressionné par le guidon, très agréable malgré son dessin tombant. Sur la piste, une demi-douzaine de fondus passent gaz grand dans la ligne droite. Je ne suis pas persuadé qu'essayer une bécane signifie obligatoirement lui mettre sa mère et jouer à celui qu'expédiera le couvre-culasse le plus loin. J'apprécie pas trop les bousilleurs opportunistes. Enfin... Au moins on n'est pas obligé de se traîner à 90 derrière le chef de file.

C'est à notre tour. Moteur. Ca poume poume tranquillement, les montées en régime à vide n'ont rien d'impressionnant. 1ere: clac. 2e claak, 3e clack. C'est clair, je ne suis pas pote avec la sélection (ou je ne sais pas m'en servir). Moi qui déteste faire du bruit avec les boîtes, et qui suis habitué à celle de Tondeuze dont les rapports passent sans aucun claquement de verrouillage, je suis servi. A sa décharge, celle de Canard a 1.400 bornes. Celle de Tondeuze a dépassé les 45.000.

On commence par une partie sinueuse façon piste de kart, où je constate une fois de plus que je conduis fort mal, les yeux plantés devant la roue avant. Mais je n'ai jamais eu la prétention d'être essayeur. En plus il a flotté ce matin, et la piste est encore semée de tache d'humidité. On a les excuses qu'on peut. J'arrive bon dernier au bout, et ça me convient parfaitement: pas de cinglé derrière moi pour me passer n'importe comment. On attaque l'ovale. Comme il s'agit d'un circuit de perfectionnement de la conduite, le premier virage est un peu piégeux, aveugle, et se referme. En plus, l'asphalte est drôlement attaqué. Stries longitudinales, petits trous, rien ne manque. Limite route de montagne avec les gravillons qui vont bien. Je passe tout doux, tout doux. Ligne droite. Avantage de la 125 : passé 140, je me sens relativiste. Einstein, j'arrive ! Oukilé le bouton « hyperespace » ? En bout de ligne droite, les freins, ça plonge pas trop, ça ralentit suffisamment pour moi. Courbe. Les autres sont passés là-dedans à 120, je plafonne à 60, normal : eux ont des bi, moi un mono. Filez-moi un trois pattes que je vous montre...

Bizarre. Je tend l'oreille. Le bruit du moteur semble venir de derrière le tableau de bord. Pas des côtés du réservoir ou de l'arrière, comme d'habitude. Avant de partir, j'ai noté que la prise de la boîte à air était située derrière le flanc gauche du carénage. C'est sans doute à ça qu'on doit les graooo graooo à la tombée des rapports. J'aime bien. Autre explication possible: le réservoir est sous la selle, donc les bruits du moteur ne sont pas filtrés de la même manière. Et le puits où passe la fourche doit jouer le rôle de caisse de résonance.

Un mono et demi

Bizarre toujours les sensations moteur. Ca ressemble pas à un gromono. Rien à voir avec une DR qui cogne sous 3.000 tours et coudpied o'hulque passé 4.000. C'est pas non plus un bi: les montées en régime ne sont pas là. Alors c'est un mono et demi. Pas d'à-coups de transmission même à bas régime en 2 (ou il faut vraiment aller flirter avec le ralenti). En ville, ça doit faire des vacances. En contrepartie, j'ai plus de sensations avec Tondeuze au-dessus de 9.000 tours qu'avec ce mono à 5.000. Ca avance, mais tranquillement. Ca accélère plus fort, on s'en doute, mais ça manque de piment. Dis, m'sieur béhème, tu lui mettrait pas un petit pic d'un demi mètre-kilo de plus à 4.000 tours, histoire qu'on évite la case Moulinex ? Parce que si même moi avec les 20 chevaux de Tondeuze je trouve ça léger...

Histoire d'avoir une référence, j'essaie une F-GS mono (pas pour moi les bi). Bheu... Direction tombante, le sinueux ne me met vraiment pas en confiance. Je suis sûr qu'au chrono, même mon premier passage avec la CS était meilleur. Mais qu'est-ce qu'elle a, cette roue, à vouloir visiter l'herbe ? C'est tes crampons qui te rendent bucolique, ma grande ? Moralité, je rentre avant la fin, après avoir magistralement loupé la 4 dans la ligne droite. Oups, désolé pour le surrégime.

