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Roman : René (épisode 47)

Episode 47 : Les qualifs…

Mine de rien, Pépère est en train de faire son trou favorablement au sein de la petite communauté du mondial SBK. Il n'est là que pour une pige, donc pas dangereux au championnat, un mec comme lui, ça met une sacrée ambiance et c'est un bonus au niveau médiatique. Et vu la concurrence avec le MotoGP, c'est pas négligeable de voir débarquer un type pareil. Tous l'ont bien pigé, s'accordant à le considérer comme l'un d'entre eux désormais. Pépère continue son ascension !

Et puis, dans le team GAGA, il y a… les filles !!!

Max, en habitué d'un milieu ou il faut s'exhiber pour vendre, est parfaitement rodé à l'exercice qui consiste à chauffer l'assemblée par l'entremise de ses « employées ». Contre toute attente, et surtout, en désaccord total avec la promesse faite au départ de ne pas transformer le paddock en salon du X, le voilà qui ordonne à ses troupes d'entamer le show habituel.

Cinq minutes, chrono en main ! C'est le temps qu'il faut à ces professionnelles du « Popaul-lève-toi » pour mettre le feu à l'ensemble de la salle qui, bientôt, a oublié complètement le circuit et la moto !

Même le personnel de l'hôtel tient à participer à la distribution de capotes dont les flans de carénage sont à l'effigie du team GAGA : ça, c'est d'la pub…

Le lendemain matin, comme il était pressenti, c'est le beau fixe qui règne sur le circuit. La foule se presse déjà dans les tribunes pour la première série qualificative du week-end. Je te rappelle qu'elle va déterminer l'ordre de passage pour la superpole de l'après-midi. C'est pas vraiment important, mais psychologiquement, ça permet de marquer les adversaires. Le meilleur temps de la série matinale s'élancera en dernier pour tenter d'enfoncer le clou, en ayant eu le temps d'observer ses adversaires qui auront défilé un à un devant lui. Le principe c'est : un tour de lancement, et un tour chrono. Faut pas se louper…

Dans les stands, c'est l'effervescence. On vérifie tout dans les moindres détails, pas question de louper son entrée en scène pour une bricole !

Juju passe son temps à vérifier les paramètres de télémétrie des deux machines réglées de façon identique, tandis que Papy vérifie les moteurs, Jean-Yves les partie cycles, tous deux aidé par Ovomaltine, le tout orchestré par Albert, ouuuf !

Le travail est simplifié par le fait que la température de piste est exactement la même que la veille : pas besoin de toucher les réglages.

Une personne se présente soudain à l'entrée du box : Philippe MONNERET , pour EUROSPORT. Ce dernier, débarqué tôt dans la matinée, veut une interview du phénomène dont tout le paddock parle depuis ce matin. Maurice et Dave, conscients que l'ancien a besoin de se concentrer, et que, dans ces moments-là personne ne peut l'aborder sans se faire bouler immédiatement, se chargent d'expliquer à l'ex-pilote reconverti au journalisme que l'instant n'est pas approprié pour ça. C'est Max qui se charge de présenter son team à la chaîne sportive, conseillant néanmoins au « hamster » de garder un œil sur Pépère…

Le pace car en termine avec son tour de reconnaissance, tandis que le public monte doucement en température et le paddock en pression : plus que quelques minutes avant de se lâcher « pour de bon »

La tension est maintenant à son point culminant, les machines à l'extérieur, les pilotes en cuir et les commissaires à leur place.

Soudain, une sirène se met à hurler, les mécanos retirent les couvertures chauffantes et réveillent les moteurs à renfort de grands coups de gaz. Les pilotes commencent à sortir des stands pour grimper sur les machines. La séance chronométrée vient de débuter !!!

