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La Chronique de Koud'pied o'Kick

La KronikKoud'pied o'Kick est un journaliste professionnel écrivant actuellement pour un grand hebdomadaire. Vous le retrouvez chaque mois exprimant son opinion sur un monde qu'il affectionne énormément : la moto, avec un amour immodéré de la controverse, à nul autre pareil.

KroniK de mai

Marie-Géraldine aux Pays des Cônes

Mon cher journal intime

9/04. Je me suis aujourd'hui inscrite à la Moto-Ecole. Avec les sous que j'ai reçus de grand-mère, je vais enfin pouvoir aller à la fac sans prendre le métro. Dans la rue, il y avait des élèves qui se préparaient à aller en cours : je les ai regardé partir pour commencer à apprendre. C'est bizarre, ils ont tous le même blouson jaune fluo sans manches. Après avoir rempli tous les papiers, la secrétaire m'a dit que je passais mon examen le 12 juillet. Trois mois. Ca va aller vite. J'ai déjà mon premier rendez-vous, mardi soir.

12/04. Je suis arrivée presque à l'heure à mon rendez-vous. Tout le monde m'attendait, et un gros bonhomme grognon m'a reçue un peu sèchement. Quand il a su que je n'avais pas de casque, il a crié sur la secrétaire. Finalement, il m'a donné un casque avec rien devant et qui ne tenait pas bien. Je suis montée derrière un autre élève qui m'a dit quelque chose avant de démarrer, mais je n'ai rien compris à cause de son casque. Le gros bonhomme est parti devant, et il a fallu que je m'accroche pour ne pas tomber. On a commencé à rouler très vite, et j'ai failli perdre mon casque. J'ai aussi eu très froid aux mains : la prochaine fois j'emmène des gants. Je pensais qu'on allait aller sur un circuit, mais finalement on s'est retrouvé sur une sorte de parking à moitié souterrain où il faisait très froid. Je suis descendue de la moto, et le gros bonhomme m'a dit de regarder comment faisaient les autres. Alors je me suis assise sur un muret en béton, et j'ai regardé les autres élèves faire deux sortes de parcours entre des petits plots en plastique et des grandes tiges de fer. Le gros bonhomme, lui, est entré dans une voiture et a commencé à discuter avec un jeune tout maigre qui fumait sans cesse. Au bout d'une heure, le gros bonhomme est redescendu de la voiture, a crié quelque chose que je n'ai pas compris vers les autres élèves, qui ont commencé à récupérer les plots en plastique. Je suis remontée derrière le même élève, qui m'a dit quelque chose de bizarre avant de monter sur sa moto : « reste collée à moi, sinon ça fait bouger l'avant ». Je me suis retenue de lui coller une gifle, à ce vicieux !

14/04. Nouveau rendez-vous. Cette fois-ci, j'ai pensé à amener un casque et des gants. Le gros bonhomme a dit qu'il s'appelait Gérard, et qu'il était mon moniteur, et qu'il n'aimait pas que les élèves soient en retard. Je me suis retrouvée derrière un autre élève. Sur l'arrière du siège, Gérard a accroché un long élastique avec les plots orange qui n'ont pas cessé de me taper dans le dos pendant tout le trajet. Il a commencé à pleuvoir en route, et en arrivant sur le parking, j'étais trempée. Le petit maigre était là, dans sa voiture. Il y avait déjà d'autres élèves de sa moto-école qui tournaient autour des plots. Gérard et lui sont remontés dans la voiture. De temps en temps, l'un des deux baissait sa vitre pour crier un truc à un élève, des choses que je ne comprenais pas : « Ton regard ! Contrebraque plus ! Elargit jusqu'à la ligne ! ». Toutes ces choses qu'il va falloir que j'apprenne ! Au bout d'une demie-heure, j'ai eu très froid, alors j'ai frappé au carreau de la voiture pour demander si je pouvais monter derrière pour me réchauffer. Le petit maigre m'a fait signe que oui. Gérard m'a tendu un petit livre, en me disant qu'il allait falloir l'apprendre pour passer le permis. Je ne savais pas qu'il y avait une épreuve écrite ! D'une oreille distraite, j'ai essayé de comprendre de quoi ils discutaient, mais en vain. Ils n'arrêtaient pas de parler de « gros cubes », « d'arbres à clames », d'une départementale 207 et d'une certaine Carole, qu'ils ont l'air de tous les deux bien connaître. Quand on est reparti, la selle derrière était toute mouillée. Je crois que je vais attraper un gros rhume. Un des élèves m'a dit qu'il fallait que je trouve une blouson moto, des bottes et un pantalon de pluie. Il a peut-être raison.

