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Essai Kawasaki ZX-10R KRT Replica sur route

998 cm3, 210 ch à 13 000 tr/min, 11,3 m/kg, 300 km/h, 206 kilos, 17 799 €

Des performances époustouflantes, une électronique de pointe, des sensations pures...

Vous ne le savez peut-être pas, mais il faut louer le règlement du Championnat du Monde de Superbike 2016, car il nous a donné des machines encore plus performantes : car, comme nous l'avait raconté le chef mécano de Tom Sykes, Champion du Monde 2013 de Superbike, le règlement laisse moins de liberté aux préparateurs. En conséquence, la ZX-10R de 2016 est identique, dans les cotes de sa géométrie et son centre de gravité, à la moto de course de 2014. Tout cela, c'est bien beau, mais en quoi est-ce que cela bénéficie au motard de tous les jours, celui que la compétition fait encore rêver, mais qui n'a pas toujours la possibilité (ou les moyens, ou l'envie, ou le niveau, ou le budget, ou le circuit à proximité...) d'aller exploiter sa machine à 100 % dans un biotope conçu pour cela. En d'autres termes, ça donne quoi sur la route et au quotidien, la ZX-10R d'aujourd'hui, cette machine très fortement dérivée d'une véritable moto de course.

Essai : Kawasaki ZX-10R sur route
Après le circuit de Sepang, on emmène la Kawasaki ZX-10R sur route

Une vraie question, même si l'âge d'or de la sportive est forcément derrière nous. Le secteur n'est pas mort pour autant, car il continue de décerner la prime à la nouveauté : c'est ainsi que sur les 5 premiers mois de l'année 2016, la Kawasaki ZX-10R représente la meilleure vente de la catégorie, en 43ème place, avec 365 unités vendues (pour info, c'était 15 de plus que des Z 1000, ce qui prouve que l'esprit sportif existe toujours chez une petite frange de motards). Dans l'hexagone, une nouvelle sportive peut espérer 500 ventes sur la première année de sa commercialisation, un chiffre qui se dilue par la suite.

Ce nouvel essai du Repaire se veut donc venir en complémentarité du premier essai de la ZX-10R, réalisé cet hiver par mon collègue le talentueux Damien, qui est parti sur le circuit de Sepang (Malaisie) histoire de faire cracher à la belle tout son potentiel sur un véritable circuit de GP.

Découverte

On ne va pas refaire ici à nouveau la revue de détail, l'article de Damien étant (plus que) fort complet sur le sujet, d'autant qu'il avait été précédé d'une présentation détaillée d'Alexis lorsque la ZX-10R 2016 a été dévoilée pour la première fois dans le détail.

Profil champs
Dans sa version KRT Replica, la Ninja affiche la couleur

Disons que quand elle n'est pas sur la moquette d'un Salon ou les stands d'un circuit, la ZX-10R continue son potentiel de séduction dans la rue : avant large, bas et trapu, arrière haut et effilé, large cadre périmétrique en alu, elle affiche déjà la couleur. Et c'est le cas de le dire, dans ce coloris vert "KRT Replica", qui est un hommage à livrée de la moto de course, coûte un supplément de 200 € par rapport à une ZX-10R standard, qui vient en gris graphite foncé.

A en juger par les forts nombreux regards appuyés de motards roulant sur des machines plus conventionnelles, la sportive "made in 2016" a gardé intact son pouvoir évocateur.

Arrière
La ZX10R continue d'attirer les regards sur la route

Il faut dire qu'avec ses pneus Bridgestone RS10 à peine entaillés, ses disques de 330 mm (310 sur le millésime précédent) pincés par des étriers Brembo radiaux et sa fourche Showa avec cartouche externalisée, elle annonce la couleur...

En selle

Et pourtant, la ZX-10R n'est pas la plus radicale du genre... Certes, la position de conduite est basculée sur les poignets, mais plutôt moins que sur les pires de la catégorie (Ducati, MV F4). Haute de 835 mm, la selle est plutôt large ; le réservoir de 17 litres est relativement généreux, tout cela permettent aux grands gabarits de se sentir relativement à l'aise : mieux que sur une Yamaha R1 et qu'une Aprilia RSV4, quasiment comme sur une BMW S 1000 RR.