René est le premier à s'élancer. Il est calme et détendu, mais parfaitement concentré. Par contre, dans le stand, les cœurs battent la chamade. De combien vont descendre les temps et, surtout, comment va se comporter le BIMOCATI ? Chacun retient son souffle…

La météo est au beau fixe, mais la piste encore fraîche. Les chronos risquent de stagner au début ; c'est, du moins, l'avis de Max qui espère secrètement que l'écart n'ira pas en défaveur de son pilote. Seul Maurice semble confiant dans le déroulement des évènements. Faut dire aussi que le bougre est actuellement focalisé sur une des girls du team. Elle se prénomme Sophie (ben, ouais…), et c'est une magnifique brune aux yeux verts d'un mètre quatre vingt, avec une poitrine d'enfer et un arrière train semblant sortir tout droit de la planche à dessin du génial Massimo TAMBURRINI, bref, il est un peu ailleurs…

Ha ! au fait…, pendant que tu es là, faut que je t'annonce l'arrivée sur le circuit de deux journaleux que je me dois de te présenter : l'un est français, d'origine russe, travaillant à la rubrique « sport » du même canard que Grigou, ne jure que par KAWA, et se nomme Gregor BLANCONOVITCH. Pour la petite histoire, c'est aussi un cousin aux deux personnages que tu connais. Dans le milieu, il est surnommé le « diesel », rapport à ses ronflements gargantuesques consécutifs à un goût immodéré pour le breuvage d'Ecosse que ne manque jamais d'apporter le deuxième quidam dont je vais te causer à présent. Lui, il bosse pour Racing Bike, un canard écossais spécialisé dans la vitesse. Comme Gregor, son ami, il parcourt le monde en suivant les SBK et les GP, et fait aussi des piges sur les concentres internationales. Tous deux arrivent d'ailleurs de la Principauté du Belvédère, lieu de la réunion annuelle du plus important rassemblement au monde de motards, mais ça, j'ai pas besoin de te le préciser, c'est connu dans le milieu… Le nom du journaleux ? John Band' O Taquet, alias JBT (tu prononces : jibiti), un écossais à l'image de la boisson de son pays… Celui-là possède une expérience de la course hors du commun, il roule exclusivement en DUCATI (car ça rime avec Whisky…), et possède un coup de gaz à faire blêmir les plus arsouilleurs. Paradoxalement, il n'a jamais participé à la moindre compétition, préférant réserver son talent à faire hurler de peur les inconscientes qui osent partager la partie arrière de sa selle…

Donc, ces deux personnages sont présents ici même. Pourquoi je t'en parle ? On verra ça plus tard… Pour l'instant, place à l'action !

Dans l'immédiat, personne n'a amélioré et les chronos se tiennent aux alentours des 1'35. Ç'est la particularité du circuit australien avec une piste soumise aux aléas de l'océan, elle n'est jamais identique à la veille.

En ce début de séance, on a l'impression que tout le monde s'observe, cherchant à peaufiner les derniers réglages et laissant à l'adversaire le soin de lancer l'offensive.

Superpapy, pour sa part, se contente d'aligner les tours en 1'35/1'36, tout en passant différents pneus. A chaque retour au stand, il compulse les écrans pour vérifier la position de chacun, mais peste sans cesse contre un léger manque d'accélération à la sortie des courbes serrées, ainsi qu'un déficit de quelques kilomètres/heure au bout de longue ligne droite. Finalement, si la BIMOCATI se révèle maintenant saine en partie cycle, voir excellente en terme de maniabilité et précision au point de corde, le moulin, après avoir fait illusion au début, montre maintenant son manque flagrant de développement… Ha ! C'est pas simple tout ça…

Juju et Papy vont ce qu'ils peuvent pour tenter de combler le déficit, mais rien n'y fait ! Les SUZ et les DUCAT restent une seconde devant la BIMOCATI, sans oublier la HONDA de VERMEULEN (lequel semble passer beaucoup de temps dans son stand…). Seules les YAM et les KAWA semblent un peu en retrait, ainsi que les PETRONAS dont on attendait mieux, surtout avec un Steve MARTIN particulièrement à l'aise sur son tracé.

Le premier à se lâcher, c'est Régis : 1'34'5 à la trentième minute. Aussitôt, Troy lui donne la réplique en tournant dans le même dixième, suivant de KAGAYAMA qui, deux tours plus tard descend en 1'34'4.

