Une Transalp, mais encore mieux que la nouvelle

Quel vrai trail léger, facile, consommant peu

Je n'ai jamais trop aimé la Transalp, à part le dernier modèle à moteur de Deauville que tout le monde détestait. La nouvelle de 2023 ? Je peux trouver mieux.

Je regarde depuis un an les efforts d'un Néerlandais qui restaure deux cabanons en pierre dans les Alpes italiennes. Martijn* sait tenir une caméra et ménage d'agréables petits moments de calme qui vont bien avec ses promenades en montagne.

Avec sagesse, il n'est pas parti de ruines : les deux abris d'à peine cinq enjambées de long avaient encore leur toit et les charpentes étaient à l'abri de la pluie. Mais il veut en faire une résidence permanente, ce pour quoi ces deux abris estivaux n'étaient pas prévus quand ils ont été érigés par un anonyme, en l'an mille neuf cent et trois. Alors il rénove et isole, déplace et charrie, creuse et remblaye.

Pour ses déplacements, il utilise un Suzuki Jimny, ce 4x4 qui fait pleurer de rire les proprios de Land Rover à schnorchel... à tort, parce que le Jimny s'acquitte sans esbroufe de la tâche de remonter madriers et solives à l'alpage. À sa place, j'aurais pris un Citroën C15 Dangel : c'est probablement mon côté chauvin qui parle.

Oui, mais... quelle moto irait avec ce décor ?

Un trail, bien sûr.

Mais... une Transalp ? Vraiment ? Tu as vu la descente d'herbe mouillée ? La neige qui tombe sans prévenir dès octobre et jusqu'en mai ?

Non, ce ne sera pas une Transalp : même la dernière ne se contentera que d'un peu de boue, pour le folklore, pour dire "je l'ai fait". La dernière sera bien sur le bitume, malgré ce qu'ils montreront dans les vidéos officielles -les vidéos officielles sont de la mauvaise propagande.

Alors une enduro ? Surtout pas, malheureux ! Pense au barouf ! Non, il faut de l'homologué, pour ne pas trop déranger les arbres et les pierres. 85 dB, c'est très bien pour que les rares voisins soient prévenus de ta visite et aient le temps de sortir deux verres.

Je penche pour un "vrai" trail, de cette génération poussée vers la sortie par les normes. Les DR, les KLR, les XT, toutes ces machines à carbus dont quelques exemplaires trouveront refuge dans les montagnes quand elles ne pourront plus aborder les villes sans risquer la rafle des commandos "air pur".

Légers, faciles, freinant peu et consommant beaucoup au regard des standards actuels, fiables à leur manière, il faut en prendre soin tant leurs plastiques sont devenus fragiles et introuvables.

Il faut choisir ? Ah ! Une XL 250 R, en blanc ? Ou sa grande cousine la DR 370 SP, pour commencer à avoir des sensations de gromono ? Je n'aime pas les petites écopes moteur en plastique de la XT 350, donc je saute directement à la XT 600, modèle 1993 avec la plaque-phare plus fluide, plus féminine que le modèle d'avant, en blanc et rouge. Ou bien je fais un bond dans le temps et me déniche une fort moderne KLX 300, avec son moteur à eau injecté et son énorme fourche de 43mm ?

Je peux aussi faire dans l'exotique. Les "allemandes" indiennes façon GS 310. Les "anglaises" indiennes -je suis sûr qu'une Himalayan doit se balader en rigolant dans ces Alpes qui lui arrivent à peine au nombril. Et puis les chinoiseries fabriquées en Thaïlande, au Vietnam, en Corée ou -pire !- en Chine. Ces copies de japonaises à gros pare-buffle et selles doublées de peau de mouton qui sillonnent la Mongolie.

Pour traverser les Alpes, donc, pas besoin d'attendre le printemps prochain où -peut-être- les nouvelles Transalp arriveront. Avec leur lot de désappointement : la 2023 sera moins bien que celle de 1987, dans nos souvenirs, parce qu'elle n'aura pas eu le temps de mûrir, de prendre des gnons, des pelles, des estafilades. Elle sortira tout juste de caisse ; elle ne sera allée nulle part ; on n'aura pas d'aventures à raconter, vécues à son guidon. Il faut laisser à la nouvelle un peu de temps pour sortir des films de propagande et rentrer dans nos vraies vies de motards.

En guise de Transalp, alors que je travaille à retaper mon petit cocon de pierre, de bois et de laine à flanc de montagne, je vois plutôt cette bonne vieille XT 600 E, avec un porte-bagage tubulaire pour remonter les courses et un bidon de quatre litres le long du flanc de selle gauche, à l'opposé de l'échappement.

Dans le soir tombant, quand la pente d'en face vire au violet veiné de noir, je regretterai probablement de ne pas savoir jouer de la guitare pour fredonner "Katmandu" de Cat Stevens.

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