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Essai Moto Guzzi V9 Roamer et Bobber

Roamer contre Bobber : tout un film !

L’aigle à deux têtes !

Face à la montée en gamme, cylindrée et puissance des modèles concurrents sur le segment des motos néo rétro, Moto Guzzi se devait de réagir. L’aigle de Mandello lance donc une toute nouvelle moto, la V9, déclinée en deux versions : Roamer et Bobber, que nous avons pu découvrir sur les bords du lac de Côme…

Moto Guzzi V9 dans le garage

Découverte

La Roamer se revendique de la Nevada dans le rôle du custom élégant et universel (dixit Moto Guzzi), tandis que la Bobber serait « l’âme audacieuse et essentielle des V9 ».

Dotées d’une même base moteur et partie-cycle, ces motos se distinguent principalement par la taille de leur roue avant : 19 pouces et pneu de 100 mm de large pour la Roamer ; 16 pouces et pneu de 130 mm pour la Bobber.

On remarque vite d’autres différences, comme un guidon et une selle sensiblement plus hauts sur la Roamer, une ligne d’échappement anodisée noir sur la Bobber plutôt que chromée, ainsi qu’un garde-boue arrière plus court.

Chacune dispose du même réservoir “goutte d’eau” de 15 litres, de suspensions et freins identiques, des mêmes jantes alliage multibranches, garde-boues métalliques, repose-pieds en alu forgé et caches latéraux en aluminium léger. La qualité de fabrication et le niveau de finition sont très corrects, bien que l’on aperçoive encore quelques fils mal dissimulés ici et là, ou une centrale ABS encore trop visible devant le moteur.

Moto Guzzi V9 blanche

Comme de coutume, un imposant bicylindre transversal trône au cœur de ces motos, avec ses grosses gamelles émergeant de part et d’autre du châssis, culasses pointées vers le ciel. Il s’agit ici d’un tout nouveau moteur et non d’un moteur de V7 réalésé. Ce dernier, initialement basé sur celui de la V65, ayant déjà atteint les cotes d’alésage maxi possibles. Moto Guzzi a donc profité de la nécessité de se conformer à Euro 4 et de monter en cylindrée pour développer ce nouveau moteur, héritier de la tradition maison, mais modernisé et amélioré en différents points. Ce bicylindre en V à 90° conserve toutefois son authenticité, avec un refroidissement par air et huile. Le bloc moteur en aluminium est rigidifié au niveau des points sensibles. Il reçoit un vilebrequin calibré de manière à favoriser la vivacité de montée en régime, tout en préservant un bon frein moteur en décélération.

Motorisation Moto Guzzi V9

Le système de lubrification interne est amélioré par l’emploi d’une pompe à huile absorbant moins de puissance et de nouvelles buses de refroidissement des pistons, avec soupape de contrôle et gestion du débit. Un système de ventilation limite par ailleurs les pertes par pompage au niveau de la chambre de combustion. La distribution reste commandée par un système de tiges et culbuteurs, toujours à 2 soupapes par cylindre, mais à présent inclinées dans la culasse (parallèles sur la V7 II). Un embrayage monodisque à sec d’un diamètre de 170 mm permet quant à lui de passer la puissance sans à-coups, tout en minimisant l’effort nécessaire au levier.

Moto Guzzi V9 dans son coloris rouge

La V9 dispose aussi d’une nouvelle boite six vitesses, avec un sixième rapport “overdrive”, ainsi que d’une transmission finale utilisant un nouvel arbre à cardan double désaxé aux plus grandes dimensions et au nouveau couple conique. L’électronique de gestion moteur évolue également, avec un nouveau boitier. Résultat, ce bloc 850 cm3 développe 55 ch à 6250 tr/min et 62 Nm de couple maxi à 3000 tr/min, soit 7 ch et 3 Nm de plus que la V7 750. Une version A2 (48 ch) sera bien évidemment proposée aux jeunes permis. Comme sur les dernières V7, un système antipatinage à deux niveaux est inclus de série.

Moteur Moto Guzzi V9

Coté châssis, la V9 bénéficie d’un nouveau cadre double berceau tubulaire en acier, avec une partie avant renforcée au niveau de la direction et une géométrie permettant de mieux répartir les masses et de conserver une bonne agilité. Ceci malgré l’adoption d’un pneu arrière plus large (150 contre 130 sur la V7), qui a nécessité de modifier et renforcer le bras oscillant. L’angle de chasse de la V9 est donc plus fermé (26,4°) que celui d’une V7 (27°50’), pour une chasse de 125,1 (Roamer) ou 116,1 (Bobber) selon le diamètre de la roue avant. Les suspensions seraient également améliorées, tout comme le freinage, assuré à l’avant par un simple disque de 320mm pincé par un étrier Brembo à 4 pistons opposés et assisté par un système ABS à deux canaux.

