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Harley-Davidson : le centenaire

Il y a cent ans aujourd'hui

Il y a cent ans aujourd'hui sortait le premier prototype de William S. Harley et de Arthur Davidson, fils d'immigrés anglais travaillant dans une aciérie du Wisconsin à Milwaukee. Il s‘agit d'un monocylindre de 405 cm3 inspiré par le monocylindre De Dion présent dans les très populaire course cycliste sur vélodrome.

Harley Davidson Iron

Ce nouveau siècle qui débute, témoin des débuts de l'industrie de masse et de la demande de transports particuliers les convainc dans leur projet. Le marché est disputé par 300 artisans mais la marque ne tarde pas à se faire remarquer par la qualité et à la robustesse de ses produits. Le succès est au rendez-vous avec la «Silent Grey Fellow », monocylindre de 405 puis 565cm3 qui deviendra le premier V2 de la marque. Les distances parcourues sont rapidement conséquentes et l'adoption d'un second cylindre permet de grimper la puissance sans changement notable de technique ni de surpoids.

Lors du premier conflit mondial, Harley-Davidson vend un tiers de sa production à l'armée. En 1920, 28 189 motos sont vendues dans 67 pays, ce qui en fait le plus gros constructeur mondial avec deux modèles. Le ralentissement économique d'après guerre et l'avènement de l'automobile grâce à Ford amenuisent la compagnie qui se maintient grâce au succès hors U.S.A d'un monocylindre de 350 cm3 jugé trop petit par les Américains.

Les modèles 1000 et 1200 cm3 sont jugés peu maniables et Harley-Davidson sort donc la 45, un V2 de 750cm3 à soupapes latérales. La réponse à la « Scout » d'Indian, seul concurrent survivant à la crise de 1929, n'est pas assez convaincante en performance. Le salut de l'entreprise reviendra aux pères fondateurs, pratiquement à la retraite avec La 61E de 1936, le premier V2 à soupapes latérales en tête qui sera baptisé « Knucklehead », tête articulée, en raison de son couvre arbres à cames. Le gain de puissance de 50% permet l'année suivante à Joe Petrali d'établir un nouveau record de vitesse à 219,11 km/h avec une 61E préparée.

A la fin de la seconde guerre mondiale, près de 90 000 WLA issues du modèle 45 ont été vendues à l'armée. Le vert kaki de la production finit par lasser et les premiers modèles apparaissent aux couleurs et aux flans de réservoirs différent chaque année.
La « Panhead », tête de poêle, de 1948 qui utilise le « Knucklehead » débarrassé de ses problèmes de surchauffe et de lubrification représente pour la plupart des fanatiques la quintessence de Harley-Davidson. L'entreprise détient de grosse part de marché, les revendeurs sont nombreux et la réputation n'est plus à faire.

L'usine Indian ferme en 1953, mais sa place est vite remplacée par des firmes anglaises déjà présentes avec des 500 cm3 à soupapes en tête accessibles et performantes. Le modèle K sortit en 1952, une évolution de la 45 à soupapes latérales malgré ses suspensions modernes, ses lignes nouvelles et son sélecteur au pied ne parviennent à contenir les assauts anglais, même avec un réalésage à 883 cm3. De cet échec naît la Sportster en 1957 qui surclasse la concurrence et permet de proposer un modèle affiné plus accessible aux nouveau venus. Les Anglais sont tenaces et les Japonais arrivent avec leurs plus petites cylindrées. Harley-Davidson reprend l'italien Aermacchi en 1960 pour ses modèles 250 et 350cm3 mais le succès n'arrive pas.

En 1966, la « Shovelhead » (tête de pelle) dont les améliorations techniques ont engendré un embonpoint tel qu'on ne peut guère dépasser les 150 km/h et la Sportser jugée trop petite ne satisfont pas la clientèle. On assiste alors au début de la personnalisation sur la côte Ouest où des préparateurs débarrassent les machines de ce qui les alourdissent puis les parent de quelques accessoires. C'est un phénomène que la firme ignore, plus préoccupée part la chute à 6% de ses parts de marchés et de ses problèmes économiques. En 1969, AMF notamment connu pour ses jeux de bowling rachète la motor-company qui s'étaient introduite en Bourse quatre ans plus tôt. Les ventes annuelles croissent de 26 à 70 00 motos en cinq ans. Mais le taux de production a doublé et cela au détriment de la qualité.

En 1981, Harley-Davidson est revendue sous l'impulsion de Willie G Davidson, petit-fils d'un des fondateurs et de treize membres du directoire. La marque retourne à ses partisans, une entreprise familiale et une grande famille dont les clients font partie, ce qui se matérialise par la création du Harley Owners Group en 1983. C'est le plus gros club motocycliste avec 700 000 membres à travers le monde dont 7 000 en France, relayé à travers 44 chapters locaux. En plus d'offrir des avantages et des services par le biais d'une concession partenaire, c'est l'occasion de nouer des liens d'amitiés lors de ballades, de rassemblements et d'événements caritatifs ou non. C'est surtout un enrichissement humain avec la passion pour véhicule.