Compteur
La position de conduite est loin d'être la plus radicale de la catégorie

Une fois à bord, votre attention sera captée par le tableau de bord entièrement digital et son original compte-tours en baregraph coloré d'orange et de rouge. A l'usage, on découvrira que le tableau de bord est relativement peu lisible (sauf la vitesse), avec un compte-tours qui offre une compréhension plus intuitive que précise du régime moteur (mais en même temps, le caractère du moteur est bien distinct selon les phases de régime et on apprend à le piloter à l'oreille) ; autre grief : le commodo gauche qui permet de gérer l'ordinateur de bord (deux trips, chrono, consommation moyenne...) ainsi que de paramétrer les modes du moteur (et du frein moteur), de même que le niveau de contrôle de traction, n'est pas de la plus grande intuitivité dans son fonctionnement.

En ville

Agilité, compacité, neutralité : voici les trois piliers de la sportive à l'aise en milieu urbain. Avec un quatrième en bonus : la docilité du 4 cylindres à bas régime et la douceur des commandes. Utilisée avec précaution, cette ZX-10R fait presque penser à une Honda CBR 600RR, archétype de la sportive bien élevée, avec son train avant neutre, son moteur qui reprend sans broncher en quatrième sur le régime de ralenti, son point mort facile à trouver, ses commandes unanimement dosables. Ce n'est d'ailleurs pas un mince exploit, quand on voit l'allonge du moteur et des rapports de boîte, de pouvoir musarder à l'autre extrémité du compte-tours, celle qui prenait un peu moins de place dans le cahier des charges.

Ville
En dehors de la position sur les poignets, la ZX-10R ne souffre d'aucun défaut en milieu urbain

Alors oui, à condition de composer avec la position de conduite qui, on l'a dit, n'est pas la plus radicale du genre, alors oui, on peut commuter en sportive ! D'autant que le freinage n'est pas hyper mordant sur les premiers millimètres de son attaque et que le contrôle de traction veille bien évidemment à ne pas vous mettre à l'équerre sur la première bande blanche prise de manière dynamique.

Sur autoroute et grandes routes

Kawasaki a doté sa ZX-10R d'un shifter, mais en fait ça ne sert strictement à rien. Car la vitesse légale sur autoroute n'est qu'une formalité sur le premier rapport de la boîte 6 ! Et avec de la marge, en plus : à 130, vous êtes à un peu plus de 11 000 tr/min... en première. Tranquille, peinard, les vocalises rageuses du 4 cylindres en prime !

Sur l'angle
Tranquille à bas régime, la Ninja devient explosive dans les tours

Mais comme vous êtes responsable et que vous respectez l'environnement, vous passerez alors en 6ème et à la vitesse strictement légale, le régime tombe à 8000 tr/min en dessous de la zone rouge : soit, 6000. Si vous passez par l'Allemagne, vous constaterez qu'au-dessus de 7000 tr/min en régime stabilisé (150 km/h), des vibrations commencent à apparaître dans la selle.

Mais le problème, c'est pas ça... Car la ZX-10R, on l'a dit, est d'un commerce agréable pour qui n'est pas réfractaire à l'idée de rouler en baissant la tête (après tout : ça permet de ressembler à un coureur). Le problème, ce n'est pas non plus la protection au vent, qui est assez moyenne, avec une bulle qui renvoie l'air sur le casque d'un "pilote" de grande taille. Non, le problème, c'est la force mentale que demande le fait de rouler sans être capté par l'ombre glaciale et sordide de la tentation ! Vade retro, satanas, sors de ce corps et laisse-moi en dessous de 6000 tr/min !

Bulle
Résister à la tentation reste le plus gros challenge

Car le 4 en ligne de la ZX-10R a plusieurs facettes. Tout bas dans les tours, il est discret, rond, poli, presque effacé : pour l'anecdote, j'ai pris cette moto chez Kawasaki France à la suite de la H2 : le site de l'importateur est entouré de ronds-points vicieux, de bretelles d'autoroute qui se resserrent, de bitume luisant. Et en plus c'est au bout du monde, mais peu importe : toujours est-il qu'en partant avec des pneus froids, on ne fait pas le malin... Et sortant de la H2, je me suis demandé un instant si je ne m'étais pas fait arnaquer en me faisant refourguer une ZX-6R... Mais la première accélération au-dessus de 7000 tr/min m'a fait voir la réalité.