18/04. Pour ma 5e heure de cours, je vais avoir le droit de monter sur une moto. Pour ça, Gérard a pris une moto plus petite que les autres, avec une selle plus basse. Il m'a expliqué plein de choses tout d'un coup, et je n'ai pas bien compris. Mais j'ai au moins retenu ça : c'est comme un vélo, mais les freins sont à l'envers, et toutes les commandes aussi par rapport à une voiture : les vitesses ne se passent pas à la main, et l'accélérateur est comme une petite poignée, mais qui tourne. Ca a été difficile au début. Gérard a posé par terre deux plots, et m'a dit de faire des « huit » autour. Mais je n'y suis pas arrivé. Soit la moto faisait beaucoup de bruit et n'avançait pas, soit elle donnait un grand coup vers l'avant et le moteur s'éteignait, et il fallait que je le redémarre. J'ai quand même réussi, vers le fin, à la faire avancer un peu, mais j'avais très mal au main et aux bras. Un des élèves m'a dit, au passage : « arrête de regarder ton compteur, regarde devant toi ». C'est vrai, comme ça, c'est plus facile.

22/04. Gérard m'a a nouveau donné la petite moto. Il paraît que c'est une « cent vingt-cinq », alors que les grosses, c'est des « cinq cent ». Au lieu de me faire faire des « huit », Gérard m'a dit de faire ce que je voulais, mais à l'écart des autres. Alors j'ai commencé à faire des allers-retours lentement, pour me familiariser avec son fonctionnement. A un moment, un élève m'a lancé : « passe la deux ! ». Qu'a-t-il bien voulu dire ? En tous cas, une moto, ça n'avance pas très vite. Pour le retour, je suis montée derrière Gérard, qui m'a expliqué à nouveau plein de choses que je n'ai pas entendu à cause du vent. Il m'a quand même dit que je me débrouillais bien.

2/05. Comme il n'y avait plus assez de motos (certaines étaient en réparation), mon cours a été reporté deux fois. Dans l'intervalle, j'ai commencé à apprendre par coeur le petit livre où ils expliquent plein de chose sur la moto. Maintenant, je sais que les grosses sont des CB cinq cent, et que la moto sur laquelle j'ai roulé est une SR cent vingt-cinq. Mais je ne sais pas ce que veut dire CB ou SR. J'ai demandé à un élève, et il m'a regardé d'un air bizarre. Déjà que tout le monde s'est moqué de moi quand je suis arrivée à la moto-école avec mon blouson moto Dolce & Gabanna. Je ne vois pas ce qu'il y a de drôle : ils ont tous des blousons sales avec des marques bizarres. Quelques fois, ya même « Michelin » marqué dessus : mais qui voudrait porter un blouson avec une marque de pneu dessus ? C'est moche, un pneu !

Pendant tout ce cours, Gérard a commencé à me crier des trucs par la portière de la voiture. Je ne comprends toujours pas ce qu'il veut dire, mais pour ne pas le fâcher, je fais oui de la tête. A un moment, un élève s'est arrêté près de moi et m'a demandé si je savais passer les vitesses. J'ai répondu que non, alors il m'a expliqué comment fonctionnait le petit levier à gauche, qu'il faut lever ou descendre pour passer les vitesses. Après ça, Gérard a cessé de me crier des trucs par la portière. Apparemment, c'était ça.

