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Le vrai prix du progrès

Les prix des motos s'envolent avec l'inflation technologique ? vrai ou faux ?

A chaque arrivée d’un nouveau modèle, nous déplorons que l’inflation technologique tire les prix vers le haut. Mais ce sentiment est-il vraiment le reflet de la réalité ? Comment le prix des motos a-t-il évolué ces dernières années ? Pour en avoir une idée précise, Le Repaire a mis en route la machine à remonter le temps et vous propose un voyage qui réserve bien des surprises !

L’inflation technologique est une savante combinaison entre la volonté des constructeurs de satisfaire notre niveau d’exigences toujours plus élevé et l’obligation de respecter les nouvelles normes.

A ce titre, la comparaison d’une Triumph Bonneville de 1970 avec une  moto  moderne est saisissante. Sous l’influence des normes, on a remplacé de simples carburateurs alimentés par gravité et l’allumage à rupteurs par une injection électronique bardée de capteurs, imposant une pompe à essence sous pression, une sonde lambda et un catalyseur au platine. Par voie de conséquence, les faisceaux électriques de ces deux machines n’ont plus rien de comparable.

Enfin, au delà des normes, il y a aussi l’évolution des mœurs et de nos exigences : un démarreur électrique désormais obligatoire, des freins beaucoup plus performants, la fiabilité, le confort, la finition et les performances font largement grimper l’addition.

A propos des performances la comparaison est édifiante. D’une part la Bonneville 650 était alors « une grosse moto », d’autre part elle développait une cinquantaine de chevaux. Aujourd’hui avec cette cylindrée vous ne possédez plus qu’un roadster « Mid-Size », mais vous avez le double de puissance !

Yamaha 350 RD 74 : Cher 2 temps !

Yamaah RD 350

Moyenne cylindrée de l’époque, la 350 RD s’affichait au prix d’une XJ6 actuelle avec deux fois moins de puissance et une technologie moins coûteuse !

Comparer ce qui est comparable.

Dans les années 70 avec une 250 ou une 350 deux-temps, on roulait en moyenne cylindrée. Si vous aviez des bracelets, c’était une sportive, sinon c’était un roadster, mais vous ne le saviez pas encore.

Ne riez pas, sous leurs airs anodins, les 250/350 Yamaha ou Suzuki étaient de vraies répliques des motos de GP des privés, voire des usines de l’époque. Les carters moteurs étaient identiques. Une paire de cylindres/pistons, un jeu de carbus, 2 pots de détente et vous preniez le départ d’un GP en fond de grille, ou plus sûrement d’une course nationale. De fait ce que l’on appelle aujourd’hui une sportive n’existait pas, mais ces motos étaient des « réplicas » avant l’heure.

Cependant ces moyennes cylindrées correspondent plus à nos roadsters mid size d’aujourd’hui. Celui qui roulait alors en 350 Yam alors roulerait aujourd’hui en XJ6… Et ça lui coûterait moins cher ! En 1974 il avait déboursé 8888 F pour sa 350 soit 6579 € d’aujourd’hui en monnaie constante, quand la XY6 s’échange à 6349 €. Pas ou peu d’écart donc… Sauf qu’à l’époque, il avait une 350 2 temps à carbus et refroidissement par air de 39 cv avec un seul disque et démarrage au kick. Aujourd’hui pour le même prix, il se paye une 650 4 cylindres 4 temps double ACT 4 soupapes refroidissement liquide, injection démarreur électrique avec 3 disques avec même un ABS pour 400 € de plus ! ! ! ! Alors vraiment plus chères les motos aujourd’hui ? ? ?

Paramètres : inflation et Insee

Le premier paramètre à prendre en compte dans ce type de comparaison est bien sûr l’inflation. Pour cet article, nous nous sommes basés sur les données de l’Insee. On y apprend par exemple qu’un franc de 1970 équivaut directement à 1 € d’aujourd’hui. Ce chiffre est contestable et souvent contesté d’ailleurs, car il ne se base que sur certains types de produits qui ne sont pas forcément des objets du quotidien.

GlacePar exemple la baisse du prix des écrans plats et autres appareils électroniques fait clairement chuter le taux d’inflation, même si ce ne sont pas des objets que l’on renouvelle souvent. Dans notre quotidien, on remarque clairement la différence.

Ainsi, quand je sortais du collège en 1973, je pouvais m’offrir une boule de glace en cornet pour 50 centimes (de francs, soit moins de 8 centimes d’euros). Si l'on en croît ce tableau, elle me coûterait aujourd’hui 43 centimes (d’euros). Mais dans la vraie vie, celle de ma fille me coûte désormais 2 € ( en plus j’en prend une aussi et ça fait donc 4 €)! Moralité pour ma ligne comme mon porte monnaie, il valait mieux que je sois gourmand à 12 ans et demi plutôt qu’aujourd’hui ! ! !

