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Benelli 750 Sei (1977)

La six ici si si !

Six pots… Tout est dit. Oui, une demi-douzaine de tubulures fièrement dressées vers le ciel. Rien que pour cette unique vision dans l’histoire de la production commerciale, la Benelli épate. Ses formes partagent les courbes des 70’s et l’esthétique « tout en angles » des années 80… Entre son réservoir débutant en rondeur pour finir rectangulaire, ses compteurs taillés au carré, les ailettes d’un bloc moteur taillées à la serpe, une selle posée comme une virgule et chacun de ses garde-boue à pans brisés, on finit même par se demander si les Italiens n’ont pas pensé un instant à équiper la Sei… de roues rectangulaires ! Avec un tel dessin, il est sûr que la Benelli reste (et restera), une moto originale, mais aussi le reflet d’une époque de transition et d’exploration esthétique…

De prime abord le design de la partie cycle surprend un peu. Il semble hésiter à la fois entre l'abandon des formes en courbes et l'adoption définitive des profils anguleux...

Mais il faut bien admettre que, même avec ses errances esthétiques, La Benelli a une sacré « gueule ». Rendez-vous compte, six pots pour une seule moto !

En selle

A peine plus large qu’un CB 750 Honda, le moteur est surprenant de compacité.

C’est plutôt l’arrière de la machine, restant malgré tout très compact, qui brigue le titre de « plus grande largeur »…

A peine plus large qu'un CB 750 Honda, le moteur est surprenant de compacité. C'est plutôt l'arrière de la machine, restant malgré tout très compact, qui brigue le titre de « plus grande largeur »...

Bonne surprise, on se sent bien à bord. Certes le moteur déborde de partout, mais raisonnablement, compte tenu des six cylindres en ligne. Le tableau de bord aguiche l’œil et la position guidon/repose-pieds parait très convenable…

On peut aimer les compteurs ou les trouver complètement kitchs, mais ils font partie du lot et remplissent leur tâche correctement. On notera les minuscules rappels de clignotants matérialisés par deux petites flèches vertes (totalement invisibles en roulant !).

On peut aimer les compteurs ou les trouver complètement kitchs, mais ils font partie du lot et remplissent leur tâche correctement. On notera les minuscules rappels de clignotants matérialisés par deux petites flèches vertes (totalement invisibles en rou

Démarrage

Moteur !... Enfin, bon… Tout d’abord, s’il est bon d’apprendre que le démarreur électrique de la Sei peut dépanner à chaud, il est également important de savoir… qu’il ne faut pas trop compter sur lui à froid. Faute de quoi, la roue libre du lanceur rendra l’âme dans un délai franchement indécent. Fort de cette recommandation, tout le charme d’un démarrage à l’ancienne (donc au kick !), permet, après avoir préalablement tiré la manette actionnant le volet d’air des trois Dell’Orto VHB 24, d’éveiller le monstre dans un grondement jusqu’alors totalement inconnu. Le moteur est vif et prompt à grimper immédiatement dans les tours dans un « vrooooaaaaap » assez démentiel qui vous échapperait presque si vous ne baissiez aussitôt la manette du « starter ».

A la fortune du pot

Ensuite, il convient d’actionner timidement la poignée de gaz, jusqu’à trouver le juste milieu pour maintenir le tigre à l’intérieur du moteur, dont l’expression n’a décidément rien de ce que l’on a pu connaître jusqu’alors. Finalement, il est peut-être plus italien qu’il n’en a l’air, le bougre. Même la CBX Honda n’offrira pas cette sensation. Après quelques minutes de chauffe, la belle tient bien son ralenti et distille un ronronnement stable et régulier. La moindre sollicitation de l’accélérateur montre le peu d’inertie du moteur et génère quasi instantanément une vive montée en régime. Bien qu’encore sur la béquille centrale, la promesse semble déjà très alléchante…

Robinets d'essence

Le moteur est desservi en carburant par deux robinets d’essence (à gravitation) et alimenté par trois carburateurs Dell’Orto VHB de 24 mm de diamètre. Chacun d’entre eux assure la répartition du mélange gazeux entre deux cylindres via une pipe d’admission dédoublée.

En ville

Une fois débéquillée il ne reste plus qu’à enclencher la première pour faire plus ample connaissance avec « la signorina Benelli ». La boîte est précise, aussi douce que celle d’une Japonaise. La moto parvient à se faufiler, certes elle n’a rien d’un petit rat de l’opéra, mais ce n’est pas non plus un gros Gaspard des villes. L’excroissance du moteur n’engendre pas un chauffage démesuré des tibias. Finalement, la belle Italienne s’en tire pas mal en paysage urbain…

Sur route

Durant les premiers kilomètres, on tente d’oublier les références auditives accumulées au fil des périples et des différentes machines pratiquées. Car la Benelli est en dehors de tout cela. La sonorité engendrée par les montées en régime nécessaires au passage de chaque rapport, évoque plus celle des moteurs des autos de course des années 60, mues par des « six en ligne », que celle d’une moto. Bien sûr, la 750 Sei n’a pas, loin s’en faut, des régimes de rotation moteur aussi élevés que ceux de la six cylindres Honda de course du légendaire Mike the Bike, mais elle flanque malgré tout la chair de poule à chaque accélération soutenue. Un véritable récital permettant d’oublier son manque d’agilité en virages et sa lourdeur relative…

La « Benelli six » se laisse conduire facilement. Particulièrement maniable et agile lors des évolutions à basse vitesse, elle affiche également une excellente tenue de cap à allure plus soutenue.

