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Essai Yamaha YZF-R6

R6, Wind and Fire

D'origines sportives multiples, telle est la Yamaha R6, puisant ses racines dans différentes branches familiales du segment. Ainsi, au commencement était la FZR 600 cm3 de 1989, révolutionnaire en son époque et conçue pour le championnat Supersport : cadre DeltaBox et 4 cylindres inclinés à 16 soupapes. Elle produit 90 ch à 10 500 tr.mn pour 179 kg à sec.

5 ans plus tard, une nouvelle FZR 600 R s'inspire, en partie, de la machine de course YZF 750 R. Mais cette dernière possédait un quatre en ligne de 749 cm3 type Genesis : cinq soupapes par cylindre et valve d'échappement "Exup" pour améliorer la puissance à bas et moyens régimes. L'ultime descendante des ex-FZR se fait avec une évolution routière-sportive, la YZF 600 R Thundercat de 1996. Loin du tsunami mécanique à venir.

Une décennie après la première 600 apparaît donc une toute nouvelle génération, la Yamaha YZF R6, introduisant le patronyme actuel. 120 ch à 13 000 tr.mn, 6,94 da.Nm à 11 500 révolutions pour 169 kg à sec, cadre alu ultra-compact et géométrie course. Nombre d'améliorations caractérisent l'opus 2003, dont un nouveau cadre moulé sous pression, une admission injectée et un poids réduit à 162 kg. Le modèle 2005 poursuit cette course à l'armement avec fourche inversée, disque de freins de plus grand diamètre à étriers radiaux, améliorations moteur et embrayage anti-dribble.

Esthétiquement, la machine de 2006 fait table rase des rondeurs, laissant transpirer extérieurement son caractère hyper-sport. Des angles pour prendre de l'angle, des lignes tendues pour chopper les points de cordes, une face à la Batman et une zone rouge à… 17 500 tr.mn ! Mais moins en réel. Accélérateur Ride by Wire en première mondiale et 127 ch font de ce modèle une référence. La belle évolue ensuite plus doucement, réduisant très légèrement ses outrances physique et mécanique sans renier fondamentalement son entichement pour les hauts régimes. Et puis..? Peu de chose. En fait, 7 ans d'attente pour un renouveau.

Yamaha propose donc, enfin, en 2017 sa nouvelle YZF-R6. Cette ballerine de sport dernière génération bénéficie du développement de son aînée la dernière YZF-R1. Au programme? Du sport, du sport et… oui, du sport !

Essai de la Yamaha YZF-R6

Découverte

Méconnaissable, très proche de celle de sa grande sœur de 999 cm3, l'esthétique de la YZF-R6 2017 est une réussite. Elle n'a d'ailleurs que peu à lui envier, extérieurement. Moins musclée, sa silhouette conserve une finesse et élégance peu communes. Elle semble emprunter certains détails du style de sa face avant à quelques italiennes récentes. L'ensemble est si homogène qu'on note à peine l'entrée d'air frontale. Ultra-compacte, la petite nippone de course arbore un regard des plus effilés. De fines lames de leds composent ses feux diurnes, complétés de deux de route plus imposants, masqués sous la tête de fourche. Les lignes s'étirent ensuite vers les flancs en courbes tendues mais sans outrance, enveloppant la machine de carénages sculptés aux formes discrètes.

La Yamaha YZF-R6 version 2017

Cette robe fluide est dominée par les volumes facettés du réservoir. Fait d'aluminium, allégé de 1,2 kg, le bidon de 17 litres reçoit des ouïes de ventilation pour l'électronique. Bien plus creusés au niveau des genoux, ses flancs laissent d'autant plus d'espace au pilote pour se mouvoir. Un renfoncement à son sommet attend votre casque quand vous vous y allongerez pour échapper aux flux des hautes vitesses…

Et l'assise pilote semble laisser la place nécessaire à cette position limande, dominée par la selle passager au format célibataire. En magnésium coulé sous pression, la boucle arrière plus étroite de 20 mm est certainement l'élément de design le plus remarquable de la YZF-R6. Solides en partie basse, les longerons du bâti s'affinent ensuite en deux feuilles formant ailerons puis se gainent alors de plastique, dessinant une poupe acérée. Une lame de diodes s'accroche verticalement à l'ensemble et le tout produit un effet dynamique laissant forte impression.

