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Hommage à Jean Murit

Jean MuritSi j’ai pu, dès mon enfance, attraper le virus de la moto, c’est évidemment grâce à mon père. Il était à la fois passionné mais aussi impliqué, à travers le BMW Club de France dont il a été secrétaire général pendant près de vingt ans. Dans les années 60, le BMW Club de France a été à l’origine de deux évènements majeurs du monde de la moto en France : la concentration des Chamois créée en 1965à Val d’Isère et la renaissance du Bol d’Or en 1969 en association avec le MC Châtillonais.

Si j’ai pu réaliser mon parcours professionnel dans la moto avec une marque que j’aime, Yamaha, c’est principalement grâce à un homme : Jean-Claude Olivier qui m’a fait confiance et avec lequel j’ai eu le privilège de partager plus de vingt ans de route professionnelle commune.

Mais entre les deux, si j’ai compris que le monde de la moto m’inspirait et m’intéressait professionnellement, c’est grâce à un homme : Jean Murit.

Mon père a partagé avec Jean Murit une longue amitié, mais aussi près de vingt ans de passion partagée, de complicité et d’animation du BMW Club de France, du début des années 60 jusqu’à la fin des années 70. Ainsi, toutes les semaines, ou presque, ils se voyaient à la concession le samedi pour échanger leurs idées et préparer les prochains évènements du Club. Or, rien ne me faisait plus plaisir que de pouvoir monter à l’arrière de la selle de la R 69 S et accompagner mon père lors de ces visites hebdomadaires.

J’ai ainsi pu découvrir, sentir, partager, vivre l’ambiance de cette formidable concession moto de la fin des années 60, qui participait au Boom de la moto et se développait, au rythme de la croissance du marché, du petit magasin de la rue Paul Barruel, à l’agrandissement de la rue Lacordaire jusqu’à l’immeuble de la rue Frémicourt !

Petit à petit, j’étais devenu familier des lieux. Je pouvais me promener à peu près partout dans la concession sans que cela surprenne qui que ce soit. J’adorais trainer dans les ateliers, où parfois une machine « de course » était en préparation (je me souviens encore du choc visuel d’une 500 Mach III en cours de finition pour le prochain Bol d’Or…). Le premier étage de la rue Lacordaire où officiait Lucien, réel orfèvre du side-car Précision et du réservoir aluminium, Miguel le chef d’atelier toujours prêt à répondre à mes questions mécaniques et Paulette, l’épouse de Jean, qui officiait au accessoires avec son sourire permanent et sa gentillesse permanente à mon égard.

A l’époque tout le comme savait que « La Moto, c’est Jean Murit ». Ce slogan répété toutes les semaines dans les pages de la presse spécialisée marquait les esprits... Mais il reflétait une certaine réalité. L’espace de vente était impressionnant, toutes les marques (ou presque) étaient représentées à commencer par BMW, Munch, Honda, Kawasaki, Suzuki, Laverda, Triumph… et même Yamaha. Se promener entre les allées d’exposition était un rêve : motos neuves et d’occasion étaient à l’image de l’offre du marché, on y trouvait même des Vélocette ou autres 750 SFC ! Du haut de mes dix ans j’en prenais plein les yeux et découvrait « en vrai » les machines qui me faisaient rêver dans les pages du numéro hors-série de Moto Revue « Toutes les motos du monde ».

J’écoutais aussi avec attention les conversations entre Jean Murit et mon père. J’apprenais à connaître par paroles interposées les importateurs de l’époque : Xavier Maugendre de la Sidem - Kawasaki, Couturier (Laverda, Norton), Bonnet (Suzuki), Marcel Seurat, Jean-Claude Olivier (Sonauto-Yamaha), Jean-Pierre Bailby (BMW).. tous ces noms me devenaient peu à peu familiers. A voir et à écouter ainsi Jean Murit dans son univers professionnel, j’admirai son engagement, son franc parler, son humanité, son intégrité.. Toutes ces qualités étaient évidentes, même à travers des yeux d’un enfant.

Quelques années plus tard, j’ai pu acquérir ma première moto, chez Jean Murit évidemment ! Puis ma deuxième et ma troisième.. toutes achetées chez Jean Murit. Il faisait toujours attention à mes choix, me conseillait et me faisait une belle remise avant que j’ose lui demander (je pense même que je n’aurais pas osé..). Lorsque j’ai voulu faire de la compétition, il ne m’a jamais découragé mais ne m’a jamais encouragé non plus. Mes motos du Challenge Honda 125cc, comme du Dakar avaient aussi été achetées chez lui. Tous ces souvenirs sont pour moi essentiels et me rappellent encore aujourd’hui l’importance du rôle du concessionnaire pour une marque.

Au cours de ma vie professionnelle, à chaque fois que j’étais confronté à un arbitrage avec le réseau, quand que je pouvais avoir un doute commercial, j’essayais de penser comme Jean Murit l’aurait fait et cela m’a souvent aidé. De nombreuses années plus tard j’ai eu la chance de pouvoir lui dire, je lui ai exprimé ma gratitude pour ce qu’il m’avait permis de découvrir et de comprendre sur notre monde professionnel de la moto et cela a eu l’air de le surprendre. Je pense qu’il n’imaginait pas à quel point j’étais curieux et attentif de tout ce qui se passait dans sa concession lorsque j’accompagnais mon père…

Aujourd’hui, Jean a tiré sa révérence et j’éprouve une sincère tristesse devant cette page qui se tourne. Je conserve précieusement avec moi la photo de lui en course, sur un side-car BMW avec Paulette dans le rôle du singe, qu'il m'avait dédicacée pour mes 8 ans et qui me disait "Pour Eric, motard d'avenir! Bien affectueusement. Jean Murit". Je pense à Paulette qui se retrouve bien seule et je garde surtout bien en moi l’héritage des valeurs de ce Grand Homme de la moto qui m’a tant apporté.

Commentaires

Le Modérateur

Vibrant hommage d'un grand homme de la moto à celui qui lui a ouvert la voie...

05-10-2013 11:47 
 

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