En selle

Notre essai des nouvelles Moto Guzzi V9 s’effectue comme souvent au départ de l’usine de Mandello del Lario, sur les bords du lac de Côme. Une bordée de Roamer et Bobber nous attendent bien sagement dans l’arrière-cour. Le format de cette présentation s’annonce très court, ce qui ne va pas nous laisser beaucoup de temps pour découvrir ces nouveautés.

Moto Guzzi V9 rouge

En passant rapidement de l’une à l’autre, on perçoit vite leurs différences, à commencer par une position de conduite un tantinet plus confortable sur la Roamer, dont le guidon plus haut et reculé et la selle mieux rembourrée sont d’office plus accueillants.

Sur la Bobber, le confort d’assise est bien plus ferme et la position de conduite légèrement plus basculée sur l’avant du fait du guidon “cintre plat” plus lointain. La hauteur de selle ne diffère que de 5 mm (de 785 et 780mm), un conducteur de 1m70 pouvant facilement poser les deux pieds au sol à l’arrêt sur chacune.

Bobber Moto Guzzi V9

Tous les conducteurs auront par contre leurs tibias très (trop) proches des cylindres sur l’une et l’autre de ces motos, ce qui les obligera à reculer légèrement vers l’arrière de la selle afin d’éviter un contact désagréable avec ceux-ci au passage d’un nid-de-poule ou d’un raccord saillant. Ce faisant, la courte place allouée à un éventuel passager diminue d’autant, poussant pratiquement celui-ci en dehors de la selle. Un peu juste, d’autant que ce passager ne dispose que d’une sangle de selle ou doit enlacer le conducteur pour se maintenir, avec en outre des repose-pieds assez haut perchés. Une moto de macho solitaire cette nouvelle V9 ou au contraire un moyen de favoriser les couples ?

Le poste de pilotage est minimaliste, avec un unique tachymètre analogique assorti d’un cadran digital multifonctions et de quelques voyants (réserve et témoin d’injection, notamment). Une commande située sur le commodo gauche permet de faire défiler les informations fournies par l’ordinateur de bord (indicateur de rapport engagé, mode de traction choisi, odomètre, 2 trips, temps de voyage, température extérieure, conso d’essence moyenne et instantanée, horloge). A droite de la commande de clignotants, un bouton permet lui de changer le mode d’antipatinage d’une simple pression. Sur la poignée droite, on retrouve coupe-contact, démarreur et warning.

Compteur Moto Guzzi V9

Par contre, point de leviers réglables en écartement, ni de saut de vent de série sur ces motos. Certains s’insurgeront de la nécessité d’acquérir en option un bouchon de réservoir fermant à clé, absent de série.

Les V9 disposent en revanche d’un système antidémarrage par clé codée et l’on appréciera la présence de valves coudées au moment de gonfler ses pneus, des Continental Milestone pour la Bobber, Pirelli Sport Demon pour la Roamer. Les rétroviseurs offrent pour leur part une bonne rétrovision et sont faciles à ajuster.

Commodo Moto Guzzi V9

En ville

Contact, démarreur, le bicylindre Moto Guzzi tire visiblement bien sur la batterie pour lancer ses grosses gamelles et prendre vie. Sans être aussi prononcé que sur d’anciens modèles, le couple de renversement caractéristique à cette architecture moteur est encore là, ainsi que quelques vibrations résiduelles difficiles à contenir. Il suffit de donner quelques coups de gaz dans le vide pour ressentir le phénomène. La sonorité d’échappement est elle aussi typique, bien que de plus en plus amoindrie.

En passant la première, on se retrouve aussi en terrain connu, un claquement sec et bien sonore marquant le verrouillage du rapport. La commande d’embrayage n’est effectivement pas trop dure et la V9 s’élance en douceur sur un filet de gaz.

Moto Guzzi V9 sur route

Seconde, troisième, quatrième, chaque montée ou descente de rapport génère ce même claquement sec. Au moins, on est sûr d’avoir bien verrouillé le rapport. L’étagement de boîte est adapté aux évolutions en ville, le moteur étant par ailleurs très souple et permissif, acceptant de cruiser en sous-régime dès 2000 tr/min sur le dernier rapport, voire dès 1500 tr/min si on remet les gaz très doucement. Seule la course de sélecteur un peu longue fatigue à la longue si l’on préfère changer régulièrement de vitesse plutôt que de profiter du couple généreux du bicylindre à bas régimes en restant le plus longtemps possible sur le même rapport. On ressent encore un léger à-coup de transmission à l’accélération comme en décélération, mais rien de véritablement perturbant et typique d’une transmission par cardan.

