Le parfum d'Océane

Il ne faut désespérer de rien : j'ai roulé avec le Gang des 125. Mais avec une invitée surprise

Océane. Celle qui a emprunté ses yeux -et le reste- à Aphrodite.

Il ne faut désespérer de rien : j'ai roulé avec le Gang des 125. Mais avec une invitée surprise : Océane. Celle qui a emprunté ses yeux -et le reste- à Aphrodite.

Je suis souvent mauvaise langue. Je pensais que le club des 125 m'avait oublié. Mais non.

Car Éva m'a chopé à la pause mercredi dernier :

- On va aux Settons, dimanche. On part le matin et on rentre dans l'aprème. Tu veux venir avec nous ?

Évidemment que j'ai dit oui. Je suis un grand romantique des 125 et je dois lutter pour ne pas m'en racheter une rien que pour faire des sorties avec d'autres Centvingtcinquistes. J'essaierais bien une KDX, tiens...

Mais dès le lendemain : rebondissement. C'est Olivier qui m'accoste dans les vestiaires :

- Dis donc : si tu viens, dimanche, ça t'ennuierait de prendre Océane derrière toi ? Elle veut rouler avec nous.

Je pousse malgré moi un soupir. Olivier se méprend :

- Si ça t'embête d'avoir une passagère, tu me dis, hein ?

- Non, non, ça n'a rien à voir. On partira d'où et vers quelle heure ?

- Aux environs de dix heures sur le parking de Fontaine. Tu peux passer chercher Océ ? Sinon c'est moi qui le fais, ça ne me gêne pas.

- Comme tu veux. Mais ça serait logique qu'elle monte derrière moi. Elle a un casque, au moins ? Je veux dire : autre chose qu'un jet ?

- Je ne sais pas. C'est à Éva qu'elle a demandé si elle pouvait s'incruster.

- Bon ben... vois avec Éva, alors ?

- OK.

C'est ici qu'il faut parler d'Océane. Océane, la grande copine d'Éva. Océane, qui a emprunté ses yeux à Aphrodite. Ses yeux et le reste, aussi. C'est une grande liane à longs cheveux bruns dont le parfum sent le frais en été et le printemps en hiver. Dans les travées du magasin, je hume en souriant l'odeur de son sillage. Gentille comme tout, discrète, pas bêcheuse, avec un rire de flûte de champagne, j'aime son humour caustique, un brin décalé.

Si on avait été en classe ensemble, j'aurais été amoureux d'elle sans discontinuer du CE1 à la Terminale, sans pour autant ne jamais trouver le courage de lui adresser un mot.

Océane, quoi.

De ce que j'ai compris, son père doit être à peine plus jeune que moi.

Ce qui la range dans la catégorie des "touche pas à ça, vieux con".

À la place, je fais tonton éphémère. Nous rions parfois des tentatives maladroites ou lourdingues de la part des nouveaux venus qui franchissent la Frontière et passent du monde masculin des Expéditions à l'univers féminin des Commandes.

Dimanche matin, nous nous retrouvons sur le parking. Océane arrive derrière Olivier, comme convenu. Elle change de monture et de couvre-chef -son jet sans écran suffit à peine en ville ; heureusement, mon casque presque tout neuf est à sa taille.

Naturellement, je ferme la marche du convoi, avec Olivier en tête. C'est lui qui a choisi l'itinéraire, donc nous passons par de toutes petites routes -celles qui faisaient office de nationales avant que l'autoroute soit ouverte. Même à 80, on y roule vite. Mais à ce rythme, nous mettons presque deux heures pour boucler les 120 bornes depuis Dijon, avec toutefois une halte à Pouilly pour vérifier que tout le monde est content de rouler.

C'est la première "grande" virée de Morgane, ce qui me fait sourire. Océane est enchantée de mon top-case et demande à Éva d'en installer un sur sa Mash -Olivier et moi nous regardons en rigolant à l'idée de cette frêle 125 accouplée à une valbonde de 47 litres. Lisa louche sur la TDR, dépitée que sa chinoiserie peine autant à passer le 100 compteur au moindre faux-plat.

Les Settons ? Le plus simple est d'y aller toi-même, de préférence hors période touristique. Je recommande les micro-plages au bout du chemin de l'Outre-Cure, particulièrement adaptées à la méditation.

Morgane a profité de l'occasion pour grimper sur la selle de Cachalotte et... tenté de la relever de la latérale. Devant l'échec de son essai, les trois autres s'y sont efforcées aussi, dans une grosse rigolade. Pour une fois que je peux dire à des choupettes "redresse-la avec un grand coup de cul" sans m'attirer un regard noir...

Le retour à la maison s'est effectué sans plus de mésaventures.

C'est le week-end suivant que j'ai eu un moment de flottement étrange, façon "madeleine de Proust".

Je m'équipais pour sortir la moto et j'ai attrapé sur l'étagère mon nouveau casque, mieux ventilé que mon Shoei.

Quand je l'ai enfilé, j'ai plongé la tête... dans le délicieux parfum d'Océane.

Ô, ivresse clandestine et délectable.

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