On sent nettement que personne ne sortira le chrono du siècle. Quinze minutes plus tard, rien n'a évolué…

René, quand à lui, tient le sixième rang en 1'35 pile sans réussir à faire mieux , ABE est passé devant en 1'34'9.

C'est bizarre quand même… Personne ne semble en mesure de claquer une pendule en pneus course. Faudra voir dans l'après-midi avec la superpole en gommes qualif'…

Il reste maintenant cinq minutes avant la fin de séance, et Régis vient de reprendre son bien en claquant un 1'34'1, soit un dixième de mieux que la veille. C'est tout naturellement le duo du team ALSTARE qui reste en embuscade mais, KAGAYAMA est passé devant CORSER, lequel devance un VERMEULEN un peu en retrait, suivi par ABE et… René. Pépère tient son rang à la sixième place, mais surtout, il vient de descendre pour la première fois d'un dixième sous la barre des 1'35 ! Dommage qu'ABE ait amélioré son temps aussi…Fin de la séance qualificative…

Je te laisse passer la pub, et on va directement rejoindre la superpole en milieu d'après-midi.

Le temps est plus frais qu'en matinée, la cause au vent qui s'est levé et a ramené du sable sur la piste. Ça ne va pas être une partie de plaisir, surtout qu'ils ne font que deux tours…

Les pilotes, comme je te l'ai expliqué (si t'as suivi jusqu'ici…), effectuent un tour de lancement puis un tour chrono en pneus de qualification, en partant un à un dans l'ordre inverse de leur place en matinée. De cette façon, le suspense dure jusqu'à la fin de séance en faisant logiquement monter la pression avec les meilleurs passant en dernier. Le temps réalisé déterminera la place sur la grille pour les courses du lendemain.

Dés le début, tout le paddock se presse contre les murets, pilotes en cuir compris. Chacun observe les temps qui tombent progressivement, en commentant l'état de la piste, et en y ajoutant toute la mauvaise foi possible pour tenter d'impressionner la concurrence. Le plus fort, à ce petit jeu, c'est Régis LACONI. Celui-ci, à l'inverse des autres, est en jean et tee-shirt, et il se marre en racontant partout qu'ils (les pilotes) ont intérêt a savourer pleinement l'instant qui vient car, quand viendra le tour d'une certaine moto rouge portant le numéro cinquante cinq, y'en a pas mal qui risquent de pleurer…

Dans le team GAGA, on effectue les derniers préparatifs en adaptant la moto à la nouvelle configuration pneumatique, s'agit de pas se louper, surtout que René n'a jamais essayé les pneus de qualification ! Max fait les cent pas en mâchouillant un crayon, nerveusement. Albert planche sur la télémétrie en compagnie de Juju puis, en concertation avec Papy et Jean-Yves, modifient quelques réglages. René, à l'encontre des autres pilotes, est installé confortablement dans un fauteuil en sirotant… une bière ! Pour lui, comme il n'y a que deux tours à effectuer, pas besoin d'en faire un fromage. On fera le mieux possible le moment venu, c'est aussi simple que ça…

Et Maurice, vas-tu me demander… ?

En fait, on ne sait pas trop ou est passé le père La Gatouille, mais la dernière fois qu'on l'a vu, c'était pour le voir disparaître derrière les stands… Une fille manque aussi à l'appel…

A mi-séance, les temps ont commencé à se resserrer. Les ténors de la catégorie prennent les choses en main et, après avoir sérieusement fait tomber les secondes, ils se battent maintenant à coup de dixièmes !

Les HAGA, MC COY, MARTIN, GIMBERT et compagnie sont tous sous la minute trente quatre. Puis vient le tour de MUGGERIDGE de claquer un superbe 1'33'6, imité par PITT qui, sur sa YAM, fait un joli 1'33'4. TOSELAND le colle en 1'33'45 et WALKER, lui, se loupe et se retrouve au 11ème rang provisoire.

Vient ensuite le détenteur du sixième temps de la matinée, j'ai nommé… René !