3/05. Je suis fatiguée, mais la secrétaire m'a mis 4 heures d'un coup. Elle m'a dit que ça me permettrait de progresser plus vite. Nous ne sommes que deux élèves aujourd'hui. Gérard a pris l'une des CB, et je suis montée derrière l'autre élève. Gérard roulait très vite, et plusieurs fois on a failli le perdre à cause des feux rouges. Une fois sur le parking, il m'a ré-expliqué plein de choses que je savais déjà parce que je les avaient lues dans le petit livre. Ensuite, il m'a dit de monter sur la grosse, et de faire des allers-retours. Pendant ce temps là, il surveillait l'autre élève, et lui donnait des conseils en tenant un chrono dans la main. Il lui expliquait ça avec des grands gestes, et parfois lui mettait des tapes sur le casque pour l'encourager. Moi, sur la CB, je n'en menais pas large. Elle est beaucoup plus lourde et haute que la SR. Et il y a plus de choses sur le tableau de bord, dont une petite aiguille qui suit le bruit du moteur. A un moment, il y a eu un grand bruit, et l'autre élève est tombé. Gérard l'a aidé à remettre la moto debout, et il est allé s'asseoir sur le muret pour se reposer un peu. Du coup, Gérard est venu s'occuper de moi, et m'a montré plein d'autres trucs, comme l'emplacement du frein arrière. Ensuite, on est allé sur la « lente ». J'ai bien reconnu le parcours d'après le livre, mais si j'arrivais à franchir la 2e porte, je me plantais toujours à la 3e, et je filais tout droit. J'ai dû recommencer une bonne dizaine de fois sans résultats probants, alors Gérard est venu se mettre au milieu du parcours, et me faisait des grands gestes pour me montrer où il fallait que je mette la moto pour passer. En rentrant chez mois, j'étais complètement crevée.

11/05. Il me reste seulement quatre heures sur mon forfait, et je n'arrive toujours pas à passer la lente. Je bloque sur l'avant-dernière porte. Plusieurs fois, j'ai failli mettre la moto par terre. Et quand je fais sauter un cône, j'entends les autres élèves derrière moi qui râlent dans la file d'attente. Il fait plus chaud, maintenant, et la chaleur dégagée par le moteur devient pénible. D'autant que le ventilateur se met en route très souvent. Il paraît que c'est normal. En tous cas, je ne suis pas la plus mauvaise : certains élèves m'ont dit qu'ils avaient plus de 20 heures de cours, et avaient toujours du mal avec le « rapide ». Moi je n'ai toujours pas essayé : Gérard pense qu'il vaut mieux se concentrer sur le lent. Il dit qu'après avoir maîtrisé le lent, le rapide ça vient tout seul. Peut-être. Pour le retour, j'ai eu le droit de conduire la CB sur la route. Heureusement, le Périphérique était bien bouché, donc les voitures n'avançaient pas trop vite.

16/05. Aujourd'hui, nous allons au centre d'examen, pour faire passer trois élèves. Pendant ce temps-là, Gérard nous a conseillé de bien regarder, et de réviser nos fiches. Je suis très bonne sur ce sujet : je les connais presque toutes par coeur. Mais quelle ne fut pas ma déception en apprenant qu'il n s'agissait pas d'un examen écrit. Il paraît qu'il faut juste discuter un peu avec l'examinateur. Les autres élèves m'ont dit que c'était juste une formalité. Les deux heures passent très vite. Sur les trois élèves qui passaient leur plateau, seulement un l'a eu. Les deux autres faisaient une drôle de tête. En rentrant, un des deux qui s'était fait recaler (une fille) s'est mise à crier après Gérard, le traitant d'incapable et d'escroc. Ils sont partis dans le petit bureau pour s'expliquer, mais j'entendais toujours leur discussion à travers la paroi. Dans la salle d'attente, on aurait entendu une mouche se remettre du rimel. A un moment, mon voisin de droite s'est penché vers moi et m'a glissé : « faut la comprendre, elle a plus de 50 heures de cours, et c'est la troisième fois qu'elle est recalée ». Du coup, en allant signer mon chèque pour 10 heures de plus, j'ai hésité.