1984 voit naître l'Evolution 1340 cm3, une version modernisée du Shovelhead.
En 1987 prennent fin les mesures imposées par le président Reagan, qui taxe lourdement tous les modèles de plus de 750cm3 venus de l'étranger.

La compagnie rachète Buell en 1992, le constructeur de roadster sportifs, extrêmes et ludiques utilisant des moteurs Harley-Davidson retravaillé.

Le dernier moteur, le Twin Cam 88 apparaît en 1999.

Une nouvelle révolution a lieu en 2002 lorsque la marque sort la V-Road, la Harley du futur. Contrairement à l'ensemble de la gamme qui évolue d'année en année, comme la Sportser qui est au catalogue depuis 1957, le constructeur est partie d'une feuille blanche pour concevoir ce nouveau modèle. Le résultat parle de lui-même avec une puissance maxi de 115 chevaux, à comparer à la soixantaine généralement obtenus sur les autres moteurs de la gamme. Le refroidissement liquide est également une première pour Harley-Davidson qui enfonce le clou avec une identité visuelle novatrice, les lignes Harley et le troisième millénaire en plus.

On peut observer ces derniers temps que la mode du néo-rétro se développe. Preuve en est, Triumph sort de son usine un modèle au nom évocateur des années soixante, la Bonneville. Kawasaki sort ses modèles Drifter qui rappelle fortement les Indian des années quarante.

Harley-Davidson ne reprend pas les motos d'antan, elle continue une production de motos classiques, qu'elle actualise, modernise, peaufine. La tradition a fait d'Harley-Davidson une marque hors du temps. Les machines dispensent des sensations de conduite à l'ancienne grâce au couple favorisé par rapport à la puissance et diffusent une mélodie mécanique inimitable. Enfin la customisation parachève l'œuvre. Pas une Harley n'est identique, chacune à sa personnalité qui évolue au fil du temps et de ses envies de son propriétaire. Le tout semble donner vie à ces machines qui indiscutablement réunissent les hommes autour de la fascination qu'elle suscite et de la passion qu'elles procurent.

Rouler Harley, c'est aussi un état d'esprit, une philosophie. Selon des membres du Paris-Bastillle Chapter, cela passe déjà par les plaisirs de la vie et le respect d'autrui. Chaque occasion est bonne de se retrouver autour d'une bonne tablée à la bonne humeur générale, maintenu par des règles d'or comme le fait de ne pas parler de politique, du travail ou de la religion. C'est aussi l'aboutissement d'une réflexion de motard passé par d'autres types de motos. Des épicuriens qui roulent avec sagesse ? Le poids élevé, le couple omniprésent, les vibrations favorisent les sensations instantanément, il faut avoir un gros cœur ! Cette passion se vit au quotidien mais se pratique principalement le week-end. L'évasion commence déjà par le décalage avec la semaine de travail, les obligations civiles. Le plaisir de la ballade en groupe, le fait d'attirer les regards sympathisants et admiratifs et la convivialité dans les rapports et l'attitude contribuent au mythe. Et chacun vit ces instants selon sa sensibilité, ses envies, « se fait son propre cinéma dans sa tête » comme le souligne Michel qui a installé un allume-cigare pour les allumer plus confortablement à son guidon !

Avec plus de 700 000 membres le HOG démontre bien que la passion est universelle. Le réseau routier et le trafic, la maréchaussée, les revenus et les physionomies diffèrent. Mais la structure de chaque HOG national, la pensée, le plaisir et l'esprit sont identiques, il n'y a finalement que la langue qui change, pas le langage.

Harley-Davidson fête son centenaire depuis un an à travers une dizaine de rassemblements dans le monde. Une exposition itinérante des machines les plus importantes, des différents moteurs et des plus beaux graphiques de réservoirs est proposée. Des chroniques publicitaires ainsi que des rétrospectives sur la marque au cinéma et dans le rock'n roll sont également présentées au cours de cet évènement planétaire qui ne fête pas que le siècle passé mais aussi les vingt ans du HOG. Les highways américaines vont être assailli ce mois ci par les aficionados de la marque qui vont converger du monde entier pour le grand show final sur le lac Michigan de Milwaukee où 200 000 personnes sont attendues.

Le nombre des ventes 2003 devrait être le plus important des cent dernières années, preuve que la marque n'a jamais été si populaire. Souhaitons lui donc un joyeux anniversaire et que les cent prochaines années soit aussi passionnantes !