Le réservoir reprend les facettes de la R1

La finition d'ensemble est globalement valorisante hormis quelques câble et fiches électriques présentes notamment dans la tête de fourche. De même, les pains de mousse de protection sur les intérieurs des carénages surprennent un peu. Mais c'est surtout l'échappement qui pose question et dont l'esthétique est totalement indigne sur ce type de machine. On se console avec des rétroviseurs à montants métalliques facilement escamotables et réglables, intégrant les clignotants à leds. Des diodes qui équipent d'ailleurs la totalité de la machine. Enfin, attention à la gracile béquille latérale, fort verticale, qui peut facilement se désengager…

Technique

Étonnamment, partie-cycle et moteur évoluent fort peu. La nouvelle sportive de poche aux diapasons repose toujours sur un cadre Deltabox aluminium entourant le quatre cylindre en ligne de 599 cm³, à double arbre à cames en tête et quatre soupapes par cylindres. Peu d'évolutions là aussi. Super carré, le rapport alésage x course inchangé de 67,0 x 42,5 mm privilégie toujours les hauts, très hauts régimes. Ainsi, la puissance maxi s'atteint à 14 500 tr.min, lâchant 118,4 ch (87,1 kW) et la force moteur 6,17 da.Nm à 10 500 révolutions. Des valeurs de rotations toujours élevées. Les rapports de boite restent identiques mais la Yam' se dote d'un quick shifter de série. Soumis au joug des normes Euro4, les performances baissent légèrement de 5 ch et 0,3 da.Nm. Mais les belles pièces sont toujours au rendez-vous, avec soupapes et ligne d’échappement en titane et valve Exup.

Le 4 cylindres de la R6

Le millésime 2017 s'électronise d'avantage et intègre 3 D-Modes Yamaha, Standard, A et B, gérant les cartographies moteur. Le système module la réponse à la poignée sans réduction de la puissance. Sur B, les relances sont lissées, idéales en cas d'adhérence médiocre. A l'opposé, le mode A fait bondir la machine au moindre coup de poignet. La R6 reçoit un contrôle de traction paramétrable sur 6 valeurs et déconnectable (TCS). L'ensemble est piloté par l'accélérateur Ride by Wire (YCC-T). De plus, la mécanique bénéficie du YCC-I, système Yamaha de contrôle électronique de l’admission variable et l'embrayage est anti-dribble.

Pas d'évolution non plus en géométrie dont l'empattement, 1 375 mm, l'angle de colonne, 24° et la chasse, 97 mm restent identiques. Même constat pour le bras oscillant. L'équipementier Kayaba signe les suspensions. Empruntés à la R1, les fourreaux de la fourche passent de 41 à 43 mm pour un débattement de 120 unités. L'élément est réglable en tous sens, comme l'amortisseur.

Transmission de la Yamaha YZF-R6

Pour stopper l'athlète poids mouche, deux étriers radiaux monobloc à 4 pistons opposés attaquent des disques de 320 mm à l'avant. Le ralentisseur opposé simple piston serre une frète de 220 mm. Le tout est sous contrôle de l'ABS non désactivable, gérant la rotation des jantes à cinq branches en alliage d'aluminium, dépourvues de valves coudées. Elles reçoivent des enveloppes Dunlop Sportsmart ou Bridgestone S21 en 120 et 180 mm.

En selle

Si le gabarit hyper compact de la Yamaha YZF-R6 peut rebuter les plus grands, l'espace à bord est très correct, pour la catégorie bien sûr. Top modèle sur talons aiguilles, la YZF-R6 conserve une altitude de selle de 850 mm MAIS voit son entrejambe réduite de 20 unités, améliorant sensiblement l'accès à son échine. On note également un possible recul très important sur la selle, avec près de 20 cm d'amplitude ! Quasiment deux assises en une.

Bien sur, le sport s'invite à tous niveaux. Hautes et reculées, les commandes font plier les jambes et fortement basculer le buste sur les demi-guidons bracelet eux même placés très bas. L'athlète ne souffre d'aucun compromis. Vous avez voulu la guerre, elle est votre arme et les premières victimes sont vos poignets. Je serai d'ailleurs tellement surpris en reprenant ma BMW R1100S par sa hauteur et son confort, que je penserai un moment que Yamaha m'avait joué un tour et transformé ma machine en trail…

Essai de la Yamaha YZF-R6 2017

Sous vos yeux, l'expression est parfaite, le té supérieur fait dans le minimalisme. Cette sobriété n'oublie pas une finition appréciable, le fin granité noir de sa surface contrastant avec les couleurs vives des capuchons de fourche. Ces derniers supportent les réglages d'hydrauliques et précharge du train directeur. On ajuste TCS et D-Mode au commodo gauche et droit par poussoirs dédiés et le levier de frein est réglable en écartement.

On est moins enthousiaste sur le cockpit qui pourrait être mieux gainé ainsi que sur le bloc instruments hérité des générations 2015. Un vaste compte-tours analogique (notez le R6 pour les 6 000 tours…) surplombé de la lampe du shiftlight et s'accole à une large fenêtre digitale. Cette dernière regroupe tachymètre, indicateur de rapport engagé, température moteur ou d'air, niveau de réglage du TCS, mode conduite retenu et horloge. Un poussoir au tableau de bord fait défiler ensuite odomètre et deux partiels avec chacun consommation instantanée ou moyenne et décompte kilométrique de passage en réserve.