Chute de prix.

Dans un passé un peu plus proche, il devient possible d’affiner la comparaison en considérant des modèles qui ont une longue carrière comme la 750 GSXR, la Bandit ou la Triumph Speed Triple par exemple.

Ici, hormis le passage à l’injection, les technologies restent relativement proches. Ainsi en 1995 la première 600 bandit (refroidie par air) était proposée à 36600 francs (soit 5580 €). Aujourd’hui, hors promotion, elle n’est qu’à 5799 € au tarif. Un prix quasi identique sur le papier sauf que si l’on prend en compte l’inflation. Elle valait alors 7000 € ! Dans le même laps de temps, elle a gagné 50 cm3, un refroidissement liquide, une injection et une dizaine de cv !

Autre méthode de calcul, sur la base du salaire minimum, il fallait à un ouvrier 989 h de travail pour s’offrir sa Bandit, alors qu’aujourd’hui 657 h lui suffisent ! Même constat pour la Triumph Speed Triple par exemple. Vendue 65900 francs  à sa sortie en 1994 (respectivement 10045 € soit 12800 € d’aujourd’hui), la T 301 s’échangeait contre 1853 H de « smicard ». Le nouveau modèle 1050 vaut 10990 € depuis 2003 (après un pic à 11500 € en 2002), soit 1246 H de travail d’un ouvrier au salaire minimum ! Les prix ont donc nettement baissés.

Gamme Triumph

Chute de prix chez les roadsters

De la T301 à l ‘actuelle 1050, le prix du roadster Triumph a baissé de 15% en euros constant et même de 33% si l’on compte en heures travaillées. Dans la même temps, elle a gagné 150 cm3 et 34 cv en adoptant l’injection.

Suzuki Bandit

Vendue 36.600 F la première bandit à carbus et refroidissement par air était plus chère de 17% que son homologue actuelle. En 1995, un jeune ouvrier devait travailler presque 1000 heures pour se l’offrir. Aujourd’hui, il a l’injection et le refroidissement liquide en prime contre 657 heures.

La bonne recette ?

Comment font les constructeurs pour réussir l’exploit de faire à la fois plus performant et moins cher ? Ils profitent eux aussi du progrès !

En mécanisant les chaînes de production, on augmente les cadences et on réduit les temps et donc les coûts de fabrication. Les progrès de la fonderie sont aussi énormes. Sur la GSXR justement, le premier cadre était composé de 26 pièces, ce qui constituait déjà un énorme progrès par rapport à la GSX donc le cadre acier comptait 96 pièces. Imaginez le temps de soudure et la consommation électrique! Désormais, on sait faire des cadres complets en fonderie monobloc, ça change complètement la donne.

Cadre fonderie

Seul hic dans ce tableau idyllique, c’est que pour baisser les prix les constructeurs ont aussi délocalisé des emplois en Asie où les coûts de main d’œuvre sont très faibles. Conséquence il devient de plus en plus difficile de fabriquer des motos en Europe et surtout en France !

Les progrès de la fonderie ont largement contribué à la baisse des coût de production grâce à la quasi suppression des opérations de soudure.

Quid des sportives ? 

Faire valoir des constructeurs, les sportives qui se livrent une incessante course à l’armement sont elles logées à la même enseigne ? 

Pour le savoir regardons le cas de la 750 GSXR depuis le début de sa carrière sur un graphique. Nous avons représenté trois courbes. Les carrés bleus représentent l’évolution de son tarif exprimé en euros depuis 1985. En rouge, nous avons recalculé ce tarif sur la base des indices d’inflation de l’INSEE.

Evolution prix

La pente de la courbe continue de grimper, mais l’écart entre le début et la fin n’est plus que de 16% en euros constants. Les sportives sont donc en nette augmentation, victimes des progrès techniques et dans ce domaine, la Gex n’est pas la pire. Cependant, si l’on regarde le prix de vente par rapport à une heure de travail d’ouvrier, (triangles blancs en bas) on constate alors une baisse de 12%. Au final, la plus chère pour le smicard c’est le modèle 1994 qui lui demandait 1839 heures de travail.

Suzuki GSXR 1985

Suzuki GSXR-750 85

Première sportive de l’ère moderne, la GSXR permet une comparaison directe de l’évolution des tarifs. Chez Suzuki, les écarts de prix constatés restent très raisonnables.

Yamaha R1 : Fashion victim

Yamaha R1

Proposée à 11.430 € en 1998, la R1 devrait coûter 13.749 € aujourd’hui. L’admission variable, l’accélérateur électronique et le calage cross plane (etc…) ont fait grimper son tarif de 2.000 € exactement.