Sur autoroute

Encore une fois, grâce à la bande-son, rester à haut régime sur l’autoroute réjouit les tympans. A vitesse légale, la musique est encore belle et la moto ne louvoie pas. Idem à 200 compteur, la Benelli Sei sait se tenir, mais le pilote déguste en raison de l’absence d’un saute vent. Aucune vibration et pas la moindre crampe au bout de 300 kilomètres, preuve d’une excellente position de conduite…

La 750 se met sur l'angle et se laisse relever avec une facilité déconcertante. Il ne reste plus qu'à se concentrer sur la variété du parcours pour commencer à jouer du sélecteur en vue du concerto annoncé.

En duo

Les amortisseurs Marzocchi, en plus d’assurer une tenue de route très convenable, préservent les fesses délicates. De plus, le passager dispose d’un arceau de maintien. Rouler à deux sur la confortable et spacieuse selle de miss Benelli 6 demeure donc très agréable, d’autant que le sain comportement de la moto reste imperturbable…

Freinage

Le nec plus ultra en matière de freinage, au début des années 70. Brembo procure à la Benelli un freinage puissant et endurant pour l’époque. Si en version standard la Sei devait être équipée de disques de frein pleins, il s'avère que certaines motos quittaient malgré tout l'usine équipées de disques perforés (normalement réservés à la Guzzi Le Mans). De fait, les ouvriers montaient ce qu'ils recevaient au fil des livraisons provenant de chez Brembo !

Le freinage, à l’avant, est donc confié d’origine à ce qui se faisait de mieux pour l’époque : double disque en fonte et pinces Brembo… Que demander de mieux ? Le tambour arrière de 200 mm s’acquitte bien de sa fonction. A noter que les disques ne sont pas traités, un peu de rouille apparaît après stationnement sous la pluie. Elle s’efface naturellement dès la première pression sur le levier.

Le nec plus ultra en matière de freinageBrembo !

Epure à l’état pur, ce maître cylindre de frein symbolise à lui tout seul la capacité des designers italiens du moment à (croire) pouvoir relooker toute chose dans l’univers industriel. Et c’est bien là toute la force de leur créativité, souvent géniale et sans cesse renouvelée. Et de plus… il freine ! On lui regrette toutefois l’absence d’un niveau de liquide apparent.

Maitre cylindre de freins

Consommation

On la pensait ogresse, faisant bombance sans retenue… Eh bien pas du tout. Huit litres de sans-plomb pour 100 kilomètres à allure très soutenue ! Le placide parviendra même à descendre sous la barre des 7l/100…

L’entretien

On a souvent comparé les mécaniques pointues italiennes à un vulgaire tas de ferraille, cataloguées peu fiables et incapables d’aligner les kilomètres sans soucis. Il n’en est rien de la Benelli 750. Côté partie cycle, aucun problème, si un entretien régulier est effectué (resserrage de la visserie, graissage et remplacement des pièces d’usure). Côté mécanique, on notera une faiblesse de la roue libre de démarreur (fonctionnement aléatoire à chaud). Son moteur se montrera sûr s’il est exploité dans des conditions correctes et si les temps de chauffe sont respectés, comme toute mécanique d’ailleurs. La 750 Sei bénéficie d’une bonne fiabilité dans le contexte d’une utilisation touristique normale. De plus le coût d’entretien est relativement réduit.

Production

Quel choc quand Benelli présenta la 750 Sei ! C’était en octobre 1972, en Italie au Salon de Bologne. La première moto de série avec un moteur six cylindres ! Commercialisée en France en 1974, elle connaitra non pas un succès (même précaire), mais un véritable bouillon. Fabriquée à 3200 exemplaires, environ une centaine de motos trouveront acquéreur dans l’hexagone. Mais quelle idée d’avoir confié la distribution à Motobécane qui empêchera une diffusion normale ? On ne pouvait présenter une grosse cylindrée avant-gardiste aux côtés de vélos, mobylettes, bleues et autres petites motos poussives. Dès 1978, le glas a sonné pour la 750 Sei ; les ventes déjà modestes sont en chute libre. Les trop rares amateurs (mais opiniâtres, il le fallait !...), du six cylindres à la sauce bolognaise, se tournèrent vers la 900 Sei qui étirera sa carrière aussi discrète que complexe, jusqu’en 1987.

Chronologie

Première version - 1974 et 1975

Coloris : vert ou marron.
La Sei est équipée d’un allumage à rupteurs, d’un contacteur à clef placé sous l’avant du réservoir (comme chez Honda), d’une boite de vitesses dont l’engrenage des pignons est assuré par 3 crabots, d’une fourche Ceriani équipée de tubes de 38 mm, de deux étriers de frein Brembo P-08 et de deux disques en fonte de 280 mm.