Compteur de la Yamaha YZF-R6

En ville

Une salve rapide du démarreur lance le quatre cylindres dans un feulement discret. Mais la première accélération fait parler la boite à air, résonnant dès que le compte-tours passe les 5 000 révolutions. Toutefois, les 7 000 premiers incréments semblent inutiles tant le moteur y parait absent. Heureusement, avec près de 16 000 tours exploitables, la R6 en a encore beaucoup sous la poignée…

Souple, la mécanique permet d'évoluer au légal sur les plus hauts rapports. Cette douceur contraste avec une sélection peu amène. Rugueuse, elle n'est guère agréable, surtout en rétrogradant, mais ma machine d'essai n'avait pas 1 000 km… A voir. On appréciera d'avantage de monter les rapports au shifter sur les boulevards, en regrettant donc que le downshift ne soit pas fourni.

La R6 montre rapidement les limites du segment sportif en ville

La position extrême demande un peu d'habitude en agglomération. La direction semble dure au début mais c'est au pilote d'indiquer, par tout moyen, la direction. Une fois cette subtilité intégrée, la R6 se fait vive compagne. Toutefois, cela ne change rien à son rayon de braquage parmi les plus larges de la production. Bonnet d'âne pour les demi-tours. Qu'importe, faire des emplettes en sportive n'est pas un choix raisonnable. Heureusement, son poids de 190 kg prête à rouler fait bien relativiser les difficultés des manœuvres.

Entre les murs, la R6 montre vite les limites inhérentes à ce type de machine. De plus, le bouilleur chauffe fort et peine à évacuer les calories ailleurs que sur son pilote. Deux ventilateurs ne sont pas de trop… Peu confortable, la position est surtout moins commode pour réagir en cas d'urgence. Le faible bras de levier sied au pilotage sur piste mais guère aux aléas des déplacements urbains. On s'en accommode mais la mécanique pousse également trop souvent à l'excès… L'YZF veut de l'R, direction l'horizon rectiligne.

Autoroute et voies rapides

Un souffle, un vrombissement métallique, la Yam' aspire le paysage dans son entrée d'air cyclopéenne. Le shiftlight clignote à tout va et le permis s'envole comme l'aiguille du compte-tours vers la zone rouge… Ah, mais… ça envoi ce truc ! Inertie mécanique nulle, poids réduit et aérodynamique aéronautique propulsent l'équipage vers les hautes vitesses. Après 10 000 tr.mn, le bloc aux diapasons se fait furie et rappel ce caractère si spécifique aux 600 quatre cylindres. Tout dans les tours. Je mets à profit l'immense recul offert par la selle et utilise le décrochement du réservoir pour y caler mon heaume. Plus haute de 50 mm, la nouvelle bulle offre une très bonne protection et la vision est excellente. Bien meilleur que certaine 1000… Et la stabilité est excellente.

Stabilité et protection sont excellentes à haute vitesse

Au légal, on évolue à 7 200 tr sur le dernier rapport. Parfait pour des reprises efficaces, mais mieux si l'on rentre une vitesse. Quasi indemne de vibration, la machine ronronne et pousse à quitter les voies rapides radarisées. De toute façon, on avait fait le tour de la question et de la réponse : la YZF-R6 est née pour la vitesse. Mais quid de sa maniabilité sur route?

Départementales

On prendra soin de choisir des routes aux revêtements corrects A défaut, le profil course des suspensions fait souffrir sur le bitume irrégulier. Ce détail mis à part, la R6 est un scalpel pour dessiner les courbes. Précise, vive, la Yamaha réagit aux moindres impulsions, calant sa trajectoire sur le regard du pilote. Son faible poids est sa première qualité, limitant les mouvements de châssis et réduisant les efforts pour emmener l'hypersport. Dans les petits coins, on compense ainsi une géométrie moins favorable aux épingles. La R6 passe d'un angle à l'autre dans un mouvement de bascule intuitif mais moins naturel que sur un roadster bien sûr. Mais quand le tracé se délie, la japonaise fait parler le feu de sa turbine et sa stabilité sur l'angle. A condition de maintenir le propulseur du missile à plus de 8 000 tours. En deçà, le bloc est faible ou atone. Un 600 quatre cylindres nécessite le respect du mode d'emploi pour en tirer la quintessence. Et vous gratifier alors d'une orgie mécanique sans pareil. Il faut alors beaucoup de chevaux sur une machine plus conséquente pour espérer lui damer le pion. D'autant que le toucher de route du train avant est un des meilleurs, transmettant beaucoup d'informations au pilote.