Pépère s'élance doucement mais, à l'abord du cinquième virage, on, le voit secouer la tête sur les écrans. Ce geste n'a pas échappé à l'ensemble du team, et tous retiennent leur souffle…

L'Ancien revient maintenant vers la ligne droite, et passe devant les cellules de chronométrage : la BIMOCATI change de sonorité, et la pendule tourne !

Au premier partiel, René est dans le wagon. Pas plus rapide que les autres, mais pas moins non plus. Il améliore dans la seconde partie en grappillant deux dixièmes à la référence de la séance. On sent qu'il se donne, agressif au possible, et son trois cylindres file droit !

Du bord du muret, Régis, maintenant en cuir, encourage son adversaire en poussant de grands cris, même si René ne peut bien sûr, ni l'entendre, ni le voir. Ce LACONI, c'est quelque chose quand même, avec une générosité débordante et une passion intacte malgré les années consacrées à la piste. Tous sont conscients de l'exploit qu'est en train de réaliser ce bonhomme de soixante berges, mais lui seul se permet d'exprimer son enthousiasme ainsi, sans se soucier des autres…

Dernier partiel, René est en avance de deux dixièmes sur la pole provisoire, et il semble accélérer encore…

Dernier virage, Pépère arrive vite, trop vite selon l'ensemble du paddock pendu aux écrans…

On le voit prendre les freins très tard puis, d'un coup, élargir de la bonne traj' pour sortir dans le bac à gravier !!!

Tombera, tombera pas ! Un murmure parcourt l'assemblée tandis que tous gardent les yeux rivés sur les écrans…

René jardine quelques instants, mais il ne coupe pas ! Au prix d'une gerbe phénoménale de graviers projeté par sa roue arrière, Pépère arrive à reprendre la piste et fonce, nez dans le guidon, vers la ligne d'arrivée !

C'est sous un tonnerre d'applaudissement qu'il passe devant la cellule de chronométrage en 1'33'7, douzième temps provisoire. Son tout droit vient de lui faire perdre le bénéfice d'une bonne place, mais l'exploit n'est pas passé inaperçu…

Fou furieux qu'il est l'Superpapy en rentrant dans son box :

« C'est pas possible, des pneus d'mer… comme ça !!! Ca colle, mais ça t'pousse au derche comme un colombin… Dans l'dernier virage, j'ai essayé d'la placer au point d'corde, et c't'andouille de bécane, elle a filé tout droit. Heureusement, dans l'gravier, c'est comme quand on roule sur nos routes pourries par la D.D.E. au printemps ! J'ai fait pareil et elle a repris la piste. Mais merde ! C'est con d'louper une bonne place à cause de ça !!! »

Personne n'ose dire quoi que ce soit, et vaut mieux le laisser se calmer dans ces cas-là…

Pendant ce temps, sur la piste, la chasse à la pole continue. ABE vient de faire 1'33'2, VERMEULEN, le couteau entre les dents, claque quand à lui 1'32'7. KAGAYAMA, pour sa part, enfonce le clou en 1'32'5. Vient alors le tour de CORSER de s'élancer. L'australien donne tout ce qu'il a, et, avec une attaque incroyable, il passe sous la cellule en 1'31 tout rond !!!

Dans le paddock, tout le monde est sous tension et les regards se tournent vers le DUCATI CORSE, et en particulier vers Régis qui vient de quitter les stands. Le français va vite, très vite. Mais, visiblement, ce qu'il gagne en entrée de courbe est aussitôt perdu à la sortie ou la DUCATI semble scotchée. Mais Régis est bien décidé à ne pas baisser les bras, et il attaque de plus belle et passe sous la cellule en… 1'31'05. La superpole est pour Troy CORSER, mais bon sang, quel spectacle !!!

