english

Essai Aprilia Dorsoduro 1200

La bonne surprise !

Présentée fin 2010, l’Aprilia Dorsoduro 1200 a été accueillie très tièdement par la presse. La faute à quelques défauts rédhibitoires. Pire, les menues modifications annoncées au dernier Salon de Milan pour le millésime 2012 avaient des airs de pansement sur une jambe de bois… Grave erreur ! Ces menus réajustements donnent, enfin, à la grosse Dorsoduro l’homogénéité qui lui faisait cruellement défaut tout en dévoilant chez elle un côté fun insoupçonné.

Chez Aprilia, ils sont du genre persévérant. Prenez la Shiver 750 par exemple. Leur roadster mid-size ne s’est pas révélé être un hit instantané dans les charts d’immatriculation. Pas mauvaise machine au demeurant, elle souffrait tout de même de quelques tares face aux références de la catégorie. Pas grave, deux évolutions plus tard et un sérieux réajustement tarifaire en font désormais un produit compétitif, voire séduisant, sur le segment préféré des motards français. L’histoire semble se répéter aujourd’hui avec la Dorsoduro 1200...

Coloris Aprilia Dorsoduro 1200

Découverte

Le gros supermotard Aprilia dans sa version 2011 avait séduit par son twin puissant et vivant mais la partie cycle souffrait d’un flagrant désaccord de suspension, pénalisant dès que le rythme s’accélérait, d’un accélérateur de type ride by wire au fonctionnement brutal. La firme de Noale a donc décidé de rectifier le tir pour 2012 sans changer fondamentalement sa machine. La liste des modifications est d’ailleurs très courte. La Dorsoduro 1200 reçoit les mêmes jantes que la Tuono pour un gain de poids total de 3 kilos. Techniquement, cet allégement sur les masses non suspendues profite au travail des suspensions et surtout à l’agilité en réduisant l’effet gyroscopique. Puisqu’on parle des suspensions, celles-ci ont aussi été modifiées, officiellement pour s’adapter aux nouvelles jantes allégées et plus probablement pour récupérer le désaccord flagrant entre fourche et amortisseur arrière. Le twin a aussi bénéficié des petites attentions avec un travail pour réduire les frictions internes et surtout une nouvelle centrale ECU gérant les différentes cartographies moteur, le ride by wire et l’anti patinage réglable sur trois niveaux. Pour faire bonne mesure, les pneus ont également été changés. Exit les Dunlop Qualifier, ils laissent la place à des Pirelli Diablo Rosso II. Et comme il faut bien différencier l’ancienne de la nouvelle, Aprilia s’est fendu de menues retouches cosmétiques : nouveau support de plaque d’immatriculation, finition carbone pour le garde-boue avant et nouvelles décorations sur base rouge (Rosso Fluo) et blanche (Bianco Glam).

Aprilia Dorsoduro 1200 Sport

En Selle

Notre présentation se déroule en Sicile et plus précisément à quelques kilomètres de l’Etna vieux volcan en semi-retraite qui crache encore épisodiquement son lot de poussière volcanique. D’après notre ouvreur, il arrive que la couche atteigne plusieurs centimètres dans la zone de notre essai ! On verra bien sur place…

Première épreuve, il faut se hisser sur la selle perchée à 870 mm. Avec mon mètre soixante-dix, mes deux pieds touchent le sol, mais seulement de la pointe. La bonne nouvelle, c’est que la béquille latérale est facilement actionnable du haut de ce perchoir. Dommage que la selle ne soit pas plus basse car pour mon format, la position de conduite est parfaite, avec des commandes qui tombent naturellement sous la main alors que les “grands” essayeurs, eux, se plaignent toujours d’avoir les genoux en contact avec les arêtes du réservoir. Pour le reste, l’environnement du pilote respire le sérieux avec des leviers réglables dans tous les sens, des maîtres cylindres radiaux à bocaux séparés très “racing” et un tableau de bord ultra-complet. Il affiche en permanence des informations telles que le rapport engagé, le niveau d’anti patinage et la cartographie sélectionnée parmi les trois disponibles, la vitesse, la température moteur et l’ heure. Le commodo de gauche permet de faire défiler d’autres informations, futiles ou utiles comme trip, odomètre, consommation moyenne et instantanée, vitesse moyenne, kilométrage total ou l’autonomie résiduelle. Prenez une aspirine ce n’est pas terminé… C’est par cette interface qu’on accède également aux réglages de l’ABS et l’anti patinage ATC, sachant qu’ils ne peuvent être modifiés qu’à l’arrêt. L’anti patinage ATC est réglable selon trois mode, le “3” est réservé à la conduite sous la pluie, le “2” sera celui qui servira la majorité du temps et le “1”, le plus permissif, est le plus adapté à une conduite sportive. Il est également possible de déconnecter totalement le système ce que ne manquerons pas de faire les amateurs de stunt puisque l’ATC rend impossible tout wheeling. Enfin, une fois le moteur en marche, plusieurs pressions successives sur le bouton du démarreur permettent de modifier la cartographie d’injection selon trois modes S (sport), T (touring) et R (rain, dois-je traduire ?).

