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Essai Moto Guzzi Griso 1200 8V Special Edition

La belle ET la bête... légende bien vivante.

Un concept devenu réalité. La Griso est, à n’en pas douter, la plus exclusive des machines frappées du sceau de l’aigle de Mandello.

C’est également une synthèse des genres, mêlant à la fois les codes stylistique des roadsters, cruisers, cafe-racer et  muscle-bikes. Retour aux origines stylistiques tout en se projetant dans le futur. Voilà tout l’ambitieux défi !

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE en ville

Apparue en 2005, la Griso est basée sur l’évolution du mythique bicylindre en V transversal de 1100 cm3. Sa cylindrée passe à 1200 cm3 et se dote de culasses 4 soupapes, en 2007, prenant la dénomination 8V. Retravaillé en profondeur en 2010, le twin se fait toujours plus sportif et démonstratif. Et dans sa livrée SE (Special Edition), ce modèle d’essai est aussi un ravissement pour les yeux. Le néo-rétro-sport : une nouvelle solution antidépresseur, venue d’Italie.

Découverte

Difficile de poser un qualificatif d’emblée. Longue, voila le ressenti premier. Impression accentuée par un réservoir long et plat que prolonge une selle quasiment alignée sur la même ligne. Celle-ci se pare d’un coloris imitant le cuir, façon fauteuil «club». Associé au coloris spécifique vert «Tenni», le profane pourrait imaginer une machine venue d’Outre Manche !

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Très classique, l’optique simple aurait méritée un dessin plus complexe comme celui de sa soeur 1200 Sport. Sous le phare, la fourche Showa de 43 mm est inversée et réglable en compression et détente. L’amortisseur arrière Sachs permet l’ajustement en  précharge et détente. Des étriers radiaux à 4 pistons se chargent de freiner la roue avant. Le disque arrière est pincé par un étrier double piston. Un équipement digne d’une sportive...

Moteur Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Si le bloc moteur est imposant, l’ensemble de la machine reste étroit. Le discret cadre tubulaire acier, aux lignes tendues, étire encore l’ensemble de la direction aux platines. Des écopes longues et larges, ajourées et grillagées, surplombe les couvre culasses. Tel un orgue mécanique, la Griso exhibe, coté gauche, deux généreux collecteurs d’échappement, qui se jettent dans un volumineux silencieux. Tout aussi stylé, à la finition satinée, celui-ci arbore une double sortie, asymétrique et architecturée. La transmission est de type acatène, à système CARC spécifique à la marque. Remarquable de confort et d’efficacité, ce cardan monobras participe aussi à l’esthétique de la machine.

Revêtu de noir mat, le twin met en valeur ses attributs métalliques et son accastillage. Particulièrement esthétisante, l’atypique transalpine bénéficie d’une finition de haute volée et d’un design remarquable. Ainsi, on note la reprise des ouïes d’aération sur la coque arrière et l’intégration réussie du feux de stop, des clignotants et leviers au pied. Ceux-ci se courbent et filent derrière  les platines du cadre... Le radiateur déporté sur la côté droit, le large habillage type aéronautique du bouchon de réservoir, les massifs pontets de guidons ainsi que l’habillage du T supérieur et des systèmes de réglage de fourche attirent l’attention. Cette édition spéciale adopte également des roues à rayons, pour encore plus de charme.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

En selle

Aisément accessible avec une hauteur de selle de 800 mm, le pilote se pose littéralement sur la Griso, tant le bidon d’essence, peu bombé, semble absent. L’assise est ferme mais confortable. Les bras tombent sur le large guidon plat et entraînent le buste légèrement sur l’avant. Les cale-pieds légèrement reculés achèvent de basculer le corps vers le réservoir de 17 litres.  Les genoux reposent contre l’échancrure des écopes et la flexion mesurée des jambes est confortable.  Idem pour le passager éventuel qui dispose aussi d’une bonne assise. Mais la Griso est une maîtresse possessive envers son propriétaire... et donc dépourvue de poignées de maintien pour l’accompagnant.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Les commandes de clignotants/klaxon sont inversées, occasionnant, au début seulement, quelques concertos pour avertisseur. Le bloc compteur se compose d’un large compte-tour et d’une fenêtre LCD. S’y regroupent d’habituelles fonctions à choisir au commodo de gauche selon 3 modes. Les deux premiers regroupent chacun odomètres partiels, temps de parcours, consommation moyenne, vitesse maximale et moyenne. Le troisième permet à l’utilisateur d’enclencher un chronomètre, vérifier la tension de batterie et paramétrer d’avantage la machine (choix du régime maxi pour le shiftlight, langage de l’affichage… etc.). Des possibilités inédites. S’affichent également le tachymètre, température extérieure, horloge et témoin de béquille déployée. Celle-ci est à la mode custom : positionnée loin en avant et massive. En revanche, pas de jauge de carburant ni d‘indicateur de rapport engagé. Ce dernier point n’a que peu d’importance, la 3e ou 4e vitesse permet de faire presque tout.