Et demain, ce sont les courses… René s'élancera finalement en quatorzième position. C'est pas idéal, mais bon, ça aurait pu être pire…

Dans le stand du team GAGA, l'ambiance est mitigée. La moto, pourtant légèrement en retrait par rapport à la concurrence, va bien, ce qui récompense l'équipe de l'énorme travail effectué pour l'amener à un tel niveau. Mais surtout, le pilote de remplacement, joker improbable à priori, est très vite lui aussi ! Franchement, qui aurait misé un centime sur les chances du Respectable de rouler avec une telle vélocité au sein de ce que je te rappelle être une épreuve de championnat du monde ? Maintenant, partant de la quatrième ligne, va falloir jouer des coudes pour se frayer un passage au milieu d'un pack de furieux qui ne vont rien lâcher, alors qu'une deuxième ligne lui tendait les bras… Mais ça, c'est les aléas de la course, et faut composer avec !

Reste plus qu'à mettre au point une stratégie pour demain…

Pendant ce temps, c'est les interviews au micro des invités de la première ligne avec CORSER, puis LACONI, KAGAYAMA, et VERMEULEN en outsider de luxe. Deux SUZUKI, une DUCATI et une HONDA. Chacun y va de son petit commentaire pour tenter d'impressionner l'autre, mais tous tiennent à saluer la performance de ce vieux bonhomme qui, sans ce tout droit, serait peut-être avec eux à répondre aux journalistes.

Max a rassemblé ses troupes. La porte du box est fermée et les journalistes priés de s'adresser à la concurrence. Le team est en huis clos pour la préparation des courses, et ce soir, tout le monde au lit de bonne heure. La distraction aura lieu après l'épreuve, suivant les résultats obtenus…

Pour résumer, René peut aller aussi vite que les meilleurs, mais au prix d'une prise de risque plus importante, chose démontrée avec les pneus de qualif'. Là, tout le monde va partir en gomme de course, ce qui nivellera les temps et diminuera l'écart de niveau des machines. On peut donc raisonnablement espérer une place dans les dix. Difficile de faire mieux en partant de la quatorzième position, car le temps de se frayer un passage pour remonter, les autres, devant, auront eu le champ libre pour s'échapper et se mettre à l'abri. Si la BIMOCATI avait montré plus de vélocité, tout aurait alors été possible, mais là, va falloir composer avec une bagarre en paquet, ce qui fait inévitablement perdre un temps que la machine ne permettra pas de rattraper. Voilà pour la théorie, étalée à froid sur le papier.

Autre chose maintenant : physiquement, René va t'il être en mesure de garder le même rythme pendant les deux manches ? Ils n'ont pu faire aucune simulation sur la durée complète d'une manche, et c'est un point important sur lequel il va falloir compter…

Les conditions atmosphériques vont aussi avoir un rôle déterminant à jouer : si c'est sec, le rythme va être très élevé, ce qui sera d'autant plus handicapant pour remonter. S'il pleut, alors là, on peut espérer voir Pépère faire un truc. Les longues années passées sur la route dans des conditions délicates, conjuguées à un incroyable talent à tourner la poignée, voilà qui risque de donner un cocktail à même de surprendre. C'est en tout cas le constat qui ressort des premières journées passées sur le circuit australien.

Juju s'est renseigné par le biais du net, le vent d'ouest ramène les nuages du large, et il est prévu quelques gouttes de pluie dans le courant de la journée du lendemain.

Soudain, OVOMALTINE, le p'tit suisse, l'arpette de l'équipe, demande la parole :

« J'ai une idée : la moto manque d'accélération ? Hé bien, on a qu'à utiliser la mixture à Maurice pour la booster un poil ! »

Tous regardent le môme quelques instants, puis Albert répond en hochant la tête :

« Effectivement, on pourrait… Mais t'as pensé au contrôle de la moto après la manche ? Si on fait un truc comme ça, on court droit à la disqualification… »

« Pas si personne n'est en mesure de déceler le procédé… », réplique aussi vite le gamin avec un petit sourire.