La finition globale est de très bonne facture à l’image de la visserie moteur galvanisée qui ne rouillera pas au premier hiver, un détail assez rare pour être souligné. Sur nos machines d’essai, toutes équipées de l’ABS-ATC, il y a bien quelques durites qui traînent encore de-ci de-là, mais pas des succédanés de tuyau d’arrosage. Ici, c’est durite rigide pour les petits diamètres et tressage métallique pour presque tout le reste. Plaisant. Demeure quelques détails qui fâchent comme le bouchon de réservoir toujours pas monté sur charnière, des protèges mains stylés mais pas très bien fini et une pédale de frein reprise sur une moto de cross des années 70.

Aprilia Dorsoduro 1200 GT

En Ville

Contre toute attente, la prise en main sur les premiers kilomètres est des plus aisées. La tendance du train avant à engager dans les virages à basse vitesse a totalement disparu (merci à la nouvelle monte pneumatique) et la souplesse du V twin a progressé. Sur le dernier rapport, la Dorsoduro accepte de reprendre vers 2.500 tr/min, soit 55 km/h, sans donner l’impression qu’on va laisser l’embiellage derrière soi et sur les trois premiers rapports, on peut repartir sur un filet de gaz dès 2.000 tours. Le seul problème qui persiste à basse vitesse est une reprise encore un peu brutale de la carburation lorsque les gaz sont totalement coupés.

Aprilia Dorsoduro 1200 sur départementale

L’excellent rayon de braquage permet de se faufiler aisément dans le trafic et la boîte se laisse oublier. Mais pas l’embrayage… La commande, dure, impose d’actionner le levier avec trois doigts sous peine de vite fatiguer dans les embouteillages.

Autoroutes et voies rapides

Les rares portions rapides que nous avons empruntées durant notre essai nous ont quand même permis de vérifier que le bicylindre 1200 cm3 n’avait rien perdu de son souffle. Une fois passé le cap des 6.000 tr/min, sa capacité à vous allonger les bras et vous martyriser les cervicales est tout simplement jouissive. Certes, il n’y a “que” 130 chevaux (ce qui en fait toujours la plus puissante de sa catégorie) et la transmission est outrageusement longue avec une vitesse de pointe lorgnant vers les 250 km/h, mais son caractère et sa sonorité virile incitent à accélérer plus que de raison dès que l’occasion se présente.

Aprilia Dorsoduro 1200 sur autoroute

Bref, si la protection du saute vent n’incitait pas à se caler sur un 130 km/h de croisière (5 500 tours en 6ème) il serait bien difficile de respecter les limitations de vitesse. En Sicile pourtant, ce n’est pas faute d’avoir essayé mais toutes les lignes droites étaient trop courtes et les grandes courbes bien trop rares et nous n’avons pas pus vérifier si la nouvelle définition de suspension apportait un gain en stabilité à haute vitesse.

Départementales

Les enfilades de virages se succèdent et le rythme s’accélère progressivement. Je repousse mes repères de freinage, accélère de plus en plus fort en sortie de virage tout en guettant le moindre signe de faiblesse de la Dorsoduro… peine perdue ! La nouvelle définition des suspensions prend ici tout son sens. L’avant et l’arrière travaillent enfin de concert sur les bosses et l’hydraulique ne montre aucun signe de faiblesse sur les portions les moins bien revêtues. Paradoxalement pour une machine à grands débattements de suspensions, la Dorsoduro n’aime pas les nids-de-poule et autres saignées dans le bitume. Si elle ne désunit pas, elle met en revanche votre fondement à rude épreuve, bien aidée par la selle taillée dans du chêne massif. Le filtrage sur les petites irrégularités est lui beaucoup plus convaincant. Et cette homogénéité retrouvée permet d’exploiter toutes les ressources du moteur. On peut même attaquer sans arrière-pensée, le grip de Diablo Rosso II inspire confiance et l’anti-patinage, veille au grain sans se montrer brutal, gérant la glisse à votre place. Une vraie réussite !

Aprilia Dorsoduro 1200 ABS sur route

Pour tirer la quintessence de la Dorsoduro, il faut tout de même adopter un style de conduite adapté. Sans l’aide de la pédale de droite, la Dorsoduro bascule toujours exagérément sur les très fortes décélérations mais tout rendre dans l’ordre dès qu’on use et abuse du frein arrière pour brider les transferts de masse. Idem pour resserrer une trajectoire. En utilisant uniquement l’élément avant, la direction se verrouille exagérément alors que l’aide du frein arrière lui donne des capacités d’improvisation insoupçonnées… N’allez tout de même pas vous imaginer que la Dorsoduro s’est d’un coup transformée en bête de course capable de remporter le prochain Moto Tour, mais ces nouveaux réglages donnent au gros supermotard de Noale un tout autre visage. Saine, homogène, elle devient surtout incroyablement fun dès que le rythme s’accélère alors que l’ancien modèle incitait plutôt à rendre la main à force de pompages désordonnés.

