Salivons sur ordre

(nouveautés 2019)

Je te plains, toi motardus simplex, qui va te cogner religieusement l'avalanche d'annonces à propos des nouveautés 2019. On exigera de toi trépignements d'excitation et couinements d'impatience.

Intermot, Milan, Paris. On va en chier, cette année. Trois salons en à peine un mois. Pendant ces semaines, les constructeurs vont s’employer à faire bander motardus simplex avec leurs nouveaux bidules. Il y aura sur des piédestaux des motos avec des recoins partout pour occuper tes dimanches de lendemain de pluie -prévoir six heures pour décrasser une MT-Z-X. Il y aura sur les podiums des motos qui tentent de te rendre nostalgique d'une période où tu n'étais pas né, avec des selles marron, des coloris aussi moches qu'à l'époque et une ergonomie d'avant le franc germinal. Et puis il y aura dans un coin celle que tu devrais acheter quoi qu'ils en disent : une CB 500 accompagnée de 20 heures de stage de conduite sur route et sur piste -le meilleur investissement que tu puisses faire, parole de vieux schnoque*.

Comme ils le savent et veulent absolument que tu l'oublies le temps de signer le chèque, ils vont multiplier les manœuvres de diversion en tirant une fois de plus sur les mêmes ficelles : photos "volées" ou toutes floues, petite info balancée à la bonne personne -bonne personne qui ne manquera pas d'en faire des tonnes côté conditionnel pour lustrer son image d'affranchi et publication au compte-gouttes "pour faire monter la tension". Ça me débecte d'autant plus que tous ces braves gens s'agitent dans un dessin très vain : fourguer de la meule, de préférence avec un gros crédit gluant à la clef.

Je vis ça comme les fêtes de fin d'année, cette période déprimante où se réjouir et faire la fête est une obligation. Dans les salons moto, le crime ultime, c'est l'indifférence. Le "ouais, bon, bof" mi-blasé mi-cynique qui lamine tous les efforts des commerciaux pour nous intéresser à leurs nouveautés. Car de quoi parle-t-on au juste ? D'une espèce de peep-show -mais sans le PQ à portée de main- imposé par les habitudes de la profession. C'est d'autant plus stupide que ces motos dernier cri rouilleront au fond d'une casse dans même pas 10 ans. C'est d'autant plus inutile que motardus simplex choisit sur des critères esthétiques ou sociaux -d'où le conformisme ambiant- et pas du tout en fonction de mérites techniques. C'est d'autant plus tragique que le catalogue actuel suffit à combler toute forme de pratique motarde.

Je t'ai déjà dit que les salons sont pour moi un mélange de consternation et d'émerveillement. Sauf que ces dernières années, c'est surtout la consternation qui prédomine. Peut-être que je vieillis. Peut-être que je suis de plus en plus allergie au faux-semblant, au toc, au plaqué plastique, à l'hystérie publicitaire et au maniérisme esthétique.

Je lève donc les yeux au ciel et secoue la tête de découragement quand j'entends parler des dernières sportives avec tous leurs chwô. Ah ! Les chwô ! C'est comme les mégahertz en informatique : ça ne signifie rien mais ça fait joli sur la fiche technique. Comme ça, il paraît que la CRX... CRH ? CR2X avec plein de pistons et plein de chwô va faire encore plus de chwô. Zboïng chwô, pour être précis. Rends-toi compte ! Zboïng chwô ! Rholalah ! Pfouille-ouille-ouille !

Alors… Voyons voir... CB 500 PC26 ou PC 32, avec pas trop de bornes, stock et si possible pas rouge.

Pourquoi chercher plus loin ?

P.S. : monsieur Honda, j'ajoute rien que pour toi, de manière discrète et subtile, que je suis facilement corruptible et très désireux que mes efforts en vue du rétablissement de l'hégémonie de la CB 500 type PC 26/32 ne restent pas sans récompense. D'ac ? Bisous.

* vieux schnoque qui, justement, n'a jamais eu le courage de faire un seul de ces pourtant très indispensables stages -en psychopathologie, ça porte un nom, mais je ne sais plus lequel.

Plus d'infos sur les Kroniks

• Toutes les Kroniks