Benelli 750 Sei troisième génération

Deuxième version - 1976, 1977 et 1978

Coloris : rouge ou gris métallisé.
Elle verra son cadre modifié et équipé de renforts autour de la colonne de direction et des points d’ancrage des amortisseurs arrière ; la boite (d’ailleurs souvent remplacée sur les motos précédentes), verra ses pignons passer à 5 crabots (arbre primaire) et 6 crabots (arbre secondaire) et dans un souci de rationalisation de la production du groupe Benelli-Moto Guzzi, la fourche devient identique à celle des Guzzi (tubes de 35 mm) de même que les disques (toujours en fonte), dont le diamètre passe à 300 mm. Pour sa part, le contacteur à clef trouve une place plus rationnelle entre les deux compteurs.

Benelli 750 Sei 2e génération

C’est sous l’égide de l’écurie Antar-Motobécane qu’un budget fut alloué par Renault au préparateur Moch pour préparer et aligner deux « super Benelli Sei » au Bol d’Or 1977. Quel dommage que la tentative ne fut pas reconduite !

deux « super Benelli Sei » au Bol d'Or 1977

Troisième version - 1978 à 1980… et plus, car certaines motos vendues tardivement se verront immatriculées jusqu’en 81 voire en 82) (avec photo G):

Coloris : uniquement en rouge
La 750 Sei préfigure déjà par certains détails de ce que sera la 900 Sei avec laquelle elle sera, pour un temps, vendue concomitamment. Sa boite sera identique à celle de la 900 (verrouillage arbres primaires et secondaires à 5 crabots) et son allumage électronique Bosch, lui vaudra l’adjonction du qualificatif « elettronica » sur les caches latéraux.

Benelli 750 Sei 3eme génération

Côté cote

Introuvable ! Il faut beaucoup d’opiniâtreté pour acquérir une Benelli 750 Sei. En effet, les trop rares possesseurs de ce type de moto savent ce qu’ils détiennent. Sachez qu’un modèle en bon état non restauré est estimé autour de 10000 € et 15/16000 € pour une machine restaurée en parfait état.

6 cylindres Benelli 750 Sei

En cas d’achat

Introuvable ou presque en France, vous aurez peut-être plus de chance à l’étranger (Italie, Belgique, Allemagne…). Les pièces deviennent rares. Privilégier un modèle strictement d’origine. Si la moto a été bien entretenue et jamais maltraitée, la Benelli Sei s’avérera d’une grande fiabilité. Gare à la roue libre du démarreur, privilégier le kick, très facile à actionner.

Conclusion

Cette moto ne ressemble à rien d’autre… qu’à elle-même. Pas plus puissante, ni plus rapide que ses concurrentes dans la catégorie 750, elle dispose toutefois d’un caractère absolument unique. Bien chaussée et équipée d’amortisseurs en bon état, la moto tient bien la route et est particulièrement agréable à mener sur les sinueuses routes secondaires. Côté confort, étonnamment, la selle s’avère plutôt accueillante, y compris en duo. La seule réserve sera pour la béquille latérale et son ergot trop proéminent, dont ont aura très vite raison en cas d’attaque génératrice d’étincelles. Très à l’avant du cadre, elle a également l’inconvénient fâcheux d’être invisible lorsqu‘elle est dépliée, cachée par le bloc moteur… La Benelli reste toutefois unique. C’est une très jolie pièce mécanique et sa musicalité vraiment incomparable procure un réel plaisir.

Points forts

  • Freinage exceptionnel
  • Très bonne tenue de route
  • Bonne fiabilité en utilisation normale
  • Consommation et coût d’entretien réduits
  • Mélodie des six cylindres

Points faibles

  • Esthétique avant-gardiste (pour l’époque)
  • Tarif élevé
  • Certaines pièces difficiles à trouver
  • Rareté en France
  • Faiblesse de la roue libre du démarreur

La fiche technique de la Benelli 750 Sei

Bonus

Pour moins de 150 euros (cent fois moins cher qu’une vraie !), on peut s’offrir cette très belle reproduction en métal de la Benelli Sei à l’échelle 1/12. Fabriquée par « Minichamps »

reproduction en métal de la Benelli Sei à l'échelle 1/12. Fabriquée par « Minichamps »

Star et Diva. Marc Bolan, précurseur du glam rock, avait trouvé moto à son tempo !

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La Benelli a même eu l’honneur de participer à la grande aventure des deux roues de Télé Poche.

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Benelli et la publicité

Le temps de compter jusqu'à 6 cylindresErreur de positionnement dès le départ avec une pub (Motobécane !) qui cible une clientèle en recherche de performances sportives. D’où son utilisation souvent sans grand respect d’une mécanique faite pour le tourisme.

Une simple vue arrière des six pots suffisait à faire la une de nos confrères de Moto Journal.

Quand la Benelli 750 Sei fait la

Brochure italienne sur la Benelli 750 SeiCette brochure italienne décrit la Benelli 6 cylindres dans sa robe marron, indicatrice de la première version importée en France.