Un mot sur les cartographies… Le mode Touring est le plus adapté mais le mode Sport est enfin utilisable, bien qu’il ne fasse toujours pas l’unanimité. Le tirage très court demande d’avoir le poignet droit sensible et devient difficilement gérable au-dessus de 6500 tr/min mais, l’habitude venant, il offre son lot de sensations.Le twin a suffisamment de ressources pour permettre d’attaquer en restant sous la barre des 6000 tr/min, le jeu consiste ensuite à dépasser ce cap en sortie de virage. Avec l’anti patinage réglé en mode 1 (le plus permissif), sensations et efficacité sont garanties. En revanche, ceux qui se hasarderont à rouler en mode R sans l’anti patinage devront impérativement avoir une très bonne assurance santé, voire une assurance vie…

Aprilia Dorsoduro 1200 en virolos

Freinage

Les freins excellents dans tous les domaines, feeling parfait, excellent dosage, attaque franche mais pas brutale, puissance suffisante pour parer à toutes les situation “avec deux doigts”. Mention spéciale au frein arrière, parfaitement dosable et à l’endurance sans faille malgré sa forte sollicitation durant l’essai.

Confort/Duo

L’épaisseur de mousse dévolue au conducteur est anecdotique, celle du passager frise le virtuel. Il y a bien une sangle -planquée sous la selle- qui peu le cas échéant passer par-dessus cette dernière pour permettre au passager de s’agripper à autre chose que le pilote. Mais dans tous les cas, le transport d’un passager est à réserver aux cas d’urgence, comme tous les autres supermotards d’ailleurs…

Aprilia Dorsoduro 1200 sur nationale

Consommation

Surprise pendant notre test, il a fallut faire un crochet pas prévu au programme via une station service. Bilan, nos gros SM ont consommé entre 11 et 12 litres en un peu plus de 110 km. Des confrères plus calmes sont restés juste sous la barre des 9 litres mais l’appétit en carburant de la Dorsoduro dès qu’on force exagérément le rythme est un paramètre à prendre en compte. En mode raisonnable, on peut tabler sur une consommation de 7 litres à en croire l’ordinateur de bord. Sachant que le réservoir contient 15 litres dont 3,5 de réserve, l’autonomie totale tourne alors autour des 200 km. Certes, l’autonomie n’est pas un critère de choix déterminant dans le choix d’un supermotard mais les propriétaires sont invités à vérifier cette estimation ici.

Echappement Aprilia Dorsoduro 1200

Accessoires

Le catalogue d’accessoires maison permet, au choix, de la rendre plus sportive ou plus GT. Enfin GT, disons plutôt que la Dorsoduro peut recevoir un assortiment de bagagerie spécifique. Aprilia a autant de chance de vendre ses équipements touring aux possesseurs de Dorsoduro qu’un VRP un frigo à un esquimau mais la démarche est louable. Plus pertinents, les divers patins de protections (fourche, cadre, bras oscillant) protégeront efficacement le SM en cas d’excès d’optimisme. Quant au double échappement Arrow adaptable, il devrait permettre à la Dorsoduro de gagner encore quelques kilos sur la balance mais l’acheter pour sa seule sonorité serait une erreur, les vocalises de l’élément d’origine sont déjà parfaites.

Aprilia Dorsoduro 1200 de face

Conclusion

Après ce toilettage en bonne et due forme, la Dorsoduro 1200 gomme ses plus gros défauts pour devenir (probablement) plus conforme à son cahier des charges initial à savoir une machine fun et débordante de santé, capable de vous “mettre la banane” à chaque virage tout offrant le minimum syndical en termes de polyvalence. Bon, elle reste limitée par les contraintes inhérentes au genre (selle haute et dure, autonomie limitée, mode d’emploi SM obligatoire…) et pèche toujours par quelques défauts comme sa consommation élevée ou sa commande d’embrayage exagérément dure. Mais le replacement tarifaire opéré par Aprilia avec cette Dorsoduro devrait convaincre les derniers sceptiques. Affichée désormais à 9 999 € (-1691 €) en version standard et 10 999 € (-1891 €) équipée du duo ABS/ATC, elle offre le meilleur rapport qualité-prix de son segment.

Points forts

  • Moteur réjouissant
  • Partie-cycle (enfin) homogène
  • Rapport qualité/prix
  • La tranquillité d’esprit offerte par l’anti-patinage

Points faibles

  • Consommation à l’attaque
  • Embrayage dur

Aprilia Dorsoduro 1200 : 11.690€. Garantie deux ans pièces et main d'œuvre.

Concurrentes : Ducati Hypermotard 1100 Evo, Husqvarna 900 Nuda, KTM 990 SMR.

La fiche technique Aprilia Dorsoduro 1200