20/05. Gérard a sorti sa panoplie des grands jours : chemise hawaïenne (trop petite, son ventre tire sur les boutons) et Ray-Ban « miroirs ». Il me fait penser de plus en plus à une mauvaise doublure de Don Johnson dans « Deux flics à Miami » qui aurait compris de travers les « conseils minceur » de FHM. Comme d'habitude, il est allé se poser dans la voiture de son pote. Ce coup-ci, ils ont laissé le moteur tourner pour avoir la clim', même si la voiture est garée à l'ombre. Du coup, il passe de moins en moins souvent la tête par la fenêtre pour beugler quelque chose. De toute façon, comme on est au moins quatre à tourner en même temps et qu'il ne se rappelle jamais de nos prénoms, on ne sait jamais à qui il s'adresse. Bref, je continue d'apprendre seule, en demandant des conseils aux autres élèves. Celui que j'avais failli gifler la première fois est finalement très sympa. C'est lui qui m'a expliqué comment faire pour le demi-tour. Le retour s'est passé sans problèmes, sinon que Gérard conduisait à toute vitesse comme d'habitude. Il paraît que ça nous entraîne pour la circulation.

25/05. Et zut ! J'hérite d'un nouveau cette fois-ci. C'est à moi de le trimballer. J'ai horreur d'avoir quelqu'un derrière moi : la moto est plus difficile à emmener. Déjà que toute seule ça commence à gigoter beaucoup passé 120 km/h... Evidemment, c'est un boutonneux timide qui s'est pointé avec un Jet. Tant pis, t'auras qu'à fermer les yeux... Il est tout crispé : je le sens bien. Il est cramponné à la poignée arrière, et se redresse en virage. Du coup, à un feu rouge, je l'engueule copieusement. A voir sa tête, il a rien dû comprendre.
Je commence à me débrouiller sur le rapide. Le rétrogradage, c'est fastoche. Le freinage d'urgence, ça serait de la tarte si il n'y avait pas ce joint de dilatation placée pile après la marque « B ». A voir les balafres dans le bitume, ils ont dû être nombreux à franchir la ligne « C » sur les pare-carters. Selon Gérard, je tourne en 25 secondes, et il dit que c'est plutôt pas mal. Mais je ne le crois qu'à moitié : quand je le regarde, il est toujours en train de taper la causette avec le petit maigre de l'autre moto-école. En tous cas, eux ont du bol : leurs CB on l'air carrément en meilleur état que les nôtres. Pour l'instant, j'ai échappé à celle qui pisse l'huile des fourreaux de fourche. De retour à la concession, la secrétaire essaye de me faire avaler que mon niveau n'a presque pas progressé, et qu'il faudrait que je paye -d'avance, bien sûr- 10 heures de plus. Quand je lui ai fait remarquer qu'il y avait une autre moto-école plus près de chez moi, elle n'a pas insisté.