Je la garde

Viens alors le moment que j'attendais: remonter sur Tondeuze, et avoir la confirmation qu'il n'y a rien de mieux. Bien sûr, j'ai les jambes plus pliées, et le guidon est vraiment étroit. En fait, non, c'est sur la béhème qu'il est dessiné pour les chefs d'escadrille. Et puis les montées en régime. Et le barouf de mon pot homo-millésimé. Et la boîte. C'est pas de sa faute si le débattement du sélecteur est trop important: il a pris tellement de gadins que le jeu de la commande dans le plan vertical dépasse celui du brin inférieur de ma chaîne secondaire (véridique). Donc je pardonne.

Et parce que je t'ai fait des infidélités avec une teutonne, on va se payer une petite bourre, toi et moi. Allez ! garez-vous les caisseux, j'arrive. OK, ils étaient deux sur leur X9 Piaggio. N'empêche. Au fait, merci de m'avoir laissé passer, gars, ils sont pas nombreux les types en scoobites à regarder dans leurs rétros. Qu'est-ce que tu tires bien aujourd'hui ! Ca doit être l'humidité de l'air. Dommage, on a un petit vent de face qui nous empêche d'accrocher le 130 à part dans les tunnels. Quatre, cinq, six, cinq, six. Ca c'est une boîte. Et finalement, tu vibres pas du tout, à part un peu des cale-pieds. Bon, chte garde Tondeuze. Quoi ? t'en doutais ?

N'empêche

N'empêche que... Au moins, chez Béhème, ils font des efforts pour nous sortir des trucs originaux. J'ai du mal avec leur nouveau machin bizarre, le Rockster. Mais je suis sûr qu'avec une peinture plus sobre, ça passerait. C'est quoi, le gros cube Honda de l'année ? CB 1300. On voit rouler ça sur nos routes depuis 25 ans. Depuis les CBX. GSX 1400, même combat: plus classique, tu meurs. Au moins, chez béhème, ils tentent des trucs. Un peu comme Ducat' et leur Multistrada. Moche ? Non, différente.

N'empêche que... Je salue l'effort. Au moins, chez béhème, ils n'hésitent pas à faire essayer une quinzaine de modèle. Ce qui m'a permis, par exemple, de constater que le train avant de la GS ne me mettait pas en confiance, à l'inverse de celui de la CS, plus neutre. Essaye donc d'aller faire un tour avec une CB 1300, toi...

Moralité, la Scarver, c'est marrant, différent, ça se conduit sans passer par la case «stage intensif d'apprentissage» (pourtant je suis une sacrée pince), et il y a quelques détails qui méritent qu'on s'y arrête. On va pas débattre de l'esthétique, de ce point de vue là, c'est chacun sa m... Le renfoncement dans le faux réservoir est une bonne idée. Fallait bien ça pour compenser l'absence de place sous la selle (j'ai vérifié, à part un paquet de clope plié en quatre...). Reste à trouver un sac qui entre dedans. Les poignées passager sur le réservoir sont une bonne idée, à supposer qu'il puisse les atteindre en restant sur sa portion de selle. J'avais pas de passager sous la main pour faire l'essai, désolé. La transmission par courroie se fait surtout remarquer par ce qu'on ne la remarque pas.

Maintenant, à 8.000 euros le bout (52.000 francs), c'est le prix d'une ER-5 neuve ET d'une 125 pour la ville. A 40.000, je dis pas. Mais c'est son prix (cote MR) avec 2 ans d'occaze. La courroie seule coûte 1.200 francs. Sans pignon et couronne. D'après les précos constructeur, sa durée de vie est de 20.000 kilomètres. Gloups. D'autant qu'à vue de nez, il faut déposer le bras oscillant. L'un des concessionnaires sur place me rassure un peu: il est question, au regard des retours d'expérience sur les premiers modèles, de porter le délai de remplacement de la courroie à 40.000 bornes, soit la longévité d'un bon kit-chaîne, l'entretien et la crasse en moins. Bon, à voir. Enfin, un mono reste un mono et côté longévité faut pas s'attendre à des miracles, même en étant très soigneux ça sent la réfection moteur à 40.000, avec au mieux une segmentation et un rodage de soupapes, au pire un réalésage.

Quitte à payer...