Avec la Roamer comme la Bobber, la maniabilité dans ce contexte urbain est excellente. Toutes deux sont bien stables en ligne à basse vitesse et disposent d’un rayon de braquage assez court qui facilite les demi-tours impromptus et les évolutions entre les voitures dans les encombrements. Rien de tel à Mandello del Lario où le trafic est parfaitement fluide.

Moto Guzzi V9 sur nationale

Sur route

Nous filons à petite allure derrière notre guide en direction du premier spot photo sur les bords du lac. En prenant de la vitesse, la stabilité reste bonne, mais l’on note de petites différences entre les deux V9 à l’inscription en courbe. Avec la Roamer, on ressent plus de vivacité et une légère inertie de la roue avant lors de l’inscription en courbe, alors qu’avec la Bobber on a l’impression que la moto s’engage d’un bloc, de manière plus ronde et progressive, avec un peu de retenue. Un effet évidemment dû à la taille des roues, mais aussi à la largeur des pneus, plus petite et large à l’avant sur la Bobber.

Sur la Roamer, nos hôtes ont installé un smartphone (IOS ou Android) afin de nous faire découvrir leur plateforme multimédia MG-MP optionnelle. Connecté au système via Bluetooth, l’Iphone affiche en temps réel un grand nombre d’informations additionnelles via une application dédiée. On peut ainsi décider d’afficher au choix : compte-tours, angle d’inclinaison du véhicule, valeurs de couple et puissance instantanées, vitesse moyenne et maxi, conso moyenne, voltage de la batterie, pourcentage de temps passé en conduite “éco”, etc. A ceci s’ajoutent évidemment les fonctions de localisation GPS de votre smartphone (carte, itinéraire, stations essences, etc.) si vous disposez d’une connexion data active, la position de la moto étant automatiquement mémorisée à chaque stationnement.

Moto Guzzi V9 jaune

Calé en 5ème à 70 km/h, le compte-tours virtuel affiche 3000 tr/min, 500 tr/min de moins en passant en 6ème, poignée d’accélérateur à peine tournée. On se traîne gentiment derrière l’ouvreur, mais le paysage est splendide alors on en profite… En faisant le “yoyo” entre deux collègues, on apprécie un peu mieux le couple généreux du bicylindre italien en partant de ce régime. Une franche rotation de la poignée suffit à faire bondir la V9, qui prend alors rapidement ses tours et permet d’effectuer un dépassement rapide sans devoir nécessairement tomber un rapport. Ceci étant, passer de la 6 à la 5 améliore nettement l’opération, la 6ème “overdrive” atténuant tout de même la fougue du V9 en reprises.

Moto Guzzi V9 sur départementale

Dans le sinueux, la différence de comportement dynamique entre les deux V9 s’accentue encore. Avec la Roamer, l’avant plus lointain incite à rendre un peu la main en entrée de courbe et nécessite plus d’engagement au guidon pour passer rapidement d’un angle à l’autre, malgré un pneu moins large. La Bobber offre un meilleur ressenti, mais la limite du grip de ses pneus Continental n’est pas évidente à cerner, ce qui incite aussi à la prudence. Pour autant, l’une et l’autre de ces motos est capable d’enrouler à bonne allure dans le sinueux avant d’atteindre les limites de sa partie-cycle. Le moteur s’avère au final assez joueur lorsqu’on le sollicite, mais il faut soigner ses passages de rapports vu la longue course de sélecteur et faire attention au rétrogradage à cause du frein moteur important si l’on y va trop fort.

Dans ce contexte, la suspension se révèle vite un poil trop souple à l’avant et ferme à l’arrière, mais elle encaisse correctement les chocs et travaille encore bien dans les enchaînements de virages comme dans les phases de freinage/accélération. Plus intrusif en mode 2, l’antipatinage se fait oublier en mode 1 tout en restant sur le qui-vive en cas de perte d’adhérence. En revanche, dès que ça tournicote un peu, comme en montagne, on arrive vite aux limites de la garde au sol et les repose-pieds ne sont pas longs à frotter si l’on ne soigne pas ses trajectoires. Même sans adopter un rythme de conduite véritablement sportif. Par ailleurs, il suffit d’un choc brusque encaissé par l’arrière sur l’angle pour creuser un sillon avec ces mêmes repose-pieds dans le bitume de la chaussée. Une mise en garde qui limitera d’autant les velléités sportives des futurs possesseurs de V9.