Les commandes d’embrayage et freins sont hydrauliques avec leviers réglables. Les rétroviseurs donnent un champs de vision correct et se manipulent facilement.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE sur nationale

En ville

L’initialisation de l’injection est quasi imperceptible lors de la mise du contact. Ce silence souligne d’autant plus la mélopée à venir. Une pression sur le démarreur fait tousser profondément le bloc moteur de la Griso. La belle de Mandello prend vie avec forces vibrations et une sonorité grave aussi unique que réjouissante. Au rythme lent et syncopé de ses deux gros cylindres, couple de renversement compris.

Quelques hectomètres lui sont nécessaires pour se chauffer parfaitement la voix. Le temps de prendre la mesure d’une force moteur prometteuse. La vrombissante italienne s’arrache prestement du bitume à chaque feux, obligeant son pilote à s’agripper fermement au guidon. Celui-ci ne facilite pas l’interfile étroite mais ne limite pas outre mesure les évolutions urbaines. Bien équilibrée de par un centre de gravité plutôt bas, la Griso dispose d’une direction légère. L’ensemble du train avant embarque toutefois l’équipage lors de demi-tour serré. Rien d’étonnant vue la longueur de la machine. Le rayon de braquage n’a, lui, rien à envier à celui d’une Triumph... plutôt correct pour l’Italienne. En revanche, l’injection peut générer des à-coups à froid ou en sous régime sur des rond points.

La boite, très précise mais légèrement plus lente que la moyenne, ne se signale que par le claquement sonore à chaque passage de vitesse. On sent travailler la mécanique et le lourd volant moteur. Cependant, le moteur fait preuve de peu d’inertie. Souple sur les rapports intermédiaires, il cogne, au-delà, sous les 2.000 tours/minutes. Ainsi, la 4° permet de rouler sans heurt à 40 km/h et 1500 tours mais la 6° demande un régime d’au moins 500 tours supplémentaires. Un résultat plus qu’honorable pour cette cathédrale de 1200 cm3... S’il est réjouissant de jouer les dragsters sur les boulevards, la Griso aspire à plus d’espace.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE sur autoroute

Autoroute et voies rapides

Le troisième rapport lance la grondante diva à plus de 165 km/h, aux abords de la zone rouge... La rutilante transalpine fait preuve d’une vigueur enthousiasmante. L’accélération mue la belle en une bête sauvage. Il est possible d’accrocher les 220 km/h en sixième. Le réservoir plat offre alors un espace idéal pour trouver un maigre abri, la protection étant inexistante. Une bulle optionnelle améliorera un peu le confort. Au détriment du look !

En appui sur les poignets, la position permet de supporter un 130 km/h de croisière sans trop souffrir. Hormis d’ennui ! Le réseau secondaire vous appelle, rejoignez le.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE sur départementale

Départementales

C’est bien là que s’exprime le mieux cette Guzzi. Véritable usine à sensations, la Griso laisse son pilote tant musarder dans les campagnes qu’attaquer les virages avec dynamisme. Ravissement des mélomanes, quel que soit le film qui défile sous vos yeux, la bande son est énorme ! Au delà de 4.000 tours/minutes, la boite à air résonne profondément. L’orgue servant d’échappement rugit à l‘unisson. Le couple maximal de 11,3 m/kg emporte l’équipage sans faiblir, de 3 500 tours à la zone rouge! Les virages se succèdent alors vivement et..., hélas, la béquille latérale vient tempérer les plus folles ardeurs. Protégeant ainsi les collecteurs. La Griso n’est pas une sportive... pas même vraiment un roadster. Les hypersports que je suivais prennent du champs sur ces petits virages, me laissant enrouler les courbes plus élégamment. La garde au sol mesurée et l’empattement important fait regretter de ne pouvoir exploiter d’avantage une partie cycle de premier plan. Rigoureuse, précise, on aimerait pouvoir l’emmener encore plus fort, sans réserve. Cependant, là encore, le mélange injecté doit être pauvre et rend parfois malaisé  de rester sur un filet de gaz en courbe.