Faut bien voir une chose: toute la pub et la promo autour d'un modèle, c'est toi qui la paye. C'est répercuté sur le prix de vente. Logique. Et les campagnes d'essais routiers aussi. Mais enfin, entre un double page quadri dans un grand canard et un week-end d'essais (budget quasi comparable), quitte à raquer je préfère nettement la 2e option. C'est joli, les pages quadri, mais ça fait pas avancer des masses de schmilblick côté acheteur potentiel. Je me demande d'ailleurs s'il n'y aurait pas moyen d'organiser des trucs entre les constructeurs et les manufacturiers. Imagine le panard: non seulement tu peux essayer une bécane, mais en plus différentes montes de pneus (disons deux ou trois) pour voir avec laquelle tu es le plus à l'aise. Vue l'importance des pneus dans le senti d'une machine, ça serait assez génial. Hein ? Je rêve ? Ouais, sans doute. Et puis c'est les canards qui vont faire la gueule si on leur sucre leurs pages de pub pour organiser des essais routiers (enfin, plutôt pistiers en l'occurrence).

Mais avec tout ça, z'allez commencer à croire que je suis vendu à Béhème. Allez, je vous rassure, ya rien de mieux qu'une R75 série 5 avec ses couvre-culbus rondouillards, sa poignée de maintien passager pullmann et ses freins à tambour qui te font VRAIMENT sentir que tu es à 170. Dire qu'avec des freins comme ceux-là, les types se tiraient la bourre. Respect. Pour une bécane nickel, comptez 35.000 balles, 20.000 s'il y a un peu de boulot dessus. Pour moi, c'est la béhème de référence.

Je préfère les vieille (t'en doutais ?)

J'en avais essayé une en août dernier, un peu après avoir remporté haut la main le Championnat du Monde de Carole un Dimanche Ensoleillé à 14 heures (voir Kronik de septembre). Marrant, la série 5. C'est tout petit, tout ramassé, bas de selle par rapport à ma SV de l'époque. Au ralenti, ça bringueballe à droite à gauche, ça grogne, ça pousse à droite quand on donne des coups de gaz à vide. Ca vit, quoi. En roulant, c'est l'impression de rouler sur un tracteur, ou plutôt sur une Deuche qui aurait perdu 2 roues, qui domine. Impossible d'oublier le moteur. Il est là, entre tes jambes, il déborde, il vibre. Pas besoin de compte-tours pour savoir à quel régime tu es. Comme sur la série 5 c'est une boîte 4, je comprend mieux la signification du mot « couple ». A bas régime, en deux, j'ai l'impression qu'il y a une paire de types en train de pousser à l'arrière. Ca pousse pas fort, mais on sent que ça pousse. Rien à voir avec les sensations du SV, plus électrique (faut le faire, non ?). Pourtant, la béhème rend 25 chevaux à la SV, puisque la 75/5 est donnée pour 50 chevaux. Comme quoi la valeur brute de puissance ne signifie pas grand'chose.

Autre impression bizarre: la poignée de gaz est reliée directement à la roue arrière. La moindre petite rotation entraîne une réaction immédiate de la roue. J'attribue ça au faible jeu dans la transmission : du vilo à la roue arrière, pas de chaîne de transmission pour donner un peu d'élasticité. Rien que des engrenages (même s'il y a un amortisseur de couple dans la roue arrière). Ca donne une moto franche à conduire, sans temps de réaction. Comme les pneus ont une faible section, cette impression de franchise est renforcée par la réelle agilité du bestiau, qui ne fait vraiment pas ses 210 kilos à sec (30 de mieux que la SV). Pourtant j'ai chopé une sacrée allergie aux kilos.

Les freins ? Heu... on oublie. Une horreur. Levier serré autant que je peux, j'arrive à faire avancer la moto à la force des jambes. Ooups. Tambour mal réglé, sans doute. Pour les freinages d'urgence, vois avec ton horoscope de la semaine pour prévoir le coup. Heureusement, à l'arrière, c'est un peu mieux. Dernier détail: les béhèmes se conduisent uniquement avec des bottes, et de préférence avec un renfort sur le tibia droit: le carbu est très très près, et le cuir de ma botte est tout griffé à cause du métal du carbu. Evite les chaussures basses, à moins que tu aies de la couenne en rab' sur le tibia.

En remontant sur la SV, trois impressions en vrac: j'ai dû casser le câble d'embrayage tellement la commande est molle, pareil pour la poignée de gaz, et au premier freinage, en empoignant le frein presque aussi énergiquement que sur la R75, je me suis rappelé qu'il faut serrer les jambes si on veut éviter de chanter la Marseillaise en chinois pendant 5 minutes.

Pour info, je suis descendu de là avec un sourire jusqu'aux oreilles, presque jusqu'au portefeuille, c'est dire. Le pote qui m'accompagnait, qui descendait lui d'une VFR, a détesté. Je traîne avec des types désespérément insensibles à la beauté des choses. Snif.

Koud'pied o'Kick, - le 27 avril 2003

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