La Yamaha YZF-R6 en courbe

La vigueur mécanique de la Yam' peut en surprendre beaucoup, en dépit d'une force moteur moyenne. Très présent, le bruit de la boîte à air met en avant la force mécanique plus que le son de l'échappement. C'est en cartographie Standard que la machine est la plus prédictible, évitant les à-coups du mode A (sportif). Précis, l'accélérateur permet de doser les gaz au millimètre, notamment en virage, idéale pour ré-accélérer en confiance.

La Yamaha YZF-R6 sur route

Là encore, le poids réduit joue beaucoup, tout comme sur les phases de freinage et la Yamaha tire profit au maximum de ses suspensions haut de gamme. Progressive, la fourche travaille remarquablement en début comme en fin de course, limitant les transferts de masse. Et sur les relances, l'amortisseur cale la machine sans mouvement parasite. Finalement, seule la sélection un peu sèche se rappelle au pilote au rétrogradage. On se consolera avec un freinage endurant et puissant, parfaitement dosable.

La dynamique est parfaitement secondée par une boite rapide et un shifter précis. De même, les pneumatiques Dunlop Sportsmart mettent en confiance et encaissent sans mal la cavalerie de la 600. En cas de besoin, l'anti-patinage veille, se mettant en œuvre sans brutalité.

La Yamaha YZF-R6 en courbe

Partie-cycle

Dotée de très bonnes suspensions, la YZF-R6 bénéficie d'une géométrie vive et d'un poids contenu, faisant d'elle un choix de première catégorie pour qui souhaite une machine efficace. Ajustables en tous sens, les suspensions suivront les désirs du pilote et ses besoins, tant sur piste que sur route.

La fourche s'ajuste dans tous les sens

Freinage

Puissant, les étriers avant délivrent des décélérations sous contrôle. Avec son maître cylindre radial, le levier permet d'ajuster au mieux la force souhaité. La pince arrière seconde parfaitement le train directeur, permettant d'asseoir à l'envie la R6 en virage. Enfin, l'ABS ne se déclenche qu'à bon escient et avec une grande neutralité, sans grever un pilotage sportif.

Confort/Duo

Selle compétition, position idoine… détendez-vous en vissant la poignée des gaz sur circuit. Le confort n'a alors plus de sens.

La R6 dispose de repose-pieds passager permettant, de supporter un éventuel importun certes, mais surtout de passer les lanières d'une sacoche de selle ! Qui a dit que l'hyper-sport n'était pas pratique? C'est bien le seul bagage possible car le réservoir en alu, devancé d'un cache plastique, ne pourra supporter un sac de réservoir magnétique… Et n'espérez pas la caler avec des sangles; entre l'impossibilité de les glisser et la chaleur du bouilleur… vous choisirez un sac à dos !

Attention, l'éclairage en virage peut surprendre. Les leds produisent un faisceau très marqué, qui se réduit à très peu côté intérieur du virage, ne laissant alors que de l'ombre.

Les LEDs sont omniprésentes sur cette dernière génération de R6

Consommation

Une moyenne de 6,5 litres en cycle mixte laisse entrevoir la sportivité du bloc. Choisir le D-mode B atténue la soif de la Yam. En usage normal, 180 km d'autonomie est la norme.

Avec 6,5 litres de conso moyenne, le réservoir autorise environ 180 km d'autonomie

Conclusion

Dernière représentante d'un segment autrefois dynamique, la Yamaha YZF-R6 reste une machine d'exception, taillée pour les performances sportives. Son usage au quotidien exige des sacrifices mais permet de jouir d'un engin addictif et valorisant. Qualité des composants, de la mécanique et de la géométrie prouvent l'aboutissement de ce modèle exclusif.

Toutefois, cette réalisation de haut vol à un tarif du même type : 13 999,00 €… Cela peut paraître excessif au vu d'une utilisation réduite et ne prenant sens que sur circuit. La Yamaha YZF-R6 est un diamant, pour amateurs de machines à l'efficacité pure et sans compromis.

La 600 adopte le look de sa grande soeur R1

Points forts

  • Esthétique
  • Caractère moteur à haut régime
  • Embrayage anti-dribble
  • Électronique
  • Freinage
  • Sonorité
  • Protection pour le segment

Points faibles

  • Esthétique de silencieux indigne
  • Pas de valves coudées

La fiche technique de la Yamaha YZF-R6

Coloris

  • Candy Lime Green (vert) / Metallic Carbon Gray (gris)
  • Metallic Spark Black (noir) / Metallic Graphite Gray (gris)
  • Candy Burnt Orange (orange) / Metallic Carbon Gray (gris)