Du coup, c'est Max qui intervient :

« Vas-y, explique toi ! on t'écoute… »

« Voilà : ils contrôlent la moto et le carburant, n'est-ce pas ? »

« Oui, et alors ? »

« Le produit est volatile et ne laisse aucune trace… »

« Sauf mélangé à l'essence ! »

« Hé bien, y'a qu'à l'injecter ailleurs… »

Papy s'en mêle, soudain intéressé :

« Continue… »

« J'avais pensé à disposer un système amovible à base d'une seringue planquée sur René ! On fixe une durite reliée sur les cornet d'admission du système d'injection à l'aide d'une colle rapide, y'aura qu'à tirer d'sus pour le balancer dans l'tour de salutation du public, et basta ! Ni vu, ni connu… »

Le staff se regarde un long moment sans rien dire, puis les visages s'illuminent : et pourquoi pas après tout… ?

Juju enchaîne en s'enflammant :

« On peut perfectionner le truc en le pressurisant à l'aide du compresseur dans un petit tube qu'on planquerait dans le cadre. Comme ça, on fait entrer plus de « liquide miracle », et je peux très bien fabriquer un système électronique télécommandé pour l'actionner depuis le commodo du bracelet gauche par exemple. Jamais personne ne pensera à vérifier l'utilisation réelle du bouton. La durite qui sortira forcement du cadre, pourrait être fixée à un raccord rapide, elle-même relié à une ficelle qu'il suffira à René de tirer pour la faire disparaître... Aucune difficulté pour moi à concevoir une telle chose ! »

Max jette un regard sur Juju, cherche l'approbation d'Albert, Papy et Jean-Yves, puis déclare :

« Feu vert, les enfants !!! Et bravo pour ton idée, le môme ! »

Seul René semble faire la moue :

« C'est d'la triche vot'truc ! Franchement, vous pensez que j'vais accepter un machin commac ? »

Dave intervient à son tour :

« Tu sais, mon vieux, dans l'monde de la course, ça s'est toujours fait, et ça se fera toujours. Le principal est le résultat final. Tant qu'il ne s'agit pas de porter un coup bas à l'adversaire, le reste fait partie du jeu ! Faut simplement savoir naviguer avec les règlements, se faufiler entre les obligations et les contrôles, et faire en sorte d'être les plus malins. Si on peut tirer avantage d'une quelconque possibilité, on le fait, quitte à frôler l'illégalité. Là, avec la recette miracle qu'a apporté Maurice, on s'rait bête de pas profiter d'un truc comme ça. Et les autres, eux, n'hésiteraient pas non plus… »

A Maurice d'ajouter :

« Ils ont raison René, en plus t'inquiète pas, j'en ai encore pour ma conso personnelle ! »

Là, c'est un gigantesque éclat de rire qui s'empare du team au grand complet !

Superpapy les regarde un à un, semble réfléchir en se grattant le menton, puis finit par déclarer en soupirant :

« Bon ben…, allez-y… ! »

Chacun applaudit, et Max lance :

« Au boulot, les gars !!! »

Le Juju se met aussitôt en quête d'un tube pouvant convenir, qu'il trouve rapidement. Puis il s'empare du post à soudure de Jean-Yves pour, au bout d'une trentaine de minutes, observer la pièce qu'il tient entre les mains d'un air satisfait. Ensuite, il va fouiller parmi la tonne de matériel électronique qu'il trimballe toujours derrière lui, choisit des composants qu'il installe dans son fameux tube. Ceci fait, le « Mike GYVER » improvisé demande à Ovomaltine de lui ramener un commodo, lequel subit une transformation qui demanda un certain doigté et pas mal de patience. Une durite est ensuite fixée sur le tube, puis Papy branche le compresseur, au bout duquel est fixé le pistolet à peinture rempli d'un peu d'eau. Une valve est installée à l'extrémité du tube, puis Juju y effectue un branchement électrique. OVOMALTINE, une fois le compresseur en charge, branche le raccord du pistolet sur le tube, et injecte le mélange à l'intérieur. Une fois cette tache terminée, Juju branche le système sur une batterie, puis touche du pouce le bouton installé sur le commodo. BINGO !, ça marche !!! Un brouillard se trouve aussitôt pulvérisé par le tube, et tout le monde applaudit !