Moto Guzzi V9 noire

Autoroute et voies rapides

Comme vous l’aurez compris, nous n’avons pas eu l’occasion de tester les V9 sur voies rapides ni autoroutes. Pas même l’opportunité d’effectuer un petit maxi histoire de voir ce que ce moteur a dans le ventre à hauts régimes, ou s’il délivre d’insidieuses vibrations à hauts régimes. En revanche, on peut déjà confirmer qu’en l’état, la protection au vent du conducteur est minimaliste et qu’il faudra recourir à un pare-brise optionnel pour l’améliorer. Ceci étant, Moto Guzzi semble plutôt prédisposer la Roamer aux balades au long cours et a développé pour elle toute une gamme d’accessoires afin de faciliter la vie aux dévoreurs de bitume (Sacoche cavalières, de réservoir, pare-brise, etc.).

Moto Guzzi V9 sur autoroute

Freinage

De ce que nous avons pu en juger, le freinage présente une puissance adaptée aux performances de ces motos, malgré un feeling perfectible au levier. En tapant un peu trop fort dans le frein avant, la fourche plonge assez vivement, mais il faut insister plus pour déclencher l’ABS. Celui-ci n’intervient pas très finement, mais il demeure néanmoins efficace en évitant le blocage de la roue avant. La pédale de frein arrière est pour sa part fonctionnelle et relativement dosable, permettant de se ralentir efficacement sans avoir à utiliser le frein avant. Un appui trop fort déclenche par contre vite l’ABS.

Freins Moto Guzzi V9

Consommation

Au terme de notre essai rapide d’environ 100 km répartis au guidon de ces deux motos, à un rythme particulièrement tranquille, l’indicateur de consommation moyenne indiquait 4,65 l/100km, soit une autonomie d’environ 322 km avec les 15 litres contenus dans le réservoir. Nul doute qu’à notre rythme habituel cette valeur serait aisément dépassée.

Réservoir Moto Guzzi V9

Confort/Duo

Dotée d’une selle mieux rembourrée et offrant une position de conduite sensiblement plus droite, la Roamer s’en sort globalement mieux que sa consoeur. En descendant de celle-ci au retour de notre courte boucle, la plupart des participants ne cachaient pas avoir déjà mal au cul. Le travail de suspension est pourtant correct et contribue efficacement à l’agrément d’utilisation, mais il suffit d’un défaut de revêtement routier marqué pour faire réagir sèchement le combiné amortisseur arrière. A fortiori si l’on évolue à deux, ce qui n’est pas évident avec deux personnes de fort gabarit car le passager arrive alors très vite aux limites arrière de la selle.

Selle Moto Guzzi V9

Pratique

D’origine, les aspects pratiques des V9 ne sont pas légion. Pas de saut de vent, pas d’espace de rangement sous la selle, pas de poignées de maintien passager ou de porte-paquet, ni de bouchon de réservoir fermant à clé… L’ergot de la béquille latérale est aussi un peu trop collé au silencieux d’échappement, ce qui oblige à racler le long de celui-ci pour la déployer. Il y a heureusement des systèmes antipatinage et ABS pour relever le niveau, ainsi qu’une instrumentation de bord assez riche, une prise USB, ainsi que des valves coudées pour gonfler ses pneus. Le catalogue d’options Moto Guzzi est là pour palier aux carences, avec un très grand nombre d’accessoires spécifiques à ces motos et de produits dérivés (vêtements, etc.).

Conclusion

Proposées à 9 990 € (Roamer) et 10 390 € (Bobber), les Moto Guzzi V9 ne se bradent pas face à des rivales aussi attractives et pour certaines bien plus puissantes (Ducati Scrambler Classic à 10 490 €, Harley Davidson 883 Iron à 9 990 €, Triumph Street Twin à 8 900 €, ou même Triumph Bonneville T120, un peu plus chère à 11 990 €. A ce niveau de prix les consommateurs commencent à être plus exigeants et regardants sur le niveau d’équipement et les prestations fournies. Il reste alors aux V9 le look, la vie du moteur, le label “made in Italie” ainsi que toute l'histoire associée à la marque, preuve d'un autre voyage.

Points forts

  • Agrément moteur
  • Comportement sain
  • Facile d’accès
  • Transmission par cardan

Points faibles

  • Moteur proche
  • Confort ferme
  • Garde au sol
  • Niveau d’équipement

La fiche technique de la Guzzi V9

Conditions d’essais

  • Itinéraire: petites routes variées + ville
  • Kilométrage : 100 km

Commentaires

Thumper

On écrit « saute-vent » et non « saut de vent »... sinon, bel article, bien complet, qui décrit fort bien les qualités et les défauts des nouvelles-nées de Mandello.

21-03-2016 12:53 
 

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dafy