27/05. Fallait bien que ça m'arrive un jour : j'ai hérité de la CB la plus pourrie. La rouge, avec la fourche pliée. Même le cache-poussière est mort. C'est à se demander comment il peut rester encore de l'huile dans le fourreau. La chaîne est salement détendue et claque sur le bras oscillant à chaque rétrogradage. N'empêche que je commence à bien maîtriser. Il n'y a que l'évitement gauche qui me pose problème : la protection de pot, qui a salement morflé, est tout de travers et dépasse bien plus que sur les autres. Je suis sûr qu'avec une autre, ça passerait nickel. J'ai emporté cette fois-ci mon propre chrono, ce qui me permet de vérifier ce dont je me doutais : Gérard balance les temps au petit bonheur la chance. Du coup, avec les quatre autres élèves, on a commencé à s'échanger le chrono pour mesurer nos temps. Je tourne régulièrement en 25 secondes, et je trouve ça plutôt pas mal. A mon avis, je peux grappiller quelques seconde à l'aller, en lançant franchement le moteur. Mais j'ai la trouille de me vautrer en freinant trop fort avant le demi-tour : si ma fourche dégueule de l'huile sur le disque, c'est le tout-droit. Et au bout, ya juste une rambarde basse avant le sous-sol du parking. Pour en avoir le coeur net, je demande à un nioubie de me filer sa bécane, et je fais claquer un 21'5 à l'évitement gauche. Gérard me gueule dessus que j'ai perdu du temps au demi-tour. Pauv'naze !

15/06. Chuis furax : il a fallu que j'attende plus de 15 jours avant d'avoir un nouveau rendez-vous. Toujours cette histoire de bécane en révision. Ils les désossent complètement, les CB, pour que ça dure aussi longtemps ? Enfin, la rouge a l'air d'avoir au moins reçu un cache-poussière neuf. Ptete même un joint spi. Et un complément d'huile, aussi ? Putain, la vache ! Mais c'est Byzance ! Ils ont même mis des ampoules neuves sur les clicos. Mais fallait s'y attendre : c'est Gérard qui la prend. Vu comment il essore, on a l'impression qu'il s'est fixé comme mission de réaléser le moteur à 600 cm3 sans déposer la culasse. Arrivé sur le parking, je passe le lent les doigts dans le pif. Pour bien lui ferme sa grande gueule, je la fait même à l'embrayage : un coup de gaz, embrayage, frein avant, je plante la fourche dans la porte, et re-coup de gaz pour filer à la porte suivante. Il en reste comme deux ronds de flan, et j'en profite pour expédier fissa 2 ou 3 tours sur la rapide, en bousculant un peu les élèves de l'autre moto-école qui n'ont pas encore compris qu'il n'était pas absolument nécessaire de faire un check-up complet de la meule avant de passer la une. Sur le retour à la moto-école, je me suis même payé le luxe de passer l'aut' gros con au freinage. Il était parti pour me gueuler dessus, mais j'ai gueulé avant lui, donc il a fermé son claque-merde. Du coup, j'en ai profité pour aller expliquer à l'autre pouffiasse qu'il me fallait 2 heures de circule fissa, sinon je pouvais toujours reprendre mon dossier.

16/06. Premières heures de circule. Leur talkie-walkie est évidemment HS, donc il faut que j'arrive à déchiffrer dans mes rétros les signes que me fait Gérard par la portière. Avec ces conneries, j'ai failli m'emplafonner un trouduc' et sa camionnette de livraison qu'est sorti sans clicos de son stationnement. Je me suis pas emmerdé : j'ai foncé dedans. Je risquais rien, j'étais à 5 à l'heure. Mais les protège-poignées ont salement marqué le flanc de sa poubelle. Il a gueulé comme un âne jusqu'au moment où je lui ai fait remarquer qu'il sortait de stationnement, et que donc c'était tout pour sa tronche. Il a pas insisté et à décarré, tout péteux. Pas à chier, ça fait du bien de gueuler sur des têtes de con. De retour à la moto-école, j'ai demandé des nouvelles de mon examen. L'aut'naze a essayé de m'embrouiller la vie avec une excuse à deux balles, mais il l'a plus ramenée quand j'ai remballé mon carnet de chèques. du coup, il m'a « offert » deux heure de plateau en plus, et m'a promis que je passais le 12.