Un peu frustré, on saute alors sur les freins à étriers radiaux. Puissants, progressifs et endurants, ils se montrent tout à fait conformes à la philosophie et aux performances de la Griso, mais manquent un peu de mordant. L’arrière est plus délicat à doser et nécessite un effort plus constant, délivrant alors un fort ralentissement. Un simple réglage de levier devrait résoudre ce point.

Revenu à un rythme plus coulé, le plaisir reste intense. La moindre rotation de la poignée droite allonge les bras et élargit le sourire du pilote. La gomme des Metzeler M5 interact encaisse l’énergie du twin italien sans broncher. Neutres et performants, ils laissent le pilote se concentrer sur les trajectoires et le plaisir de rouler sur l’aigle le plus caractériel de la famille.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE sur route

Partie-cycle

Efficace et sur, la Griso est facile de prise en main, rassurante mais autorise tout autant un pilotage plus engagé, avec le même panache. L’accord des suspensions est excellent et la machine ne se désunit pas même en virage appuyé, sur routes plus dégradées.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Freinage

Au  vu des prestations générales élevées, un supplément d’attaque, lors de la prise des leviers, aurait ravis les plus exigeants. Le frein arrière mériterait plus de progressivité, la pédale s’enfonçant vraiment trop bas sur le modèle d’essai.

Selle Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Confort/Duo

Les repose-pieds tout métal vibrent peu, comme du reste, l’ensemble de la moto une fois lancée. Une gageure pour cette architecture mécanique. Seules restent les « good vibes » à l’italienne.  Des sorties de 300 à 400 km sont envisageables, mais seul à bord. Plus exclusive que ses soeurs, la Griso n’a qu’un seul maître. Le caractère brut de la Guzzi s’accommode mal d’un passager. Sa somptueuse ligne également… Démunie de poignées, la belle ne se prêtera au duo qu’avec mauvaise grâce et suivant le bon vouloir de votre accompagnant.

Les aspects pratiques se résument à 4 plots d’arrimages sous la coque arrière. Une fois démontée, la selle ne révèle qu’un accès à la batterie et aux fusibles, sans le moindre espace de rangement.

Réservoir Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Consommation

Optimisé, tant en agrément mécanique qu’en consommation, le bicylindre Moto Guzzi consomme tout de même plus de 7 litres de sans plomb, en moyenne. Avec 17 litres dont 3.5 de réserve, l’autonomie est juste correcte. Suivant le type de trajet ou l’humeur du pilote, le passage en réserve s’effectue après 160 à 190 kilomètres. Logique pour 1200 cm3 de plaisir brut.

Moto Guzzi Griso 1200 8V SE

Conclusion

La Griso associe une ligne néoclassique à une mécanique moderne ébouriffante. Remplie et disponible à tout régime, la Guzzi peut se faire cruiser autant que roadster méchant. Elle peut évoquer certains avions du siècle dernier, tant dans ses lignes élancées que sa large motorisation aux échappements volumineux. La transalpine fait marcher à plein la carte de l’authenticité.

Proposée à 12.490 € dans cette version spéciale (11.990 € en standard), la Griso, bien que coûteuse, semble bien positionnée. La concurrence viendra des Ducati Monster 1100 EVO, tarifée à 11.690 € ou Yamaha MT01, demandant 16.990 €. La première est incontestablement plus sportive que sa cousine de Mandello et surtout bien plus légère, avec ses 168 kilos à sec ! La deuxième propose un style bien plus actuel et n’est pas non plus avare de sensations. Son look un peu particulier peut néanmoins rebuter l’amateur de « belles » mécaniques.

La Griso se révèle incontournable à l’essai pour tout motard cherchant une machine sensationnelle et élégante. Aussi forte en gueule qu’en caractère, elle s’adresse aux motards esthètes et las des motos plus aseptisées. Sa finition remarquable complète un bilan émotionnel très positif. Qu’il est parfois difficile de déGriser…!

Points forts

  • caractère et performances moteur
  • esthétique
  • finitions
  • freinage avant

Points faibles

  • a-coups d’injection
  • frein arrière peu dosable
  • duo occasionnel

 

 

La fiche technique Guzzi Griso 1200