Kronik : Tail Gunner Syndrom

Le Syndrome du Mitrailleur de Queue

Je souffre du Syndrome du Mitrailleur de Queue. Comme dans tout banal Lancaster, une machine dans mes 6 heures déclenche des réflexes de pression sur la détente imaginaire d'une paire de 12,7mm à munitions traçantes et incendiaires. On ne fait pas de civilisations sans casser de ploucs.

Dans mon panthéon des êtres haïssables, les colleurs au Q tiennent une place de choix. En bagnole, je râle. En bécane, je fulmine. Particulièrement sur autoroute où ma plaque d'immatriculation semble jouer le rôle d'aimant à connards. Personne sur la file du milieu, encore moins sur la file de gauche et pourtant me voilà avec un caisseux aux basques qui reste collé à 10 mètres de moi, que je ralentisse ou accélère. Je coupe progressivement les gaz et arrivé aux environs de 100 km/h, le pétoncle à moteur qui me suit finit par s'apercevoir de ma présence et me double, parfois avec un geste d'agacement. Pauv' naze ! Dire qu'avec un peu de malchance, tu vas mettre 40 ans à crever !

J'appelle ça le Syndrome du Mitrailleur de Queue, parce que tout ce qui arrive par l'arrière est forcément animé d'intentions meurtrières. Or, l'usage de la 12,7mm à affûts jumelés est tombé en désuétude il y a quelques décennies, ce que je regrette fortement certains jours. Pourtant, je ne demande pas grand chose : juste une courte rafale, même pas dans l'habitacle. Je viserai le bloc moteur -mon côté pacifiste me perdra, c'est certain.

Dûment formé à la communication non violente, je reste néanmoins persuadé que passé un certain stade de bêtise routière, la seule réponse possible reste la torgnole avec élan. Ce qui me sauve, c'est mon gabarit de coton-tige anorexique qui me pousse à entonner « Girl from Ipanema » pour me calmer plutôt que d'aller à la castagne. En bagnole, toujours sur autoroute, je profite souvent de l'aspi d'un 19 tonnes -ou mieux, d'un car de touristes- qui joue le rôle de répulsif à colleurs au Q. Je me traîne à 90 ou 100, certes, mais au moins je reste sous la barre des 3 ulcères aux 100 kilomètres.

En bécane, en revanche, le salut reste dans la fuite : rouler au moins 10 bornes plus vite que le caisseux moyen. Dangereux pour le permis, mais ce n'est pas un juge de tribunal de police qui me rendra l'usage de mes jambes si le neuneu qui me colle oublie de regarder devant lui quand je vais choper les freins (désolé, j'vous avais pas vu).

Un jour, j'écrirai un livre sur le Tail Gunner Syndrom, bien évidemment en anglais et j'irai aux Zuèsses d'Amérique donner des conférences un peu partout comme Georges Clounait dans chépû quel film où il explique des trucs à propos de sacs à dos et pis crac y choppe une gonzesse. Je ferai pareil que lui à propos du syndrome de mon invention et je gagnerai des tas de sous. Le bouquin aura un titre en lettres dorées sur une couverture en relief, avec sous le titre une phrase censément extraite de la critique élogieuse de mon bouquin rédigée par un journaliste d'un célèbre quotidien dûment payé par mon éditeur pour en dire du bien. Ensuite, je passerai dans des émission de téloche à la mode, genre Saturday Night Live. Et ma vie sera idyllique.

En attendant, je rêve comme le pilote du Memphis Belle de prendre la place du mitrailleur de queue pour enfin faire régner l'ordre et la justice sur mon petit bout d'autoroute à coup de balles à têtes blindées.

C'est ptète pas plus mal que les 12,7 ne soient pas en vente libre en France.

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