11/07. Même si ça fait trois semaine que je n'ai pas touché un guidon chez eux, je me suis entraîné en loucedé avec le B6 d'un pote. Pas à dire, en remontant sur l'épave qui leur sert de moto, ça m'a fait tout bizarre : freins inexistants, fourche sans hydraulique, amortisseurs morts (c'est là que j'ai remarqué que l'amorto droit sur la rouge était tordu, d'où le comportement « lambada » au freinage). Bref, je passe tout ça fissa et nickel, histoire de le réhabituer à la moto, avant de filer m'asseoir sur le muret m'en rouler une. J'en profite pour filer des conseils à une petite jeune qui débute, encore plus coincée que moi, et qui confond poignée de gaz et frein arrière. Ya des gonzesses, j'te jure, je me demande bien ce qui leur passe par la tête de vouloir passer leur permis. J'en ai profité pour lui toucher deux mots sur son Mac Douglas en peau de zob qui doit protéger que de chi en cas de taule. Limite traumatisée, la frangine, que je lui fasse une remarque sur sa manière de se saper. En tous cas, mon Furygan, y pète.

12/07. Le grand jour est arrivé. J'ai quand même drôlement les chocottes. L'examinateur a pas l'air plus chien que ça. Je lui sors mon sourire « fire power », mais ça a pas eu l'air de l'impressionner plus que ça. Béquillage-débéquillage : fastoche. Je lui sors le baratin homologué, en me retenant de lui faire remarquer que le serrage des tés de fourche, ça se vérifie à la clef dynamo, et pas au pifomètre. La lente : easy. Hors de question que Gérard monte derrière moi, aussi j'avais demandé au plus léger du groupe de le remplacer, et de me filer un coup de main en cas de passage « limite ». Nickel : je ramasse un A. C'est sur la rapide que tout a merdé. Pourtant, j'avais tiré le freinage d'urgence, après avoir à peine triché. Je m'élance. Je négocie comme d'hab' mon demi-tour après avoir pété un freinage mahousse « spécial 1 seconde de moins », mais j'avais oublié cette histoire d'amortisseur arrière mort. Du coup, à la remise des gaz, la bécane part en sucette et je loupe presque la première porte. Je redresse d'un coup de cul, manque de bol j'accroche le plot suivant avec le pneu avant. Là, j'ai pas cherché à comprendre, j'ai tout lâché, et BLANG ! moto par terre. Pour sauver la face, je la joue façon Giberneau sorti par Rossi et me relève en faisant la grimace. J'ai à peine le temps de me remettre sur mes pieds que l'aut'naze me tombe sur le rable et commence à me pourrir la gueule devant tout le monde. C'te peau de vache ! Ca fait un mois qu'il ronge son frein en attendant une occasion de me régler mon compte. C'est bien ma veine, fallait que ça tombe aujourd'hui. Et si je gueule plus fort que lui, je vais me mettre l'examinateur à dos. Tiens, en parlant de lui, le voilà qui rapplique. Hé ! Mais c'est qu'il est vénère, le fonctionnaire !

« Monsieur Guibert ! Vous pourriez arrêter d'insulter cette élève ?! »

Du coup, ça la lui coupe direct, à l'aut'naze.

« Ces des élèves comme ça qui me font perdre des places à l'examen. Faut comprendre... »

« Ce n'est pas une raison pour l'abreuver de reproches ! J'ai déjà pu constater que vos méthodes pédagogiques étaient plus que discutables ! »

« Mes méthodes ? Plus que discutables ?! »

Aïe, il commence à s'énerver, ça va pas être bon pour lui...

A ce moment-là, quelqu'un a rigolé dans le groupe d'élèves, qui s'étaient massés à portée d'oreille. Du coup, l'aut'péteux a blêmi. Sûr, il doit être salement colère de se faire lyncher en public.

