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Histoire constructeur : Van Veen

Une des plus improbables et luxueuses créations moto des années 70

L'importateur hollandais Kreidler devenu brièvement constructeur

Dans les années 1970, Hendrik "Henk" Van Veen, un magnat néerlandais, produisit ce qui était de loin la moto de série la plus performante et la plus onéreuse que l'on pouvait acheter, propulsée par le même moteur Comotor de 100 chevaux équipant la NSU Ro80, première voiture de série à moteur rotatif entrée en production en 1967 et la Citroën GS Birotor.

Histoire constructeur : Van Veen
Histoire constructeur : Van Veen

La société éponyme de Van Veen importait d'Allemagne aux Pays-Bas des cyclomoteurs et minimoto Kreidler 50 dans les années 60/70 dans des volumes importants, les ventes néerlandaises de la marque ont notamment franchi la barre des 100.000 unités en 1971, ce qui lui permis de participer aux Grands Prix dans la catégorie 50 cm3 avec ses propres Van Veen Kreidlers et voir ses pilotes remporter 4 championnats du monde, à commencer par Jan de Vries en 1971.

Une Kreidler Van Veen de GP
Une Kreidler Van Veen de GP

Le Wankel dans la peau

Mais cette même année, Van Veen était devenu suffisamment gros pour faire ses premiers pas dans l'élaboration de sa propre marque de motos. Il le fit en créant un prototype de 100 chevaux propulsé par un moteur à piston rotatif de Mazda Cosmo de 1000 cm3 installé dans le cadre d'une Moto Guzzi V7, toujours avec une transmission par arbre. Et bien que le résultat ne soit pas une réussite esthétique, les performances si impressionnantes pour l'époque (la Kawasaki Z1 n'atteignait que 82 ch), décidèrent Van Veen à lancer la production d'une moto utilisant le moteur des NSU et Citroën produites par Comotor au Luxembourg.

Pour ce faire, il confia la conception à son pilote de GP Jos Schugers, alors âgé de 24 ans et 3e des GP50 en 1971 sur une Kreidler Van Veen puis en GP125 en 1973 sur un twin Bridgestone élaboré par ses soins. De plus, Schurgers réussit à réaliser tout ceci en plus de la création de la Van Veen OCR 1000 Rotary (pour Oil-Cooled Rotors) avec l'aide du designer britannique Simon Saunders plus connu aujourd'hui pour être le propriétaire de la marque Ariel.

A son lancement, l'OCR fut une petite révolution
A son lancement, l'OCR fut une petite révolution

Le résultat fut présenté au salon de Cologne en octobre 1974 où son impact a été tel que certains dirigeants de BMW Motorrad auraient été licenciés par le conseil d'administration au motif qu'ils n'auraient pas dû laisser la société être éclipsée de la sorte sur son propre salon national. L'OCR avait également réussi à prendre le pas sur la toute nouvelle Honda Gold Wing et son Flat Four de 999 cm3 grâce à son style... et son prix. Rappelons qu'à cette époque le monde se remettait doucement de la crise pétrolière de 1973, qui avait vu le prix de l'essence quadrupler. Aussi, l'idée de lancer une moto aussi chère, excessive et surtout très énergivore (la consommation et les émissions polluantes ont toujours été le talon d'Achille des moteurs Wankel) semblait décidément risquée.

Mais Henk Van Veen poursuivit son rêve en construisant une usine pour la production de l'OCR 1000 sur son principal marché cible : l'Allemagne de l'Ouest. L'usine se trouvait à Duderstadt, à seulement deux kilomètres de la frontière du rideau de fer. En 1976, quelques journalistes de renom s'y sont rendus pour essayer la version de pré-production de la moto. Elle affichait des caractéristiques remarquables pour l'époque avec 100,4 chevaux délivrés à 6.500 tr/min par le Comotor de 996 cm3, volume correspondant à celui des chambres des rotors et équivalents à 1.693 cm3 sur un moteur "standard" selon la formule établie par la FIM.

Les documents d'origine de la Van Veen OCR
Les documents d'origine de la Van Veen OCR

Issu de chez Comotor, ce moteur était le fruit d'un joint-venture entre NSU et Citroën. Mais un accord fut passé pour assurer la livraison de 50 moteurs à Van Veen. Toutefois, des critiques des essayeurs concernant une réponse médiocre de l'accélérateur, une boite de vitesse défectueuse et des freins inefficaces, un vrai facteur de risque sur une moto aussi rapide et lourde avec un frein moteur minimal, ont obligé Van Veen à repousser la production en attendant que ces problèmes soient résolus.

Un an plus tard, en 1977, la production de la Van Veen OCR 1000 fut lancée. L'entrepreneur hollandais restait désespérément optimiste en visant une production de 2.000 motos, même sans tenir compte du problème d'approvisionnement des moteurs qui écourtera le projet. Car à peine une poignée de motos construites et livrée aux riches acheteurs en utilisant la première série de 50 moteurs en provenance du Luxembourg, la production des moteurs cessa et Comotor s'arrêta quelque temps plus tard. Des problèmes techniques étaient apparus sur les joints des rotors (problème récurrent sur les moteurs Wankel, même pour Mazda) et Citroën venait d'arrêter la GS Birotor après avoir difficilement écoulé 847 exemplaires tandis que NSU, qui faisait maintenant partie de l'empire Volkswagen produisait la dernière de ses 37.204 Ro80. Van Veen poursuivit malgré tout la production de ses OCR 1000 jusqu'en 1981 et la fermeture de son usine après avoir livré sa 38e moto.

Montage du Comotor de l'OCR 1000
Montage du Comotor de l'OCR 1000

Reprise de la production

Trois décennies plus tard, cette Van Veen retrouvait la production en partie grâce au néerlandais passionné de moteurs à piston rotatif Ger Van Rootselaar qui a racheté tout le stock de pièces non assemblées à Van Veen lors de la fermeture du site de Duderstadts. A partir de celui-ci, il a construit la 39e OCR 1000 pour son utilisation personnelle, mais n'avait aucune intention de développer un quelconque projet commercial, jusqu'à sa rencontre avec Andries Wielinga, un restaurateur de vielles Citroën (dont les GS Birotor) installé dans la ville voisine de Wommels, dans le nord de la Hollande.

La Van Veen OCR 1000
La Van Veen OCR 1000

Souhaitant vendre les pièces pour éviter qu'elle ne reste à prendre la poussière, Van Rootselaar a finalement été voir Andries pour lui proposer un arrangement. C'était en 2009 et les deux hommes conclurent qu'Andries construirait les motos et que Ger s'occuperait d'assembler les 10 moteurs restants. En s'appuyant sur les documents originaux, Wielinga renouvela le stock en utilisant au maximum les fournisseurs d'origine pour recréer 10 répliques exactes de la moto. Accompagné de Dirk Knip, Wielinga mettra 6 mois à trouver tous les fournisseurs pour compléter ses motos, à l'exception du cadre tubulaire en acier qui a été refait à l'identique par Nico Bakker et des pneus remplacés par des Michelin Macadam.

Si à sa sortie elle coûtait l'équivalent de 40.000 euros actuels (deux fois plus qu'une BMW R100RS ou la moitié d'une limousine Rolls-Royce Silver Shadow), la réplique relancée par Wielenga est allée encore plus loin avec un tarif élitiste de 85.000 euros hors taxes. Ce qui n'a pas empêché les 10 motos de trouver rapidement preneur.

Plus d'infos sur Van Veen

dafy