Reste plus qu'à installer le système sur la machine. C'est le boulot de Jean-Yves et Papy, aidé du génial Ovomaltine, l'auteur de l'idée. Ceci prend une bonne trentaine de minutes. Suite à quoi, le tube est chargé du véritable carburant, tandis que Juju branche les capteurs tests sur la moto. Le travail effectué, la machine est mise en route, chauffée soigneusement, puis l'informaticien effectue des relevés télémétriques en sortant les courbes à l'imprimantes. Un second test est fait ensuite, cette fois en appuyant sur le bouton « miracle » : une courbe bien différente sors de l'imprimante. Juju les compare, lève la tête avec un petit sourire, puis déclare :

« Vingt chevaux de gagnés, sur tous les régimes, et sans préparation mécanique !!! »

Là, c'est l'explosion de joie dans le box, et même René, réticent au départ, finit par s'y mettre et déclare :

« Bon, maintenant j'vais pouvoir déboîter sans déplier les rames… ! »

Reste plus qu'à fabriquer un second système identique pour la deuxième moto, et l'installer. C'est le travail de l'équipe technique, laquelle mangera un casse-croûte sur place, car ils auront ensuite à vérifier intégralement les deux motos dans les moindres détails, suivant une check-list préparée par l'usine et peaufinée par Albert.

Pendant ce temps, René va dîner léger, tout en évitant les journalistes, puis monte se coucher de bonne heure pour être en forme au rendez-vous qui l'attend demain. Max, quand à lui, passe la soirée avec Dave, tandis que Maurice vient de sortir son flacon « miracle » de sa poche. Il cherche ensuite quelqu'un du regard, qu'il trouve rapidement. Son œil s'illumine alors, puis il se lève et demande à la personne intéressée :

« Sophie, connais-tu la chevauchée fantastique du motard solitaire ??? »

Dimanche, très tôt dans la matinée…

Comme prévu, dans la nuit le ciel s'est couvert de lourds nuages gris menaçants. Il ne pleut pas, la température est clémente, mais on sent nettement que la piste sera arrosée au cours de la journée…

René s'est levé de très mauvaise humeur, rapport à son frangin, car Maurice a ronflé toute la nuit. Un des effets pervers de la potion miracle (faudra en parler au comte SATOVITCH…)

Tu vas me dire, Pépère est très souvent de mauvaise humeur au réveil. C'est le lot de tout être humain dès qu'il prend de la bouteille, et Superpapy n'y échappe pas !

Comme chaque matin, il enfile un survêtement, va courir quelques bornes à l'extérieur, se douche, puis file prendre un p'tit déj' copieux. Vu la tête qu'il tire en entrant dans la salle de restauration de l'hôtel, l'équipe prend soins d'éloigner les journaleux curieux de prendre la température du doyen du paddock.

Maintenant, LA COURSE (en anglais : THE RACE). Direction le circuit, et place à l'action…

Bon sang, quelle foule !!! Les tribunes sont déjà pleines à craquer. Y'a des drapeaux de toutes les couleurs, portants différents numéros à l'intention de pilotes biens précis. Beaucoup de supporters pour les locaux de l'étape. Les noms qui reviennent le plus souvent sont ceux de CORSER, VERMEULEN, MUGGERIDGE, PITT, MARTIN et le nouveau copain du Respectable, MC COY. Sont vernis les australiens avec une telle représentation, et on sent que la population locale aime la moto au vu du nombre de supporters présents. Il y a aussi des italiens, des anglais (moins nombreux), et quelques français richissimes qui se sont tapés le voyage (arrête de rêver, t'as pas les moyens…)

Les haut-parleurs diffusent de la musique, entre deux infos, tandis que dans les stands, les mécanos sont déjà à pied d'œuvre. Les portes des box commencent à s'ouvrir, et quelques mégaphones se font déjà entendre, couvrant la sono.

Mais pour l'instant, malgré cette effervescence, une certaine sérénité règne encore. Sorte de calme avant la tempête mécanique qui ne va tarder à se déchaîner, un peu comme le ciel, étrangement calme sans un souffle de vent. D'ailleurs, pas mal de regards inquiets scrutent les cieux en croisant les doigts…

René Gédeufoitrentans "le gatouillable" by Sato

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