« Oui, parfaitement, très discutables ! D'ailleurs, les résultats de vos élèves sont là pour le prouver ! »

« Ca fait 15 ans que je fais ce métier ! J'ai formé tout une génération de motards ! Alors ce que vous pensez de mes méthodes... »

Là, l'examinateur commence à l'avoir mauvaise. Généralement, les moniteurs se la jouent carpette gluante. En plus, je le soupçonne d'avoir attendu une bonne occaze de se farcir l'aut'naze, qui doit pas mal lui porter sur le système. Du coup, il en profite :

« Et bien alors, voyons un peu comment vous mettez vos méthodes en pratique. »

Il se tourne vers moi, et d'une voix radoucie, me demande si ça va. Je lui fait « oui » de la tête. Il me demande ensuite si je peux remonter en selle, et là, je me la joue rescapée de la dernière catastrophe naturelle à la mode, avec un « oh voui, m'sieur » à faire pleurer un comité de sélection aux Césars. Je le sentais venir. Il te tourne vers l'aut'nazbroque et lui sort :

« Je vais faire repasser son parcours à cette demoiselle, qui m'a l'air de bien maîtriser sa machine. A vous de faire mieux qu'elle ! »

Sous sa moumoute, il a changé de teinte, le Rambo du sélecteur. Il est devenu couleur huile de vidange pas fraîche. Moi je jubile : je vais définitivement l'atomiser. Pour faire bonne mesure, je clopine vers la CB, qui dégueule l'essence par son trop-plein, et tente de la redresser. Bien sûr, l'aut'naze se précipite pour le faire à ma place. Allez, vas-y. Et si en plus tu peux te détruire les reins au passage, ça sera toujours ça de pris. Je me dirige vers la ligne de départ en traînant un peu la patte, histoire de. L'examinateur m'a rattrapé, et me glisse à l'oreille : « je vous plains, vous n'avez pas dû vous amuser tous les jours avec ce loustic. Il en reste, des comme lui, qui deviennent moniteur pour pouvoir se la jouer gros bras auprès des débutants ». C'est à ce moment-là que j'ai été héroïque : j'ai réussi à ne pas sourire, mais plutôt à lui jeter un regard tout penaud, façon « ah... si vous pouviez savoir, mon pauv' monsieur ». Derrière, l'aut'naze s'échine à faire redémarrer son tas de boue. J'en profite pour demander à l'examinateur si je ne peux pas prendre une autre machine, sous prétexte que je vais avoir du mal à remonter sur celle-là. Bien sûr, il est d'accord. Et, comme par hasard, je vais chercher la noire, celle qui a les pneus un peu moins rincés, et je fais quelques petits runs histoire de chauffer un poil le pneu avant. Au milieu du circuit, la CB rouge a fini par craquer, non sans lâcher quelques bouffées de fumée bleue.

Bien en face des plots, je m'élance. Pif paf, pif paf, pif paf... freinage, matage de plot, remise de gaz... stabilisé en 3e, pif paf, pif paf, dernier plot et hop ! Un freinage magistral, roue arrière même pas bloquée, à 20 bons centimètres de la ligne. Un petit 21'00 tout rond. Tiens ! Le type plutôt sympa que j'avais failli gifler la première fois -je ne connais toujours pas son prénom- a commencé à applaudir, du coup tout le monde s'y est mis. Je fais un effort, et pique un phare.

L'aut'naze s'est maintenant aligné au fond du circuit. Retors comme il est, il a bien pris 4 mètres d'élan de plus que moi. Sa méthode est différente : il passe très vite en trois, et ouvre à fond. Jusqu'à la moitié du parcours, tout va bien. Il est même plutôt rapide. Son freinage est quelconque : il assure. Au demi-tour, il lui arrive presque la même chose que moi. Mais comme il pèse au bas mot quarante kilos de mieux, il arrive à maîtriser tout ça. Je sais qu'il est un poil plus vite que moi, mais il ne fera pas claquer un 18 secondes. C'est quand il a chopé la poignée de frein qu'il a perdu son taf' : la fourche est arrivée en butée (normal, vu son poids), et on a entendu gueuler le pneu. Sur une bécane normale, ça se rattrape. Mais pas sur la rouge. Celle avec la fourche tordue. Et BLANG ! Aux fraises !

Ya des jours, comme ça, faut pas chercher à comprendre, chuis bénie des dieux.

Koud'pied o'Kick, - le 1er mai 2005

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