Moteur
Le 4 cylindres prend vraiment ses aises à partir de 6.000 tr/min

En dessous de 4000, donc, le bloc de 998 cm3 est discret : impec' pour le quotidien et l'interfile. Vers 4500, il se réveille gentiment ; à 5000, il s'éclaircit la gorge. A 6000, il se réveille ensuite, plus vous en demandez, plus vous en avez. Dans la tronche !

Là, ça se met à pousser, voire à dépoter grave, mais avec une forme de progressivité de 7 à 10 qui fait place à une vraie violence de 10 à 14 000 tr/min. Là, en théorie, le paysage vous saute à la figure, la machine bondit vers l'horizon. C'est bon...

Pourquoi en théorie ? Parce que vu les performances de cette machine infernale, si vous êtes un citoyen responsable, jamais vous n'irez tester cet horizon...

Sur départementales

Mêmes causes, mêmes effets : sur notre réseau secondaire limité à 90 km/h, vous ne serez autorisé qu'à exploiter une infime partie du potentiel de cette ZX-10R. D'un point de vue purement factuel, rappelons quelques chiffres : première au rupteur : 159 km/h. Seconde au rupteur : 196 km/h. Et il en reste 4... Que ceux qui ont envie de perdre tous leurs points d'un coup lèvent la main ! Et rien à dire sur le shifter (qui n'a pas de fonction downshift), qui fonctionne parfaitement bien et qui contribue à l'agrément "racing", même sur route.

Rase campagne
Avec une première qui monte à 159 km/h, mieux vaut surveiller son compteur

Du coup, concentrons-nous sur le châssis. Ce qui est remarquable, c'est que Kawasaki a su faire évoluer ses sportives emblématiques pour en faire autre chose que des "bouts de bois" (je parle en connaissance de cause, ayant possédé deux ZX-7R et une ZXR 750). Là, saluons la progressivité des éléments Showa réglables dans tous les sens, mais qui savent conserver ce minimum de course morte pour garantir le confort, une fraction de seconde avant de mettre tous les éléments en appui, au service de la tenue de route. C'est évidemment ferme, mais jamais cassant, toujours communicatif. Du grand art...

Réglable sur 5 niveaux, l'antipatinage S-KTRC est bien évidemment votre allié. Les niveaux 5 et 4 sont très restrictifs, puisqu’on les sent s'activer rien qu'en passant sur des bosses. Sur route, choisir 3 ou 2 permet de faire passer la cavalerie en autorisant (ou pas) des petits wheelings de puissance, mais avec l'ange gardien qui veille. On gardera les niveaux 1 (voire 2) pour un usage piste. L'avantage d'un contrôle de traction bien calibré, c'est qu'il permet de faire l'impasse sur les niveaux de puissance du moteur : le 4 cylindres est pourtant paramétrable en full, en "medium" (80 % de la puissance) voire en low (60 % de la puissance). Cela peut être utile pour apprendre un circuit, ou pour rouler dans des conditions difficiles ou sur un bitume gras. Enfin, l'ABS sport façon Kawasaki fait partie des meilleures du genre, en ne se déclenchant que sur des fins de freinages bosselées (et encore, de manière subtile et presque imperceptible) : normalement, vous n'êtes pas censés arriver à de telles vitesses et freiner de telle manière sur route ouverte...

Route virage
La Ninja est impressionnante de facilité sur les petites routes

Sur route ouverte, la gestion de la procédure de lancement (launch control, KLCM) et le réglage du frein moteur (KEBC) tiennent un peu du gadget...

Partie-cycle

L'amplitude des réglages permet de se concocter une ZX-10R à la carte. Ne jouez pas à l'apprenti sorcier, car l'équilibre de la machine s'en trouvera modifiée. Aux petits oignons, la ZX-10R est stable (grandes courbes d'autoroute à toc et en duo sans que cela ne bouge d'un millimètre), confortable (eh oui !) : encore une fois, du grand art. Question agilité, par contre, elle est un cran en retrait d'une R1 (2015-) ou d'une Aprilia RSV4.

Freins

Avec ses disques de 330 mm pincés par des étriers Brembo M50 (et son disque de 220 mm à l'arrière avec son étrier à 2 pistons), le dispositif de la ZX-10R est plus que bien dimensionné. Ce que l'on retient, outre la puissance de freinage impressionnante et la capacité de la fourche à gérer ce transfert de masse avec douceur, progressivité et rigueur, c'est le dosage du système. A la limite, on peut trouver un petit manque de mordant sur le premier millimètre de course au levier, mais pas de doutes, la puissance est là ensuite. Bonus : un arrière qui reste en ligne, merci à l'anti-dribble (dont on ressent légèrement les effets au levier) et à la gestion du frein moteur.

Roue avant
Le freinage est un modèle de dosage et de précision

Confort et duo

Franchement : y' a pire ! Sportive, la ZX-10R n'est que modérément radicale et n'a donc rien de la planche de fakir. La fatigue vient donc, à l'usage, plus de la position et de la protection, que de la suspension ou de la violence des commandes. Quant à la passagère, si elle est motivée et de taille jockey, elle y prendra du plaisir. Il y en a...

Bulle
La fatigue vient plus de la position et de la protection que de la selle assez confortable

Consommation / autonomie

Au cours de cet essai, j'aurai consommé entre 6 et 7,5 l/100, ce qui laisse quasiment 200 kilomètres avant la réserve, grâce au réservoir de 17 litres. Ce n'est pas si mal que ça pour une sportive...

Conclusion

Evidemment que la ZX-10R possède des performances de feu, peu compatibles avec les grandes tendances en termes de sécurité routière, à moins de passer parallèlement une agrégation en zénitude. Il n'empêche : qui peut le plus peut le moins et lui faire son procès impliquerait de clouer au pilori des engins tels que McLaren 570 S ou Porsche 911 Turbo... Drôle d'idée.

Car qui peut le plus peut le moins. La ZX-10R est pleinement dans son époque, avec un arsenal électronique qui vise la sécurité et le contrôle, avec une finesse de réactivité et de paramétrage qui force le respect. Elle a en plus le bon goût d'être docile à bas régime, presque confortable et très neutre dans ses réactions.

Si on se met à la taquiner, alors oui, l'électronique (bien paramétrée !) fera office d'ange gardien, même si le niveau de performances demande alors savoir-faire et sang froid. Mais même en roulant de manière raisonnable, la ZX-10R possède un pouvoir évocateur sans égal et une capacité à vous mettre en connexion avec la route qui parlera à ceux pour qui la conduite d'une moto doit rester un mix entre émotions et précision. Sans aucun autre filtre...

profil
La ZX-10R ne se réserve pas uniquement à la piste et sait se montrer convaincante sur route

Points forts

  • Moteur vraiment pêchu
  • Sonorité du 4 cylindres haut dans les tours
  • Stabilité impériale
  • Relatif confort
  • Facilité de conduite en street legal
  • Package électronique de pointe
  • Suspensions de haut niveau
  • Freinage puissant et dosable

Points faibles

  • Lisibilité du tableau de bord (sauf vitesse)
  • Ergonomie des aides électroniques assez moyenne
  • Agilité en retrait par rapport aux ténors de la catégorie
  • Demande un peu d'engagement à l'attaque

La fiche technique de la Kawasaki ZX-10R

Conditions d’essais

  • Itinéraire: 500 km et dix jours d'utilisation quotidienne dans Paris plus une petite balade dans le Vexin
  • Kilométrage de la moto : 6.200 km
  • Problème (bientôt) rencontré : la Rédaction va encore recevoir des coups de téléphone de la Sécurité Routière...

La concurrence : Aprilia RSV4, BMW S 1000 RR, Ducati 1299 Panigale, Honda CBR 1000 RR, MV Agusta F4 1000, Suzuki GSX-R 1000, Yamaha R1